Indemnité d’éviction : 29 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/04329

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Indemnité d’éviction : 29 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/04329

29 septembre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
22/04329

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 29 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/635

Rôle N° RG 22/04329 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJDHI

S.A.S.U. LES FLORIALES

C/

S.A.S.U. COSIMO

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Gilles ALLIGIER

Me Serge AYACHE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de Nice en date du 24 février 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/01076.

APPELANTE

S.A.S.U. LES FLORIALES

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé c/o Arenas Partners – [Adresse 2]

représentée par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Estelle CIUSSI de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A.S. COSIMO

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 1]

représentée par Me Serge AYACHE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 30 août 2022 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte notarié en date du 11 décembre 2013, la société par actions simplifiée (SAS) Cosimo a acquis de M. [N] [G] un appartement de type T2, situé au rez-de-chaussée du bâtiment K dans un ensemble immobilier dénommé la résidence [Adresse 5] se trouvant au lieudit [Localité 4] à [Localité 7] (Haute-Savoie).

Le bien faisait alors l’objet d’un bail commercial consenti par M. [G] à la société La Pinède, suivant acte sous seing privé en date du 26 octobre 2005, pour une durée de 9 ans, renouvelable par tacite reconduction, moyennant un loyer initial annuel de 4 088 euros hors charges et taxes.

Soutenant que ce bail s’est poursuivi avec la société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Les Floriales à compter du 1er novembre 2008, la société Cosimo lui a adressé, par acte en date du 20 juin 2020, une sommation de payer la somme de 29 680 euros correspondant à un arriéré locatif allant des mois de décembre 2013 à avril 2020, échéance du mois d’avril 2020 incluse.

Cette sommation de payer étant demeurée infructueuse, la société Cosimo a assigné la société Les Floriales devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, par acte d’huissier en date du 18 décembre 2020, aux fins d’obtenir sa condamnation à lui verser la somme provisionnelle de 28 230,18 euros à valoir sur l’arriéré locatif arrêté au 30 septembre 2020.

Par ordonnance en date du 8 juin 2021, ce magistrat s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Nice.

Par ordonnance contradictoire en date du 24 février 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice, estimant que la qualité de preneur de la société Les Floriales résultait des pièces produites par la société Cosimo et relevant l’absence de contestations sérieuses portant sur le montant de l’arriéré locatif réclamé après réactualisation, a :

– condamné la société Les Floriales à verser à la société Cosimo la somme provisionnelle de 19 231,31 euros au titre des loyers impayés arrêtés au 30 septembre 2020 ;

– dit que cette somme portera intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage ;

– débouté la société Cosimo de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– condamné la société Les Floriales à payer à la société Cosimo la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Selon déclaration reçue au greffe le 23 mars 2022, la société Les Floriales a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises, sauf en ce qu’elle a débouté la société Cosimo de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par dernières conclusions transmises le 2 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Les Floriales sollicite de la cour qu’elle :

– dise son appel recevable et bien fondé ;

– déclare irrecevable et infondée la société Cosimo en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive en l’absence d’effet dévolutif de l’appel de l’ordonnance entreprise et, à tout le moins, la rejette ;

– confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté la société Cosimo de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– la réforme en ce qu’elle a :

* l’a condamnée à payer à la société Cosimo la somme provisionnelle de 19 231,31 euros au titre des loyers impayés arrêtés au 30 septembre 2020 ;

* dit que cette somme portera intérêts au taux d’intérêts appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage;

* l’a condamnée à payer à la société Cosimo la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

En conséquence, à titre principal,

– prononce l’irrecevabilité de l’ensemble des demandes formulées par la société Cosimo à son encontre pour défaut de qualité et intérêt à agir à son encontre ;

– prononce l’irrecevabilité de l’ensemble des demandes formulées par la société Cosimo à son encontre pour prescription des loyers et charges antérieurs au 17 décembre 2015 ;

– prononce l’irrecevabilité de l’ensemble des demandes formulées par la société Cosimo à son encontre comme n’étant plus exploitante de la résidence [Localité 6] depuis le 9 décembre 2019 ;

à titre subsidiaire,

– déboute la société Cosimo de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions lesquelles se heurtent à des contestations sérieuses insusceptibles de permettre au magistrat des référés de retenir sa compétence ;

très subsidiairement,

– retire du décompte la somme de 9 549,73 euros au titre des loyers et accessoires antérieurs au 17 décembre 2015 lesquels sont prescrits par application de l’article 2224 du code civil ;

– déboute la société Cosimo de sa demande de paiement provisionnel de l’arriéré des loyers et accessoires à compter du 16 mars 2020 en l’état des conséquences de la crise sanitaire liée au covid 19 ;

en tout état de cause,

– déboute la société Cosimo de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

– la condamne à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens au titre de la première instance ;

– condamne la société Cosimo à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de la procédure d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel distraits au profit de Me Gilles ALLIGIER.

