28 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n°
21-16.910
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1027 F-D
Pourvoi n° Q 21-16.910
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
La société Fiducial Private Security, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-16.910 contre l’arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l’opposant à M. [W] [J], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Fiducial Private Security, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [J], après débats en l’audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2021), M. [J] a été engagé le 2 février 2000, en qualité d’agent de sécurité incendie, par la société Penauille Security. Son contrat de travail a été repris par la société Neo Security le 1er novembre 2010. Par avenant du 23 janvier 2013, le salarié a été promu contrôleur, agent de maîtrise de niveau 2, échelon 3, coefficient 215. Il bénéficiait d’une protection au titre de son mandat de délégué du personnel et d’élu au comité d’entreprise.
2. Après le prononcé, le 12 juin 2012, de la liquidation judiciaire de la société Neo Security, et l’adoption, le 30 juillet 2012, d’un accord d’entreprise relatif aux critères d’ordre des licenciements, le tribunal de commerce a, le 3 août 2012, arrêté le plan de cession de cette société au bénéfice de la société Fiducial Private Security (la société) et autorisé les licenciements. Le 11 octobre 2012, M. [F], administrateur judiciaire de la société Neo Security, a sollicité auprès de la Direccte l’autorisation de licencier le salarié qui a été refusée par une décision du 12 décembre 2012, entraînant le transfert du contrat de travail du salarié au repreneur. Le 24 avril 2013, la société a exercé un recours hiérarchique contre la décision de refus de licenciement et, par décision du 10 octobre 2013, le ministère du travail a autorisé le licenciement du salarié. Par jugement du 17 mars 2016, le tribunal administratif a annulé la décision du ministre du travail rendue le 10 octobre 2013. Entre le 27 mai et le 6 septembre 2016, différents postes ont été proposés au salarié, le sien ayant été supprimé à la suite des décisions du tribunal de commerce. Le salarié les a successivement refusés en demandant un poste en région parisienne, son lieu de résidence. Par lettre du 23 septembre 2016, la société a convoqué le salarié à un entretien préalable fixé au 10 octobre 2016. Par courrier du 17 octobre 2016, la société a notifié au salarié son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
3. Contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a, le 9 juin 2017, saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l’arrêt d’infirmer le jugement entrepris, de dire que le licenciement notifié le 17 octobre 2016 était nul, d’ordonner la réintégration du salarié dans son emploi, de la condamner à verser à celui-ci les sommes de 85 838,52 euros au titre de l’indemnité d’éviction pour la période du 6 janvier 2014 au 11 avril 2016, 4 950,20 euros au titre de l’indemnité d’éviction pour la période du 1er septembre 2016 au 16 octobre 2016 inclus, 56 874,60 euros à parfaire jusqu’au jour de la réintégration effective au titre de l’indemnité d’éviction pour la période du 1er septembre 2016 au 16 octobre 2016 inclus, alors « que les juges sont tenus de respecter et de faire respecter le contradictoire ; qu’en l’espèce, pour établir qu’elle ne pouvait procéder à la réintégration du salarié sur aucun autre poste que l’un de ceux qu’elle avait proposés au salarié et que ce dernier avait refusé, la société produisait aux débats le registre du personnel de l’ensemble des établissements de la société, y compris de ceux de la région parisienne et des régions limitrophes ; qu’en reprochant à l’employeur l’absence de communication des registres d’entrée et de sortie du personnel des établissements situés en région parisienne et dans les régions limitrophes, sans inviter les parties à s’expliquer sur l’absence au dossier de la pièce d’appel n° 29, dont la production n’avait pas été contestée, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 16 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
6. Pour dire que le licenciement notifié le 17 octobre 2016 est nul, ordonner la réintégration du salarié dans son emploi et condamner la société à verser à celui-ci les sommes de 85 838,52 euros au titre de l’indemnité d’éviction pour la période du 6 janvier 2014 au 11 avril 2016, 4 950,20 euros au titre de l’indemnité d’éviction pour la période du 1er septembre 2016 au 16 octobre 2016 inclus, 56 874,60 euros à parfaire jusqu’au jour de la réintégration effective au titre de l’indemnité d’éviction pour la période du 1er septembre 2016 au 16 octobre 2016 inclus, l’arrêt retient qu’en l’absence de communication des registres d’entrée et de sortie des personnels des établissements situés en région parisienne et dans les régions limitrophes, l’impossibilité absolue devant laquelle la société prétend avoir été de réintégrer le salarié dans ces périmètres n’est pas démontrée.
7. En statuant ainsi, sans avoir invité les parties à s’expliquer sur l’absence au dossier de ces pièces, qui figuraient sur le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions de la société et dont la communication n’avait pas été contestée, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [J] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.