26 janvier 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
20/02463
N° RG 20/02463 – N° Portalis DBVM-V-B7E-KQE2
C1
Minute N°
délivrée le :
la SELARL ROBICHON & ASSOCIES
la SELARL CDMF AVOCATS
Me GONDOUIN
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 26 JANVIER 2023
Appel d’un jugement (N° RG 16:00699)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de grenoble
en date du 18 juin 2020
suivant déclaration d’appel du 04 août 2020
APPELANTE :
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8], syndicat de copropriétaires en liquidation, représenté par son liquidateur la société FONCIA AGDA, nouvelle dénomination de la société AGDA, désignée initialement à cet effet par assemblée générale du 22 décembre 2014, reconduite aux mêmes fins par assemblée générale du 3 novembre 2017, SAS au capital de 667 658 €, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° 393 369 863, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domicilié es qualité audit siège
[Localité 4]
[Localité 4]
représentée et plaidant par Me CHAUVET de la SELARL ROBICHON & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉES :
S.N.C. KLEPIERRE [Localité 4] (anciennement dénommée CORIO [Localité 4]), au capital de 3.200 €, immatriculée sous le numéro 441 219 599 RCS Paris, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me BANDOSZ de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me CELLIÉ, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. SQUARE HABITAT SUD RHONE ALPES, au capital social de 1079 850 euros, immatriculée au RCS de ROMANS sous le numéro 378 336 143, représentée par son Président en exercice domicilié es qualité audit siège venant aux droits de la Société SQUARE HABITAT GESTION SUD RHONEALPES, Société par Actions simplifiées au capital social de 162 840 Euros, dont le siège social est [Adresse 5], immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le numéro 300 656 808
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée et plaidant par Me Alain GONDOUIN, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Alice RICHET, Greffière et en présence de Mme Clémence RUILLAT, Greffière stagiaire.
DÉBATS :
A l’audience publique du 12 octobre 2022, Mme BLANCHARD, conseillère, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré.
EXPOSE DU LITIGE :
Par un acte authentique du 31 janvier 1975, la commune d'[Localité 4] a consenti à la société d’Aménagement du Département de l’Isère (SADI) un bail à construction d’une durée de 40 ans sur un terrain situé [Adresse 6] à [Localité 4] aux fins d’y édifier un centre commercial.
Le bâtiment construit par la SADI a été soumis au statut de la copropriété suivant un état descriptif de division et un règlement de copropriété du 3 mars 1975, le Syndicat des copropriétaires devenant preneur du bail à construction.
Par acte authentique du 6 juin 2002, la Snc Corio [Localité 4], devenue la Snc Klepierre [Localité 4] (société Klepierre), a fait l’acquisition du terrain grevé du bail à construction. Ce dernier est parvenu à son terme le 30 janvier 2015.
Suivant acte sous seing privé du 7 décembre 1993, le Syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, le cabinet RTS Immobilier, a conclu avec la Sarl Tie City un bail commercial à compter du 1er décembre 1993 portant sur un emplacement de 40 m² au sein du centre commercial [Adresse 8].
Le 29 mars 2005, la société Tie City a notifié au syndic devenu la société Aubreton Immobilier, une demande de renouvellement du bail à laquelle il n’a pas été répondu.
Le 15 juin 2010, le Syndicat des copropriétaires a notifié au preneur un congé avec refus de renouvellement et offre d’une indemnité d’éviction de 1 euro, à effet du 31 décembre 2010.
La société Tie City s’est maintenue dans les lieux après cette date.
Par un jugement définitif du tribunal de grande instance de Grenoble en date du 4 avril 2016, le Syndicat des copropriétaires a été condamné au paiement d’une indemnité d’éviction et la société Tie City au règlement, à compter du 1er mars 2014, d’une indemnité d’occupation de 1.650 euros par mois, outre indexation annuelle.
En février 2015, la société Corio a vainement saisi le juge des référés en vue d’obtenir l’expulsion de la société Tie City qui les a quittés le 31 août 2017.
Se prévalant d’un préjudice résultant de ce maintien dans les lieux pendant 31 mois après la fin du bail à construction, la société Corio a fait assigner le Syndicat des copropriétaires, qui a appelé dans la cause la Sas Square Habitat Gestion Sud Rhône Alpes (la société Square Habitat), nouvelle dénomination de la société Aubreton Immobilier, comme venant aux droits et obligations du cabinet RTS Immobilier.
Par jugement du 18 juin 2020, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
– rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture et de réouverture des débats formée le 3 mars 2020 par le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation;
– jugé irrecevables les conclusions n° 4 notifiées le 3 mars 2020 par le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation ;
– écarté les pièces n° 17 à 22 communiquées le 3 mars 2020 par le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation ;
– condamné le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, à payer à la Snc Corio [Localité 4] la somme de 51.550 euros à titre de dommages et intérêts;
– jugé la Sas Square Habitat Gestion Sud Rhône Alpes irrecevable en son moyen tiré du défaut de pouvoir de la société Agda Immobilière à représenter le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation ;
– jugé le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, recevable en ses demandes dirigées contre la Sas Square Habitat Gestion Sud Rhône Alpes, mais mal fondé ;
– débouté le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, de toutes ses demandes contre la Sas Square Habitat Gestion Sud Rhône Alpes ;
– débouté la Sas Square Habitat Gestion Sud Rhône Alpes de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– condamné le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, à payer à la Snc Corio [Localité 4] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, à payer à la Sas Square Habitat Gestion Sud Rhône Alpes la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire ;
– condamné le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Me Gondouin pour ceux dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision suffisante.
Suivant déclaration au greffe du 4 août 2020, le Syndicat de Copropriété centre commercial [Adresse 8] a relevé appel de cette décision, en ce qu’elle a :
– condamné le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, à payer à la Snc Corio [Localité 4] la somme de 51.550 euros à titre de dommages et intérêts,
– jugé le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, recevable en ses demandes dirigées contre la Sas Square Habitat Gestion Rhône Alpes, mais mal fondé,
– débouté le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, de toutes ses demandes contre la Sas Square Habitat Gestion Rhône Alpes,
– condamné le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, à payer à la Snc Corio [Localité 4] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, à payer à la Sas Square Habitat Gestion Rhône Alpes la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8], Syndicat des copropriétaires en liquidation, aux entiers dépens.
Prétentions et moyens du Syndicat des copropriétaires :
Au terme de ses dernières écritures notifiées le 7 octobre 2022, le Syndicat des copropriétaires demande à la cour de :
– ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture intervenue le 6 octobre 2022 pour cause grave,
– débouter la société Square Habitat Sud Rhône Alpes de son moyen nouveau tiré du défaut de pouvoir ou de qualité pour agir de la société Agda au motif erroné de sa disparition, cette société ayant simplement changé de raison sociale,
– constater que la société Square Habitat Gestion Rhône Alpes a été radiée par suite de fusion absorption par la société Square Habitat Sud Rhône Alpes,
– juger que la société Square Habitat Sud Rhône Alpes vient aux droits de la société Square Habitat Gestion Rhône Alpes,
– par conséquent,
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
. déclaré recevables les demandes présentées par le Syndicat des copropriétaires en liquidation,
. rejeté la demande de la société Square Habitat Sud Rhône Alpes au titre d’une prétendue procédure abusive ,
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
. jugé mal fondées les demandes du Syndicat des copropriétaires,
. jugé mal fondée la demande de garantie du Syndicat des copropriétaires à l’égard de la société Square Habitat Sud Rhône Alpes,
. condamné le Syndicat des copropriétaires à verser à la société Snc Corio, aujourd’hui dénommée Klepierre [Localité 4], la somme de 51.550 euros au titre de son prétendu préjudice,
. condamné le Syndicat des copropriétaires à verser à la société Snc Corio, aujourd’hui dénommée Klepierre [Localité 4], la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
. condamné le Syndicat des copropriétaires à verser à la société Square Habitat Sud Rhône Alpes la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuant à nouveau,
– constater que la société Corio, aujourd’hui dénommée Klepierre [Localité 4], décrit un prétendu préjudice sans la moindre explication et sans le moindre justificatif,
– dire que la société Corio, aujourd’hui dénommée Klepierre [Localité 4], est défaillante dans la charge de la preuve qui lui incombe,
– débouter la société Corio, aujourd’hui dénommée Klepierre [Localité 4], de l’intégralité de ses demandes,
– dire que la société RTS, aux droits et obligations de laquelle vient la société Square Habitat Sud Rhône Alpes, a commis une faute en conseillant l’établissement d’un bail commercial entre le Syndicat des copropriétaires centre commercial [Adresse 8] et la société Tie City, et en rédigeant le bail correspondant, sans réserves ni précaution aucune tenant à la précarité des
droits du Syndicat, alors qu’elle aurait dû conseiller l’établissement et rédiger une convention d’occupation précaire,
– dire que ces manquements engagent la responsabilité contractuelle de la société Square Habitat Sud Rhône Alpes et, subsidiairement, sa responsabilité quasi délictuelle,
– constater que le préjudice directement causé résulte, pour le Syndicat des copropriétaires centre commercial [Adresse 8], dans l’obligation qui en est résulté pour lui d’avoir à payer à la société Tie City les sommes de :
– 501.800 euros,
– 12.000, 85 euros,
– 37.600 euros,
– 19.756, 68 euros,
– auquel il convient de rajouter 3000 euros d’article 700,
– honoraires de gestion du liquidateur : 16.400 euros,
soit un préjudice de 579.757,53 euros,
– constater que le préjudice s’étend en outre aux sommes qui seront dues le cas échéant en complément à la société Tie City (indemnités de licenciement et de préavis) et à celles qui seraient payées, le cas échéant, à la société Corio pour le cas où celle-ci établirait avec succès l’existence d’un préjudice en lien de causalité avec le maintien dans les lieux de la société Tie City, préjudice non précisé à ce jour,
– en conséquence,
– condamner la société Square Habitat Sud Rhône Alpes à payer au Syndicat des copropriétaires en liquidation centre commercial [Adresse 8] la somme de 579.757,53 euros en principal, sauf à parfaire en raison de frais accessoires, intérêts, et compléments d’indemnité résultant de l’exécution du jugement du 4 avril 2016,
– condamner la société Square Habitat Sud Rhône Alpes à relever et garantir le Syndicat des copropriétaires en liquidation centre commercial [Adresse 8] de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au bénéfice de la société Corio,
– débouter la société Square Habitat Sud Rhône Alpes de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, notamment au titre d’une prétendue procédure abusive,
– condamner la société Square Habitat Sud Rhône Alpes à payer au Syndicat des copropriétaires en liquidation centre commercial [Adresse 8] une somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, distraits au profit de la Selarl Robichon et Associés.
Le Syndicat des copropriétaires conteste l’existence du préjudice allégué par la société Klepierre en l’absence de justification et reproche au tribunal d’avoir retenu d’office des motifs d’indemnisation que la demanderesse n’a pas développés.
Il fait valoir que la société Klépierre ne justifie pas des projets d’aménagement du centre commercial, ni de ses démarches en vue de relouer le local occupé par la société Tie City.
A l’égard de la société Square Habitat, il soutient que c’est à la faveur d’un traité de fusion que l’intégralité du patrimoine, actif comme passif, de la société RTS Immobilier a été transmis à la société Aubreton Immobilier, devenue Square Habitat par simple changement de dénomination, et que ses demandes à son encontre sont donc recevables.
Il rappelle que la société Agda lui a bien été désignée en qualité de liquidateur, que l’action est destinée à faire constater et liquider une créance à l’encontre de la société Square Habitat, qu’il s’agit bien d’un acte de réalisation de son actif entrant dans les pouvoirs du liquidateur.
Il estime que son action n’est pas prescrite considérant que c’est à la date du dépôt du rapport d’expertise chiffrant l’indemnité d’éviction que son dommage a été connu et qu’il a été en mesure d’agir.
Le syndicat des copropriétaires fait valoir que la société Square Habitat a failli aux obligations résultant de son mandat de syndic et engagé sa responsabilité contractuelle aux motifs que :
– mandaté par le Syndicat des copropriétaires pour régulariser un bail commercial avec la société Tie City, elle lui devait un devoir de conseil et une obligation d’assurer l’efficacité de l’acte comme son caractère adapté à la situation de son mandant,
– en ne faisant aucune référence dans le bail, à la précarité des droits du Syndicat pour la rendre opposable au preneur, le syndic a introduit un risque de conflit entre la propriété commerciale accordée à ce dernier et l’extinction programmée des droits du bailleur,
– en assurant la représentation du Syndicat dans la procédure en fixation de l’indemnité d’éviction de la société Tie City, malgré le conflit d’intérêts, cette instance révélant la faute commise.
Il considère que la société Square Habitat ne peut valablement s’exonérer de ses obligations en lui opposant les compétences non démontrées de certains de ses membres, ni en prétendant avoir ignoré l’existence du bail à construction.
Il reproche également au syndic d’avoir régularisé un bail plutôt qu’une convention d’occupation précaire qui aurait permis d’éviter le versement d’une indemnité d’éviction et le maintien dans les lieux du locataire.
Il rappelle qu’il avait l’obligation de restituer les lieux vides de toute occupation et qu’il ne peut lui être opposé la faculté d’exercice de son droit de repentir.
Il fait valoir que son préjudice est constitué d’une part du versement de l’indemnité d’éviction à la société Tie City, d’autre part de l’indisponibilité du bien résultant du maintien dans les lieux du locataire, que les quitus donnés au syndic par l’assemblée générale des copropriétaires ne peuvent constituer des causes d’exonération alors que le vote du 29 novembre 1994 est nul pour être entaché de complexité comme liant deux décisions dans une même délibération et n’a subsidiairement pu porter que sur la seule gestion financière, que par ailleurs, les copropriétaires n’ont pas eu la volonté d’exonérer le syndic de ses fautes dont ils n’ont découvert l’existence et les conséquences qu’à l’occasion de la fixation de l’indemnité d’éviction par l’expert judiciaire.
Prétentions et moyens de la société Klepierre :
Selon ses dernières conclusions notifiées le 5 octobre 2022, la société Klepierre entend voir :
– constater la méconnaissance par le Syndicat de copropriétaires du centre commercial [Adresse 8] de son obligation de restituer à la société Corio [Localité 4], désormais dénommée Klepierre [Localité 4], les constructions édifiées en vertu du bail à construction du 31 janvier 1975 libres de toute occupation,
– dire et juger la société Klepierre [Localité 4], anciennement dénommée Corio [Localité 4], tant recevable que bien fondée en ses demandes, fins et prétentions,
– en conséquence :
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné le Syndicat de copropriétaires du centre commercial [Adresse 8] à verser à la société Corio [Localité 4], désormais dénommée Klepierre [Localité 4], la somme de 51.550 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l’occupation par la société Tie City des locaux dont elle était directement propriétaire à compter du 31 janvier 2015 et jusqu’à son départ des lieux le 31 août 2017,
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté le société Corio [Localité 4], désormais dénommée Klepierre [Localité 4], de ses autres demandes de dommages et intérêts pour les préjudices résultant des fautes imputables au Syndicat de copropriétaires du centre commercial [Adresse 8] :
– condamner le Syndicat de copropriétaires du centre commercial [Adresse 8] au paiement à la société Klepierre [Localité 4], anciennement dénommée Corio [Localité 4], d’un montant de 48.450 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires au titre de l’indisponibilité du bien ayant entraîné l’indisponibilité du centre commercial pour des travaux de restructuration,
– condamner le Syndicat de copropriétaires du centre commercial [Adresse 8] au paiement à la société Klepierre [Localité 4], anciennement dénommée Corio [Localité 4], de la somme de 3.000 euros correspondant aux 1.500 euros que la société Corio [Localité 4] a été condamnée à payer à la société Tie City dans l’ordonnance du 25 mars 2015 et le jugement du 12 février 2018,
– en tout état de cause :
– débouter le Syndicat de copropriétaires du centre commercial [Adresse 8] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– débouter la société Square Habitat de l’ensemble de ses allégations, demandes, fins et prétentions formulées à l’encontre de la société Klepierre [Localité 4], anciennement dénommée Corio [Localité 4],
– condamner le Syndicat de copropriétaires du centre commercial [Adresse 8] à verser à la société Klepierre [Localité 4], anciennement dénommée Corio [Localité 4], la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le Syndicat de copropriétaires du centre commercial [Adresse 8] aux entiers dépens.
La société Klepierre rappelle que selon les termes du bail à construction, le syndicat des copropriétaires avait l’obligation de lui remettre la construction édifiée sur son terrain, libre de toute occupation et de tout contrat autorisant l’occupation.
Elle fait valoir que le syndicat a failli à cette obligation commettant ainsi une faute contractuelle engageant sa responsabilité à l’égard de la propriétaire du tènement, qu’il a fait preuve de négligence dans la gestion de son litige avec la société Tie City et commis une faute en consentant un bail commercial sans lui rendre opposable le bail à construction et sans permettre ainsi un terme concomitant par application de l’article L.251-6 du code de la construction et de l’habitation.
Elle rappelle que la société Tie City s’est maintenue pendant 31 mois au-delà du terme du bail à construction et qu’elle a elle-même échoué à obtenir son expulsion, comme le versement d’une indemnité d’occupation.
Elle soutient que ce maintien dans les lieux l’a empêchée de mener à bien ses projets de restructuration et de valorisation du centre commercial, qu’elle n’a pu percevoir de loyers, ni relouer le centre commercial, mais qu’elle a dû supporter les charges et taxes sans pouvoir les refacturer à des locataires et qu’elle s’est trouvée exposée au risque de perte des surfaces commerciales par application des dispositions de l’article L.752-1-6° du code de commerce.
Elle considère que tiers au contrat de bail, elle ne pouvait ni verser l’indemnité d’éviction, ni exercer le droit de repentir et estime que l’indisponibilité de son bien et la suspension de sa restructuration empêchant son exploitation doit être indemnisée au-delà de la seule occupation sans indemnité par la société Tie City.
Prétentions et moyens de la société Square Habitat :
Par conclusions notifiées le 6 octobre 2022, la société Square Habitat demande à la cour de :
– débouter de toutes demandes adverses toutes les prétentions irrecevables et non fondées émises à l’encontre de Square Habitat Sud Rhône Alpes,
– dire régulière l’intervention de la société Square Habitat Sud Rhône Alpes inscrite sous le RCS de Romans n° 378 336 143 qui a absorbé par suite d’une fusion absorption la société Square Habitat Gestion Rhône Alpes initiale,
– juger que le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8] qui était censé être représenté par son liquidateur la société Agda Immobilière en vertu d’un mandat spécial donné par l’Assemblée Générale du 22 décembre 2014 prétendument reconduit aux mêmes fonctions par l’Assemblée Générale du 3 novembre 2017, continue à déposer des actes de procédure au nom de la société Agda Immobilière alors que ces actes sont clairement irrecevables par l’effet de la disparition de cette personne morale résultant d’une fusion qui a entraîné la disparition juridique de la société Agda Immobilière,
– juger qu’aucune demande n’a été régularisée pour le compte de la société Foncia Agda, société absorbante,
– juger que les toutes demandes formulées telle que par exemple dans les conclusions que la société Agda Immobilière a cru pouvoir délivrer le 29 septembre 2022 sont clairement irrecevables au visa des articles 115 à 122 du code de procédure civile,
– juger la nullité des actes de procédure pour défaut de capacité et de qualité à agir conformément aux dispositions de l’article 122 du code de procédure civile,
– écarter par voie de conséquence les conclusions irrégulières,
– juger qu’aucune régularisation n’a été produite aux débats,
– dire nuls les actes de procédure diligentés et irrecevables toutes les demandes formulées irrégulièrement par la société Agda Immobilière,
– déclarer irrecevables toutes les prétentions à son encontre puisqu’il n’appartient pas à la cour de substituer des fondements juridiques en violation du principe du contradictoire,
– juger irrecevable l’intégralité des prétentions tant de la société Klepierre que du Syndicat des copropriétaires en liquidation qui ne respectent pas les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, puisqu’il n’y a aucun récapitulatif juridique précis des prétentions,
– juger l’action du Syndicat des copropriétaires irrecevable car prescrite depuis 1998, ou 2013,
– réformer le jugement sur ce point,
– confirmer le jugement en ce qu’il a dit manifestement mal fondées les demandes du Syndicat des copropriétaires,
– dire irrecevable comme nouvelle en appel toute demande qui serait formulée par la Snc Corio [Localité 4] à l’encontre de la société Square Habitat Sud Rhône Alpes ainsi que celle du Syndicat des copropriétaires,
– juger qu’en tout état de cause, la société Square Habitat Sud Rhône Alpes n’était plus le Syndic de copropriété et n’a pu commettre aucune faute dans le suivi des procédures judiciaires et que leur longueur est un cas de force majeure exonératoire de toute responsabilité possible,
– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté en tous points le Syndicat des copropriétaires,
– confirmer également ce jugement en ce qu’il avait alloué 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance,
– juger que le droit de repentir aurait pu être exercé,
– constater et juger qu’il n’y a aucun fondement juridique et aucune numérotation d’un quelconque article du code civil dans le dispositif des conclusions de la société Agda Immobilière devenue liquidatrice du Syndicat de Copropriété,
– déclarer irrecevables les demandes qui ne reposent sur aucun fondement juridique,
– juger qu’aucune responsabilité dans le cadre de son mandat légal n’est susceptible d’exister, pas plus qu’un défaut de conseil,
– confirmer le jugement de première instance,
– débouter en conséquence le Syndicat de Copropriété de ses prétentions,
– juger que les demandes de constat d’un préjudice encore annexe non précisé n’est pas en la forme ni au fond recevable,
– juger n’y avoir lieu à condamner la société Square Habitat Sud Rhône Alpes à relever et garantir le Syndicat des copropriétaires en liquidation des condamnations qui seraient prononcées à son encontre au bénéfice de la société Corio,
– condamner enfin le Syndicat des copropriétaires représenté par la société Agda Immobilière au paiement d’une somme de 15.000 euros pour procédure abusive et injustifiée en cause d’appel, sur le fondement de l’article 1382 du code civil et 32-1 du même code,
– confirmer l’article 700 du code de procédure civile de première instance et allouer une somme complémentaire de 6.000 euros au stade de l’appel,
– condamner le Syndicat des copropriétaires en tous les dépens de première instance et d’appel distraits au profit de Maître Alain Gondouin, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Square Habitat soulève :
– la nullité des actes de procédure pour défaut de capacité et de qualité à agir de la société Agda Immobilière, représentant le syndicat des copropriétaires, aux motifs que cette dernière a fait l’objet d’une fusion absorption le 18 février 2021, qui a entraîné la disparition de sa personnalité juridique, que la fusion absorption par laquelle elle est devenue Foncia Agda n’a pas entraîné la reprise du mandat d’agir en justice, qu’aucun nouveau mandat spécial n’a été régularisé au profit de la nouvelle société ;
– l’irrecevabilité des demandes formées par la société Agda Immobilière, Foncia Agda n’ayant régularisé aucune conclusion,
– la fin de non recevoir tirée de la prescription quinquennale aux motifs que le délai a commencé à courir à compter de la conclusion du bail commercial en 1993, ou au plus tard à compter de la date de délivrance du congé le 15 juin 2010, puisque la décision de donner congé avec indemnité d’éviction, seule origine du préjudice, ne relève pas de sa gestion, mais de celle de la société Agda Immobilière,
– la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir du Syndicat des copropriétaires en raison de la vente au profit de la société Corio des biens pris à bail à construction,
– l’irrecevabilité des prétentions du Syndicat des copropriétaires à défaut de fondement juridique énoncé dans ses écritures.
Elle fait valoir que le bail commercial a expiré le 28 février 2014, que le préjudice résulte exclusivement de l’offre par le Syndicat des copropriétaires de payer une indemnité d’éviction, que par application de l’article L.251-6 du code de la construction et de l’habitation, le bail s’éteint de plein droit au terme du bail à construction, que ce dernier ayant été publié à la conservation des hypothèques, il était opposable à la société Tie City, que le litige a été mal géré par la société Agda Immobilière alors qu’une offre de déplacement au sein du centre commercial était possible, que le paiement de l’indemnité d’éviction résulte d’un choix de gestion qui ne lui est pas imputable, que la délivrance du congé et les procédures postérieures sont intervenues après un changement de syndic.
