Indemnité d’éviction : 14 mars 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 22/00454

·

·

Indemnité d’éviction : 14 mars 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 22/00454

14 mars 2023
Cour d’appel de Dijon
RG
22/00454

VCF/IC

S.A.S. MDSA

C/

[C] [B]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

1ère chambre civile

ARRÊT DU 14 MARS 2023

N° RG 22/00454 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F5TH

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 22 mars 2022,

rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dijon – RG : 21/02783

APPELANTE :

S.A.S. MDSA agissant poursuites et diligences de son Directeur général en exercice, Monsieur [D] [I], domicilié au siège :

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Pierrick BECHE, membre de la SARL PIERRICK BECHE – CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91

INTIMÉ :

Monsieur [C] [B]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 6] (75)

[Adresse 1]

[Localité 5]

assisté de Me Daniel RAVEZ, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et représenté par Me Dominique CLEMANG, membre de la SCP CLEMANG, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 32

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 janvier 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, ayant fait le rapport,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2023,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [B] a été engagé par la société Tangara en qualité d’attaché commercial, selon contrat de travail du 29 décembre 1997. Il a été élu délégué syndical.

Dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Tangara, le juge commissaire a autorisé la cession de l’unité de production de cette société, à la société MDSA, à laquelle s’est substituée la société Extan, filiale spécialement créée à cet effet et ultérieurement absorbée par la société MDSA.

Le contrat de travail de M. [B] a été transféré à la société Extan, transfert non autorisé par l’inspection du travail et refusé par M. [B], qui a été licencié par la société Extan par courrier du 21 février 2003.

Le 29 mars 2004, M. [B] demandait d’une part le bénéfice de la priorité de réembauchage et d’autre part saisissait le conseil de prud’hommes de Paris d’une contestation de son licenciement.

Au cours de la procédure judiciaire, ont été rendues les décisions suivantes :

– 7 mai 2009 : jugement du conseil de prud’hommes de Paris

– 24 octobre 2012 : arrêt de la cour d’appel de Paris infirmant ce jugement

– 2 juillet 2014 : arrêt de la Cour de cassation cassant et annulant cet arrêt sauf en ce qu’il a débouté M. [B] de ses demandes de rappel de prime d’intéressement et de solde d’indemnité de congés payés

– 30 janvier 2018 : arrêt de la cour d’appel de Paris infirmant le jugement du 7 mai 2009, prononçant la nullité du licenciement de M. [B] et condamnant la société MDSA à lui payer diverses sommes

– 10 juillet 2019 : arrêt de la Cour de cassation cassant et annulant cet arrêt sauf en ce qu’il a prononcé la nullité du licenciement de M. [B]

– 7 octobre 2021 : arrêt de la cour d’appel de Paris ordonnant sous astreinte la réintégration de M. [B] et condamnant la société MDSA à payer à M. [B] les sommes suivantes :

. au titre de l’indemnité d’éviction à parfaire à la date de sa réintégration effective, une provision arrêtée au 31 mai 2021 de 696 734,58 euros, la cour ordonnant à la société MDSA la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif ,

. 6 200 euros de dommages-intérêts au titre de la priorité de réembauchage,

. 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Se fondant sur ce dernier arrêt, à l’encontre duquel la société MDSA a formé un pourvoi, M. [B] a, le 17 novembre 2021, fait pratiquer les mesures d’exécution suivantes :

– une saisie de valeurs mobilières entre les mains de la SA LCL Crédit Lyonnais

– deux saisies attributions sur les comptes détenus par la société MDSA auprès d’une part de la SA LCL Crédit Lyonnais et d’autre part de la SA LCL Lyonnaise de Banque,

aux fins de recouvrer la somme globale de 718 334,70 euros.

Ces saisies ont été dénoncées à la société MDSA par actes du 19 novembre 2021.

Par acte du 16 décembre 2021, la société MDSA a introduit une instance en contestation de ces saisies.

Par jugement du 22 mars 2022, exécutoire de droit par provision, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dijon a :

‘ s’agissant de la saisie de valeurs mobilières, infructueuse, déclare irrecevable la contestation de la société MDSA

‘ s’agissant des saisies attributions,

– déclaré recevable la contestation de la société MDSA,

– rejeté la contestation,

– dit que les saisies attributions pratiquées entre les mains du Crédit Lyonnais et de la Lyonnaise de Banque sont valides

– rejeté les demandes de main-levée de ces saisies,

– dit n’y avoir lieu au cantonnement de ces saisies,

‘ rejeté la demande de dommages-intérêts pour abus de saisie,

‘ condamné la société MDSA

– aux dépens

– à verser à M. [B] la somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 11 avril 2022, la société MDSA a interjeté appel de ce jugement, son recours ne portant pas sur les dispositions l’ayant déclaré irrecevable en sa contestation de la saisie de valeurs mobilières et recevable en sa contestation des saisies attributions.

Par ordonnance du 21 juin 2022, le magistrat suppléant la première présidente de la cour a débouté la société MDSA de ses demandes de sursis à exécution du jugement dont appel, d’arrêt de l’exécution provisoire de ce jugement et de consignation des sommes au paiement desquelles elle a été condamnée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 octobre 2021.

Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 20 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la société MDSA demande à la cour, au visa des articles L111-2, L111-7, R121-1 alinéa 2 et L121-2 du code des procédures civiles d’exécution, 1343-5 du code civil et 510 du code de procédure civile, de :

‘ à titre principal :

– réformer le jugement du 22 mars 2022,

– déclarer nulles les saisies attributions dénoncées par M. [C] [B] le 19 novembre 2021,

– ordonner leurs mainlevées immédiates,

– condamner M. [C] [B] à lui payer la somme de 97 673,90 euros à titre de dommages et intérêts,

‘ à titre subsidiaire,

– lui accorder un délai de grâce en reportant à deux ans le paiement des sommes dues, à tout le moins en échelonnant sur deux ans ledit paiement,

– ordonner la mainlevée pour la somme excédentaire de 280 005 euros,

‘ à titre infiniment subsidiaire,

– ordonner à titre de garantie la consignation des sommes sur un compte CARPA ou auprès de tel organisme et notamment la caisse de dépôts et consignations que la cour désignera,

– fixer la nature, l’étendue et les modalités de ladite garantie à constituer,

– ordonner la mainlevée pour la somme excédentaire de 280 005 euros,

‘ dans tous les cas, condamner M. [C] [B] :

– aux entiers dépens de l’instance

– à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 10 novembre 2022, les conclusions de M. [B], remises le 7 novembre 2022, ont été déclarées irrecevables.

La clôture est intervenue le 10 janvier 2023 avant l’ouverture des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

‘ A titre liminaire, la cour rappelle que M. [B] doit être regardé comme demandant la confirmation du jugement dont appel dont il est réputé s’approprier les motifs.

‘ En premier lieu, la société MDSA semble soutenir que la saisie attribution pratiquée sur ses comptes ouverts auprès du Crédit Lyonnais ne peut produire aucun effet, dès lors que cette banque, tiers saisi, a déclaré que le solde de ses comptes était nul.

Il ressort des pièces produites aux débats par l’appelante elle-même que cette déclaration était manisfestement erronée dès lors que le solde de ses comptes était créditeur de 279 665,72 euros. Elle peut d’autant moins tirer argument de cette erreur eu égard aux dispositions des articles L. 211-2 et L. 162-1 du code des procédures civiles d’exécution que le juge de l’exécution de Dijon a utilement rappelées dans les motifs pertinents du jugement dont appel, motifs que la cour adopte.

‘ En deuxième lieu, la société MDSA soutient que M. [B] ne pouvait pas procéder aux saisies litigieuses sur le fondement de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 octobre 2021, ce titre exécutoire ne constatant pas l’existence d’une créance liquide et exigible.

L’absence de liquidité de la créance résulterait de l’imprécision du dispositif de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 octobre 2021, qui ne mentionne pas si la somme provisionnelle de 696 734,58 euros est brute ou nette, imprécision dont l’appelante soutient qu’elle ne peut pas être comblée par la présente cour exerçant les pouvoirs du juge de l’exécution. S’il est exact que la cour ne peut pas modifier le dispositif de l’arrêt du 7 octobre 2021, il entre dans son office de l’interpréter ainsi d’ailleurs que l’a justement rappelé le juge de l’exécution de Dijon et que cela résulte de la jurisprudence citée par l’appelante : Soc 3 juillet 2019 n°18-12.149.

L’absence de liquidité résulterait également du fait que la provision allouée au titre de l’indemnité de réintégration est, selon l’appelante, exprimée en brut.

L’absence d’exigibilité de la créance tiendrait au fait que M. [B] adopte une attitude ne permettant pas de le réintégrer et d’arrêter le montant de son indemnité de réintégration.

Il convient, ainsi que l’a fait le premier juge, de rappeler que l’arrêt du 7 octobre 2021 n’a pas condamné la société MDSA qu’au paiement d’une provision à valoir sur l’indemnité de réintégration ; cette société a également été condamnée au paiement d’une somme globale de 14 200 euros au titre de la priorité de réembauchage et de l’article 700 du code de procédure civile, cette somme étant liquide et exigible et suffisant à fonder les saisies attributions pratiquées.

Par ailleurs, en raison de son caractère provisionnel, la somme de 696 734,58 euros est nécessairement exigible et la discussion portant sur le fait qu’elle soit ou non soumise à cotisations et au prélèvement fiscal à la source n’a pas d’incidence sur son caractère liquide. Ainsi, quand bien même, cette somme serait brute, ainsi que le prétend l’appelante, elle pourrait être recouvrée par M. [B], sous déduction notamment des charges, contributions et impôts.

‘ Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que les saisies attributions litigieuses étaient valides et a débouté la société MDSA de sa demande en main levée de ces mesures, seule la question de leur cantonnement restant posée.

