7 mars 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
22/01545
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 07 MARS 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/01545 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PLKJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 07 MARS 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS
N° RG 2021005033
APPELANTE :
S.A.S. ODALYS PLEIN AIR
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Fabrice BABOIN de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Monsieur [T] [P]
né le 10 Septembre 1975 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représenté par Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de BEZIERS
Ordonnance de clôture du 02 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
M. Thibault GRAFFIN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.
*
* *
FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
La SAS Odalys Plein air exploite une activité d’hôtellerie de plein air (hôtels, résidences, hébergements touristiques et commerces) ; elle exploite notamment le camping la Pinède à [Localité 3].
[T] [P] exploite depuis le 1er mars 2006 un fonds de commerce de snack-bar, sous l’enseigne le Bellevue, situé au sein de ce camping.
Suite à un contrat de location-gérance, signé le 1er novembre 2011 expirant le 31 octobre 2017, par acte sous seing privé du 31 mars 2018, la SAS Vitalys Plein Air (devenue Odalys Plein Air) et M. [P] ont signé un contrat de location-gérance d’un fonds de commerce de snack, bar, épicerie, situé dans la résidence la Pinède pour une durée allant du 31 mars 2018 au 31 octobre 2020, moyennant une redevance annuelle de 10 000 euros HT payable en quatre fois entre les mois de juillet et octobre.
Par acte sous seing privé du 15 août 2020, entrant en vigueur à compter du 1er avril 2020, la SAS Odalys Résidences et M. [P] ont signé un ‘avenant au bail saisonnier et de prestations de services à la clientèle’, précédemment signé le 31 mars 2018, selon lequel le loyer est désormais de 9 500 euros TTC payable en deux fois en août et septembre.
Par acte sous seing privé non daté, la société Odalys Plein Air et M. [P] ont signé un « bail saisonnier et de prestations de services à la clientèle’, dérogeant expressément au statut des baux commerciaux, pour la saison été 2021 prenant effet le 7 mai 2021 pour se terminer le 15 octobre suivant, selon lequel le loyer est 10 000 euros HT payable en trois fois en juillet, août et septembre.
Par courrier en date du 11 octobre 2021, M. [P] a indiqué, par le biais de son conseil, qu’il refusait de quitter les lieux au 15 octobre, considérant bénéficier d’un bail (et non d’un contrat de location-gérance) depuis plus de 3 ans, générant, ainsi un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux et revendiquant la qualité de locataire commercial.
Par courrier du 21 octobre 2021, la société Odalys Plein Air a convié, par le biais de son conseil, M. [P] à un état des lieux contradictoire de sortie avec remise des clefs le 22 octobre 2021, contestant toute application du statut des baux commerciaux en l’absence d’un fonds de commerce propre (absence de clientèle propre, horaires imposés…).
Saisi par acte d’huissier en date du 21 décembre 2021 délivré par la société Odalys Plein Air sur autorisation d’assigner à bref délai, le tribunal de commerce de Béziers a, par jugement du 7 mars 2022 :
‘- vu les articles 73 et suivant du code procédure civile, vu les articles L145-1, R145-23 du code commerce et R211-4 du code l’organisation judiciaire,
– Dit et jugé que l’exception d’incompétence soulevée in limine litis par Monsieur [P] [T] est recevable,
– Se déclare incompétent pour connaître de l’intégralité du litige à l’égard de toutes les parties à la présente instance au profit du tribunal judiciaire de Béziers, lieu de situation de l’immeuble,
– Dit qu’il sera fait application de l’article 82 du code de procédure civile,
– Dit qu’il n’y a pas lieu, en l’état, à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Dit que les dépens sont à la charge de la partie qui succombe,
– Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires tenues pour injustes ou mal fondées.’
