Indemnité d’éviction : 12 octobre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01099

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Indemnité d’éviction : 12 octobre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01099

12 octobre 2022
Cour d’appel de Toulouse
RG
21/01099

12/10/2022

ARRÊT N°357

N° RG 21/01099 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OAWR

VS/CO

Décision déférée du 01 Février 2021 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – 18/03485

M.[P]

S.C.I. GALVY

C/

SAS ETABLISSEMENTS [J]

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU DOUZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.C.I. GALVY

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Dominique ALMUZARA de la SELARL ALMUZARA-MUNCK, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

SAS ETABLISSEMENTS [J] prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social

[Adresse 8]

[Localité 6]

assistée de Me Stéphane RUFF de la SCP RSG AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant V. SALMERON, Présidente chargée du rapport. M.MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller.Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller

P. BALISTA, conseiller

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

Le 18 juillet 1997, la société Sogei, aux droits de laquelle se trouve la société civile immobilière Galvy, a donné à bail à la société Gmt, désormais dénommée la société Etablissements [J], un terrain nu situé [Adresse 5] (devenu [Adresse 4]) d’une superficie de 18 450 m2 pour une durée de 9 ans à compter du 1er mars 1997 et devant venir à expiration le 28 février 2006.

Par acte authentique du 20 décembre 2006, le bail a été renouvelé pour une durée de 9 ans à compter du 1er mars 2006 moyennant un loyer annuel de 66.929,56 € HT.

Par acte sous seing privé du 20 décembre 2007, la société Gmt a cédé à la société Lafarge son fonds à l’exception de l’activité de production et négoce des granulats.

Par acte sous seing privé du 24 avril 2009, la société Lafarge, désormais preneur du bail, a sous-loué une partie du terrain pour 13 957 m2 à la société Gmt. La convention stipulait que la sous-location prendrait fin à l’expiration du bail principal.

Par exploit du 30 mars 2016, la société Lafarge a donné congé à la société Galvy avec effet au 30 septembre 2016.

Par exploit du 18 juillet 2016, la société Gmt a demandé le renouvellement du bail à compter du 30 septembre 2016 à la société Galvy au visa des dispositions de l’article L145-32 du code de commerce.

Par exploit du 17 octobre 2016, la société Galvy a refusé le renouvellement aux motifs pris de ce que le statut des baux commerciaux ne s’applique pas à un terrain nu et que la locataire n’était pas immatriculée.

Par ordonnance de référé du 7 décembre 2019, le juge des référés saisi par la société Galvy a confié une expertise à M. [I] pour vérifier la conformité de l’exploitation aux normes environnementales

Par exploit du 15 octobre 2018, la société Gmt a assigné la Sci Galvy en paiement d’une indemnité d’éviction.

Par ordonnance du 15 novembre 2018, le juge des référés a étendu la mission de l’expert judiciaire [I] notamment pour des matériels constatés sur le site .

La société Galvy a reconventionnellement demandé au tribunal de constater que la société Gmt est occupante sans droit ni titre, d’ordonner son expulsion avec à sa charge la remise en état des lieux et de la condamner au paiement d’une indemnité d’occupation.

Par jugement du 1er février 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a:

constaté que le contrat de sous-location en date du 24 avril 2009 a été conventionnellement soumis au statut des baux commerciaux

dit que les motifs invoqués par la société civile Galvy à l’appui de son refus de renouvellement du bail notifié par acte exploit du 17 octobre 2016 sans offre d’indemnité d’éviction sont injustifiés et inopérants,

dit qu’à défaut de mise en demeure la société Galvy est mal fondée à invoquer des motifs nouveaux

en conséquence dit que le refus de renouvellement ouvre droit au paiement d’une indemnité d’éviction au profit de la société Etablissements [J]

condamné la société civile immobilière Galvy au paiement de cette indemnité

ordonné une expertise,

commis en qualité d’expert [S] [M] [Adresse 3] et en cas d’indisponibilité [W] [G] [Adresse 1] avec pour mission de