Par dernières conclusions transmises le 15 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Cosimo sollicite de la cour qu’elle :

– confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle a rejeté la demande au titre de la résistance abusive ;

– déboute en conséquence la société Les Floriales de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– la condamne à lui payer, à titre de provision sur l’indemnisation au titre de la résistance abusive, la somme de 4 500 euros, sans préjudice de l’indemnisation de l’entier préjudice matériel et immatériel ;

– la condamne à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en raison des frais irrépétibles engagés en appel, ainsi que les entiers dépens de l’instance d’appel.

L’instruction de l’affaire a été close au jour de l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les fins de non-recevoir soulevées par la société Les Floriales

Il résulte de l’article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, de défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.

Sur le défaut de qualité et d’intérêt à agir à l’encontre de la société Les Floriales

La société Les Floriales soutient ne pas venir aux droits de la société Pinède, qui a conclu le bail commercial initial avec M. [G] le 26 octobre 2005 portant sur le lot n° 42, en l’absence d’acte de cession de fonds de commerce, de contrat de bail et de documents démontrant son occupation des lieux.

Elle discute les éléments produits par la société Cosimo, retenus par le premier juge, faisant observer que les échanges de mails des 17 et 24 mai 2018, qui sont intervenus entre la société BNP Paribas et une dénommée [Y] [B] pour le compte d’une société Neho France, font ressortir des interrogations concernant l’existence d’un bail sur le lot n° 42, que l’attestation d’assurance multirisque pour la copropriété au titre de l’année 2017 ne se réfère aucunement au lot n° 42, ni même à une location qui aurait été faite à son profit, que son courrier de demande de renouvellement du 24 mai 2018 fait suite à une information inexacte donnée par la société Cosimo en ce qu’elle s’était présentée, de manière erronée, comme le nouveau propriétaire d’un lot qu’elle loue, que le mail du 4 février 2020 émanant de M. [O] du groupe Siga ne se réfère pas au lot n° 42 appartenant à la société Cosimo et qu’il ne peut être tiré aucune conséquence de son absence de réponse à la sommation de payer du 10 juin 2020.

Elle explique que, si elle a exploité des lots au sein de la résidence, il s’agissait de lots appartenant à d’autres propriétaires que la société Cosimo, lesquels ont tous été résiliés amiablement et par anticipation à effet au 9 décembre 2019. Elle précise en effet que, devant la volonté de certains copropriétaires de la résidence de tourisme d’en confier l’exploitation à la société Garden City, elle a accepté de consentir à une rupture amiable portant sur l’ensemble des baux commerciaux à effet au 9 décembre 2019 sans indemnité d’éviction et sous certaines conditions.

La société Cosimo affirme que l’occupation par la société Les Floriales du lot n° 42 résulte des échanges de courriels des 17 et 24 mai 2018 aux termes desquels une salariée du groupe Neho France, dont faisait partie la société Les Floriales jusqu’au mois de janvier 2019, a reconnu occuper les lieux avant de demander, à un salarié du groupe BNP Paribas Immobilier dont elle fait partie, de lui adresser les factures au titre des loyers échus à une adresse précise afin de régulariser sa situation, tout en y joignant une attestation d’assurance pour l’année 2017 couvrant sa responsabilité au titre des risques locatifs. Elle se prévaut en outre d’un mail de la société Garden City en date du 4 février 2020 qui indique avoir repris l’exploitation de la résidence à compter du 9 décembre 2019 aux lieu et place de la société Les Floriales. Elle relève enfin que la société Les Floriales a sollicité le renouvellement du bail commercial par courrier en date du 24 mai 2018 portant sur le lot n° 42 du bâtiment K de la résidence aux termes duquel elle reconnaît occuper les lieux depuis le 1er novembre 2008.