Suite à la déclaration d’appel de la société Odalys Plein Air, reçue le 21 mars 2022, visant à contester ce jugement sur la compétence, la cour, après l’avoir autorisée à assigner à jour fixe M. [P] à comparaître devant la chambre commerciale le 14 juin 2022, a, par arrêt en date du 4 octobre 2022,
‘- Déclaré l’appel formé le 21 mars 2022 par la SAS Odalys Plein Air, recevable,
– Confirmé le jugement du tribunal de commerce de Béziers en ce qu’il s’est déclaré matériellement incompétent au profit du tribunal judiciaire de Béziers,
– Ordonné l’évocation de l’affaire par application de l’article 88 du code de procédure civile ;
– Renvoyé l’affaire à l’audience de la chambre commerciale de la cour d’appel de Montpellier du 10 janvier 2023 à 14 heures et invité les parties à conclure au fond, avec clôture des débats huit jours calendaires avant cette date,
– Réservé les demandes fondées sur les dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile.’
Par conclusions transmises par voie électronique le 22 décembre 2022, la société Odalys Plein Air sollicite :
‘- vu les articles 1103, 1104 et 1240 du code civil, les articles 514, 696 et 700 du code de procédure civile, l’article L 721-3 du code de commerce, les articles 85 et 88 du code de procédure civile, l’article 122 du code de procédure civile, (…)
– juger l’appel recevable en la forme ;
– infirmer totalement la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté sa demande tendant à voir juger que Monsieur [P] [T] est occupant sans droit ni titre depuis le 16 octobre 2021 et qu’il se doit d’indemniser le préjudice résultant de sa résistance fautive et de son maintien frauduleux dans les lieux, rejeté sa demande tendant à voir ordonner l’expulsion (‘), rejeté sa demande tendant à voir ordonner la séquestration des objets mobiliers (‘), rejeté sa demande de condamnation à lui payer une indemnité d’occupation, fixée à la somme de 1 540 euros TTC par mois, à compter du 16 octobre 2021 (‘) et rejeté sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
Faire droit à ses moyens et demandes et, ce faisant, juger :
– que l’action en requalification d’un bail saisonnier en bail commercial se prescrit par deux ans à compter de l’entrée dans les lieux du locataire ;
– la demande reconventionnelle et principale de Monsieur [P] tendant à voir requalifier le contrat le liant à elle en bail commercial est prescrite ;
– en tout état de cause, que Monsieur [P] est occupant sans droit ni titre depuis le 16 octobre 2021 (terme du contrat de location saisonnière) et qu’il se doit d’indemniser le préjudice résultant de sa résistance fautive;
– En conséquence,
– Ordonner l’expulsion de Monsieur [P] et de tous occupants de son chef, des locaux en cause, et ce au besoin avec l’aide de la force publique et d’un serrurier, à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir jusqu’à parfait délaissement ;
– Ordonner la séquestration de ses objets mobiliers en la forme accoutumée, conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution à peine d’une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir jusqu’à parfait délaissement ;
– Fixer le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 1 540 euros TTC par mois à compter du 16 octobre 2021 et jusqu’à la libération effective des lieux ;
– Condamner Monsieur [P] à lui payer la somme de 1 540 euros à titre d’indemnité d’occupation, à parfaire en fonction de la date de la décision à intervenir,
– Débouter Monsieur [P] de l’ensemble de ses demandes (…);
– Condamner Monsieur [P] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.’
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
– l’application du statut des baux commerciaux nécessite l’exploitation préalable d’un fonds de commerce dans les lieux loués alors que M. [P] n’a jamais disposé d’un fonds lui appartenant, bénéficiant d’une clientèle propre et autonome du camping (la venue d’une clientèle extérieure au camping étant prohibée – article 5) et a exercé son activité dans le cadre notamment de prestations, horaires, conditions commerciales déterminées par le loueur (annexe 4 du bail), remettant les clés à chaque fin de saison…
– seule la société Odalys exploite le camping la Pinède, la SCI [Adresse 4], qui est le propriétaire foncier (et bailleur de la société Odalys), ne gère que les emplacements des mobile homes (90), pour lesquels les propriétaires paient les charges à la société Odalys,
– le camping n’est ouvert que d’avril à fin septembre de chaque année, l’accès aux mobile homes hors de cette période se fait sur rendez-vous pour la réalisation de travaux, l’habitat permanent étant interdit, seule une dizaine de propriétaires vivent sur le camping, sans pouvoir constituer une clientèle,
– les attestations produites ne sont pas probantes (toutes identiques) et ne font que démontrer la violation du bail, dont l’intimé ne peut se prévaloir,
– la location à caractère saisonnier est exclue du statut des baux commerciaux,
– il appartient au juge de restituer l’exacte qualification à une convention ; le contrat mentionne le caractère saisonnier de la location, la précarité des installations…,
– le caractère renouvelé de locations saisonnières avec la même personne ne porte pas atteinte au caractère dérogatoire du bail, toutes les factures démontrent le caractère saisonnier de l’occupation,
– la location ne perd pas son caractère saisonnier, lorsque le bailleur accepte que le locataire laisse pendant l’intersaison du matériel ou des marchandises dans les lieux loués ou que celui-ci y réalise des travaux, le camping étant fermé, en tout état de cause, pendant la période hivernale,
– toute action visant à requalifier les anciens contrats de location-gérance en baux commerciaux est prescrite,
– cette fin de non-recevoir ne peut, ici, relever du conseiller de la mise en état, qui n’a nullement été désigné (appel sur compétence – procédure à jour fixe) et il s’agit d’une fin de non-recevoir opposée à une demande reconventionnelle (et non une simple défense au fond),
– le point de départ d’une telle action qui se prescrit par deux ans doit être fixé à la conclusion du contrat initial, peu important l’existence d’avenants,
– M. [P] devait agir avant le 1er novembre 2013 pour le contrat signé le 1er novembre 2011 (de même pour celui signé en 2006) et avant le 31 mars 2020 pour celui du 31 mars 2018 (requalifié par la suite par les parties),
– en refusant de restituer les clés et d’évacuer son matériel aux termes du contrat convenu entre les parties, M. [P] a commis un manquement ; il est devenu occupant sans droit ni titre depuis le 16 octobre 2021, justifiant le prononcé de l’expulsion sous astreinte et la fixation d’une indemnité d’occupation,
– ne pouvant se prévaloir du statut des baux commerciaux, il ne dispose d’aucun droit au renouvellement ou à une indemnité d’éviction.
Par conclusions transmises par voie électronique le 23 décembre 2022, M. [P] sollicite de voir :
‘- débouter Odalys Plein Air de toutes ses prétentions alors qu’il bénéficie d’un bail commercial soumis au statut depuis le 31 mars 2018, ou à tout le moins à compter de celui ayant débuté le 7 mai 2021 improprement qualifié de bail saisonnier,
– Sur demande reconventionnelle à titre principal, rejetant comme irrecevable, ou infondée la prescription opposée,
– Requalifier le bail du 31 mars 2018 ou subsidiairement celui débutant le 7 mai 2021 de bail commercial soumis au statut et d’une durée qui ne peut être inférieure à 9 ans,
– Condamner la SAS Odalys Plein Air à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice causé par ses tentatives d’éviction et la précarité dans laquelle il a été mis durant la saison 2022, outre la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance et d’appel,
– Subsidiairement si l’occupation sans droit ni titre était retenue, rejeter la demande d’indemnité d’occupation, d’astreinte, de séquestre,
– Rejeter la demande d’article 700 code de procédure civile.’