convoquer, par courrier recommandé, les parties et leurs conseils

les informer des termes de la mission et de l’autorité qui en a confié la charge à l’expert

procéder personnellement aux opérations d’expertise, sauf à recueillir l’avis de tout sapiteur dans une spécialité autre que celle de l’expert

fournir au tribunal tous éléments de sa spécialité permettant d’évaluer l’indemnité d’éviction due à la société Etablissements [J]

fournir au tribunal tous éléments permettant de chiffrer les préjudices qui seraient allégués

dit que l’expert pourra en cas de besoin avoir recours à un technicien autrement qualifié

donner connaissance aux parties des avis sapiteurs recueillis

établir un pré-rapport qui sera communiqué aux parties, lesquelles disposeront d’un délai de 30 jours pour présenter leurs observations, et au-delà duquel, après avoir répondu aux dires, l’expert déposera son rapport final, en transmettant un exemplaire à chaque partie

le rapport définitif devra être notifié par envoi recommandé aux parties et par envoi simple aux avocats et la note d’honoraires devra être adressée aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception avec mention du délai de 15 jours pour former leur observations

dit que, sauf bénéfice de l’aide juridictionnelle, la société Etablissements [J] versera par chèque libellé à l’ordre du régisseur d’avances du tribunal judiciaire de Toulouse une consignation de 1.200 € à valoir sur la rémunération de l’expert et ce avant le 15 mars 2021 ; ce chèque sera adressé, avec les références du dossier (RG n° 18/03485) au greffe du tribunal judiciaire de Toulouse (filière 8)

rappelé qu’à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l’expert sera caduque selon les modalités fixées par l’article 271 du code de procédure civile

dit que l’expert devra déposer auprès du greffe du tribunal de grande instance de Toulouse, service des référés, un rapport détaillé de ses opérations dans les quatre mois de sa saisine et qu’il adressera copie complète de ce rapport, y compris la demande de fixation de rémunération à chacune des parties, conformément aux dispositions de l’article 173 du code de procédure civile

précisé qu’une photocopie du rapport sera adressé à l’avocat de chaque partie

précisé que l’expert doit mentionner dans son rapport l’ensemble des destinataires à qui il l’aura adressé

condamné la société Galvy aux dépens et à payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

ordonné l’exécution provisoire

dit que l’affaire sera rappelée à l’audience de mise en état écrite du 13 avril 2021 pour vérification de la consignation.

Par déclaration en date du 9 mars 2021, la Sci Galvy a relevé appel du jugement. La portée de l’appel est la réformation des chefs du jugement qui ont :

constaté que le contrat de sous location en date du 24 avril 2009 a été conventionnellement soumis aux statuts des baux commerciaux

dit que les motifs invoqués par la société Galvy à l’appui de son renouvellement du bail sont injustifiés et inopérants

dit qu’à défaut de mise en demeure la société Galvy est mal fondée à invoquer des motifs nouveaux

dit que le refus de renouvellement ouvre droit au paiement d’une indemnité d’éviction au profit de la société Etablissements [J]

condamné la SCI Galvy au paiement de cette indemnité

ordonné une expertise avec pour mission de fournir au tribunal tous éléments permettant d’évaluer l’indemnité d’éviction due à la société Etablissements [J]

condamné la société Galvy au dépens et à payer 5000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

ordonné l’exécution provisoire.

La clôture était prévue pour le 9 mai 2022.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions n°2 notifiées le 5 mai 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la société SCI Galvy, demandant, au visa des articles L145-1 et s., L145-17, L145-32, R145-1 et s. du code de commerce, de :

réformer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Toulouse le 1er février 2021,

dire et juger que la société Etablissements [J] ne peut prétendre au renouvellement du bail de l’aire de stockage de 19 957 m2 située [Adresse 5],

débouter la société Etablissements [J] de sa demande en paiement de l’indemnité d’éviction,

reconventionnellement, constater que la société Etablissements [J] est occupant sans droit ni titre,

ordonner son expulsion des lieux loués, ainsi que de tous occupants de son chef,

ordonner la remise en état conformément aux normes, aux exigences environnementales et aux accords des parties,

condamner la société Etablissements [J] à payer à la Sci Galvy une indemnité d’occupation de droit commun de 8.880 € HT par mois, à compter du mois d’octobre 2016 jusqu’à la restitution du site après remise en état, de laquelle devront être déduits les paiements effectués par la société Etablissements [J]

condamner la société Gmt au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens d’appel dont distraction au profit de Me Almuzara, avocat, sur son affirmation de droit.