Par ailleurs, elle déclare que la preuve n’est pas rapportée d’une résiliation anticipée du bail commercial portant sur le lot n° 42 et qu’elle n’est pas concernée par le protocole d’accord dont se prévaut la société Les Floriales.

Il résulte de l’article 31 du code de procédure civile que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l’espèce, la société Cosimo justifie que, lorsqu’elle a acquis le lot litigieux n° 42 de M. [G], par acte notarié en date du 11 décembre 2013, ce bien faisait l’objet d’un bail commercial consenti par son vendeur à la société La Pinède, suivant acte sous seing privé en date du 26 octobre 2005, l’activité du preneur étant définie comme une activité à caractère de résidence para-hôtelière, consistant en la sous-location meublée des locaux situés dans ledit immeuble, pour des périodes déterminées, avec la fourniture en sus de l’hébergemet, d’au moins trois (…) prestations (petit-déjeuner, nettoyage des locaux, fourniture de linge de maison et réception de la clientèle).

Il n’est pas contesté que la société Cosimo fait partie du groupe BNP Paribas tandis qu’il résulte de l’extrait Kbis de la société Les Floriales, à jour au 31 juillet 2018, qu’elle était présidée, à ce moment-là, par la SAS Neho France et qu’elle a pour activité la création l’acquisition l’exploitation la gestion directe ou indirecte de résidences de tourisme et/ou de résidences hôtelières et/ou d’hôtels terrains de camping ainsi que toutes activités annexes ou connexes avec ou sans services et autres biens dont elle a la jouissance (…).

Afin d’apporter la preuve de la poursuite du bail commercial consenti à la société La Pinède par la société Les Floriales à compter du 1er novembre 2008, la société Cosimo verse aux débats des échanges de mail intervenus, dans le courant du mois de mai 2018, soit à un moment où la société Les Floriales était présidée par la société Neho France, entre Mme [T] [C] du groupe BNP Paribas, en tant que gestionnaire immobilière, et Mme [Y] [B] du groupe Neho, affectée au service des propriétaires.

A la demande de Mme [C] de savoir si la société Les Floriales était bien en charge de la gestion du lot n° 42, Mme [B], tout en lui confirmant être effectivement locataire gestionnaire de la résidence [Adresse 5] à [Localité 7], lui réclamait des éléments concernant le lot n° 42 afin d’éclaircir la situation, et notamment le bail, l’avenant ou l’acte de vente portant sur ce bien.

Après que Mme [C] a confirmé l’envoi des documents demandés en lui demandant de préciser les coordonnées de l’entité à facturer depuis l’acquisition et de communiquer l’attestation d’assurance en cours de validité, Mme [B] lui a communiqué l’adresse de la société Les Floriales à laquelle les factures devaient être envoyées, l’a invité à préciser l’entité Neho France dans le cas d’un envoi postal et lui a indiqué joindre à son courriel l’attestation d’assurance de 2017, tout en précisant qu’elle enverra celle de 2018.

C’est ainsi que la société Cosimo verse l’attestation d’assurance que lui a adressée Mme [B] aux termes de laquelle la société Les Floriales a souscrit un contrat multirisque auprès de la société Axa France couvrant la résidence la société Les Floriales [Localité 7], [Adresse 3] au lieudit [Localité 6] à [Localité 7], tant pour le compte de la société Neho France que pour celui de la copropriété pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017.

Bien que cette attestation ne précise pas que l’assurance souscrite porte sur le lot litigieux n° 42, il résulte de ce qui précède qu’elle a été adressée par le groupe Neho France à la suite d’échanges de mails avec le groupe BNP Paribas portant justement sur ce lot.

De plus, la société Cosimo justifie, qu’à la suite de ces échanges, Mme [B] de la société Les Floriales du groupe Neho France lui a adressé un courrier recommandé en date du 24 mai 2018 lui demandant le renouvellement du bail qui leur a été consenti le 1er novembre 2008 portant sur le lot n° 42 (21B/K2) de la résidence ‘ [Adresse 5]’ sise lieu-dit [Localité 6], [Localité 7] pour une durée de 9 ans avec prise d’effet le 01/11/2008 pour se terminer le 31/10/2017 ‘.

En l’état de ces éléments, la société Cosimo apporte la preuve de la réalité d’un contrat de bail commercial poursuivi par la société Les Floriales à compter du 1er novembre 2008 portant sur le lot litigieux n° 42.