En l’espèce, ainsi que l’a retenu le juge de l’exécution de Dijon et que l’admettent les parties, il ressort clairement de l’arrêt du 7 octobre 2021 que l’indemnité de réintégration est soumise à cotisations et au prélèvement fiscal à la source, raison pour laquelle d’ailleurs il a été prévu que la société MDSA devait émettre un bulletin de salaire.

M. [B] a estimé, et le premier juge et le magistrat suppléant la première présidente de cette cour ont considéré, qu’en raison de son caractère provisionnel, la somme de 696 734,58 euros était nécessairement exprimée en valeur nette.

Toutefois, ce raisonnement occulte d’une part les modalités de calcul de cette provision, manifestement évaluée sur la base du salaire brut de M. [B], et d’autre part la nature de l’indemnité de réintégration au titre de laquelle cette provision est due. Si une provision à valoir sur des dommages-intérêts est nécessairement exprimée en valeur nette, il n’en est pas de même d’une provision à valoir sur des salaires ou sur des sommes assimilables aux salaires au regard de la législation sociale et fiscale, étant observé que la régularisation à opérer une fois que l’indemnité de réintégration sera arrêtée reste possible en toutes circonstances, que la provision soit payée sans ou avec précompte des sommes dues par le salarié.

Se contentant d’interpréter sans le modifier le dispositif de l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 7 octobre 2021, la présente cour retient que les saisies attributions litigieuses ont été légitiment pratiquées à hauteur de :

– 6 200 euros de dommages-intérêts au titre de la priorité de réembauchage

– intérêts sur cette somme arrêtés au 15 novembre 2021 : 20,80 euros

– 8 000 euros au titre de l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– intérêts sur cette somme arrêtés au 15 novembre 2021 : 26,84 euros

– provision à valoir sur l’indemnité de réintégration, après précompte des sommes dues par M. [B] : 355 915,37 euros soit selon le bulletin de paie émis par l’appelante constituant la pièce 8 de son dossier : 696 734,58 euros – [(72 321 66 euros de cotisations sociales) + (268 497,55 euros soit 43 % de 624 412,92 euros au titre de l’impôt)]

– intérêts sur cette somme arrêtés au 15 novembre 2021 : 1 194,12 euros,

soit un total de 371 357,13 euros outre intérêts à compter du 16 novembre 2021 sur le principal de 370 115,37 et frais de procédure.

Les saisies seront cantonnées à cette hauteur.

Comme le solde des comptes détenus par la société MDSA auprès des banques tiers saisis permet le recouvrement de la totalité de la somme à laquelle les saisies attributions ont été cantonnées, les demandes de l’appelante tendant d’une part à l’octroi de délais de paiement et d’autre part à la consignation d’une somme en garantie de sa dette sont dépourvues d’objet.

‘ Il convient, par adoption de motifs, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société MDSA de sa demande indemnitaire pour abus de saisie, étant rappelé que malgré la signification de l’arrêt du 7 octobre 2021 et la délivrance d’un commandement de payer, elle ne s’est spontanément acquitté d’aucune somme, pas même de l’indemnité en valeur nette de 14 200 euros due au titre de la priorité de réémbauchage et de l’article 700 du code de procédure civile.

Outre que M. [B] ne peut être regardé comme de mauvaise foi ou comme ayant fait preuve d’une négligence inexcusable dès lors que les saisies pratiquées étaient utiles au recouvrement de sa créance, il ne peut pas lui être reproché, malgré le cantonnement des saisies prononcé par le présent arrêt, d’avoir mis en oeuvre des mesures disproportionnées compte tenu de la nécessité d’interpréter le titre exécutoire sur le fondement duquel elles ont été réalisées, ce d’autant moins que tant le juge de l’exécution de Dijon que le magistrat suppléant la première présidente ont validé le raisonnement qui l’a conduit à tenter de recouvrer une somme de plus de 700 000 euros.

‘ Il convient enfin en application des articles 696 et 700 du code de procédure civile de confirmer les dispositions du jugement déféré ayant statué sur les dépens et ayant alloué à M. [B] la somme de 1 800 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a exposés.

Les dépens d’appel doivent être également supportés par la société MDSA, qui ne peut pas prétendre au bénéfice de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu au cantonnement des saisies attributions mises en oeuvre le 17 novembre 2021 sur les comptes bancaires détenus par la société MDSA dans les livres du Crédit Lyonnais et de la Lyonnaise de Banque,

Statuant à nouveau sur ce point,

Ordonne le cantonnement de ces saisies à hauteur de la somme globale de 371 357,13 euros outre intérêts à compter du 16 novembre 2021 sur le principal de 370 115,37 et frais de procédure,

Ajoutant au jugement déféré,

Constate que sont sans objet les demandes de la société MDSA tendant à l’octroi de délais de paiement et à la consignation d’une somme au titre de sa dette telle que fixée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 octobre 2021,

Condamne la société MDSA aux dépens d’appel,

Déboute la société MDSA de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x