Vu les conclusions n°2 notifiées le 6 mai 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la société SAS Etablissements [J], anciennement dénommée Les Gravières-de-Martres-Tolosane, demandant, au visa de l’article L145-1 et s. du code de commerce, de :

confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

constaté que le contrat de sous-location du 24 avril 2009 a été conventionnellement soumis au statut des baux commerciaux,

dit que les motifs invoqués par la société Galvy à l’appui de son refus de renouvellement du bail notifié par exploit du 17 octobre 2016 sans offre d’indemnité d’éviction sont injustifiés et inopérants,

dit que la société Galvy est mal fondée à invoquer des motifs nouveaux de refus de renouvellement ,

dit que le refus de renouvellement ouvre droit au paiement d’une indemnité d’éviction au profit de la société [J]

condamné la société Galvy au paiement de cette indemnité ,

avant dire droit sur son montant, ordonné une expertise judiciaire confiée à Madame [S],

condamné la société Galvy au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC et au paiement des entiers dépens,

statuant sur les demandes reconventionnelles de la société Galvy,

statuer ce que le droit en ce qui concerne le principe de la demande d’indemnité d’occupation,

s’agissant de son montant, ordonner une mesure d’expertise complémentaire afin d’en évaluer le montant mensuel en tenant compte de la précarité,

débouter la SCI Galvy de ses autres demandes reconventionnelles,

condamner la SCI Galvy à payer à la société Etablissements [J] une somme complémentaire de 5.000 € en application de l’article 700 du CPC ainsi que les entiers dépens afférents à la procédure devant la Cour.

Motifs de la décision :

pour contester le droit à renouvellement du bail du sous-locataire, la bailleresse conteste la qualification de bail commercial du bail principal et, subsidiairement, oppose les dispositions de l’article L145-32 du code de commerce pour dire le droit à renouvellement inopposable dans le cadre d’un bail concernant des locaux indivisibles.

-sur la qualification du bail en bail commercial :

en cause d ‘appel, la bailleresse conteste de nouveau le statut du bail en bail commercial pour défaut d’immatriculation du preneur et pour le contenu du bail s’agissant de terrains nus.

Comme l’a retenu le tribunal, les parties peuvent de convention expresse, décider de soumettre leur contrat au statut des baux commerciaux en dépit du fait que les critères posés par les articles L145 -1 et suivants ne sont pas remplis.

Or, en l’espèce, les conventions de bail et de sous-location font expressément mention d’un bail commercial, notamment le contrat de bail du 18 juillet 1997, renouvelé par acte du 20 décembre 2006 entre le bailleur, la société Sogei devenue la SCI Galvy, et le preneur.

Par ailleurs, la cession du fonds de commerce entre la société Les Gravières de Martres Tolosane et la société Lafarge bétons sud ouest (LBSO) en date du 20 décembre 2007 a prévu la sous-location avec droit au renouvellement avec accord et agrément de la bailleresse la SCI Galvy selon courrier du 19 décembre 2007.

De même, la SCI Galvy ne conteste pas avoir agréé le contrat de sous-location en date du 24 avril 2009 entre LBSO (Lafarge) et la société Gravières de Martres Tolosane Etablissements [J]. Il y est clairement mentionné que la SCI Galvy entend « confirmer son entier agrément et sans réserve à la sous location ».

Le statut de bail commercial a donc été étendu par convention expresse des parties au contrat de bail et au contrat de sous-location agréé par la bailleresse.

Par ailleurs, l’article L145-1 du code de commerce subordonne l’application du statut à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés du locataire commerçant propriétaire du fonds exploité dans les lieux.