Il reste que la société Les Floriales affirme avoir résilié l’ensemble des baux commerciaux portant sur les biens dont elle avait la gestion au sein de la résidence dans laquelle se situe le lot litigieux aux termes d’un protocole d’accord à effet au 9 décembre 2019.

Il résulte de cet acte que la société Les Floriales, qui a donné en location gérance à sa filiale, la société [Localité 7] [Localité 6], l’intégralité des titres et le fonds de commerce de gestion de la résidence [Adresse 5] située à [Localité 7] par acte sous seing privé en date du 10 octobre 2017, consent à la résiliation amiable anticipée de l’ensemble des baux commerciaux et, dès lors, à la résiliation du contrat de location gérance souscrit avec les bailleurs à la date du 8 décembre 2019 afin de leur permettre de confier la gestion de l’exploitation de la résidence au nouveau gestionnaire choisi par eux, la société Garden City.

Outre le fait que ce protocole d’accord n’a été signé qu’entre la société Les Floriales, la société [Localité 7] [Localité 6] et la société Garden City [Localité 7], soit par les gestionnaires de la résidence, ces dernières précisent expressément que dans cette résidence, il y a des bailleurs non signataire de l’accord du protocole de résiliation amiable plus haut évoqué auxquels GARDEN CITY pourra éventuellement proposer un nouveau bail, sans pour autant apporter la moindre précision sur les bailleurs et/ou lots et/ou baux commerciaux concernés par l’acte.

Dans ces conditions, la preuve n’est pas rapportée par la société Les Floriales d’une résiliation anticipée manifeste du bail commercial consenti par la société Cosimo portant sur le lot litigieux n° 42 à la date du 8 décembre 2019, lequel s’est renouvelé à compter du 1er novembre 2018.

Il y a donc lieu d’ajouter à l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté implicitement la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir à son endroit soulevé par la société Les Floriales.

Sur la prescription quinquennale des loyers et taxes antérieurs au 17 décembre 2015

La société Les Floriales se prévaut des dispositions de l’article 2224 du code civil pour soutenir que les loyers et accessoires antérieurs au 18 décembre 2015 sont prescrits, l’assignation datant du 18 décembre 2020.

La société Cosimo déclare avoir réduit sa créance à la somme de 19 231,31 euros pour tenir compte de la prescription quinquennale soulevée.

Il résulte de l’article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, si la société Cosimo a assigné, par acte d’huissier en date du 18 décembre 2020, la société Les Floriales aux fins de la voir condamner à lui verser la somme provisionnelle de 28 230,18 euros au titre d’un arriéré locatif arrêté au 30 septembre 2020 correspondant à des loyers et taxes d’ordures ménagères allant du mois de décembre 2013 au mois d’octobre 2020, elle sollicite la confirmation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné la société Les Floriales à lui verser la somme provisionnelle de 19 231,31 euros.

Or, si cette somme correspond à des loyers et taxes d’ordures ménagères allant du mois de décembre 2015 au mois d’octobre 2020, elle inclut également la taxe d’ordures ménagères de 2014 (84,70 euros), celle de 2015 (85,80 euros) alors même que la taxe allant du 1er janvier au 17 décembre 2015 est prescrite, la régularisation des loyers de 2013 (6,94 euros), celle de 2014 (122,93 euros), celle de 2015 (122,89 euros) alors même que les loyers allant du 1er janvier au 17 décembre 2015 sont prescrits, ainsi que le loyer du mois de décembre 2015 (380,36 euros) alors même que le bail énonce que le loyer est payable par trimestre civil échu, ce qui n’était pas le cas à la date du 17 décembre 2015, soit la somme totale de 803,62 euros.

Dans ces conditions, la prescription porte, de toute évidence, non pas sur la somme retenue par le premier juge d’un montant de 8 998,87 euros mais sur celle de 9 802,49 euros (8 998,87 euros + 803,62 euros).

Il y a donc lieu d’ajouter à l’ordonnance entreprise en faisant droit à la prescription soulevée par la société Les Floriales concernant les loyers et taxes réclamés portant sur une période antérieure au 17 décembre 2015.

Sur la demande de provision sollicitée par la société Cosimo

La société Les Floriales se prévaut de plusieurs contestations sérieuses, à savoir :

– l’absence de preuve de ce qu’elle vient aux droits de la société Pinède ;

– l’absence de facture portant sur les loyers et de tout justificatif concernant les charges, et en particulier les avis de taxes foncières ;

– la prescription des loyers et accessoires antérieurs au 17 décembre 2015 d’un montant de 9 549,73 euros ;

– son éviction de la gestion de la résidence de tourisme à effet au 9 décembre 2019 et, dès lors, le manquement de la société Cosimo à son obligation de délivrance ;

– les conséquences de la crise sanitaire depuis le 16 mars 2020 justifiant la suspension du règlement du loyer en raison de :

* l’article 7 du bail consenti à la société la Pinède prévoyant une suspension en cas de force majeure interrompant l’activité touristique ou ne permettant pas une occupation effective et normale des lieux ;

* l’existence d’un cas de force majeure en application de l’article 1218 du code civil au regard des dispositions réglementaires qui ont imposé la fermeture des établissements recevant du public du 14 mars au 2 juin 2020 interdisant toute exploitation et rendant ainsi impossible l’exécution de l’obligation et fait interdiction, suivant décret du 29 octobre 2020, aux résidences de tourisme d’accueillir du public durant la période de 2ème confinement ;

* l’existence d’une exception d’inexécution en application des articles 1219, 1220 et 1719 du code civil qui doit être étudiée à la lumière de l’obligation pour les parties de négocier de bonne foi dans le cas de circonstances exceptionnelles et imprévisibles ;

* la perte de la chose louée en application de l’article 1722 du code civil compte tenu d’une impossibilité de jouir de la chose louée conformément à sa destination du fait des mesures réglementaires qui ont été prises dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la Covid-19 ;

– les dispositions de l’article L 441-10 du code commerce prévoyant la majoration des intérêts de retard ne s’appliquent qu’aux activités soumises au code de commerce à l’exclusion des baux commerciaux, outre le fait que le contrat de bail et les factures n’en font pas état et que la société Cosimo a reconnu que le bail signé entre M. [G] et la société La Pinède n’avait pas été conclu entre commerçants.

La société Cosimo relève l’absence de contestations sérieuses au motif que :

– la preuve est rapportée d’une occupation par la société Les Floriales du lot n° 42 ;

– même après avoir réduit sa créance pour tenir compte de la prescription quiquennale soulevée, la société Les Floriales reste redevable de la somme à laquelle elle a été condamnée par le premier juge ;

– la preuve n’est pas rapportée d’une résiliation anticipée du bail commercial portant sur le lot n° 42, faisant observer qu’il résulte du protocole d’accord produit par l’appelante que certains bailleurs ne l’ont pas signé ;

– les conséquences liées à la crise sanitaires dont se prévaut l’appelante ne peuvent être accueillies pour les raisons suivantes :

* l’article 7 du bail vise le cas de la non sous-location du bien et ne s’applique qu’en raison de la survenance de circonstances exceptionnellement graves affectant le bien, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

* la crise sanitaire ne peut être assimilée à un cas de force majeure ;

* l’exception d’inexécution ne s’applique pas dès lors qu’elle a respecté ses obligations en continuant à mettre les lieux loués à la disposition de la société Les Floriales ;

* la perte partielle de la chose louée n’est pas applicable faute pour la société Les Floriales d’apporter la preuve d’une fermeture administrative du lot n° 42 et/ou de ses établissements ;

– l’article L 441-10 du code de commerce ne limite pas son application à une certaine catégorie d’activité, que les deux parties sont des sociétés commerciales et que le taux d’intérêt issu de cet article est applicable de plein droit sans rappel et sans avoir à être indiqué dans les conditions générales du contrat.

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas ou l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Enfin c’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.

En l’espèce, à l’examen des décomptes versés aux débats, il apparaît que la société Cosimo n’a jamais perçu le moindre loyer depuis qu’elle a acquis, le 11 décembre 2013, le lot n° 42 litigieux de M. [G].

La société Les Floriales, qui s’oppose au paiement de la somme sollicitée par la société Cosimo au titre d’un arriéré locatif, soulève plusieurs contestations qu’il convient d’analyser tour à tour.