Il expose en substance que :
– il est victime d’une fraude dans ses droits de locataire commercial,
– son action en requalification des baux des 31 mars 2018 et 7 mai 2021 n’est pas prescrite,
– l’article L. 145-15 (issu de la loi Pinel du 18 juin 2014) ne prévoit plus la nullité des clauses contraires au statut (notamment concernant la durée) mais leur caractère non écrit et la prescription biennale, attachée aux nullités est inapplicable, le caractère réputé non écrit étant imprescriptible,
– il n’est que défendeur à une demande en expulsion et sa défense au fond est imprescriptible,
– la demande tendant au constat du bénéfice du statut après reconduction d’un bail de moins de trois ans est soumise à une prescription quinquennale et non biennale,
– les contrats ne pouvaient être qualifiés de location-gérance, puisque notamment, Odalys n’a jamais été propriétaire d’un fonds de snack-bar, mais seulement d’une activité de camping, et ont, d’ailleurs, été requalifiés en baux,
– il est présent sur les lieux depuis 2006 sans interruption et il est inscrit au RCS à l’adresse des locaux loués depuis l’origine,
– le bail ne peut être qualifié de saisonnier car la durée était de deux ans et demi alors que l’article 1er de la loi Hoguet précise qu’une location saisonnière est de 90 jours consécutifs,
– il n’a jamais rendu les clés à l’intersaison,
– il ne s’agit pas non plus d’un bail dérogatoire de moins de 3 ans, car il n’exprime pas la volonté des parties de déroger au statut, la mention relative à leur accord sur l’absence de renouvellement à l’issue étant insuffisante,
– il a une clientèle propre ; il dispose de deux clientèles, celle du camping, qui est aussi celle d’Odalys et celle des propriétaires des mobile homes, présents à l’année (90), qui n’est pas celle d’Odalys,
– cette dernière clientèle n’est pas extérieure au sens du contrat, la clientèle extérieure étant « celle n’ayant pas de logement sur la résidence autre que propriétaire, client en location, personnel »,
– il peut accéder à son local toute l’année, son maintien hors saison et après le 31 octobre 2020 ne relève pas d’une tolérance,
– le loyer était annuel (10 000 euros par an), ainsi que les factures de consommation et d’assurance,
– il est autonome dans sa gestion, les contraintes contenues dans le bail ne constituent pas une entrave à l’exercice d’une activité développant sa propre clientèle,
– il subit un préjudice d’anxiété et de précarité,
– l’indemnité d’occupation doit correspondre à la durée de jouissance des lieux.
Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 2 janvier 2023.
MOTIFS de la DECISION :
1- sur la prescription de l’action en requalification :
Les baux commerciaux sont régis par les articles L. 145-1 à L. 145-60 du code de commerce concernant notamment leur durée, leur renouvellement, la sous-location, le montant du loyer et la résiliation.
L’article L. 145-60 de ce code prévoit que toutes les actions exercées en vertu des dispositions relatives au bail commercial se prescrivent par deux années.
Les parties s’accordent pour indiquer que les contrats les ayant liées ne sont pas des contrats de location-gérance, en dépit de la qualification initialement retenue, mais des baux.
Contrairement à ce que soutient M. [P], son action n’est pas fondée sur les dispositions de l’article L. 145-15 de ce code relatif au caractère non écrit des clauses contractuelles (relatives à la durée, le droit au renouvellement’) contraires au statut des baux commerciaux, puisqu’il ne sollicite nullement que soient déclarées non écrites telle ou telle clause des contrats litigieux. Elle ne tend pas davantage au constat de l’existence d’un bail soumis au statut, né du fait d’un maintien à l’issue d’un bail dérogatoire, mais à lui voir reconnaître le bénéfice dudit statut.
La demande de requalification, formée par M. [P], est, ainsi, soumise à la prescription biennale, le délai de prescription courant à compter de la conclusion du contrat, peu important que celui-ci ait été renouvelé ultérieurement. Il argue d’une fraude à ses droits de locataire sans l’étayer à l’appui du moindre élément ; aucune suspension de la prescription n’est justifiée.
Par ailleurs, ainsi qu’il l’indique lui-même dans le dispositif de ses écritures, il a saisi la cour de demandes reconventionnelles en sollicitant la requalification du bail et l’octroi d’une indemnisation, et n’a pas seulement formé une défense au fond en réponse à la demande d’expulsion, qui serait imprescriptible.
Il en résulte que l’action en requalification en bail commercial des contrats ayant lié les parties, initiée par acte d’huissier en date du 21 décembre 2021, est prescrite concernant le contrat en date du 31 mars 2018, ayant fait l’objet d’un avenant le 15 août 2020, mais pas concernant celui signé à une date inconnue, ayant pris effet le 7 mai 2021, qui ne constitue pas un renouvellement du contrat précédent.
2- sur la nature du contrat liant les parties :
L’article L. 145-1 1° du code de commerce prévoit que le statut des baux commerciaux est applicable aux ‘baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d’une entreprise immatriculée en registre des métiers (‘)’.
Pour revendiquer l’application de ce statut, M. [P] soutient qu’il exploite un fonds de commerce dans les lieux loués depuis 2006, étant inscrit au registre du commerce et des sociétés à cette adresse depuis l’origine, pour lequel il dispose d’une clientèle propre, que la location n’est pas saisonnière, ayant accès à son local toute l’année et ce hors de toute tolérance de la société Odalys Plein Air, que les factures traduisent le caractère annuel de la location et qu’il est parfaitement autonome dans sa gestion.
En premier lieu, il convient de constater que le dernier contrat mentionne expressément dans son article 1 (page2) qu’il s’agit d’un bail « dérogeant en toutes ses dispositions au statut des baux commerciaux du fait de la saisonnalité de l’exploitation commerciale » et qu’il a été conclu pour une saison tandis que si les précédents contrats étaient conclus pour plusieurs années, la jouissance des locaux loués est restée temporaire, même en l’absence de restitution des clés pendant les mois d’hiver lorsque le domaine de la Pinède était fermé.
Contrairement à ce que soutient l’intimé, l’ensemble des factures produites démontre que la location n’était pas annuelle, mais saisonnière, puisque la facturation indique que la redevance est celle due du « 31 mars au 30 septembre » ou du « 1er avril 2020 au 31 octobre 2020 » ou encore « selon bail saisonnier pour le mois de » et, pour les charges, qu’il s’agit de celles de la « saison 2019 » ou « 2020 » (sic).
Au demeurant, la conservation de l’index de fin pour les charges relatives à l’eau et l’électricité pour débuter l’évaluation de la consommation de l’année suivante démontre que son activité s’arrête chaque année pendant une période (correspondant aux mois d’hiver) sans facturation sur toute l’année.
S’il n’est nullement contesté qu’il est le seul responsable de l’organisation et de la gestion de son activité économique et commerciale, le contrat prévoit des contraintes tenant aux horaires d’ouverture et de fermeture sur des périodes définies (« du 7 mai au 12 mai : 11 h à 15 h et 18 h à 19 h, du 13 mai au 19 mai : 9 h à 15 h et 17 h à 19 h » ‘), à la liste des prestations, soit « vente à emporter (toute la carte à disposition à emporter et disponible dans chaque mobile home), restauration sur place, organisation soirées spéciales le mardi/jeudi soirée moules frites/paëlla géante, bar (« large variété de cocktails/glacier (large variété)/mini market (large variété de produits essentiels) », et aux conditions commerciales et modes de règlements (« CB, chèque vacances, espèces, tickets restaurant, 20 % de remise pour le personnel de la résidence »), qui, par leur caractère précis, complet et essentiel à l’organisation d’une telle activité, conditionnent et limitent sa liberté d’entreprendre. Outre ces conditions d’exploitation, le contrat prévoit un contrôle « qualité » du bailleur une fois par semaine (article 5).
De même, son accès au local loué lorsque le domaine de la Pinède est lui-même fermé entre les mois de septembre-octobre à mars-avril, qu’il justifie pour la réalisation de travaux ponctuels (réparation du cumulus en 2020, installation d’une prise en 2021) ou l’installation de machines (machine à peluche en 2021) ne permettent pas de retenir qu’il exploite à cette occasion son activité de restauration, à défaut de tout élément comptable, notamment, la seule et unique attestation produite en ce sens, mentionnant un repas pour dix personnes le dimanche 25 octobre 2020, alors que cette année-là, la location se terminait le 31 octobre 2020.
L’existence d’une clientèle composée des propriétaires de mobil home, qui ne se situent pas sur le camping, mais sur un terrain limitrophe, que la société Odalys n’exploite pas, n’est pas établie eu égard aux baux produits qui concernent des mobile homes situés dans le domaine de la Pinède, exploité par la société Odalys comme le montrent, sans ambiguïté, les plans annexés aux procès-verbaux de constat d’huissier de justice en date des 16 novembre 2021 et 22 novembre 2022. Si lesdits propriétaires de mobile homes ont également accès à leur résidence hors saison, notamment, ceux, au nombre de dix, qui y résident toute l’année, M. [P] ne démontre pas qu’il exerce son activité de restauration sur cette période.
Par ailleurs, l’ensemble des personnes, attestant, dans le cadre d’attestations pré-rédigées toutes identiques, « être un client régulier et indépendant » ou un « client de l’extérieur », ne réside pas sur le domaine de la Pinède et constitue, de ce fait, une clientèle prohibée par les stipulations du bail. Au demeurant, une fréquentation du commerce de M. [P] hors saison n’est pas établie, seul le caractère régulier de celle-ci étant souligné, mais pas la période de l’année.
Eu égard à cette fermeture pendant cinq à six mois de l’année, M. [P] ne rapporte pas l’existence d’une clientèle propre à défaut d’établir qu’il exploite son fonds pendant cette période de fermeture, que ce soit au profit de la clientèle du domaine de la Pinède ou d’une clientèle extérieure et interdite.
Il en résulte que M. [P], qui ne peut revendiquer exploiter un fonds de commerce, ne peut se prévaloir de l’application du statut de baux commerciaux, indépendamment de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés à l’adresse d’exploitation dudit commerce sans interruption depuis 2006 ; sa demande de requalification en ce sens ainsi que ses demandes indemnitaires subséquentes seront rejetées.
Le contrat de bail saisonnier étant arrivé à son terme le 15 octobre 2021, M. [P] est occupant sans droit, ni titre depuis le lendemain ; il demeure débiteur d’une indemnité d’occupation à hauteur de la somme de 1 540 euros par mois, correspondant au montant de la redevance, jusqu’à son départ, puisqu’indépendamment du caractère saisonnier de la location, le terme de son droit au bail, que la société Odalys Plein Air lui a signifié le 22 octobre 2021, devait entraîner la restitution des locaux loués, qui n’a pas été effectuée, et ce sous déduction à faire des sommes d’ores et déjà versées en 2022.
Son expulsion sera, par voie de conséquence, ordonnée selon les modalités fixées au dispositif et ce sous astreinte à hauteur de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt, eu égard à sa volonté patente de se maintenir dans les lieux loués.
3- sur les autres demandes :
M. [P], qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 2 000 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Vu l’arrêt de cette cour en date du 4 octobre 2022,
Déclare irrecevable comme étant prescrite l’action en requalification en bail soumis au statut des baux commerciaux du contrat signé entre les parties le 31 mars 2018, ayant fait l’objet d’un avenant le 15 août 2020,
Rejette la fin de non-recevoir, tirée de la prescription de l’action en requalification en bail soumis au statut des baux commerciaux, du contrat ayant lié la SAS Odalys Plein Air et [T] [P] à compter du 7 mai 2021,
Rejette l’action en requalification en bail soumis au statut des baux commerciaux de ce contrat, formée par M. [P],
Rejette les demandes indemnitaires formées par M. [P],
Constate que M. [P] est devenu occupant sans droit, ni titre à compter du 16 octobre 2021,
Ordonne l’expulsion de [T] [P] et celle de tous occupants de son chef, des locaux en cause, et ce au besoin avec l’aide de la force publique et d’un serrurier, à compter de la signification du présent arrêt, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de cette signification jusqu’à parfait délaissement,
Ordonne le cas échéant le transport des meubles et objets mobiliers laissés sur place, dans tout lieu approprié, aux frais de M. [P] conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
Condamne [T] [P] à payer à la SAS Odalys Plein Air la somme de 1 540 euros TTC par mois à titre d’indemnité d’occupation, à compter du 16 octobre 2021 et jusqu’à la libération effective des lieux, sous réserve de la déduction à faire des sommes déjà versées par celui-ci au titre de l’occupation en 2022,
Condamne M. [P] à payer à la société Odalys Plein Air la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de M. [P] fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [P] aux dépens d’appel.
le greffier, le président,