Et selon la jurisprudence, le locataire doit être immatriculé, non à la date d’expiration du bail mais à la date du congé ( civ3eme 7/09/2017 n°16-15012) ou à la date de demande de renouvellement du bail, et l’immatriculation doit être maintenue jusqu’à la date d’expiration du bail ( civ3eme 2 juin 1999Bul 124),.

Toutefois, il a été jugé qu’en cas de soumission volontaire au statut des baux commerciaux, l’immatriculation du preneur au registre du commerce et des sociétés n’est pas une condition impérative de son droit au renouvellement. (3eme civ 9 février 2005 n°03-17 476).

Dès lors, les moyens soulevés par la SCI Galvy pour s’opposer à la qualification du bail en bail commercial, seront rejetés .

Le jugement doit être confirmé de ce chef.

-sur l’indivisibilité des locaux :

Lorsque le bail principal prend fin, le sous locataire acquiert un « droit direct » au renouvellement de son bail, notamment lorsque le preneur a donné congé, dès lors que la sous-location est licite et régulière mais il faut que la location consentie au locataire principal n’ait pas un caractère indivisible.

En effet, l’article L145-32 du code de commerce dispose que : « Le sous-locataire peut demander le renouvellement de son bail au locataire principal dans la mesure des droits que ce dernier tient lui-même du propriétaire. Le bailleur est appelé à concourir à l’acte, comme il est prévu à ‘article L145-31.

A l’expiration du bail principal, le propriétaire n’est tenu au renouvellement que s’il a, expressément ou tacitement, autorisé ou agréé la sous-location et si, en cas de sous-location partielle, les lieux faisant l’objet du bail principal ne forment pas un tout indivisible matériellement ou dans la commune intention des parties. »

L’indivisibilité conventionnelle ne se confond pas avec l’indivisibilité matérielle ; elle peut résulter de la commune intention des parties en l’absence de la clause d’indivisibilité. Elle peut être expresse ou implicite.

L’existence de la sous-location n’est pas par elle-même la preuve d’une divisibilité matérielle des locaux ( 3eme civ 19 dec 1992 n°91-12133).

C’est à celui qui invoque l’indivisibilité de la prouver en proposant une analyse de l’intention des parties que les tribunaux apprécient souverainement ( Com 22 décembre 1953 B 392).

Il y a indivisibilité conventionnelle lorsqu’il est stipulé que les terrains loués nus avec autorisation pour le locataire d’y réaliser des constructions doivent être restitués en fin de bail libres de toute construction ( Com 6 avril 1965 B 261).

Toutefois, l’acceptation par un propriétaire d’une sous-location à condition que le sous locataire s’engage à quitter les lieux s’il est mis fin au bail principal ne vaut pas clause conventionnelle d’indivisibilité.

L’indivisibilité matérielle ne relève que d’une question de fait. Si le bail ne précise pas que les lieux loués forment un tout indivisible, le juge doit rechercher s’ils ne sont pas matériellement divisibles, eu égard à leur configuration (3eme civile 19 janvier 2011 n° 0972040).

Ainsi un local est indivisible lorsqu’il ne peut faire l’objet de plusieurs occupations privatives suffisamment distinctes. Il y a indivisibilité malgré plusieurs occupations lorsque les éléments de jouissance commune ne permettent pas une séparation suffisamment nette entre les locaux.

En l’espèce, la SCI Galvy doit rapporter la preuve de l’indivisibilité du bail pour s’opposer à la demande du sous-locataire dès lors qu’elle avait agréé la sous-location de la société Etablissements [J] en date du 24 avril 2009 portant sur la partie de terrain affectée à l’activité « négoce de granulats » avec obligation de remise en état des lieux tels qu’à l’origine, soit un terrain plat nu non arboré et recouvert d’une couche végétale minimale de 20 cm, en fin de bail.

iI était stipulé à l’article 2 de la sous-location que la sous-location cesserait au plus tard à l’expiration du bail principal.

Le contrat de sous-location avait pour objet l’activité de négoce et transports de granulats , activité distincte de la fabrication et vente de béton prêt à l’emploi exploitée par LBSO (Lafarge), preneur principal, et les deux sociétés étaient liées par une convention d’approvisionnement de granulats..

Pour établir l’indivisibilité qu’elle invoque la SCI Galvy fait valoir que :

-les lieux n’ont qu’une entrée unique, entrée qui se situe sur la partie du terrain dévolue à la société Etbs [J], ce qui prive la partie libérée par la société Lafarge de toute valeur locative,

-les lieux ont en commun un pont bascule situé pour moitié sur la partie [J] et pour moitié sur la partie Lafarge, indifféremment utilisé par l’une et l’autre des sociétés ; ce pont bascule permet de mesurer le poids des matériaux entrants ou sortants sur les camions et démontre une unité des lieux exploités qui n’étaient pas en pratique séparés par des des clôtures, les camions de la société Etbs [J] passant nécessairement sur le terrain,

– l’indivisibilité matérielle est accréditée par les liens juridiques qui existaient entre les deux entreprises comme le révèle le contrat de cession de fonds de commerce (cf art 3 qui lie la signature du contrat à un contrat concomitant d’approvisionnement en granulats),

– l’indivisibilité est liée à la nature de l’exploitation du site qui est un site d’exploitation classée répondant aux exigences précises rendant impossible de proposer à la location les 6000m2 restants compte tenu des nuisances produites par l’activité de la société Etbs [J] et impossibles à contenir.

Pour s’opposer au moyen de l’indivisibilité, les Etbs [J] font valoir qu’aucune clause du contrat de bail ni le contrat de sous-location ne vise de clause d’indivisibilité et que les locaux sont matériellement divisibles puisque les locaux n’ont toujours eu qu’un unique portail d’entrée pour les deux sociétés exploitant les lieux et qu’a été construit un second pont- bascule alors que le pont bascule initial était pour moitié sur la partie occupée par les établissements [J] et pour l’autre moitié sur la partie anciennement occupée par la société Lafarge.

Après examen des pièces soumises aux débats, la Cour constate qu’aucune clause des contrats de bail et de sous-location ne stipule de clause d’indivisibilité expresse.

Toutefois, il est clairement indiqué dans la convention de sous-location signée le 24 avril 2009 que la sous-location cessera au plus tard à l’expiration du bail principal, que la destination de la sous location porte sur son activité de stockage, négoce et transport de granulats à l’exclusion de toute autre utilisation et que le sous-locataire s’engageait à remettre en état des lieux « tels qu’à l’origine » ‘..à la date de cessation de l’activité, qu’enfin, le calcul du loyer est proportionnel à la surface du terrain donné en sous-location soit 13957 m2 sur un total de 19957 m2.

La cour en déduit que le sous locataire était tenu des mêmes obligations que le preneur d’origine vis à vis du bailleur sauf sur la destination du bail et que son loyer était en lien avec la superficie exploitable du terrain utilisé.

Par ailleurs, dans le contrat de cession du fonds de commerce entre la sarl Etbs [J] (vendeur) et la société LBSO (acheteur) du 20 décembre 2007,  « l’acheteur faisait son affaire de l’entretien permanent et de la remise en état régulière des chaussées d’accès à sa parcelle sur la partie propriété du bailleur (entre le portail [J] et la limite de propriété) ».

Il ressort de ces seuls éléments que la sous-location portait sur un terrain ne comportant qu’un portail d’entrée situé sur le terrain sous loué, obligeant le locataire principal a passé par le fonds sous loué et avec obligation d’entretien de la zone de passage proche.

De surcroît, ne figurait sur la zone donnée à bail d’origine qu’un seul point de bascule utilisé par les deux exploitants après sous-location dès 2009 et situé à moitié sur le fonds de l’un et sur le fonds de l’autre.

Tous ces éléments démontrent l’indivisibilité conventionnelle implicite des parties par l’intention du bailleur et du preneur d’origine de réserver le fonds aux fins d’exploitation de l’ensemble de la zone avec un seul point d’accès, un seul point de bascule et un loyer au prorata de la superficie louée dès lors que les activités exercées étaient complémentaires, le preneur interdisant au sous-locataire tout autre activité que celle de stockage, négoce et transports de granulats et notamment celle d’exercer l’activité de production de béton prêt à l’emploi, activité de la société LBSO.

De plus, dans le cadre de la cession du fonds de commerce à LBSO, la cession était soumise à la condition concomitante de la signature d’un contrat d’approvisionnement en granulat avec engagement sur une quantité annuelle minimum, ce qui prouve les liens économiques nécessaires du preneur et du sous locataire pour valider l’utilisation en commun de l’ensemble du terrain par deux exploitants distincts (cf page 2 de la cession du fonds de commerce du 20 décembre 2007 pièce 3).

Dès lors que le locataire principal a donné congé au bailleur, aucune activité ne pouvait être exercée par un autre preneur sur une superficie limitée à 6000 m2 sans pouvoir utiliser le pont bascule dont l’usage est réservé au sous locataire occupant des lieux avec une délimitation de la zone louée d’autant plus difficile à opérer que la sortie des lieux impose au nouveau preneur de passer par le fonds du sous locataire, sans accès propre.

Il est évident que la société LBSO et la société Etbs [J], dans le cadre de la sous location signée en 2009, ont accepté et organisé une coexistence impliquant une communauté caractérisée de la jouissance des lieux car elles avaient des intérêts communs et avait signé une convention d’approvisionnement en granulats avec un montant minimum à respecter.

Le caractère indivisible des lieux et la commune intention des parties à l’origine du bail et par voie de conséquence de la sous-location était d’autant plus manifeste que la société Etbs [J], sous locataire, a cherché à construire un second pont bascule sur son fonds sans autorisation du bailleur.

Il n’a d’ailleurs jamais été envisagé de clôturer la zone d’exploitation du terrain loué en deux zones distinctes ni de créer une autre sortie et ce d’autant moins que l’exploitation du terrain laissé par la société LBSO par une autre entreprise n’aurait qu’une très faible valeur locative du fait de ses caractéristiques : superficie très limitée, zone enclavée et environnement très défavorable du fait des nuisances et conditions d’exploitation du fonds contigu (poussière, bruits, passages incessants de camion etc..).

L’indivisibilité conventionnelle implicite est donc établie.

Il convient d’infirmer le jugement et de constater que les lieux faisant l’objet du bail principal forment un tout indivisible dans la commune intention des parties.

-sur les conséquences de l’indivisibilité du fonds :

L’indivisibilité exclut tout droit direct au renouvellement du bail ou au paiement d’une indemnité d’éviction au sous-locataire contre le propriétaire des locaux.

Le sous locataire qui ne peut bénéficier du droit direct devient un occupant sans droit ni titre car la résiliation du bail met fin au sous bail (3eme civ 19 juin 1970 B 434).

Il convient par conséquent de débouter la société Etbs [J] de sa demande d’indemnité d’éviction et d’infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné une mesure d’expertise à cette fin.

Sur la demande d’expulsion :

il convient de faire droit à la demande de la SCI Galvy dès lors que la société Etbs [J] est occupant sans droit ni titre et doit quitter les lieux sous loués.

Sur la remise en état des lieux, le sous locataire rappelle qu’une mesure d’expertise judiciaire est en cours pour établir les infractions éventuelles commises par le sous locataire et que M. [I], premier expert désigné le 7 décembre 2017 a été remplacé par ordonnance de référé du 7 mars 2022.

Les décisions judiciaires évoquées ne sont pas produites aux débats.

La cour rappellera que le preneur et le sous-locataire se sont engagés à remettre en état les lieux conformément aux dispositions contractuelles et ce en conformité avec les exigences environnementales.

-Sur le montant de l’indemnité d’occupation :

la SCI Galvy sollicite sa fixation à 8.800 euros HT par mois à compter d’octobre 2016 jusqu’à la restitution du site après remise en état.

Elle expose que la société Etbts [J] lui verse depuis le départ de la société LBSO le montant du loyer qu’elle versait à cette dernière soit 4.404 euros HT par mois (5.284,80 euros ttc). Elle se fonde sur la revalorisation de lieux loués telle qu’appréciée par Mme [S] expert soit 6.210 euros HT pour le 13.957 m2 sous loués et 2.670 euros HT pour les 6000m2 occupés irrégulièrement depuis le départ du locataire principal.

Elle se prévaut pour établir l’occupation illicite de l’attestation de l’expert judiciaire [I] en date du 6 septembre 2019 (pièce 19) mais surtout du procès-verbal de constat d’huissier du 10 septembre 2020 (pièce 22).

De son coté, la société Etbs Sabouard conteste occuper le terrain laissé par la société LBSO en précisant que le constat d’huissier du 10 septembre 2020 ne l’établit pas clairement.

Elle critique également le montant de l’indemnité évaluée par madame [S] à la valeur locative du marché selon l’article L145-28 du code de commerce et non selon la valeur locative judiciaire de l’article L145-33 avec notamment un abattement de précarité pouvant atteindre 30 à 40% .

A l’examen des pièces produites aux débats, la cour constate qu’en dépit de la note de l’expert [I] mentionnant ses difficultés à établir la traçabilité des déchets apportés sur le site faute de pouvoir délimiter les zones d’occupation, le procès-verbal de constat d’huissier du 10 septembre 2020 établit que la société Etbs [J] utilise toute la zone du terrain loué par la société LBSO initialement en ayant fait effectuer des dépôts divers de granulats et autres matériaux ainsi que par la présence de plusieurs camions et d ‘une pelleteuse en divers zones du terrain sans délimiter une zone laissée à l’abandon par le preneur principal depuis son départ le 30 septembre 2016.

Il convient de constater que c’est à bon droit que la SCI Galvy sollicite une indemnité d’occupation pour l’ensemble du terrain correspondant au bail principal depuis octobre 2016.

Sur le montant de l’indemnité d’occupation, s’agissant du montant à fixer en octobre 2016, la SCI Galvy n’apporte pas d’éléments précis pour revoir le montant de l’indemnité d’occupation à cette date, le rapport judiciaire évoqué fait référence à des baux de 2018 à l’exception d’un seul en 2008.

La cour fixera l’indemnité d’occupation au dernier loyer versé en septembre 2016 pour l’ensemble de la zone occupée selon les pièces versées  : 59.900 euros HT/HC pour 13957 m2 soit 4,29 euros HT /an HC /m2 et 6000m2 x 4,29 euros HT/HC =25.750 euros:/an

Le montant annuel de l’indemnité d’occupation pour toute la zone occupée était donc de 85.650 euros HTHC /an (= 59.900 +25750).depuis le 1er octobre 2016.

De cette condamnation seront déduites les sommes déjà versées par la société Etbs [J] à la SCI Galvy au titre de l’indemnité d’occupation.

-sur les demandes accessoires :

Eu égard à l’issue du procès et la situation respective des parties, chacune d’elles conservera la charge de ses frais et dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

-infirme le jugement sauf en ce qu’il a constaté que le contrat de sous location en date du 24 avril 2009 a été conventionnellement soumis au statut des baux commerciaux,

et statuant à nouveau

-constate l’indivisibilité des locaux visés au bail principal,

-déboute la société Etablissements [J], sous locataire, de sa demande d’indemnité d’éviction,

– ordonne l’expulsion de la société Etablissements [J] et tout occupant de son fait des lieux loués appartenant à la SCI Galvy,

-rappelle à la société Etablissements [J] ses obligations contractuelles de remise en état des lieux à la date de son départ effectif,

-constate que la société Etablissements [J] occupe les lieux loués par la société LBSO depuis son départ au 30 septembre 2016,

– fixe l’indemnité d’occupation à 85.650 euros HT HC /an depuis le 1er octobre 2016 sur toute la zone ainsi occupée et condamne la société Etbs [J] à verser cette somme jusqu’à son départ effectif,

-ordonne, au titre de cette condamnation la déduction des sommes déjà versées par la société Etablissements [J] depuis cette date à la SCI Galvy au titre de l’indemnité d’occupation,

-dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel, avec distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

-dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente.

 


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