Sur l’absence de bail commercial liant les parties

Comme cela a été examiné précédemment, la société Cosimo justifie de son droit d’agir à l’encontre de la société Les Floriales en rapportant la preuve d’un bail commercial portant sur le lot litigieux n° 42 poursuivi par l’appelante du 1er novembre 2008 au 31 octobre 2017 et renouvelé à compter du 1er novembre 2018.

Il s’ensuit que le moyen tiré de l’absence de contrat liant les parties ne constitue pas une contestation sérieuse.

Sur l’exception d’inexécution tirée de l’absence d’exploitation de la résidence dans laquelle se situe le lot n° 42

Il résulte de ce qui précède que, si la société Les Floriales justifie ne plus gérer la résidence dans laquelle se situe le lot litigieux n° 42 depuis le 9 décembre 2019, elle ne démontre pas pour autant une impossibilité d’exploiter ce bien, conformément au bail commercial, du fait de la société Cosimo, étant rappelé qu’il n’est aucunement établi, à la lecture du protocole d’accord, que la société Cosimo fait partie des bailleurs ayant pris la décision de résilier les baux commerciaux les liant à la société Les Floriales ainsi que, par la même occasion, le mandat de gestion portant sur la résidence.

Il s’ensuit que le moyen tiré de l’exception d’inexécution pour absence d’exploitation de la résidence dans laquelle se situe le lot litigieux ne constitue pas une contestations sérieuse.

Sur la prescription d’une partie de la somme revendiquée

Il résulte de ce qui précède que, sur la somme provisionnelle réclamée et allouée par le premier juge de 19 231,31 euros, celle de 803,62 euros est manifestement prescrite, ce qui ramène la créance non sérieurement contestable à la somme de 18 427,69 euros (19 231,31 euros – 803,62 euros).

Sur le montant de la créance revendiquée

A l’examen des décomptes versés aux débats par la société Cosimo, les sommes réclamées et non prescrites portent sur des loyers et des taxes d’ordures ménagères nés postérieurement au 17 décembre 2015.

Conformément au contrat de bail initial consenti par M. [G] à la société Pinède, la société Cosimo a, à compter du 1er trimestre 2016, porté au débit du compte les loyers à l’issu de chaque trimestre échu, et en l’occurrence 1 143,36 euros appelé chaque trimestre entre le 1er avril 2016 et le 1er janvier 2019 puis 1 151,94 euros appelé le 1er avril 2019 et 1 160,51 euros appelé chaque trimestre entre le 1er juillet 2019 et le 1er octobre 2020.

Dès lors que le bail signé le 26 octobre 2005 fixe le montant du loyer annuel initial à 4 312,84 euros toutes taxes comprises, soit 1 078,21 euros par trimestre, révisable, les loyers susvisés ne souffrent d’aucune contestation sérieuse.

Il en va différemment des taxes d’ordures ménagères réclamées au titre des années 2016 (85,80 euros), 2017 (86,90 euros), 2018 (88 euros) et 2019 (89,10 euros), soit la somme totale de 349,80 euros, faute pour la bailleresse de produire aux débats les taxes foncières justifiant les sommes réclamées.

Il y a donc lieu de déduire de la somme réclamée non prescrite de 18 427,69 euros celle de 349,80 euros sérieusement contestable, ce qui ramène la somme non sérieusement contestable à 18 077,89 euros (18 427,69 euros – 349,80 euros).

Sur les conséquences de la crise sanitaire liée à la Covid-19

*S’agissant du moyen tiré de la perte de la chose louée, il résulte de l’article 1722 du code civil, applicable aux baux commerciaux, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.

En application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national.

En application de l’article 3, I, 2 , du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu’au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l’exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité.

Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l’interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l’absence de première nécessité des biens ou des services fournis.

Il en est de même du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant de nouvelles mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire qui, dans son article 41, I, 2, a interdit aux résidences de tourisme d’accueillir du public, sauf lorsqu’ils constituent pour les personnes qui y vivent un domicile régulier.

Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d’établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.

L’effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut donc être assimilé, de toute évidence, à la perte de la chose.

Le moyen tiré de la perte de la chose louée ne constitue donc pas une contestation sérieuse.

* S’agissant du moyen tiré de l’exception d’inexécution, aux termes de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et de l’en faire jouir paisiblement pendant la durée du bail.

Par application de l’article 1219 du code civil, une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. L’article 1220 du même code poursuit en indiquant qu’une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais. Cette exception d’inexécution avait déjà été consacrée en jurisprudence, tel qu’applicable au contrat ici en cause.