Elle soutient que :
– la conclusion d’une convention d’occupation précaire était impossible au regard du statut des baux commerciaux, en l’absence de cause de précarité à la date de signature du bail et la fin du bail à construction en 2015 étant sans incidence sur le bail commercial venant à son terme en 2002,
– le cabinet RTS Immobilier n’a pas conseillé la signature d’un bail commercial, la décision ayant été prise par l’assemblée générale des copropriétaires du 18 mai 1993 qui lui a donné mandat de conclure un bail commercial et non une autre convention,
– le syndic, simple exécutant de la décision, n’a commis aucune faute dans l’exécution de la décision du Syndicat des copropriétaires et n’a donc pas manqué à ses obligations,
– aucune obligation de conseil ne peut être mise à la charge du syndic alors qu’il n’a pas été consulté préalablement à la décision et que seule la signature d’un bail commercial était envisagée,
– ni la conclusion d’un bail précaire pour une durée supérieure à deux ans, ni une succession de baux de courte durée n’étaient envisageables,
– l’absence de rappel de l’existence d’un bail à construction connu de tous et notamment du preneur, ne peut constituer une faute,
– à compter de l’acte de vente du 6 juin 2002, la société Corio s’est vue transférer de plein droit l’ensemble des baux commerciaux grevant le bien et c’est donc elle qui a fait le choix de donner congé et de s’acquitter d’une indemnité d’éviction, par l’intermédiaire du Syndicat des copropriétaires privé de tout intérêt à agir,
– la décision de donner congé avec indemnité d’éviction a été validé et confirmé par les assemblées générales successives du syndicat,
– la société Corio n’a pas souhaité attendre le terme du bail à construction pour engager des travaux, alors qu’en application de l’article L.251-6 du code de la construction et de l’habitation le bail aurait été résilié de plein droit,
– la société Corio pouvait éviter le versement de l’indemnité d’éviction en exerçant son droit de repentir.
Elle ajoute que le préjudice invoqué n’est pas démontré et justifié, que l’obligation de conseil ne peut porter sur un fait connu de tous comme l’est le bail à construction publié, que le congé et les procédures qui s’en sont suivies ont été menées par un autre syndic et que leurs conséquences ne peuvent lui être imputées pour justifier qu’elle soit condamnée à garantir le Syndicat des copropriétaires de toutes condamnations, que la délibération de l’assemblée générale des copropriétaires du 29 novembre 1994 lui donnant quitus n’est entachée d’aucune complexité et a été confirmée par les assemblées générales postérieures, que la nullité des procès-verbaux d’assemblée générale n’est pas demandée, qu’enfin, il n’existe pas de lien de causalité entre le paiement de l’indemnité d’éviction et l’inadéquation du bail commercial à la situation du bailleur, que le principe de l’indemnité a été offert par le Syndicat des copropriétaires
Après rabat, la procédure a été clôturée par ordonnance du 12 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’est tenue de statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d’appel.
Ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, les demandes des parties tendant à voir «constater», «donner acte» de même que celles de «dire et juger» lorsqu’elles se contentent d’énoncer, voire de développer, ce qui ne constituent en réalité que des moyens au soutien de leurs prétentions.
En conséquence, il n’y sera pas spécifiquement répondu.
1°) sur la nullité des actes de procédure :
La société Square Habitat invoque la nullité des conclusions déposées devant la cour par la société Agda Immobilière, en qualité de liquidateur représentant le Syndicat des copropriétaires, pour défaut de capacité à agir en invoquant sa disparition par fusion absorption et l’absence de mandat spécial confié à la nouvelle société Foncia Agda.
Elle soulève en réalité le défaut de pouvoir du représentant du Syndicat des copropriétaires ce qui constitue, ainsi que l’a justement rappelé le tribunal, une exception de procédure relevant de la compétence exclusive du juge de la mise en état qui a statué par une ordonnance du 15 mai 2018, rendant ainsi la société Square Habitat irrecevable à s’en prévaloir de nouveau.
Dès lors qu’il en est de même devant la cour, le jugement ne pourra qu’être confirmé en ce qu’il a jugé la société Square Habitat irrecevable en sa demande de nullité.
2°) sur les fins de non recevoir :
– sur le défaut de qualité à agir de la société Agda Immobilière :
Si la société Square Habitat se prévaut de la disparition de la personne morale Agda Immobilière, désignée liquidateur du Syndicat des copropriétaires, par l’effet d’une fusion absorption du 18 février 2021, l’extrait Kbis du 18 septembre 2022 démontre que cette société n’a pas été radiée, que si elle porte la nouvelle dénomination sociale de Foncia Agda, elle dispose toujours du même numéro d’immatriculation au RCS de Grenoble et que la fusion mentionnée visant comme société apporteuse la Sas Financière Moncenis, la société Agda est donc manifestement société absorbante et non absorbée.
En outre, dans les dernières conclusions déposées pour le Syndicat des copropriétaires le 7 octobre 2022, la société Foncia Agda est intervenue en qualité de liquidateur et de représentant de l’appelant, régularisant la procédure sous sa nouvelle dénomination.
La fin de non recevoir tirée de son défaut de qualité à agir sera écartée.
– sur la prescription :
L’action en responsabilité du Syndicat des copropriétaires repose sur la régularisation du bail commercial avec la société Tie City, le 7 décembre 1993, par le syndic en exécution de son mandat.
S’agissant d’une action du mandant à l’encontre de son mandataire, la responsabilité recherchée est de nature contractuelle et le délai de prescription de droit commun alors applicable à une telle action était d’une durée de trente ans, délai ramené à cinq ans par l’article 2224 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008.
La prescription d’une action en responsabilité ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
Le Syndicat des copropriétaires se prévaut d’un double préjudice correspondant d’une part à l’indemnité d’éviction et ses accessoires qu’il a dû verser à la société Tie City, d’autre part aux conséquences financières du maintien dans les lieux de la locataire.
Ainsi que l’a parfaitement retenu le premier juge, si le principe de l’indemnité d’éviction, en ce qu’il résulte du statut des baux commerciaux, était connu du bailleur dès la conclusion du bail, ce n’est qu’au jour du dépôt du rapport d’expertise le 25 juin 2014 que le Syndicat des copropriétaires a été en mesure de prendre connaissance de l’étendue des conséquences financières de sa décision d’accorder un bail commercial à la société Tie City.
Le Syndicat de copropriétaires ayant fait assigner la société Square Habitat par actes d’huissier des 22 août et 12 septembre 2016, soit dans les cinq années du dépôt du rapport d’expertise, son action n’est pas prescrite.
En conséquence, aucune de ces deux fins de non recevoir ne pouvant prospérer, le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré le Syndicat des copropriétaires recevable en ses demandes.
Par ailleurs, la société Square Habitat soulève à hauteur d’appel deux nouvelles fins de non recevoir.
– sur le défaut d’intérêt à agir du Syndicat des copropriétaires :
Si par acte notarié du 6 juin 2002, la société Corio est devenue propriétaire de la parcelle grevée du bail à construction et membre du Syndicat des copropriétaires, elle n’a pas pour autant acquis à titre personnel la qualité de bailleresse de la société Tie City.
Contrairement aux allégations de la société Square Habitat, le congé avec refus de renouvellement n’a pas été délivré à la locataire par la société Corio, mais par le Syndicat des copropriétaires, personne morale distincte.
Le litige en fixation de l’indemnité d’éviction n’a donc concerné que le seul Syndicat des copropriétaires, qui était seul tenu en sa qualité de bailleur et sur son patrimoine propre au paiement de l’indemnité fixée par jugement du 4 avril 2016.
Le Syndicat des copropriétaires a donc un intérêt personnel à agir en responsabilité à l’encontre de son mandataire, la société Square Habitat.
– sur l’absence de fondement juridique :
Selon l’article 954 du code de procédure civile invoqué par la société Square Habitat, les conclusions d’appel formulent expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.
Ces règles formelles de présentation et de structuration des conclusions n’imposent pas aux parties devant la cour de viser précisément les textes sur lesquels elles fondent leurs prétentions, la qualification exacte des faits et actes litigieux relevant de l’office du juge, qui est tenu de les examiner sous tous leurs aspects juridiques conformément aux règles de droit qui leur sont applicables.
Il ressort clairement des conclusions de la société Klepierre que cette dernière entend invoquer à l’encontre du Syndicat des copropriétaires une faute contractuelle.
De son côté, le Syndicat des copropriétaires recherche la responsabilité contractuelle de la société Square Habitat, venant aux droits du cabinet RTS Immobilier, dans l’exécution de son mandat et subsidiairement, sa responsabilité quasi délictuelle si la cour devait considérer que ses fautes constituent des manquements à des obligations légales.
Les moyens de droit ayant été clairement indiqués dans les écritures des parties, la fin de non recevoir de leurs prétentions soulevée par la société Square Habitat est inopérante.
En conséquence, ajoutant au jugement, la cour rejettera ces fins de non recevoir et déclarera recevable le Syndicat des copropriétaires.
3°) sur la demande indemnitaire de la société Corio :
Selon ses termes, le bail à construction du 31 janvier 1975 a été consenti pour une durée de 40 ans à compter de sa signature, sans possibilité de : «prorogation par tacite reconduction», pour venir à expiration le 31 janvier 2015.
C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu qu’en application de l’article 5 du paragraphe «charges et conditions» du bail à construction, l’autorisant à louer librement les constructions édifiées pour une durée ne pouvant excéder celle du bail et stipulant qu’à son expiration, tous les baux, locations et conventions d’occupation consentis prendraient fin de plein droit, le Syndicat des copropriétaires, venant aux droits de la SADI, avait contracté l’obligation de restituer au bailleur le bien libre de toute occupation et
qu’elle avait failli à cette obligation puisqu’au 31 janvier 2015, la société Tie
City, sous locataire, se trouvait toujours dans les lieux, qu’elle n’a libérés que le 31 août 2017.
C’est encore par de justes motifs que le tribunal a considéré qu’en raison de cette occupation, la société Corio, devenue propriétaire de la parcelle grevée du bail à construction, avait été privée de la faculté de louer son bien et empêchée de percevoir des loyers, l’indemnité d’occupation due par la société Tie City en vertu du jugement du 4 avril 2016 ne lui ayant de surcroît pas été versée, et que son préjudice financier pouvait être fixé au montant de ces indemnités pour la durée du maintien dans les lieux de la société Tie City, soit la somme de 51.550 euros.
