8 décembre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/16570
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 08 DECEMBRE 2022
N° 2022/500
MS
Rôle N° RG 21/16570 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIODE
[W] [E]
C/
Etablissement Public POLE EMPLOI
Copie exécutoire délivrée
le : 08/12/22
à :
– Me Frédéric CARREZ, avocat au barreau de NICE
– Me Yves TALLENDIER de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Nice en date du 19 Octobre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F20/00386.
APPELANTE
Madame [W] [E], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Frédéric CARREZ, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
INSTITUTION NATIONALE PUBLIQUE POLE EMPLOI, prise en son établissement Provence Alpes Côte d’Azur, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Yves TALLENDIER de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Paul CHENIAU, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 04 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Michelle SALVAN, Présidente a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022,
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [E] a été engagée par l’Agence Nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes en qualité de secrétaire à compter du 5 novembre 2001 par contrat à durée indéterminée, à temps partiel, devenu à temps complet au mois de juillet 2003.
A compter du 1er avril 2010, Mme [E] a été transférée au sein d’une agence de services spécialisés Pôle emploi, en qualité de gestionnaire appui.
Mme [W] [E] avait été reconnue travailleur handicapé par la Maison Départementale des Personnes Handicapées le 6 mai 1999.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de Pôle emploi.
A compter du 15 janvier 2018 jusqu’au 5 août 2019, Mme [E] s’est trouvée placée en arrêt de travail au titre d’une maladie non professionnelle.
A partir du 1er août 2019, par décision du médecin conseil de la caisse d’assurance maladie du Var, la salariée a été classée en invalidité de deuxième catégorie.
Après une première visite médicale le 8 août 2019, au terme de la visite de reprise du 17 septembre 2019, la salariée a été déclarée définitivement inapte à son poste avec impossibilité de reclassement dans un emploi.
Après avoir été convoquée, par lettre recommandée avec avis de réception datée du 20 septembre 2019 à un entretien préalable fixé le 2 octobre 2019, auquel elle ne s’est pas présentée, Mme [E], par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 4 octobre 2019 a été licenciée pour inaptitude d’origine non professionnelle avec impossibilité de reclassement.
Le 8 juillet 2020, Mme [E], contestant le bien-fondé et la régularité de son licenciement, et, reprochant à son employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité, a saisi la juridiction prud’homale. Elle soutenait principalement la nullité de son licenciement au motif qu’il était constitutif d’une discrimination en raison de son état de santé.
Par jugement rendu le 19 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Nice a :
‘- dit que la demande prud’homale de Madame [W] [E] est recevable ;
– dit que le licenciement de Madame [W] [E] est fondé sur une inaptitude constatée par le médecin du travail et repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– dit que la procédure de licenciement est irrégulière ;
En conséquence :
– condamné l’institution Nationale Publique Pôle Emploi – Etablissement PACA à payer à Madame [W] [E] :
– 2 858, 90 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement ;
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
-débouté Madame [W] [E] et l’institution Nationale Publique Pôle Emploi -établissement PACA de toutes leurs prétentions tant principales que reconventionnelles.’
Mme [E] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 22 septembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 septembre 2022, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement dans toutes ses dispositions, de débouter l’intimé de ses demandes et de condamner Pôle emploi au paiement d’une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, en ce compris les frais d’exécution de la décision à intervenir.
Statuant à nouveau, Mme [E] demande à la cour de dire et juger que :
– la procédure de licenciement a été irrégulière ;
– le licenciement s’analyse en un licenciement nul ;
– Pôle Emploi a manqué à son obligation de sécurité ;
En conséquence,
– ordonner sa réintégration,
– en tout état de cause, condamner Pôle emploi à lui payer :
– 102 920, 40 euros au titre des rappels de salaires depuis l’éviction et jusqu’au 4 octobre 2022, somme à actualiser et à parfaire,
– 102 292, 04 euros (lire 10 292,04 euros) bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaires du fait du licenciement nul, somme à actualiser et à parfaire,
– 2 858,90 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
– 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions protectrices,
– 25 000 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,
L’appelante fait valoir que :
– le licenciement est irrégulier en ce que l’employeur n’a pas respecté le délai de convocation à l’entretien préalable, ce qui l’a l’empêché de se présenter à l’entretien, ni le délai notification du licenciement,
-la Cour de cassation admet le cumul entre l’indemnisation au titre de l’irrégularité du licenciement et celle au titre de la nullité du licenciement,
– son licenciement est nul, eu égard aux multiples irrégularités qui entachent la procédure de constatation de l’inaptitude et l’avis d’inaptitude. Ainsi, à défaut de respect de la procédure de constat de l’inaptitude et d’avis d’inaptitude valable, le licenciement est alors constitutif d’une discrimination fondée sur le handicap,
– le recours portant sur une irrégularité formelle de la procédure d’inaptitude, ne visant pas des éléments de nature médicale, il s’exerce bien à l’encontre de l’employeur,
– en outre, son licenciement est également constitutif d’une discrimination fondée sur le handicap, car l’employeur ne démontre pas avoir réalisé d’étude de poste, cherché à aménager son poste de travail et n’a pas consulté le service d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH), alors qu’elle était reconnue travailleur handicapé et était classée en invalidité de deuxième catégorie,
– il ne lui a jamais été remis et il n’est pas versé aux débats l’étude de son poste de travail qui aurait été réalisée par la médecine du travail,
– sa demande de réintégration est bien fondée, son classement en invalidité de deuxième catégorie n’étant pas de nature à y faire obstacle, étant considéré que cet élément ne présage rien de son inaptitude qui doit être dûment constatée par le médecin du travail,
– il s’en suit, qu’une indemnité d’éviction compensant le préjudice subi par la perte de salaires entre le licenciement et la réintégration ou le refus de réintégration doit lui être versée, ainsi que des dommages et intérêts au titre de la violation des dispositions protectrices,
– il n’est pas nécessaire de démontrer un préjudice distinct au titre des dommages et intérêts pour violation des dispositions protectrices, cette indemnisation complémentaire étant ouverte du seul fait du manquement de l’employeur auxdites dispositions,
– à titre subsidiaire, même en cas de rejet de la demande de réintégration par la cour, des dommages et intérêts devront être accordés pour réparer le préjudice subi, au titre de l’indemnité pour licenciement nul, eu égard au licenciement prononcé en raison de l’état de santé, ainsi qu’au titre de la compensation des salaires perdus pendant la période couverte par la nullité. Ce faisant la même somme que celle sollicitée en cas de réintégration peut être demandée,
– l’employeur a manqué à son obligation de sécurité par son inaction fautive, car il n’a pas organisé une visite de reprise au terme de son arrêt pour maladie du 31 juillet au 30 octobre 2014 et il n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger sa santé, notamment en aménageant son poste,
– Pôle emploi a également manqué à son obligation de sécurité en ne respectant pas la procédure de constatation de l’inaptitude,
– l’employeur a enfin manqué à son obligation de sécurité par le non-respect des dispositions de l’accord du 20 juillet 2015 relatif à l’emploi des personnes handicapées, notamment en son article 1er portant sur la prévention et son article 2 portant sur l’aménagement des postes et des conditions de vie au travail.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2022, l’intimé demande à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu’il l’a condamné au paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et à payer à Mme [E] une somme de 100 euros au titre de l’article 700. Il demande à la cour d’appel de débouter l’appelante de ses demandes et de condamner Mme [E] au paiement d’une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Statuant à nouveau, il demande à la cour de dire et juger que :
– la procédure de licenciement est régulière,
– le licenciement intervenu n’est pas nul,
– le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
– Pôle emploi n’a pas manqué à son obligation de sécurité,
L’intimé réplique que :
– A titre liminaire, il fait valoir que
– Mme [E] invoque de nouveaux griefs en cause d’appel, relatifs à une prétendue violation des dispositions sur le handicap dont il résulterait que son licenciement serait discriminatoire, ainsi qu’à l’absence de production des documents relatifs à l’étude de poste des conditions de travail de la salariée,
– l’indemnité versée au titre de l’irrégularité du licenciement ne se cumule pas avec celle au titre du licenciement nul,
– il résulte de son classement en invalidité de deuxième catégorie le 1er août 2019, qu’elle se trouve dans l’impossibilité d’exercer une profession quelconque et ne peut donc prétendre au versement de l’intégralité de sa rémunération,
– le délai de convocation à l’entretien préalable a d’une part été respecté et d’autre part, l’absence de Mme [E] à l’entretien résulte de sa volonté et n’est pas imputable à l’employeur,
– Mme [E] ne démontre pas que le délai d’envoi de la notification du licenciement n’a pas été respecté, étant considéré qu’elle mentionne uniquement la date de rédaction de la lettre de licenciement mais ne produit pas l’enveloppe qui prouverait ce non-respect au vu de sa date d’expédition,
– en tout état de cause, la salariée ne démontre pas la réalité et l’étendue d’un préjudice résultant de ces prétendues irrégularités,
– les diverses irrégularités dans la procédure de constatation de l’inaptitude et dans l’avis d’inaptitude, invoquées au soutien de la nullité du licenciement, se rattachent aux prérogatives de la médecine du travail et ne sont pas imputables à l’employeur, elles ne sauraient donc emporter la nullité du licenciement,
– ces irrégularités sont pour certaines infondées et au demeurant elles ne sont pas de nature à fonder la nullité de la procédure de constatation de l’inaptitude ou celle de l’avis d’inaptitude,
– le licenciement n’est pas constitutif d’une discrimination fondée sur le handicap, étant considéré que Mme [E] ne prouve pas que les obligations dont elle se prévaut, relatives à la réalisation d’une étude de poste et à la saisine du SAMETH, incombent à l’employeur,
– en outre, elle n’a jamais sollicité son employeur pour qu’il prenne attache avec le SAMETH,
– le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, justifié par l’inaptitude définitive de Mme [E] et la dispense de reclassement prononcée par le médecin du travail,
– le manquement à l’obligation de sécurité n’est pas démontré, la salariée ne produisant aucun élément de nature à caractériser ce manquement,
– le salarié n’est pas fondé à solliciter une indemnisation au titre de la violation des dispositions protectrices, étant considéré qu’elle ne justifie pas des dispositions qui auraient été méconnues et ne démontre pas la réalité de son préjudice,
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’irrégularité de la procédure de licenciement
Mme [E] a été convoquée par l’Institution nationale publique Pôle emploi à un entretien préalable au licenciement fixé le 2 octobre 2019, auquel elle ne s’est pas présentée. La lettre recommandée avec demande d’avis de réception de notification du licenciement porte la date du 4 octobre 2019.
C’est à bon droit et sans contradiction opérante que l’appelante fait valoir que son employeur Pôle Emploi n’a pas respecté la procédure applicable au licenciement pour motif personnel en ce que :
-le délai de cinq jours ouvrables séparant la convocation de l’entretien préalable prescrit par l’article L1232-2 du code du travail n’a pas été respecté,
-l’entretien préalable ayant été fixé le mercredi 2 octobre 2019, l’employeur ne pouvait conformément à l’article L1232-6 du code du travail notifier sa lettre de licenciement avant le lundi 7 octobre 2019 alors que la lettre de notification du licenciement porte la date du 4 octobre 2019.
A tort, l’Institution nationale publique Pôle emploi soutient que Mme [E] ne peut pas à la fois contester la régularité formelle de la procédure de licenciement et le bien-fondé de la rupture, puisque les deux indemnisations ne se cumulent pas.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu’il déclare la procédure de licenciement irrégulière et en ce qu’il condamne l’employeur à payer à la salariée à titre de dommages-intérêts une somme équivalente à un mois de salaire en application de l’article L1235-2 du code du travail, en réparation du préjudice qu’elle démontre avoir subi.
Sur la demande de nullité du licenciement
A compter du 15 janvier 2018, la salariée s’est trouvée placée en arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, avec prolongation jusqu’au 5 août 2019,
Le 8 août 2019, elle a subi une visite de suivi au cours de laquelle le médecin du travail a précisé qu’il s’agissait d’une future « reprise inval 2 » (pour invalidité de 2ème catégorie), la reprise n’est pas possible. Un échange avec l’employeur et une étude de poste vont être programmées.
La salariée a été reçue par le médecin du travail le 17 septembre 2019, celui-ci à conclu à l’inaptitude de la salariée en ces termes : « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». La fiche d’inaptitude de la médecine du travail mentionne qu’il s’agit d’une hypothèse de dispense de reclassement.
Il découle de ces constatations qu’il existe un seul avis d’inaptitude, et non deux avis comme le prétend l’intimé. La salariée n’a pas contesté les conclusions de l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail.