Même à supposer que la société Les Floriales a été dans l’impossibilité d’exploiter le lot n° 42 pendant les périodes de confinement décidées par les pouvoirs publics pour faire face à l’épidémie de Covid-19, compte tenu de la nature de son activité, la société Cosimo a continué à mettre les locaux loués à sa disposition, étant observé que les mesures législatives et réglementaires de lutte contre l’épidémie de Covid-19 ne sont pas le fait de la bailleresse qui, pour sa part, a continué à remplir son obligation de délivrance.

Il en résulte que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas, avec l’évidence requise en référé, constitutive d’une inexécution de l’obligation de délivrance.

Le moyen tiré de l’exception d’inexécution liée au manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance ne constitue donc pas une contestation sérieuse.

* S’agissant du moyen tiré d’un cas de force majeure, il résulte de l’article 1218 du code civil qu’il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un évènement échappant au contrôle du débiteur empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Or, il est admis que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de celle-ci en invoquant un cas de force majeure.

En effet, alors même que la force majeure se caractérise par la survenance d’un événement extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible, de sorte qu’il rende impossible l’exécution de l’obligation, l’obligation de paiement d’une somme d’argent est toujours susceptible d’exécution, le cas échéant forcée, sur le patrimoine du débiteur. Elle n’est donc, par nature, pas impossible mais est seulement plus difficile ou plus onéreuse.

De plus, la société Les Floriales ne produit aucun document comptable, ni aucune pièce justifiant de difficultés de trésorerie rendant impossible tout règlement de ses loyers.

Ainsi, faute de justifier d’une impossibilité d’exécuter son obligation de règlement des loyers, elle ne démontre pas le caractère irrésistible de l’événement lié à l’épidémie de Covid-19.

Le moyen tiré de la force majeure ne constitue pas plus une contestation sérieuse.

* S’agissant du moyen tiré de la suspension de règlement du loyer prévue par la bail, la société Les Floriales se prévaut de l’article 7 du contrat de bail signé le 26 octobre 2005 aux termes duquel il est prévu que, dans le cas où la sous-location du bien résulterait soit du fait ou d’une faute du bailleur, soit de la survenance de circonstances exceptionnellement graves (telles qu’incendie de l’immeuble etc.) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, le loyer défini ci-avant ne sera pas payé jusqu’au mois suivant la fin du trouble de jouissance mais sera couvert par l’assurance couvrant la perte de loyer souscrite par le preneur.

Or, outre le fait que cette possibilité n’apparaît pouvoir s’appliquer que dans le cas d’une sous-location, ce qui n’est pas le cas en la cause, il résulte de ce qui précède que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas imputable à la bailleresse, pas plus qu’elle ne peut s’analyser, avec l’évidence requise en référé, comme une circonstance exceptionnelle affectant le bien loué.

En tout état de cause, à l’examen du décompte, il apparaît que la société Cosimo a recrédité les échéances trimestrielles des mois d’avril, juillet et octobre 2020 dans leur intégralité à hauteur de 1 160,51 euros chacune et celle de janvier 2020 à hauteur de 290,13 euros, de sorte que la société Les Floriales ne peut sérieusement soutenir que la bailleresse n’a pas tenu compte des circonstances exceptionnelles résultant de la crise liée à la Covid-19 et ainsi manifesté sa bonne foi.

Le moyen tiré de la suspension du loyer prévue contractuellement ne constitue donc pas une contestation sérieuse.

Le taux d’intérêt majoré

Dès lors qu’aucune pénalité de retard, notamment en cas de non-paiement des loyers et taxes à leur échéance, n’apparaît avoir été contractuellement prévue et qu’il n’appartient pas au juge des référés, juge de l’évidence, de dire si les dispositions de l’article L 441-10 du code de commerce s’appliquent de plein droit dans le cadre d’un bail commercial, la demande de la société Cosimo de voir augmenter la somme provisionnelle à laquelle la société Les Floriales a été condamnée du taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage se heurte à une contestation sérieuse.

Pour toutes ces raisons, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné la société Floriales au paiement de la somme provisionnelle de 19 231,31 euros, augmentée du taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage.

La société Les Floriales sera condamnée à verser à la société Cosimo la somme provisionnelle non sérieusement contestable de 18 077,89 euros au titre des loyers portant sur la période allant du 18 décembre 2015, échéance trimestrielle du mois d’avril 2016 incluse, au 30 septembre 2020 échéance trimestrielle du mois d’octobre 2020 incluse.

La société Cosimo sera en revanche déboutée de sa demande de voir augmenter cette somme du taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par la société Cosimo

Sur l’absence d’effet dévolutif

La société Les Floriales affirme que la société Cosimo ne sollicite aucunement, dans ses conclusions, la réformation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre le fait qu’elle n’a pas fait appel de ce chef de l’ordonnance entreprise, de sorte qu’aucun appel incident n’ayant été fait sur ce point, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise.

La société Cosimo ne répond pas sur ce point.

En vertu de l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.

L’article 551 du code de procédure civile dispose que l’appel incident ou l’appel provoqué est formé de la même manière que le sont les demandes incidentes.

Il résulte de l’article 905-2 du code de procédure civile que l’intimé dispose d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, un appel incident ou appel provoqué.

C’est par conclusions qu’est formé l’appel incident.

Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

L’avant dernier alinéa de l’article 954 vise expressément l’infirmation du jugement.

En l’espèce, il résulte des pièces de la procédure, qu’alors même que l’appelante a notifié ses premières conclusions à l’intimée le 31 mai 2022, ce dernier a remis ses conclusions au greffe le 15 juin 2022.

Or, ces conclusions contiennent bien, dans leur dispositif, une demande de confirmation de l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a rejeté la demande formée au titre de la résistance abusive.

Dans ces conditions, la cour est bien saisie de l’appel incident formé par la société Cosimo portant sur le chef de l’ordonnance entreprise relatif à la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur le bien fondé de la demande

La société Les Floriales fait valoir que cette demande est infondée dès lors que le juge des référés n’a pas le pouvoir de prononcer des condamnations à des dommages et intérêts, qu’il résulte de l’article 1231-6 du code civil que les dommages et intérêts dus à raison des obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal et que la société Cosimo ne démontre pas l’existence d’une relation contractuelle, l’occupation des lieux ou une faute caractéristique d’une résistence abusive.

La société Cosimo indique que la résistance abusive, tant en première instance qu’en appel, est patente.

Il est admis que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à des dommages et intérêts.

Il appartient à toutes les juridictions, y compris celle des référés, de statuer sur le dommage causé par le comportement abusif de l’une des parties dans le développement procédural dont elle a eu à connaître.

En l’espèce, dès lors, d’une part, que la provision sollicitée par la société Cosimo dans son assignation, en partie pescrite, était sans commune mesure avec celle à laquelle la société Les Floriales a été condamnée par le premier juge et que, d’autre part, l’appel interjeté par cette dernière est justifié pour partie, le montant de la provision allouée par le premier juge ayant été revu à la baisse par la cour et les intérêts de retard majorés alloués par ce même magistrat n’étant pas confirmés, la société Cosimo ne justifie pas sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Dès lors que la société Les Floriales est redevable au titre d’un arriéré locatif d’une provision d’un montant proche de celui auquel elle a été condamnée par le premier juge, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens de première instance et à verser à la société Cosimo la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance non compris dans les dépens.

En revanche, l’appel formé par la société Les Floriales étant justifié en partie, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les dépens de la procédure d’appel par elles exposés.

Dans ces conditions, l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre des parties pour les frais exposés à hauteur d’appel non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

– débouté la SAS Cosimo de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

– condamné la SASU Les Floriales à payer à la SAS Cosimo la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SASU Les Floriales aux entiers dépens ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SASU Les Floriales tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir à son endroit ;

Déclare prescrites les sommes réclamées par la SAS Cosimo portant sur les loyers et taxes échus antérieurement au 18 décembre 2015 ;

Condamne la SASU Les Floriales à verser à la SAS Cosimo la somme provisionnelle de 18 077,89 euros au titre des loyers portant sur la période allant du 18 décembre 2015, échéance trimestrielle du mois d’avril 2016 incluse, au 30 septembre 2020 échéance trimestrielle du mois d’octobre 2020 incluse ;

Déboute la SAS Cosimo de sa demande de voir augmenter cette somme du taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;

Laisse les dépens de la procédure d’appel à la charge de chacune des parties par elles exposés.

La greffière Le président

 


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