Devant la cour, pas plus que devant le tribunal, la société Corio ne rapporte la preuve des projets de restructuration et de valorisation du centre commercial qu’elle allègue avoir voulu développer et que le maintien dans les lieux de la société Tie City l’aurait, seul, contrainte à abandonner.
En conséquence, la décision du premier juge de fixer l’indemnisation du préjudice de la société Corio résultant de la privation de la pleine jouissance de son bien à la somme de 51.550 euros et de condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer cette somme à titre de dommages-intérêts, doit être pleinement confirmée.
4°) sur la responsabilité du syndic :
Selon le procès-verbal en date du 18 mai 1993, l’assemblée générale des copropriétaires a adopté la résolution accordant à la société Rocco & Co un bail commercial d’une surface de 40 m² et l’édification d’un kiosque sur le mail du centre commercial. L’assemblée générale a également chargé le syndic, la société RTS Immobilier d’établir le bail aux conditions de prix retenues.
Si le syndic est tenu d’assurer l’exécution des délibérations de l’assemblée générale des copropriétaires, son mandat lui impose, en sa qualité de professionnel de l’immobilier, une obligation de conseil et d’information à l’égard de son mandant, dont il ne peut se délier en arguant des compétences ou des connaissances personnelles de ce dernier.
S’il n’est pas établi que préalablement à l’assemblée générale des copropriétaires du 18 mai 1993, le syndic a été consulté sur le projet de bail commercial, cette question inscrite à l’ordre du jour et le projet de résolution lui était donc parfaitement connus. Il résulte des discussions relatées par le procès-verbal de cette assemblée générale que s’il est intervenu au sujet des conséquences de ce projet sur la répartition des charges, le syndic n’a formulé aucune observation sur la nature de la convention et les conséquences sur ce bail commercial du droit de propriété temporaire du Syndicat des copropriétaires résultant du bail à construction.
En outre, le bail commercial, signé le 7 décembre 1993 avec la société Tie City, ne comporte aucune mention relative à l’existence du bail à construction, à la nature temporaire des droits de propriété du bailleur en résultant, comme aux incidences du terme du bail à construction sur les droits du preneur.
Or, il résulte de l’article L.251-6 du code de la construction et de l’habitation que les charges nées du preneur du bail à construction, dont les baux et titres d’occupation de toute nature portant sur les constructions, s’éteignent à l’expiration du bail.
Ainsi en application de ces dispositions supplétives de la volonté des parties, le bail commercial dont était titulaire la société Tie City, se serait trouvé révoqué, par le seul effet de la loi, à l’expiration du bail à construction le 30 janvier 2015, sans qu’elle puisse se prévaloir d’une indemnité d’éviction, son bailleur perdant à cette date toute faculté de lui accorder ou non le renouvellement.
A l’égard du Syndicat des copropriétaires, il était donc indifférent que le syndic attire son attention sur les conséquences de l’octroi d’un bail commercial, ni qu’il insère dans le contrat, une stipulation à ce sujet, alors de surcroît que le bail à construction ayant été publié à la conservation des hypothèques, il était déjà opposable aux tiers et notamment à la société Tie City.
Il ne peut en conséquence qu’être constaté que c’est exclusivement en raison de la délivrance à la société Tie City d’un congé avec refus de renouvellement, le 15 juin 2010, indépendamment de l’expiration du bail à construction, le 30 janvier 2015, que le Syndicat des copropriétaires a été contraint de verser à sa locataire une indemnité d’éviction en exécution du jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 4 avril 2016 et que le preneur s’est maintenu dans les lieux après la fin de son bail dans l’attente de la perception de cette indemnité.
Le Syndicat des copropriétaires ne rapporte pas la démonstration de la faute qu’il impute à la société RTS Immobilier dans l’exécution de son mandat de syndic chargé de la rédaction du bail commercial, ni d’un lien de causalité avec d’une part le règlement au profit de la société Tie City d’une indemnité d’éviction, d’autre part de l’indemnisation de la société Corio pour le défaut de restitution des lieux.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le Syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes à l’encontre de la société Square Habitat
5°) sur la demande reconventionnelle en indemnisation de la société Square Habitat :
Il est de principe que l’exercice d’une action en justice constitue un droit fondamental qui ne peut dégénérer en abus sanctionné par l’octroi de dommages et intérêts que par l’effet d’une faute, qu’au cas particulier et compte tenu de la situation juridique complexe dans laquelle s’est trouvé le Syndicat des copropriétaires au terme du bail à construction, la société Square Habitat ne démontre pas.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa prétention indemnitaire.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8] recevable en ses demandes,
CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Grenoble en date du 18 juin 2020 en toutes ses dispositions soumises à la cour,
y ajoutant,
CONDAMNE le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8] à payer à la Snc Klepierre [Localité 4] et à la Sas Square Habitat Sud Rhône Alpes la somme complémentaire en cause d’appel de 4000 euros chacune en application de l’article700 du code de procédure civile,
CONDAMNE le Syndicat des copropriétaires du centre commercial [Adresse 8] aux dépens de l’instance d’appel et autorise Maître Alain Gondouin, avocat, à recouvrer directement ceux dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente