Indemnité d’éviction : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11831

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Indemnité d’éviction : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11831

26 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG
22/11831

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 26 JANVIER 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/11831 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAXJ

Décision déférée à la cour :

Jugement du 30 juin 2022-Juge de l’exécution de PARIS-RG n° 21/00241

APPELANTE

S.C.I. SHAHNAZ

[Adresse 2]

[Localité 10]

représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

ayant pour avocat plaidant Me Eric DESLANDES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0389

INTIMÉES

S.A. BNP PARIBAS

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Béatrice LEOPOLD COUTURIER de la SELARL PUGET LEOPOLD COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R029

substituée à l’audience par Me Patrice LEOPOLD de la SELARL PUGET LEOPOLD COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R029

S.A.R.L. CIRCUS

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée et assistée de Me Dorothée LANTER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0640

CRCAM DE [Localité 11] ET D’ILE-DE-FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 6]

n’a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 14 décembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Madame Camille LEPAGE

ARRÊT

– réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement en date du 10 mars 2015, le tribunal de grande instance de Paris a notamment constaté la cessation du bail liant la SCI Shahnaz et la Sarl Circus au 31 mars 2010 par l’effet du congé délivré le 19 août 2009, dit que la société Circus était déchue de son droit au maintien dans les lieux et de son droit au paiement d’une indemnité d’éviction, et ordonné son expulsion. Par arrêt du 29 mars 2017, la cour d’appel de Paris a confirmé ce jugement, sauf en ses dispositions ayant dit que la société Circus était déchue de son droit au paiement d’une indemnité d’éviction, et a ordonné une expertise afin de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction à laquelle le preneur a droit du fait du congé.

Après dépôt du rapport d’expertise le 13 décembre 2017, la cour d’appel de Paris a, par arrêt du 23 janvier 2019, fixé le montant de l’indemnité d’éviction due par la SCI Shahnaz à la Sarl Circus à la somme de 467.130 euros.

Se prévalant de cette décision, la société Circus a, suivant commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 27 mai 2021, publié le 13 juillet 2021 au service de la publicité foncière de Paris 1, sous le volume 2021 S n°64, entrepris la saisie des biens immobiliers appartenant à la SCI Shahnaz situés à [Localité 5], l’un [Adresse 7] et [Adresse 9] (lots n°13, 14, 29, 30, 31, 34, 35 et 42), l’autre [Adresse 8] et [Adresse 4] (lots n°3 et 26).

Par acte d’huissier en date du 9 septembre 2021, la société Circus a fait assigner la SCI Shahnaz à l’audience d’orientation du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de vente forcée.

Cette assignation a été dénoncée à la SA BNP Paribas et à la SA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 11] et d’Ile-de-France les 10 et 13 septembre 2021.

La SCI Shahnaz a sollicité un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel de Paris sur le recours en révision dont elle a été saisie le 29 octobre 2021 et dans l’attente de la décision du tribunal correctionnel de Paris à la suite de la plainte avec constitution de partie civile qu’elle a déposée le 2 novembre 2021.

Par jugement d’orientation en date du 30 juin 2022, le juge de l’exécution a :

rejeté la demande de sursis à statuer,

rejeté la demande de vente amiable,

ordonné en conséquence la vente forcée des biens visés au commandement et fixé la date de l’audience d’adjudication,

mentionné que le montant retenu pour la créance du poursuivant est de 588.676,82 euros,

organisé les visites des biens et aménagé la publicité,

dit que les dépens seront compris dans les frais taxés de vente.

La SCI Shahnaz a fait appel de cette décision par déclaration du 6 juillet 2022, puis a saisi le premier président d’une demande d’autorisation d’assigner à jour fixe par requête du 8 juillet 2022.

Par acte d’huissier des 22 juillet et 4 août 2022, déposé au greffe par le RPVA le 9 août 2022, elle a fait assigner à jour fixe respectivement la BNP Paribas, le Crédit Agricole et la Sarl Circus devant la cour d’appel de Paris, après y avoir été autorisée par ordonnance sur requête du président de chambre délégataire en date du 8 juillet 2022.

Par conclusions n°2 du 1er décembre 2022, la SCI Shahnaz demande à la cour d’appel de :

– réformer le jugement attaqué du 30 juin 2022 en toutes ses dispositions,

– surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel de Paris sur le recours en révision dont elle a été saisie le 29 octobre 2021,

– surseoir à statuer dans l’attente de la décision du tribunal correctionnel de Paris, suite à la plainte avec constitution de partie civile, déposée le 2 novembre 2021 devant le doyen des juges d’instruction,

Subsidiairement,

– l’autoriser à procéder à la vente amiable des lots n°29, 30, 31, 34 et 35 au prix minimum de 820.000 euros.

Sur ses demandes de sursis à statuer, elle invoque les dispositions de l’article 599 du code de procédure civile et de l’article 4 du code de procédure pénale et soutient qu’en l’espèce, le recours en révision et la plainte pénale peuvent remettre en question le titre sur lequel la procédure de saisie immobilière est fondée ainsi que le montant de la créance. Elle souligne que le juge de l’exécution a une mission de vérification de la régularité des poursuites et que l’annulation du jugement servant de fondement aux poursuites entraîne la nullité de la procédure de saisie immobilière. Elle explique que le recours en révision a pour but de démontrer que l’indemnité d’éviction n’est pas due ou doit être révisée à la baisse, à 260.000 euros, et que la plainte pénale tend à établir que la religion des juges a été surprise par des man’uvres frauduleuses de la société Circus, précisant qu’une nouvelle plainte devant le doyen des juges d’instruction a été déposée le 23 mai 2022. Elle estime que son recours en révision n’est pas irrecevable comme le prétend la Sarl Circus, car elle a retrouvé des pièces comptables dans les lieux qui étaient loués à la société Circus, postérieurement à l’arrêt de la cour d’appel du 23 janvier 2019. Elle fait valoir que l’expert judiciaire s’est fondé sur des documents comptables qui ne sont ni probants ni sincères et que l’indemnité d’éviction a été calculée sur la base d’un chiffre d’affaires gonflé et inexact, ne correspondant pas à la faible masse salariale ni à l’activité réelle, de sorte qu’il y a eu escroquerie au jugement, faux et usage de faux. Elle explique que la remise en cause du chiffre d’affaires ne peut qu’influer sur le montant de l’indemnité d’éviction, car soit la fraude anéantit tout droit à indemnité d’éviction, soit elle aboutit à revoir à la baisse le montant de cette indemnité ; que le juge de l’exécution doit vérifier la validité du titre exécutoire et donc de la procédure de saisie immobilière et le montant de l’indemnité d’éviction, sans pouvoir remettre en cause lui-même le titre exécutoire, de sorte qu’il ne peut remplir sérieusement son office sans connaître le résultat du recours en révision et de la plainte pénale.

Subsidiairement, sur la demande de vente amiable, elle estime que le juge de l’exécution a ajouté une condition à la loi en exigeant la mise en vente des biens par un mandat ou la conclusion d’une promesse, et indique qu’elle offre désormais de vendre cinq lots de l’immeuble situé [Adresse 7] au prix de 820.000 euros et qu’elle a consenti un mandat de vente.

Par conclusions du 2 décembre 2022, la Sarl Circus demande à la cour d’appel de :

débouter la SCI Shahnaz de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

condamner la SCI Shahnaz au paiement de la somme de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la SCI Shahnaz tente de paralyser la procédure en cours ; que le recours en révision venant d’être rejeté par arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 30 novembre 2022, sa demande de sursis à statuer n’a plus d’objet ; que la déclaration relative à la découverte de documents comptables dans la cave dans la plainte pénale est mensongère ; que cette plainte est vouée à l’échec comme le recours en révision. Elle approuve la motivation du premier juge qui a débouté la SCI Shahnaz de sa demande de sursis à statuer.

Sur la demande de vente amiable, elle souligne que devant le premier juge, la SCI Shahnaz a proposé la vente amiable d’autres lots pour un total de 645.000 euros qui ne permettait pas de la désintéresser totalement compte tenu du privilège de la BNP Paribas ; qu’il appartenait à la SCI Shahnaz de faire sa proposition à hauteur de 820.000 euros dès la première instance et de justifier de ses démarches ; qu’à hauteur d’appel, elle s’est décidée à signer un mandat de vente pour un montant de 861.000 euros mais pour des biens libres de tout occupation, alors qu’ils sont occupés ; qu’à supposer que sa proposition soit recevable au regard de l’article R.311-5 du code des procédures civiles d’exécution, il n’en demeure pas moins que ses prétentions relatives à la vente amiable ne sont pas sérieuses.

