Indemnité d’éviction : 2 février 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/00613

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Indemnité d’éviction : 2 février 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/00613

2 février 2023
Cour d’appel de Pau
RG
21/00613

TP/SB

Numéro 23/448

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 02/02/2023

Dossier : N° RG 21/00613 – N° Portalis DBVV-V-B7F-HZFK

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

S.A. ORCHIDEES MAISONS DE VIN (ANCIENNEMENT SA ACKERMAN )

C/

[T] [U]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 02 Février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 23 Novembre 2022, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A. ORCHIDEES MAISONS DE VIN (anciennement SA ACKERMAN )

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Maître CREPIN de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU et Maître BABIN de la SELARL CAPSTAN OUEST, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE :

Madame [T] [U]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 28 JANVIER 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE BAYONNE

RG numéro : 18/00287

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [T] [U] a été embauchée le 25 août 2014 par la société Ackerman, devenue la société Orchidées maisons de vin, en qualité d’ambassadeur de marques Amérique du Nord, niveau V échelon B, suivant contrat à durée déterminée régi par la convention collective nationale des vins, cidres, jus de fruit, sirops, liqueurs et spiritueux.

Le 30 juin 2015, le terme de ce contrat est intervenu.

Le 26 février 2016, un contrat de travail a été conclu entre Mme [T] [U] et la société Remy Pannier America, filiale américaine de la société Orchidées maisons de vin.

Le 19 septembre 2018, M. [K] [A], directeur du développement international de la société Orchidées maisons de vin, lui a adressé un mail lui reprochant un comportement inacceptable et non-professionnel. Il lui a demandé de lui faire part de ses disponibilités afin d’en discuter.

Le 21 septembre 2018, Mme [U] a contesté les manquements qui lui étaient imputés.

À compter du 25 septembre 2018, elle a fait l’objet d’un arrêt de travail.

Les 27 et 28 septembre 2018, elle a envoyé les coordonnées de son conseil afin de trouver une solution amiable et sollicité ceux du conseil de la société Orchidées maisons de vin.

Le 28 septembre 2018, M. [D] [R], en qualité de directeur de la société Remy Pannier America, a pris acte de sa démission formulée verbalement la veille, démission dont Mme [T] [U] conteste l’existence.

Le 19 décembre 2018, Mme [T] [U] a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir, à titre principal, sa réintégration au sein de la société Orchidées maisons de vin et, subsidiairement, la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Par jugement du 28 janvier 2021, le conseil de prud’hommes de Bayonne, statuant en formation de départage, a notamment’:

– déclaré l’action de Mme [T] [U] non prescrite,

– dit que cette juridiction est territorialement compétente, le contrat de travail s’étant poursuivi entre les parties, soumis au code du travail,

– constaté l’absence de rupture conventionnelle et de convention tripartite de mutation entre les parties, le non-respect des stipulations de la convention collective relatives aux salariés employés en pays étranger, et le manquement de l’employeur à l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail,

– dit n’y avoir lieu à réintégration,

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Orchidées maisons de vin à compter du 31 octobre 2018 ladite résiliation s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Orchidées maisons de vin à payer à Mme [T] [U] les sommes de :

* 50’000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5’000 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 8’000 € à titre d’indemnité de préavis,

* 800 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 25’000 € à titre d’indemnité pour perte de la prise en charge par Pôle emploi du fait de la violation des dispositions de la convention collective (art III. 1 9. l) et du code du travail (art L. 5422-13) relatives à la mobilité des agents de maîtrise,

* 16’000 € à titre de dommages-intérêts pour absence ou insuffisance de cotisations retraite de base et complémentaire caractérisant l’exécution déloyale du contrat de travail,

* 3’000 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de formation continue tout au long de la vie professionnelle,

* 2’087,68 € au titre du remboursement des frais de déménagement et de rapatriement,

– dit que les sommes allouées porteront intérêt à compter de la notification de cette décision avec capitalisation des intérêts,

– rejeté les autres demandes,

– ordonné l’exécution provisoire de cette décision, sauf en ce qui concerne les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Orchidées maisons de vin aux dépens,

– condamné la société Orchidées maisons de vin à payer à Mme [T] [U] une indemnité de 1’000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 26 février 2021, la société Orchidées maisons de vin a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Le 1er mars 2021, Mme [T] [U] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Jonction des procédures a été ordonnée le 11 mars 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 1er août 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Orchidees maisons de vin demande à la cour de :

– dans le cadre de son appel :

– à titre principal,

– infirmer le jugement en ce qu’il’:

* a déclaré l’action de Mme [T] [U] non prescrite,

* a dit que le contrat de travail s’est poursuivi entre les parties et était soumis au code du travail,

* a constaté un non-respect des stipulations de la convention collective relative aux salariés employés en pays étranger, et un manquement de l’employeur à l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail,

* a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts à compter du 31 octobre 2018 et dit que ladite résiliation s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* l’a condamnée à payer à Mme [T] [U] les sommes de :

o 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

o 5 000 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

o 8 000 € à titre d’indemnité de préavis,

o 800 € à titre d’indemnité compensatrice de congés préavis,

o 25 000 € à titre d’indemnité pour perte de la prise en charge par Pôle emploi du fait de la violation des dispositions de la convention collective (art III.19.1) et du code du travail (art. L. 5422-13),

o 16 000 € à titre de dommages-intérêts pour absence ou insuffisance de cotisations retraite de base et complémentaire caractérisant l’exécution déloyale du contrat de travail,

o 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de formation continue tout au long de la vie professionnelle,

o 2 087,68 € au titre du remboursement des frais de déménagement et de rapatriement,

* a dit que les sommes allouées porteront intérêt à compter de la notification de la décision avec capitalisation des intérêts,

* l’a condamnée aux dépens,

* l’a condamnée à payer à Mme [T] [U] une indemnité de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– et statuant à nouveau :

– à titre principal,

– la mettre hors de cause,

– débouter Mme [T] [U] de toutes ses demandes à son encontre,

– condamner Mme [T] [U] à lui verser la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– à titre subsidiaire,

– réduire à due proportion, le cas échéant à l’euro symbolique, les montants des sommes allouées à Mme [T] [U],

– fixer aux montants suivants les indemnités de rupture :

* 4 308 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 6 462 € à titre d’indemnité de préavis,

* 646,20 € à titre d’indemnité compensatrice de congés,

– fixer à 9’693 € le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– libeller les montants sans la mention « net »,

– dans le cadre de l’appel formé par Mme [T] [U] :

– à titre principal,

– dire et juger que les moyens qu’elle développe sont recevables,

– débouter Mme [T] [U] de l’ensemble de ses demandes et ainsi confirmer le jugement en ce qu’il a’:

* débouté Mme [T] [U] de ses demandes au titre d’une prétendue discrimination et d’une prétendue méconnaissance des dispositions de l’article L. 1231-5 du code du travail et en particulier la débouter de ses demandes’:

o de réintégration avec paiement de la rémunération et des accessoires de rémunération jusqu’à la date de réintégration,

o tendant à voir fixer à la date de la décision la date de rupture du contrat de travail avec paiement de la rémunération et des accessoires de rémunération jusqu’à la date de la décision,

o de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice résultant d’une prétendue discrimination,

o au titre des prétendues heures supplémentaires et droits y afférents,

o au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

o au titre d’un prétendu manquement à l’obligation de sécurité,

o de dommages-intérêts pour travail à domicile,

o au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– à titre subsidiaire,

– statuant à nouveau :

– débouter Mme [T] [U] de ses demandes de réintégration avec paiement de la rémunération et des accessoires de rémunération jusqu’à la date de réintégration,

– ou à titre très subsidiaire,

– dire et juger que les éléments de rémunération dus s’entendent après déduction du montant brut des revenus perçus par Mme [T] [U],

– débouter Mme [T] [U] de sa demande au titre de l’astreinte, ou à défaut fixer le montant de l’astreinte dans de justes proportions et le délai raisonnable au-delà de laquelle l’astreinte sera due,

– réformer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [T] [U] les sommes de :

* 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 000 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 8 000 € à titre d’indemnité de préavis,

* 800 € à titre d’indemnité compensatrice de congés préavis,

* 25 000 € à titre d’indemnité pour perte de la prise en charge par Pôle Emploi du fait de la violation des dispositions de la convention collective (art III.19.1) et du code du travail (art. L. 5422-13),

* 16 000 € à titre de dommages-intérêts pour absence ou insuffisance de cotisations retraite de base et complémentaire caractérisant l’exécution déloyale du contrat de travail,

– débouter Mme [T] [U] de ses demandes tendant à voir fixer à la date de la décision à intervenir la date de rupture du contrat de travail avec paiement de la rémunération et des accessoires de rémunération jusqu’à la date de la décision,

– ou, à titre très subsidiaire,

– dire et juger que les éléments de rémunération dus s’entendent après déduction du montant brut des revenus perçus par Mme [T] [U],

– débouter Mme [T] [U] de sa demande au titre de l’astreinte, ou à défaut, fixer le montant de l’astreinte dans de justes proportions et le délai raisonnable au-delà de laquelle l’astreinte sera due,

– réformer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [T] [U] les sommes de :

* 25 000 € à titre d’indemnité pour perte de la prise en charge par Pôle Emploi du fait de la violation des dispositions de la convention collective (art III.19.1) et du code du travail (art. L 5422-13),

* 16 000 € à titre de dommages-intérêts pour absence ou insuffisance de cotisations retraite de base et complémentaire caractérisant l’exécution déloyale du contrat de travail,

– débouter Mme [T] [U] de ses demandes au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de l’indemnité légale de licenciement,

– ou, à titre très subsidiaire, fixer le montant des sommes dues dans de justes proportions et en considération d’un salaire mensuel brut de 3 231 €,

– débouter Mme [T] [U] de ses demandes au titre des prétendues heures supplémentaires et droits y afférents,

– ou, à titre très subsidiaire, fixer le nombre des heures dues dans de justes proportions et fixer les sommes dues en considération d’un salaire mensuel brut de 3 231  €,

– débouter Mme [T] [U] de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– ou, à titre très subsidiaire, fixer la somme due en considération d’un salaire mensuel brut de 3’231’€,

– débouter Mme [T] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour travail à domicile,

– ou, à titre très subsidiaire, fixer le montant de ces dommages-intérêts dans de justes proportions, le cas échéant à l’euro symbolique,

– débouter Mme [T] [U] de ses demandes de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice résultant d’une discrimination,

– ou, à titre très subsidiaire, fixer le montant de ces dommages-intérêts dans de justes proportions,

– débouter Mme [T] [U] de sa demande de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice résultant d’une discrimination,

– ou, à titre très subsidiaire, fixer le montant de ces dommages-intérêts dans de justes proportions,

– débouter Mme [T] [U] de sa demande de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice résultant d’un manquement à l’obligation de sécurité,

– ou, à titre très subsidiaire, fixer le montant de ces dommages-intérêts dans de justes proportions,

– débouter Mme [T] [U] de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ou, à titre très subsidiaire, fixer le montant de la condamnation dans de justes proportions,

– condamner Mme [T] [U] à lui verser la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 4 juillet 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, Mme [T] [U] demande à la cour de’:

– rejeter l’appel de la société Orchidees maisons de vin, prononcer l’irrecevabilité des moyens nouveaux en application du principe de concentration des moyens et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– confirmer le jugement par adoption des motifs en ce qu’il a alloué à la salariée 25’000 € d’indemnité pour perte de la prise en charge par Pôle emploi, 16’000 € de dommages-intérêts pour absence ou insuffisance de cotisation retraite de base et complémentaire, 3’000 € de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de formation continue, 2’087,68 € au titre du remboursement des frais de déménagement et de rapatriement et 1’000 € au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, la saisine du conseil de prud’hommes ayant été enregistrée au greffe le 19 décembre 2018 alors que l’obligation de réintégration et de reclassement incombant à la société-mère naît à la date de la rupture du contrat par la filiale américaine le 28 septembre 2018,

– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de mise hors de cause de la société Orchidees maisons de vin, débitrice des obligations de réintégration et de reclassement consacrée par les articles L. 1231-5 du code du travail et III. 19. 1 de la convention collective nationale des vins et spiritueux,

– confirmer le jugement en ce qu’il a appliqué à l’entier litige la Loi française, (1) l’employeur s’appropriant les dispositions du code du travail en invoquant comme moyen principal la prescription, (2) en application de l’effet relatif des contrats et du principe d’autonomie des personnes morales, la circonstance que le contrat avec la filiale américaine vise une loi étrangère étant sans incidence sur les relations contractuelles entre la salariée et la société-mère française, (3) les parties ayant fait le choix de la Loi française l’employeur reconnaissant dans ses conclusions, aveu judiciaire qui lui est opposable, qu’il « ne fait nul doute que l’intention des parties à ce contrat ayant pris fin le 30 juin 2015 était d’appliquer la législation française », (4) et la loi de l’État de New-York ayant pour effet de priver la salariée de la protection que lui assure les dispositions impératives de la loi française ainsi que de celles de l’OIT,

– l’infirmer pour le surplus et faire droit à la demande de réintégration avec paiement de la rémunération et des accessoires de rémunération sur le fondement des articles L. 1231-5 du code du travail et III.19.1 de la convention collective nationale des vins et spiritueux, ou bien, subsidiairement, au titre de la discrimination fondée, directement ou indirectement, sur l’état de santé,

– à titre principal, prononcer la réintégration avec paiement de la totalité de sa rémunération et des accessoires de rémunération d’une part, en application des articles L. 1231-5 du code du travail et III. 19. 1 de la convention collective et, d’autre part, au titre de la discrimination fondée, directement ou indirectement, sur l’état de santé.

– subsidiairement, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, avec effet au jour de l’arrêt à intervenir, ladite résiliation s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– I – dans la première hypothèse où la Cour prononcerait la réintégration condamner l’employeur à payer :

* les salaires et accessoires de salaire depuis la date du 28 septembre 2018, jusqu’à la date de réintégration effective de la salariée :

o en prenant comme première hypothèse que sa réintégration sera effective à la date 28 septembre 2022, le montant total de l’indemnité d’éviction sur la période, égale au montant de la rémunération entre son éviction et la date de réintégration, s’élèverait à la somme de 192 000 € outre les congés payés afférents de 19’200 €, sans déduction des revenus de remplacement,

o dans la seconde hypothèse où la réintégration interviendrait un an plus tard, le 28 septembre 2023, le montant total de l’indemnité d’éviction sur la période, égale au montant de la rémunération entre son éviction et la date de réintégration, s’élèverait alors à la somme de 240’000 €, outre les congés payés afférents représentant 24’000 €, sans déduction des revenus de remplacement, ces sommes seront à parfaire en fonction de la date effective de réintégration,

– enjoindre à l’employeur, sous astreinte de 150 € par jour de retard, d’émettre les bulletins de paie correspondant,

– se réserver la faculté de liquider l’astreinte,

– frapper les rappels de salaire de l’intérêt au taux légal au fur et à mesure de leur exigibilité, mois par mois à compter de la saisine du conseil de prud’hommes enregistrée par le greffe le 19 décembre 2018 outre la capitalisation des intérêts,

– II – dans la seconde hypothèse où la cour ne prononcerait pas la réintégration, condamner l’employeur à payer :

* les salaires et accessoires de salaire depuis le 28 septembre 2018, jusqu’à la date de l’arrêt à intervenir constatant la résiliation judiciaire,

o 85’000 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

o 8’000 € d’indemnité légale de licenciement (somme à parfaire en fonction de la date de prononcé de l’arrêt),

o 8’000 € au titre du préavis outre 800 € de congés afférents sur le fondement de l’article 29 de la convention collective,

– enjoindre à l’employeur, sous astreinte de 150 € par jour de retard, d’émettre les bulletins de paie correspondant,

– enjoindre aussi à l’employeur, sous astreinte de 150 € par jour de retard, d’émettre l’attestation pôle emploi correspondante,

– se réserver la faculté de liquider les astreintes,

– frapper les rappels de salaire de l’intérêt au taux légal au fur et à mesure de leur exigibilité, mois par mois à compter de la saisine du conseil de prud’hommes enregistrée par le greffe le 19 décembre 2018 outre la capitalisation des intérêts,

– III ‘ en toute hypothèse condamner l’employeur à payer :

* 25’000 € de dommages-intérêts au titre du préjudice distinct subi pour violation du principe de non-discrimination liée à l’état de santé, sur le fondement de l’article L. 1134-5 du code du travail,

* 61’784,55 € de rappel d’heures supplémentaires outre 6’178,45 € de congés payés afférents sur le fondement de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, interprété à la lumière de la jurisprudence de la CJUE et des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail,

* 29’217,96 € de rappel de contrepartie obligatoire en repos, outre 2’921,79 € de congés afférents sur le fondement des articles L. 3121-30 et L. 3121-38 du code du travail et 34 de la convention collective nationale des vins,

* 27’141 € d’indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé sur le fondement des articles L.’8223-1 du code du travail et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la CJUE,

* 30’000 € de dommages-intérêts pour violation par l’employeur de l’obligation de sécurité et de la durée maximale de travail, sur le fondement de l’article L.’4121-1 du code du travail, de l’accord interprofessionnel national sur le stress au travail, et de l’article 6b) de la directive numéro 2003/88/CE du parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003,

* 10’000 € de dommages-intérêts pour travail à domicile,

* 5’000 € au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– transmettre la décision à intervenir au procureur de la République en application de l’article 40 du code de procédure pénale,

– frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud’hommes et faire application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts,

– condamner l’employeur aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’existence d’un contrat de travail entre les parties

Il importe d’examiner ce point en préalable puisqu’il déterminera si l’intimée a été régulièrement mise en cause par Mme [U] et, si tel est le cas, quelle est la loi applicable au litige.

Il résulte des éléments du dossier que Mme [T] [U] a été recrutée en tant que Brand Amabassador sur l’Amérique du Nord en juin 2014. Elle a ainsi été engagée par la société Orchidées maisons de vin, qui se dénommait alors la société Ackermann, en qualité d’ambassadeur de marques Amérique du Nord, suivant un contrat à durée déterminée signé le 25 août 2014 arrivant à échéance le 24 décembre 2014. Par un avenant du 5 décembre 2014, le terme a été repoussé au 30 juin 2015.

A la date du terme, elle a reçu un certificat de travail indiquant qu’elle quittait la société Ackermann le jour-même, «’libre de tout engagement’».

Suivant un contrat en date du 24 février 2016, elle a été engagée par la société de droit américain Rémy Pannier America, filiale de la société Ackermann, au poste d’ambassadeur de marque aux Etats-Unis pour les produits Ackermann et de la société, sous la responsabilité du directeur de zone hors Europe d’Ackermann, «’la personne à qui rendre compte’».

Aucun contrat écrit n’existe pour la période courant entre le 1er juillet 2015 et le 23 février 2016.

Pour autant, il résulte des éléments du dossier que Mme [U] a perçu, dès le mois d’août 2015, des rémunérations équivalentes à celles qu’elle percevait avant le 30 juin 2015. Celles-ci lui étaient versées par la société Ackermann ou par la société Rémy Pannier America qui a émis des bulletins de salaires trimestriels correspondant à cette période, à savoir le 30 septembre 2015, le 31 décembre 2015 et le 31 mars 2016.

De plus, un mail en date du 21 juillet 2015, adressé à [T] [U] par [G] [H], Directeur commercial de la société Ackermann, évoque un futur contrat’: «’tu trouveras ci-joint plus de détails quant aux conditions financières qui seront reprises dans ton contrat, en y intégrant la proposition d’assurance santé. Celui-ci te sera transmis pour signature dans les prochains jours via notre avocat à New-York. Salaire de base avant retenues et income tax’: 43275$/an auquel s’ajoute une indemnité de logement de 12000$/an. A cela s’ajoutera un bonus pouvant aller jusqu’à 18% du salaire de base en fonction de la réalisation des objectifs définis par le responsable hiérarchique. Prise en charge d’une assurance santé particulière d’un montant maximum de 600$/mois (‘) Cette proposition s’appuyant sur le contrat Oscar Platinum (‘), mais dont le choix final reste à ta discrétion, sachant que tu gardes la liberté de souscrire à une autre assurance de ton choix. N’hésite pas à revenir vers nous si tu as besoin de plus d’explications. Bon voyage pour ton retour aux US.’»

Un échange de mail précédant la signature du contrat avec la société Rémy Pannier America fin février 2016 fait de plus référence à un arrêt de travail de Mme [U] du 4 janvier au 23 février 2016. M. [B] [W] explique, dans un mail du 11 octobre 2018, qu’à la reprise de Mme [U] après son arrêt de début 2016, il lui a été demandé de venir à [Localité 6]’: elle avait «’fait part de son besoin d’avoir une meilleure visibilité de son emploi du temps et de ses déplacements pour pouvoir mieux gérer vie perso / vie pro’». Il avait alors été convenu d’une nouvelle organisation des déplacements de la salariée, prioritairement les semaines 1 et 3 de chaque mois.

[T] [U] a pu exprimer, lors de son entretien annuel d’évaluation en 2017 avec M. [B] [W], directeur export de la société Ackermann devenu Orchidées Maisons de vin et N+1 de la salariée, que cette nouvelle organisation lui donnait entière satisfaction.

Une relation de travail a ainsi perduré au profit du groupe Ackermann après ce premier contrat à durée déterminée et avant la signature du contrat avec la société Remy Pannier America.

L’organisation de son planning était faite en lien avec la société Ackermann devenue Orchidées maisons de vin. Son supérieur hiérarchique direct était [B] [W], salarié de cette dernière société.

Par la suite, malgré la signature du contrat avec la société de droit américain, la lecture attentive des pièces du dossier montre que [T] [U] a continué de travailler en réalité directement pour la société Ackermann devenue Orchidées maisons de vin.

En effet, à part dans les derniers jours de la relation contractuelle, c’est-à-dire à l’automne 2018, il n’est justifié d’aucun échange avec un supérieur hiérarchique de la société Rémy Pannier America.

Au contraire, il est démontré que [T] [U] a poursuivi ses échanges professionnels avec la société Ackermann devenue Orchidées maisons de vin, ce qui résulte des éléments suivants, produits par Mme [U] mais également la société Orchidées maisons de vin, présentés chronologiquement’:

un échange de mails des 15 et 18 avril 2016 selon lesquels Mme [U] informe [X] [M] de la société Ackermann de ce que, lors du virement de son dernier salaire de mars 2016, elle a été prélevée de 15 dollars de frais bancaires. [X] [M] lui répond qu’il leur faut passer en virement depuis les USA pour ne plus avoir ce problème, ce qui montre que la rémunération de la salariée, même après la conclusion du contrat avec la société Rémy Pannier America, provenait de la société française

une fiche d’entretien annuel mené le 26/04/2016 par le responsable [B] [W] relatif à toute l’année 2015,

un échange de mails entre [B] [W] et [T] [U] les 9 et 18/05/2016′: elle lui envoie les «’fiches d’entretien individuel et pro’». Il lui répond «’je vais inverser les 3 étapes de ton projet professionnel pour les classer chronologiquement’». «’Nous avons la chance de travailler dans une petite structure où il est possible de faire bouger les lignes et où chacun peut faire évoluer son poste à son image et à la mesure de ses résultats. Ainsi c’est à nous de développer suffisamment notre CA sur les US pour justifier de mettre en place 3 VIE au lieu de 1 actuellement (‘) et le timing de cette évolution dépendra aussi de nos résultats’». Il fait aussi le lien entre son projet professionnel et la formation qu’elle demande. Il modifie en réalité les documents en lui demandant si cela lui convient à elle. «’Concernant ta mobilité géographique «’to be discussed’», je propose «’oui’» et «’à discuter en fonction du projet’».’»

des mails des 06/06/2016 et 05/12/2016 de [Z] [C] du service du personnel de Ackermann qui envoie ses objectifs pour signature à [T] [U]

un échange de mails des 13, 14 et 18/09/2016 entre [B] [W] et [T] [U] au sujet des réunions «’point co’» entre eux, à New York au cours de la semaine, le jeudi 15/09, et fait référence à l’organisation des prochains, le suivant étant proposé pour le 27/09

les suivis des objectifs en septembre et novembre 2016 après des entretiens mensuels dont le responsable est [B] [W]’

un échange de mails des 28/10 et 04/11/2016 entre [T] [U] et [E] [J], directrice marketing Ackermann. [T] [U] signe en tant que «’national brand ambassador USA’» avec une adresse mail Ackermann

un échange de mails des 04 et 07/11/2016 entre [B] [W] et [T] [U] au sujet des objectifs des 1er et 2nd semestres 2016. Le N+2 [G] [H] les a acceptés

un mail de [Z] [C] du service du personnel du 15/03/2017 informant [T] [U] que ses demandes de formation ne seront pas dans le plan de formation 2017

une fiche d’entretien individuel 2017 réalisé le 18/05/2017 par [B] [W]

des mails des 17/11/2017 et 27/11/2017 de [B] [W] concernant les objectifs de [T] [U] pour le second semestre et ses résultats du premier semestre. Il lui indique qu’elle recevra la grille à signer des RH comme d’habitude. Il se présente comme son N+1

des mails des 29/11/2017 et 30/11/2017 qui consistent en un échange entre [B] [W] et [T] [U] sur la «’stratégie d’approche’». Elle lui répond qu’elle va «’suivre [son] plan d’action’»

un mail de [T] [U] adressé à [G] [H], [X] [M] et [B] [W] le 18 décembre 2017 dans lequel elle indique revenir vers eux concernant différents points dont ils avaient discuté à plusieurs reprises et qu’elle voulait voir mis en place à son retour à [Localité 6] au mois de janvier suivant, à savoir les questions relatives aux points retraites, à la revalorisation de son salaire, à son assurance santé et à sa carte verte. Dans ce dernier paragraphe, elle indique’: «’après plus de 5 ans aux USA et maintenant plus de 3 ans chez Ackermann, je ressens un besoin de stabilité dans ce pays que mon statut ne m’apporte pas (caractère trop incertain du visa non immigrant). Je ne peux pas me permettre de vivre dans ces conditions sur le long terme. Je renouvelle donc ma demande de sponsoring pour la carte verte et suis prête à signer un engagement avec Ackermann, mon but n’étant pas de quitter l’entreprise mais plutôt m’y sentir en confiance pour aborder l’avenir avec plus de sérénité et surtout avec les ressources nécessaires pour faire des projets de vie’»

des mails des 09 et 10/01/2018 entre [T] [U] (depuis son adresse mail orchidées maisons de vin) et [N] [O], directeur international Orchidées maisons de vin

un mail du 19 mai 2018 adressé par [B] [W], directeur export de la société Orchidées maisons de vin, à [F] [P], responsable des ressources humaines de la même société, lui faisant part de l’inquiétude de [T] [U] quant au renouvellement de son visa de travail. [B] [W] y indique’: elle «’demande que nous lui fassions un écrit pour nous engager à prendre en charge le renouvellement d’un visa de travail lui permettant de séjourner et remplir sa mission dans des conditions légales tant qu’elle travaille pour nous’». [B] [W] évoque également la couverture mutuelle de la salariée. Il y précise’: «’j’ai aussi précisé à [T] qu’elle aura une quote-part à financer avec l’entreprise comme les salariés français » Elle a réagi assez vivement, elle pensait que la société réglerait l’intégralité des cotisations (‘) pour information, [T] a une mutuelle chez Ociane en France qui coûte 40€/mois et lui est remboursée par Ackermann’»

un mail du 25/05/2018 de [F] [P] de la société Ackermann à [T] [U] au sujet du statut d’un salarié expatrié

des mails du 21/05/2018 et du 25/06/2018 de [B] [W], directeur des exports de la société Orchidées maison de vins qui se présente comme son N+1. Il lui envoie ses objectifs pour le premier semestre et lui indique qu’elle les recevra des ressources humaines pour signature

un mail de [B] [W] à [T] [U] le 07/06/2018 lui indiquant que «’le virement de [son] salaire a été fait ce début de semaine’»

4 documents signés de [T] [U] et de [D] [R] (directeur général de la société Ackermann) pour les 3 premiers puis de [G] [H] (Directeur commercial de la société Orchidées maisons de vin) pour le dernier relatifs aux primes d’intéressement des années 2015, 2016, 2017 et 2018.

5 échanges de mails au sujet de 5 réunions export à [Localité 6] en juillet 2016, janvier 2017, juillet 2017, janvier 2018 et juillet 2018. [T] [U] y est conviée comme les autres salariés concernés, tous de la société Orchidées maisons de vin. Son adresse mail mentionne d’ailleurs cette dernière société

plusieurs mails entre 2016 et 2018 concernant des billets d’avion pour [T] [U] entre les USA et la France, avec pour le dernier, l’aval de [B] [W]

Au regard de tous ces éléments, il appert que [T] [U] a entamé une relation de travail avec la société Ackermann, encadrée par un contrat de travail à durée déterminée, relation qui s’est poursuivie au-delà du terme de ce contrat.

Les échanges entre la salariée et ses supérieurs hiérarchiques ainsi qu’avec les agents des ressources humaines de la société Ackermann devenue Orchidées maisons de vin démontrent la réalité d’une relation de travail au profit de cette société, avec l’existence d’un lien de subordination envers ses supérieurs hiérarchiques qui lui fixaient ses objectifs semestriels et lui octroyaient des primes d’intéressement.

[T] [U] a toujours été rémunérée par la société Ackermann directement ou indirectement par l’intermédiaire de la société Rémy Pannier America avec laquelle elle a souscrit un contrat de travail le 26 février 2016 qui, au regard de la réalité concrète démontrée par les pièces versées aux débats de part et d’autre, se révèle être un contrat de travail inefficient. Aucune directive n’émanait de la société Rémy Pannier America qui a seulement adressé deux courriers datés des 28 septembre 2018 et 19 octobre 2018, signés de son directeur [D] [R], par ailleurs directeur général de la société Orchidées maisons de vin à [T] [U], courriers adressés par des mails envoyés par la secrétaire de direction de cette dernière société, depuis [Localité 6].

La société Orchidées maisons de vin doit être considérée comme étant l’employeur de [T] [U] depuis la signature du premier contrat, soit le 25 août 2014, la relation de travail s’étant poursuivie à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2015.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur la prescription de l’action

La relation de travail avec la société Orchidées maisons de vin était toujours en cours lorsque Mme [U], dont la démission ne résulte d’aucun acte non équivoque, a saisi le conseil de prud’hommes de Bayonne d’une demande de réintégration et subsidiairement de résiliation judiciaire de son contrat, de sorte qu’aucune prescription ne saurait lui être opposée.

La décision des premiers juges sera confirmée sur ce point.

Sur la loi applicable

Par ailleurs, dès lors que la société Orchidées maisons de vin est restée l’employeur de Mme [U], il n’y a pas lieu de faire application du droit de l’Etat de New York visé dans le contrat du 26 février 2016. Aucune clause n’a été signée entre cette société et Mme [U] prévoyant l’application du droit de l’Etat de New York.

Au contraire, les parties ont choisi de faire application de la loi française à leur relation de travail, ainsi que cela résulte du premier contrat signé le 24 août 2014 qui prévoit qu’il est soumis aux dispositions de la convention collective nationale des vins et spiritueux en ses dispositions étendues.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur la réintégration

Mme [U] sollicite sa réintégration à titre principal sur le fondement de l’article L.1235-1 du code du travail et, subsidiairement, en invoquant la discrimination à raison de son état de santé dont elle aurait fait l’objet au moment de la rupture de son contrat de travail par la société Rémy Pannier America.

Sur l’article L.1235-1 du code du travail

L’article L.1235-1 du code du travail dispose que lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein.

En l’espèce, et ainsi que cela résulte des développements ci-dessus, la société Orchidées maisons de vin est restée l’employeur de Mme [U] après le terme des contrats à durée déterminée et même par la suite, malgré la signature d’un contrat avec sa filiale la société Rémy Pannier America.

Mme [U] n’a fourni aucune prestation de travail au profit de cette dernière, de sorte qu’il ne peut pas être considéré qu’elle a été mise à sa disposition.

Elle n’a pas non plus fait l’objet, expressément, d’un licenciement.

Au regard de ces éléments, la société Orchidées maisons de vin n’avait donc aucunement une obligation de rapatriement et de réintégration de Mme [U] dans ses effectifs, effectifs qu’elle n’avait pas quittés.

Ses demandes sur ce fondement seront en conséquence rejetées.

Sur la discrimination pour état de santé

Selon l’article L.1132-1 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

L’article L.1132-4 poursuit que toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.

En l’espèce, avant même de rechercher si Mme [U] a fait l’objet d’une mesure discriminatoire, il importe de vérifier si l’acte qui serait empreint de discrimination est susceptible d’être annulé et de permettre la réintégration de la salariée.

Mme [U] ne reproche pas à la société Orchidées maisons de vin d’avoir été écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, d’avoir été sanctionnée ou licenciée en raison de son état de santé.

Elle lui reproche d’avoir refusé de la rapatrier et de la réintégrer en raison de son état de santé au regard de la concomitance entre la décision de se séparer de la salariée et l’annonce de son arrêt maladie.

L’acte n’est pas susceptible d’être annulé, de sorte que la demande de réintégration de Mme [U] ne peut être examinée sur ce fondement.

Aucune réintégration ne saurait donc être prononcée, de sorte que le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur. La demande de résiliation doit être formée par le salarié avant que le contrat ne soit rompu par l’envoi de la lettre de licenciement par l’employeur.

Pour justifier la résiliation judiciaire du contrat, les manquements de l’employeur à ses obligations doivent présenter un caractère de gravité tel qu’ils rendent impossible pour le salarié la poursuite de la relation contractuelle.

Le salarié, demandeur à l’instance, supporte la charge de la preuve des manquements imputés à l’employeur. Si un doute subsiste, il doit profiter à l’employeur.

En l’espèce, [T] [U] demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en faisant valoir que la société Orchidées maisons de vin s’est abstenue de respecter ses obligations contractuelles pourtant impératives au regard du contrat de travail, de la loi mais aussi de la convention collective.

Il doit être relevé que la société Orchidées maisons de vin a utilisé la salariée dans une mission de longue durée aux USA sans la signature d’un avenant d’expatriation, alors même que le contrat de travail initial prévoyait que le lieu de travail était situé en France.

Il résulte de ce même contrat de travail initial, dans son article 9, que «’les questions relatives à la sécurité sociale, aux allocations familiales et à l’assurance chômage seront réglées conformément à la réglementation en vigueur’».

[T] [U] a été affiliée à une caisse de mutuelle française dont le coût était pris en charge à hauteur de 40€ par mois par la société Orchidées maisons de vin.

Elle a également questionné ses supérieurs hiérarchiques, salariés de la société Orchidées maison de vin, par mail du 18 décembre 2017 concernant notamment ses points retraite en France.

De plus, Mme [U] n’a pas été licenciée dans les règles par la société Orchidées maisons de vin de sorte que la relation de travail a perduré après le 31 octobre 2018. Elle a été privée de travail depuis cette date, son employeur la société Orchidées maisons de vin ayant cessé de lui en fournir. Elle a été privée de rémunération et de couverture sociale depuis la même date et n’a pu prétendre aux allocations chômage en France, ainsi que cela résulte de ses avis d’imposition qui ne comportent aucun revenu déclaré en 2019 pour l’année 2018, ni même en 2021 pour l’année 2020 et de très faibles revenus pour l’année 2019. Elle n’a notamment déclaré aucun revenu de substitution.

Cette situation sociale qui atteste de son retour en France témoigne de ce qu’elle était en capacité de reprendre un emploi et qu’elle restait à la disposition de son employeur.

Il convient donc de constater que la société Orchidées maisons de vin a failli à ses obligations essentielles, qui présentent une gravité telle que la relation de travail ne peut pas se poursuivre.

Le contrat doit donc être résolu.

Il y a lieu de confirmer la décision de première instance sur ce point sauf à la réformer sur la date d’effet de cette résiliation judiciaire, à savoir la date du jugement de première instance, puisque le contrat entre la société Orchidées maisons de vin et [T] [U] n’a pas été rompu avant cette date.

Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail

Compte tenu de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, [T] [U] est fondée à percevoir différentes sommes d’argent qui seront calculées sur la base du salaire brut qu’elle percevait en 2018, soit 3786 dollars américains brut, ce qui représente 3231 euros brut par mois’:

*les salaires dus jusqu’à la résiliation du contrat

[T] [U] est bien fondée à obtenir le versement de ces salaires, du 1er novembre 2018 au 28 janvier 2021, date du jugement qui a prononcé la résiliation judiciaire et que le présent arrêt confirme de ce chef, période durant laquelle elle est restée à la disposition de la société Orchidées maisons de vin ainsi que cela a été développé ci-avant, ce qui représente 25 mois et 28 jours de salaire, soit la somme de’:

(3231 € x 25 mois) + (3231 € / 31 jours x 28 jours) = 83 693,32 euros brut

La société Orchidées maisons de vin doit être condamnée à payer cette somme à Mme [U], augmentée des congés payés y afférents s’élevant à 8 369,33 euros brut.

Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de leur exigibilité et au plus tôt à compter du 4 janvier 2019, date de réception, par la société Orchidées maisons de vins, de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation à laquelle était jointe la requête et qui vaut sommation de payer au sens de l’article L.1231-6 du code civil.

*les indemnités de rupture

La résiliation prononcée aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit au versement de’:

l’indemnité compensatrice de préavis, représentant deux mois de salaire, soit la somme de 6462 euros brut, outre les congés payés y afférents de 646,20 euros brut, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2019,

l’indemnité légale de licenciement, plus favorable à la salariée, sur la base d’une ancienneté de 6 ans et 5 mois, soit la somme de’: (3231 € x ¿ x 6) + (3231 € x ¿ x 5/12) = 5183,06 euros brut, avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2019,

une indemnité en réparation du préjudice lié à la rupture du contrat de travail déterminée selon les règles fixées à l’article L.1235-3 du code du travail applicables également, selon la jurisprudence constante, lorsque la rupture du contrat de travail est prononcée aux torts de l’employeur. Eu égard à l’ancienneté de Mme [U], soit 6 années au jour de la rupture du contrat de travail, elle a vocation à percevoir une indemnité comprise entre 3 et 7 mois de salaire. Compte tenu de ces éléments, des circonstances de la rupture et de la situation personnelle de la salariée telle qu’elle résulte des éléments du dossier, il convient de lui allouer à ce titre la somme de 16000 euros brut avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision qui fixe son quantum, en application de l’article 1231-7 du code civil.

La société Orchidées maisons de vin doit être condamnée à payer ces sommes à Mme [U].

Le jugement querellé sera donc infirmé de ces chefs.

Sur les heures supplémentaires, le repos compensateur et le travail dissimulé

Il résulte des dispositions de l’article L.3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme [U], soumise à la durée légale de travail, soit 35 heures par semaine ainsi que cela résulte du contrat de travail initial, sollicite le paiement de 1648 heures supplémentaires au titre des années 2016 à 2018, soit après une majoration de 25% ou 50% suivant les cas et sur la base d’un revenu mensuel de 4000 euros, la somme totale de 61 784,55 euros, outre 6178,45 euros au titre des congés payés y afférents.

Elle demande également le paiement des contreparties obligatoires en repos.

Il importe de rappeler qu’en application de l’article L.3121-30 du code du travail, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. Il résulte par ailleurs de l’article 34 de la convention collective nationale des vins que chaque heure supplémentaire réalisée au-delà du contingent conventionnel annuel de 180 heures donne lieu à une contrepartie obligatoire de 100% par heure effectuée.

Mme [U] produit un tableau détaillé reprenant, semaine par semaine au cours de la période considérée, le nombre d’heures de travail effectuées avec le détail des déplacements, outre ses bulletins de paie et ses compte-rendus d’entretiens annuels.

Ces éléments sont suffisamment précis pour que l’employeur y réponde utilement et produise ses propres éléments.

A la lecture des pièces versées par Mme [U] et de celles produites par l’employeur, en particulier les réservations des billets d’avion pour les déplacements entre les Etats-Unis et la France, qui permettaient à la salariée de venir passer ses congés en France et de se rendre au siège de la société Orchidées maisons de vin avant cette période de congés ou à son issue, il apparaît que Mme [U] comptabilisait ses heures de trajet en avion dans ses heures de travail. Ainsi, au cours de la semaine 30 en 2016, elle a été en congé pendant 3 jours et est repartie aux Etats-Unis depuis [Localité 4] le jeudi 28 juillet, passant toute sa journée dans les transports, journée comptabilisée en journée de travail. De même pour la semaine 45 de l’année 2016 où elle indique avoir passé du temps à Los Angeles, dans le Mississipi et à New York, avec de longs trajets nécessairement intégrés dans les 80 heures de travail qu’elle dit avoir réalisées cette semaine-là. Il en est de même par exemple pour la semaine 17 de l’année 2017 qu’elle a partagée entre New York, le Colorado, Washington, la Californie et le New Jersey. Ces trajets entre les différents Etats des Etats Unis étaient destinés à promouvoir les produits de la société Orchidées maisons de vins. Durant ces temps, Mme [U] était à la disposition de son employeur, de sorte qu’il s’agit de temps de travail effectif.

Les éléments produits par l’employeur sont insuffisants à écarter l’exécution d’heures supplémentaires et, à l’examen des pièces versées par les deux parties, la cour a acquis la conviction que Mme [U] a effectué des heures supplémentaires qui doivent lui être rémunérées, de même que les congés payés y afférents et les contreparties obligatoires en repos, sur la base d’un salaire mensuel de 3231 euros retenu comme salaire de référence ci-avant, soit les sommes de, ainsi que l’a conclu subsidiairement la société Orchidées maisons de vin’:

– 49 906,46 euros brut au titres des heures supplémentaires,

– 4990,64 euros brut au titre des congés payés y afférents,

– 23 600,80 euros brut au titre des contreparties obligatoires en repos.

La société Orchidées maisons de vin sera donc condamnée au paiement de ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2019 en application de l’article 1231-6 du code civil.

Le jugement querellé sera donc infirmé de ces chefs.

L’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

L’article L.8221-5 dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Or, en l’espèce, ni les circonstances dans lesquelles les heures supplémentaires ont été accomplies, ni le défaut de paiement d’heures supplémentaires et des contreparties obligatoires en repos ne suffisent à caractériser l’intention frauduleuse de dissimuler l’activité de la salariée par la société Orchidées maisons de vin.

[T] [U] sera donc déboutée de sa demande de ce chef, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point.

Sur les demandes complémentaires de dommages et intérêts

*les dommages et intérêts pour perte de la prise en charge par Pôle Emploi

Mme [U] sollicite à ce sujet la confirmation du jugement déféré en ce qu’il lui a alloué la somme de 25 000 euros.

La société Orchidées maisons de vin s’y oppose, arguant de la cessation de tout contrat de travail au profit de Mme [U] après le 30 juin 2015.

Or, il a été établi précédemment que la relation contractuelle entre la société Orchidées maisons de vins et [T] [U] avait persisté après le terme du contrat à durée déterminée, de sorte que la société de droit français avait l’obligation de payer les cotisations à l’assurance chômage pendant toute la durée du lien, ainsi que cela résulte de l’article L.5422-13 du code du travail.

Cette carence de l’employeur cause un préjudice à Mme [U], privée de toute indemnisation par Pôle Emploi.

Ce préjudice sera réparé par l’octroi de la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts que la société Orchidées maisons de vin sera condamnée à payer à [T] [U], avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision en application de l’article 1231-7 du code civil.

Il convient de réformer le jugement querellé de ce chef.

*les dommages et intérêts pour absence ou insuffisance de cotisation retraite de base et complémentaire

[T] [U] demande la confirmation du jugement déféré en ce qu’il lui a alloué la somme de 16 000 euros à ce titre.

La société Orchidées maisons de vin s’y oppose, arguant du fait qu’une telle affiliation aurait supposé qu’un contrat de travail soit en cours et qu’il soit exécuté en France et non aux Etats-Unis.

Il y a lieu de préciser que, en vertu du principe de territorialité qui régit la législation française de sécurité sociale, le statut du salarié expatrié est régi par le droit du pays d’exécution de la prestation de travail et ne lui permet pas de bénéficier du régime de droit commun français de sécurité sociale.

En l’espèce, Mme [U], qui résidait aux Etats-Unis avant même son embauche par la société Orchidées maisons de vin alors dénommée société Ackermann, ainsi que cela ressort de son curriculum vitae et du mail du 18 décembre 2017 précédemment visé, a toujours exécuté sa prestation de travail dans ce pays.

Elle pourrait ainsi être considérée comme ayant le statut de salarié expatrié.

Or, son contrat de travail initial, par lequel elle a été embauchée en tant qu’ambassadeur de marque Amérique du Nord, en exécution duquel elle a toujours travaillé aux Etats-Unis au profit de la société Ackermann devenue Orchidées maisons de vin, stipule dans son article 9 qu’elle était affiliée à la caisse retraite complémentaire Klesia, à [Localité 5], et qu’elle acceptait que soient prélevées mensuellement sur sa paye les retenues correspondant à la quote-part salariale des cotisations aux différents régimes de prévoyance et de retraite complémentaire.

Elle s’est d’ailleurs inquiétée de sa situation au regard de l’assurance vieillesse à plusieurs reprises et notamment dans un mail du 18 décembre 2017, évoqué précédemment.

En l’absence de cotisation à l’assurance retraite pendant plusieurs années, Mme [U] subit un préjudice qu’il convient d’indemniser par l’allocation de la somme de 10 000 euros que la société Orchidées maisons de vin sera condamnée à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision en application de l’article 1231-7 du code civil.

Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement déféré sur ce point.

*les dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation continue

Il y a lieu de confirmer par adoption de motifs le jugement de première instance en ce qu’il a accordée à Mme [U] la somme de 3000 euros de dommages et intérêts à ce titre, alors même que cette dernière justifie avoir sollicité un plan de formation. En effet, le mail de [Z] [C] du service du personnel du 15/03/2017 informait [T] [U] que ses demandes de formation ne seraient pas dans le plan de formation 2017.

La société Orchidées maisons de vin sera condamnée à payer à [T] [U] cette somme avec intérêts au taux légal en application de l’article 1231-7 du code civil.

*les dommages et intérêts pour violation du principe de non discrimination liée à l’état de santé

Mme [U] sollicite la somme de 25 000 euros à ce titre aux termes de son dispositif sans apporter aucune explication sur ce point. Elle a évoqué une discrimination liée à son état de santé dans le cadre de sa demande de réintégration, qui a été rejetée ci-avant, de sorte que sa prétention apparaît ici infondée.

Elle en sera déboutée.

*les dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et de la durée maximale de travail

Selon l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la sécurité physique et mentale des travailleurs.

Il doit ainsi prévenir et éviter toute situation entraînant une dégradation de l’état de santé du salarié.

Il est désormais constant que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.

L’article L.3121-20 du code du travail fixe à 48 heures au cours d’une même semaine la durée maximale hebdomadaire de travail.

En l’espèce, il a été admis que Mme [U] a effectué de nombreuses heures supplémentaires.

Le tableau détaillé qu’elle a produit note à de nombreuses reprises des durées hebdomadaires de travail supérieures à 48 heures.

En outre, Mme [U] a pu faire état, lors de son entretien annuel de 2016, d’une charge de travail excessive.

Ainsi, son supérieur hiérarchique, [B] [W], avait relevé le 26 avril 2016 une «’fin d’année chargée ayant mené à un arrêt de travail du 30/12/2015 au 23/02/2016’» et une «’année 2015 très éprouvante’».

Elle a de fait subi plusieurs arrêts de travail, parfois de plusieurs semaines, notamment début 2016 et courant 2017. La société Orchidées maisons de vin ne justifie pas lui avoir proposé une visite médicale de reprise quand l’arrêt de travail était d’une durée supérieure à 30 jours.

Tous ces éléments justifient que lui soit alloués des dommages et intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de sécurité et dépassement de la durée maximale de travail.

Il convient de lui allouer la somme de 10 000 euros à ce titre que la société Orchidées maisons de vin sera condamnée à lui payer à [T] [U], avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision en application de l’article 1231-7 du code civil.

Il y a lieu d’infirmer le jugement déféré de ce chef.

*les dommages et intérêts pour travail à domicile

Mme [U] sollicite à ce titre la somme de 10 000 euros, sans apporter aucun élément de preuve pour étayer ce manquement qu’elle reproche à son employeur, ni sur l’étendue du préjudice qu’elle aurait subi de ce fait.

Sa demande sera donc rejetée et le jugement querellé confirmé sur ce point.

Sur le remboursement des frais de déménagement et de rapatriement

Selon l’article III.19.1 de la convention collective des vins et spiritueux, l’affectation d’un salarié à l’étranger implique notamment que, en cas de licenciement, sauf pour faute grave, l’employeur supportera les frais de retour direct du salarié à son ancien lieu de travail.

En l’espèce, il a été considéré que le contrat de travail entre Mme [U] et la société Ackermann devenue Orchidées maisons de vin avait perduré après le terme du contrat à durée déterminée. Sa résiliation judiciaire est confirmée à la date du jugement du conseil de prud’hommes de Bayonne en date du 28 janvier 2021. Celle-ci a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Bien que Mme [U] ait toujours exercé ses attributions professionnelles aux Etats-Unis et ne soit revenue au siège de la société que ponctuellement, son lieu de travail fixé au contrat était à St Hilaire St Florent (49), même si elle était en réalité affectée à l’étranger.

La résiliation judiciaire du contrat de travail ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société Orchidées maisons de vin est débitrice envers Mme [U] des frais inhérents à son retour et dont celle-ci justifie à hauteur de 2087,68 euros.

Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Orchidées maisons de vin à payer cette somme à [T] [U].

Sur les demandes accessoires

Il convient d’enjoindre à la société Orchidées maisons de vin de remettre à Mme [U] les bulletins de paie et documents de rupture du contrat de travail rectifiés conformément à la présente décision, sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte.

Il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts dus depuis au moins une année, en application de l’article 1343-2 du code civil.

La société Orchidées maisons de vin, qui succombe à l’instance, devra en supporter les entiers dépens, y compris ceux exposés en première instance.

Il convient en outre de la condamner à payer à Mme [U] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais non compris dans les dépens exposés par elle en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Bayonne en ce qu’il a’:

– déclaré l’action de Mme [T] [U] non prescrite,

– dit que le contrat de travail s’est poursuivi entre les parties,

– dit n’y avoir lieu à réintégration,

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Orchidées maisons de vin,

– condamné la société Orchidées maisons de vins à payer à Mme [T] [U] 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation continue, 2087,68 euros au titre du remboursement des frais de déménagement et de rapatriement et 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté ses demandes concernant une discrimination liée à l’état de santé de la salariée et relative au travail à domicile,

L’INFIRME pour le surplus’;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant’:

DIT que la résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au 28 janvier 2021′;

CONDAMNE la société Orchidées maisons de vin à payer à Mme [T] [U] les sommes de’:

-83 693,32 euros brut au titre des salaires du 1er novembre 2018 au 28 janvier 2021, outre 8 369,33 euros brut au titre des congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter de leur exigibilité et au plus tôt à compter du 4 janvier 2019,

-6462 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 646,20 euros brut pour les congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2019,

-5183,06 euros brut au titre de l’indemnité légale de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2019,

-16000 euros brut au titre de l’indemnité en réparation du préjudice lié à la rupture du contrat de travail avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

-49 906,46 euros brut au titres des heures supplémentaires, avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2019,

-4990,64 euros brut au titre des congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2019,

-23 600,80 euros brut au titre des contreparties obligatoires en repos, avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2019,

-20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de la prise en charge par Pôle Emploi, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

-10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence ou insuffisance de cotisation retraite de base et complémentaire, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

-10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et de la durée maximale de travail, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

ENJOINT à la société Orchidées maisons de vin de remettre à Mme [T] [U] les bulletins de paie et documents de rupture du contrat de travail rectifiés conformément à la présente décision’;

DIT n’y avoir lieu à astreinte’;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus depuis au moins une année, en application de l’article 1343-2 du code civil’;

CONDAMNE la société Orchidées maisons de vin aux entiers dépens, y compris ceux exposés en première instance’;

CONDAMNE la société Orchidées maisons de vin à payer à Mme [T] [U] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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