1- Sur la demande de nullité du licenciement en raison de l’irrégularité de la procédure ayant conduit à sa déclaration d’inaptitude
C’est sans portée utile que l’appelante invoque :
– le non respect des délais entre les deux visites médicales de reprise ayant donné lieu à l’avis d’inaptitude, en se fondant sur les dispositions anciennes de l’article R 4624-31 du code du travail lesquelles exigeaient alors deux examens médicaux espacés de deux semaines, alors qu’un second examen médical n’est plus imposé par la loi,
– l’irrégularité de l’avis d’inaptitude en ce que :
.la fiche d’entreprise évoquée par le médecin du travail n’aurait été actualisée que de manière trop ancienne, en mai 2015, alors que cette formalité incombe au seul médecin du travail et que son inobservation n’a pas d’incidence sur la validité de l’avis médical,
.le poste indiqué par le médecin du travail ne serait pas celui occupé par Madame [E], ce qui procède manifestement d’une erreur matérielle sans effet sur la validité de l’avis d’inaptitude et alors que le médecin du travail lui-même mentionne avoir émis son avis après avoir procédé in situ à une étude de poste,
.l’absence de production des documents relatifs à l’étude du poste et des conditions de travail de la salariée, dont la remise au salarié n’est pas prescrite par la loi.
Tous les moyens seront rejetés.
2- Sur la demande de nullité du licenciement prononcé en raison du handicap
Madame [E] a été initialement engagée par l’Association nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes Provence Alpes-Côte d’Azur le 5 novembre 2001, en qualité de secrétaire. Son contrat a été transférée au Pôle Emploi le 1er avril 2010.
Au dernier état de la relation, elle était positionnée catégorie « Employé », échelon C3, coefficient 528, et elle percevait une rémunération brute mensuelle de 2.389,49 euros pour 151,67 heures de travail.
La salariée a été en arrêt de maladie du 31 juillet 2014 au 2 août 2014, du 3 août 2014 au 8 août 2014, du 15 août 2014 au 17 août 2014, du 18 août 2014 au 30 octobre 2014.
A compter du 15 janvier 2018 elle s’est trouvée placée en arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, avec prolongation jusqu’au 5 août 2019,
L’appelante soutient que le licenciement a été prononcé en raison de son handicap.
L’article 1132-1 du code de travail pose un principe général de non-discrimination en raison notamment de l’état de santé ou du handicap d’un salarié. Et l’article 1132-4 du même code sanctionne de la nullité toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance de ce principe.
L’article L. 1133-3 prévoit cependant que ‘Les différences de traitement fondées sur l’inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l’état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectives, nécessaires et appropriées.’
L’article L.1133-4 énonce quant à lui que ‘Les mesures prises en faveur des personnes handicapées et visant à favoriser l’égalité de traitement, prévues à l’article L. 5213-6 ne constituent pas une discrimination.’
Ce dernier texte énonce :
‘Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, l’employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l’article L. 5212-13 d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.
Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l’aide prévue à l’article L. 5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l’employeur.
Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article L. 1133-3.’
Le régime probatoire en matière de discrimination est énoncé à l’article L. 1134-1 du code du travail aux termes duquel :
‘Lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’
En vertu de ce texte, le salarié n’a donc pas à démontrer l’existence d’une discrimination mais il doit présenter des faits laissant supposer l’existence d’une telle discrimination à charge ensuite pour l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs étrangers à toute discrimination qui soient propres à justifier les mesures prises à l’égard du salarié.
Au cas de Mme [E], hormis les irrégularités invoquées par la salariée de la procédure de constatation de l’inaptitude et que la cour n’a pas retenues, Mme [E] invoque comme étant des actes du discriminatoire :
-l’absence d’organisation par l’employeur d’une visite de reprise à l’issue d’un précédent arrêt de maladie de plus de trente jours du 31 juillet au 30 octobre 2014 qui aurait pu permettre de faire constater une possible aggravation de son état de santé sachant qu’elle subira en 2015 une intervention chirurgicale d’ablation d’un mélanome,
-la référence expresse à son état de santé dans le compte rendu de son entretien annuel de 2015,
-le défaut d’organisation d’une visite de reprise à l’issue de l’arrêt de maladie de plus de 30 jours en 2014,
-sa vaine réclamation en juillet 2015 d’une évolution de carrière en qualité de gestionnaire des droits, en application de l’accord du 20 juillet 2015 relatif à l’emploi des personnes handicapées
l’obligation de reclassement,
Au soutien de son allégation, la salariée produit ses avis d’arrêts de travail, le compte rendu de son entretien annuel 2015, les échanges avec son employeur intervenus en 2015 au sujet de son évolution professionnelle, la réponse de la direction régionale de Pôle emploi au sujet de la classification de son emploi.
Le compte rendu de l’entretien annuel 2015 de Mme [E] mentionne que «sa conscience professionnelle n’est plus à démontrer malgré d’importants problèmes de santé». Cet élément couplé à l’échec de demande d’évolution professionnelle en 2015 laissent supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’état de santé et/ou du handicap de la salariée.
En réplique l’employeur démontre cependant avoir répondu aux interrogations de la salariée relatives à son évolution professionnelle de manière objective et argumentée en lui rappelant qu’elle avait bénéficié d’une promotion dans le cadre de la campagne de promotion 2014, et que comme pour les autres salariés sa participation à des actions de formation ne suffisait pas en tant que telle à justifier une évolution professionnelle. Interrogé sur ce point par Mme [E], l’Institution nationale publique Pôle emploi a répondu qu’elle connaissait parfaitement et tenait à la stricte application des dispositions de l’accord social handicap du 20 juillet 2015. Aucune violation de ce texte n’est caractérisée.
La mention «d’importants problèmes de santé» rencontrés par Mme [E] dans son évaluation professionnelle, certes discriminatoire n’est concomitante à aucun autre agissement de même nature. Elle apparaît isolée et ancienne au moment du licenciement de la salariée qui est survenu trois ans après.
L’absence de justification par l’employeur de l’organisation d’une visite de reprise de la salariée à l’issue de son arrêt de travail de plus de trente jours en 2014 ne suffit pas caractériser un comportement discriminatoire sauf à considérer que l’inobservation de cette formalité était volontaire ce qui n’est pas démontré étant relevé que la salariée ne produit pas les lettre de relance qu’elle prétend avoir adressées à son employeur.
Il est constant que lorsqu’un travailleur handicapé est déclaré inapte, l’exigence générale de recherche d’un reclassement doit être combinée à l’obligation spécifique au travailleur handicapé d’adaptation du poste de travail posée par l’article L. 5123-6 du code du travail. L’employeur doit prendre les « mesures appropriées » pour permettre au salarié handicapé de conserver son emploi ; à défaut le licenciement est nul en tant que constitutif d’une discrimination fondée sur le handicap.
Or, en l’espèce, il n’est pas démontré que l’employeur, aurait refusé de saisir la Sameth de la situation de Mme [E]. Cette formalité n’a simplement pas été accomplie.
Ainsi, la discrimination n’est pas caractérisée et le conseil de prud’hommes n’a pas fait une fausse application du principe de non-discrimination en jugeant que le licenciement de Mme [E] pas entaché de nullité et débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts.
Le licenciement de la salariée ne découle pas de l’état de santé ni du handicap de Mme [E] mais de l’impossibilité de la reclasser dans un emploi faisant suite à un avis d’inaptitude du médecin du travail qui mentionne que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » qui est une hypothèse de dispense de reclassement.
Mme [E] sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour violation des dispositions protectrices et la décision critiquée sera confirmée en ce qu’elle juge le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.
3- sur le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité
Aux termes de l’article L4121-1 du code du travail
L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L’employeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité au titre de l’obligation de sécurité qu’en justifiant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Il est constant en l’espèce que l’institution Nationale Publique Pôle Emploi – Etablissement PACA a manqué à son obligation de sécurité ne serait-ce qu’en ayant laissé mme [E] reprendre le travail sans lui faire passer de visite de reprise à l’issue de son arrêt de maladie de plus de trente jours survenu en 2014.
Mme [E] procède par voir d’affirmation et non de démonstration lorsqu’elle soutient que la détérioration de son état de santé en 2015, qui a justifié une importante opération d’ablation d’un mélanome est en lien avec ce défaut de visite de reprise et l’absence de vérification de l’adéquation du poste à son état de santé. Mme [E] ne démontre ni d’ailleurs ne prétend que son inaptitude découlerait précisément de ce manquement de l’employeur à son obligation de sécurité qu’il ne justifie pas avoir respectée.
Infirmant de ce seul chef la décision entreprise la cour alloue à la salariée la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, l’Institution nationale publique Pôle emploi sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1.800 euros.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Infirme le jugement en ce qu’il déboute la salariée de sa demande et statuant à nouveau
du seul chef infirmé, condamne l’Institution nationale publique Pôle emploi à payer à Mme [E] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité
Confirme le jugement sur le surplus des dispositions soumises à la cour
Y ajoutant,
Condamne l’Institution nationale publique Pôle emploi aux dépens de la procédure d’appel,
Condamne l’Institution nationale publique Pôle emploi à payer à Mme [E] une somme de 1.800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute l’Institution nationale publique Pôle emploi de sa demande d’indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT