Indemnité d’éviction : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/10333

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Indemnité d’éviction : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/10333

19 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG
22/10333

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 19 JANVIER 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/10333 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4TT

Décision déférée à la cour :

Jugement du 18 mai 2022-Juge de l’exécution d’EVRY-RG n° 21/00322

APPELANTE

S.C.I. AMI

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Paulette AULIBE-ISTIN, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE

INTIMÉE

S.A.R.L. ARJMUS

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 7 décembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Agissant sur le fondement d’un jugement définitif, selon certificat de non-appel du 12 juillet 2021, rendu par le tribunal judiciaire d’Evry le 6 mai 2021 et signifié le 2 juin suivant, la Sarl Arjmus a fait délivrer le 27 octobre 2021 à la Sci Ami un commandement de payer valant saisie d’un immeuble sis à [Adresse 5], publié le 22 novembre 2021 au service de la publicité foncière de Corbeil sous le volume [Cadastre 2].

Par assignation du 17 décembre 2021, la société Arjmus a fait assigner la Sci Ami à l’audience d’orientation du 16 février 2022 devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Evry.

Par jugement d’orientation contradictoire du 18 mai 2022, le juge de l’exécution a, notamment :

mentionné la créance de la société Arjmus pour la somme de 518.962,09 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2021 et jusqu’à complet paiement ;

ordonné la vente forcée des biens immobiliers saisis ;

dit que la vente aurait lieu à l’audience du 14 septembre 2022 sur une mise à prix de 330.000 euros ;

organisé les modalités de visite de l’immeuble et de publicité ;

dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe ;

rappelé que le jugement est, de plein droit, exécutoire par provision.

Selon déclaration du 7 juin 2022, la Sci Ami a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 21 juillet 2022, la Sci Ami a été autorisée à assigner à jour fixe devant la cour pour l’audience du 7 décembre 2022. Elle a fait délivrer assignation à jour fixe à la société Arjmus par procès-verbal d’huissier du 9 août 2022 et l’a placée par voie électronique le 16 août suivant.

Par dernières conclusions signifiées le 1er décembre 2022, la Sci Ami demande à la cour de :

à titre liminaire,

infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

juger que le montant de la créance de la société Arjmus doit être réduit à la somme de 515.092,09 euros (sic),

en conséquence,

fixer le montant de la créance de la société Arjmus à la somme de 205.092,09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2021 et jusqu’à complet paiement,

lui octroyer un délai de grâce consistant en un délai de carence de 6 mois pour apurer sa dette en intégralité, sur le fondement des articles 510 du code de procédure civile et 1343-5 du code civil,

à titre subsidiaire,

autoriser la vente amiable et fixer le prix plancher à la somme de 400.000 euros ;

renvoyer à quatre mois l’audience à laquelle l’affaire sera rappelée aux fins de voir constater la vente amiable ou statuer sur une demande de délai complémentaire ;

en tout état de cause,

rejeter toutes les demandes formées par la société Arjmus ;

réserver les dépens.

En réponse à la fin de non-recevoir tirée de l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, elle soutient avoir adressé au premier juge des conclusions la veille de l’audience d’orientation, dans lesquelles elle contestait le montant de la créance en ce qu’il comportait des frais ne se rapportant pas à l’immeuble saisi ; que le juge de l’exécution a omis de les prendre en considération et d’y répondre. Elle ajoute qu’un élément nouveau est né postérieurement au jugement d’orientation, en ce que la société Arjmus a requis la vente forcée à l’audience d’adjudication du 14 septembre 2022 et été déclarée adjudicataire au montant de la mise à prix, soit 330.000 euros en l’absence d’enchère ; que si ce jugement devenait définitif, le preneur devenu propriétaire n’aurait plus droit à l’indemnité d’éviction, de sorte que le montant de la créance devrait être diminué d’autant.

En ce qui concerne la demande de délais, elle précise qu’elle doit disposer prochainement de disponibilités qui lui permettront de s’acquitter de l’intégralité de sa dette dans un délai de six mois.

A titre subsidiaire, elle prétend avoir confié un mandat de vente pour le prix de 525.000 euros qui permettrait de désintéresser complètement le créancier poursuivant.

Par dernières conclusions signifiées le 5 décembre 2022, la société Arjmus demande à la cour de :

déclarer l’appel irrecevable ;

condamner la Sci Ami à lui payer la somme de 4000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

condamner la Sci Ami à lui payer la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la Sci Ami aux entiers dépens d’appel.

A cet effet, elle soutient que, pourtant représentée en première instance, la Sci Ami n’a émis ni demande ni contestation, ainsi que l’a retenu le juge de l’exécution, de sorte que le conseil de la Sci Ami ne justifie pas lui avoir signifié ses conclusions d’incident (horodatées du 6 avril 2022 à 18h07 pour une audience du 7 avril à 9h30) et ne semble donc pas les avoir soutenues à l’audience ; qu’en tout état de cause, celles-ci ne portaient que sur le montant de la créance ; qu’elle rappelle néanmoins que les frais d’hypothèque litigieux résultent d’un titre exécutoire, le jugement du tribunal judiciaire d’Evry du 6 mai 2021 ; que les autres contestations n’ont pas été élevées en première instance.

Elle rappelle que la Cour de cassation, sur le fondement des articles R.311-5 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution et 125 du code de procédure civile, juge que les demandes du saisi formées pour la première fois en cause d’appel et présentées après l’audience d’orientation, dès lors qu’elles ne portent pas sur des actes postérieurs à celle-ci, doivent être déclarées irrecevables ; qu’ainsi l’appel formé par la Sci Ami doit être déclaré irrecevable.

A titre subsidiaire, elle fait valoir, concernant l’adjudication poursuivie, que la Sci Ami n’a ni contesté la procédure d’exécution ni sollicité l’orientation vers la vente amiable ; qu’une surenchère contestée ayant été régularisée, la vente n’est pas définitive ; mais que l’indemnité d’éviction résulte du contrat de bail qui n’a pas été renouvelé, peu important que le bien soit vendu à elle-même ou à un tiers.

L’affaire a été évoquée à l’audience de plaidoirie du 7 décembre 2022. Par message RPVA du 8 décembre 2022, la cour a invité la Sci Ami à justifier, avant le 14 décembre suivant, de la notification à la société Arjmus de ses conclusions d’incident datées du 5 avril 2022 en vue de l’audience d’orientation du 6 avril 2022 à 9h30 devant le juge de l’exécution d’Evry.

Par message RPVA du 13 décembre 2022, la Sci Ami a adressé la preuve du message envoyé par Me Xavier Watrin, conseil de la Sci Ami, à Me Hélène Moutardier, conseil de la société Arjmus, et reçu le 5 avril 2022 à 17h14, ayant pour objet la communication des conclusions d’incident de la Sci Ami en vue de l’audience d’orientation du lendemain.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’appel et des contestations présentées par la Sci Ami

Aux termes de l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R.322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.

Ce texte n’emporte pas, en cas de contestation ou demande incidente formée après l’audience d’orientation et ne portant pas sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci, l’irrecevabilité de l’appel mais celle de ladite contestation ou demande. Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel.

En ce qui concerne la contestation, dont il est aujourd’hui justifié qu’elle a été adressée par conclusions incidentes par voie électronique la veille de l’audience d’orientation à 18h07 tant au juge de l’exécution qu’au créancier, il résulte des motifs du jugement qu’elle a échappé à l’attention du juge qui n’a pas statué dessus et que, par suite, elle n’est pas nouvelle devant la cour. Par conséquent, il n’y a pas lieu de déclarer irrecevable au regard de l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution la contestation du montant de la créance.

Au fond, le montant de la créance est contesté en qu’il comprend, à hauteur de 3870 euros, des frais d’ « hypothèque judiciaire, CSI et [Localité 6], [Localité 3] », qui ne se rattacheraient manifestement pas à l’immeuble saisi sis à [Localité 4] (Essonne). A ce titre, la société Arjmus justifie aux débats par la production de la facture établie le 10 décembre 2021 par le service de la publicité foncière de Créteil 2, qu’il s’agit bien de frais ([Localité 6]) d’hypothèque et de commandement de payer valant saisie immobilière engendrés par le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Evry le 6 mai 2021. Or ce jugement constitue le titre exécutoire définitif fondant la présente mesure de saisie immobilière et s’impose à la cour statuant avec les pouvoirs du juge de l’exécution. Le moyen tiré du fait que la créance devrait être diminuée du montant de l’indemnité d’éviction au cas où le jugement d’adjudication du 14 septembre 2022 deviendrait définitif et où la société Arjmus deviendrait alors propriétaire des locaux, se heurte également au caractère définitif du titre exécutoire. Les moyens tendant à la contestation du montant de la créance sont donc mal fondés.

En revanche, sont bien nouvelles à hauteur d’appel la demande en délais de paiement de la Sci Ami comme sa demande tendant à être autorisée à vendre son bien à l’amiable, qui ne portent pas sur des actes de procédure postérieurs à l’audience d’orientation. Elles seront donc déclarées irrecevables par application des dispositions de l’article R.311-5 du code des procédures civiles d’exécution.

Sur la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive

L’intimée ne fait valoir aucun moyen au soutien de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive. Or le droit d’exercer une action en justice ou une voie de recours ne dégénère en abus que s’il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l’appréciation de ses droits qui ne saurait résulter du seul rejet de ses prétentions.

Faute pour l’intimée d’établir un tel abus, sa demande en dommages-intérêts sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Partie succombante, la Sci Ami doit être condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare l’appel recevable ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande en délais de paiement formée par la Sci Ami ;

Déclare irrecevable la demande de la Sci Ami tendant à voir autoriser la vente amiable ;

Déboute la Sarl Arjmus de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la Sci Ami à payer à la société Arjmus la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Sci Ami aux dépens d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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