Par conclusions du 13 décembre 2022, la SA BNP Paribas s’en rapporte à justice sur le mérite de l’appel de la SCI Shahnaz et sur les demandes, fins et prétentions de la SCI Shahnaz et de la Sarl Circus et demande à la cour de statuer ce que de droit sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Régulièrement citée à personne morale, la SA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 11] et d’Ile-de-France n’a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Aux termes de l’article R.322-15 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, à l’audience d’orientation, le juge de l’exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L.311-2, L.311-4 et L.311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.

L’article L.311-2 dispose que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre et par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du livre Ier.

Sur les demandes de sursis à statuer

Aux termes de l’article 599 du code de procédure civile, si une partie s’est pourvue ou déclare qu’elle entend se pourvoir en révision contre un jugement produit dans une instance pendante devant une juridiction autre que celle qui l’a rendu, la juridiction saisie de la cause dans laquelle il est produit peut, suivant les circonstances, passer outre ou surseoir jusqu’à ce que le recours en révision ait été jugé par la juridiction compétente.

En l’espèce, la Sarl Circus justifie de ce que le recours en révision formé par la SCI Shahnaz contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 23 janvier 2019, qui constitue le titre exécutoire fondant la saisie immobilière, a été déclaré irrecevable, comme étant tardif, par arrêt de la même cour en date du 30 novembre 2022. Dès lors, la demande de sursis à statuer ne peut qu’être rejetée puisqu’elle n’a plus d’objet.

L’article 4 du code de procédure pénale dispose :

« L’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique.

Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. »

La SCI Shahnaz justifie avoir déposé une plainte avec constitution de partie civile contre la Sarl Circus pour faux, usage de faux et escroquerie au jugement en raison d’une prétendue fraude dans la fixation de l’indemnité d’éviction, et avoir versé la consignation de la partie civile à la régie du tribunal judiciaire de Paris le 14 octobre 2022.

Toutefois, à supposer même que cette plainte aboutisse à une condamnation pénale de la Sarl Circus, la décision pénale ne pourrait avoir pour effet d’annuler l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 23 janvier 2019, seul le recours en révision étant susceptible de le remettre en cause. C’est donc en vain que la SCI Shahnaz soutient que la plainte peut remettre en cause le titre exécutoire qui fonde les poursuites.

Par ailleurs, aux termes de l’article R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l’exécution.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer.

Sur la demande d’autorisation de vente amiable

Aux termes de l’article R.322-15 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, lorsqu’il autorise la vente amiable, le juge s’assure qu’elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur.

En l’espèce, le commandement de payer valant saisie immobilière porte sur huit lots (n°13, 14, 29, 30, 31, 34, 35 et 42) situés dans l’immeuble sis [Adresse 7] et [Adresse 9] et deux lots (n°3 et 26) dans l’immeuble sis [Adresse 8] et [Adresse 4].

Le commandement étant indivisible, sauf demande expresse de cantonnement qui n’est pas formulée en l’espèce, la vente forcée ordonnée ou la vente amiable autorisée par le juge de l’exécution ne peuvent porter que sur la totalité des biens saisis, soit en l’espèce sur les dix lots objet du commandement.

Dès lors, il ne peut être fait droit à la demande d’autorisation de vente amiable formulée par la SCI Shahnaz en ce qu’elle porte sur cinq lots uniquement.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de vente amiable et a ordonné la vente forcée de l’immeuble saisi.

Sur les demandes accessoires

Succombant en son appel, la SCI Shahnaz sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

Il n’est pas inéquitable de faire application de l’article 700 au profit de la Sarl Circus et de condamner ainsi la SCI Shahnaz à lui payer la somme de 1.000 euros en compensation de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement d’orientation rendu le 30 juin 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SCI Shahnaz à payer à la Sarl Circus la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCI Shahnaz aux dépens de la procédure d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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