Indemnité d’éviction : 16 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08681

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Indemnité d’éviction : 16 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08681

16 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG
21/08681

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRÊT DU 16 Mars 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/08681 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQQY

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de PARIS section le 10 Octobre 2013 sous le RG n° F12/03348 ; infirmé partiellement par un arrêt de la chambre 6/11 de la Cour d’appel de PARIS rendu le 06 Janvier 2017 sous le RG n° 13/10995 lui-même partiellement cassé par la Cour de cassation dans son arrêt n° 1012 F-D rendu le 20 juin 2018, ayant renvoyé la cause et les parties devant la Cour d’appel de PARIS autrement composée.

APPELANT

M. [J] [C]

[Adresse 1]

[Localité 6]

né le 01 Janvier 1957 à [Localité 7] (Algérie)

Assisté de Me Daniel RAVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C1878

INTIMEES

S.A.R.L. AMBULANCES DE CHAMPIONNET

[Adresse 3]

[Localité 5]

N° SIRET : 497 .84 3.6 49

représentée par Me Stéphane BAZIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1878

S.A.R.L. NOBEL SERVICES AMBULANCES

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 500 .77 7.3 05

représentée par Me Jean-Charles BEDDOUK, avocat au barreau de PARIS, toque : D0631

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Greffier : Madame Sonia BERKANE, lors des débats

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre de chambre et par Madame Sonia BERKANE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSE DU LITIGE :

M. [J] [C], diplômé en médecine en Syrie, a été embauché verbalement par la société Ambulances Tour Eiffel le 4 juillet 2001.

À compter du 8 octobre 2003, le salarié a exercé un mandat de délégué syndical.

Dans le dernier état des relations contractuelles, régies par la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 3 967,68 euros.

Le 6 avril 2011, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Ambulances Tour Eiffel.

Selon un jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 5 juillet 2011, un plan de cession de la société Ambulances Tour Eiffel a été arrêté en faveur de la société à responsabilité limitée (SARL) Ambulances de Championnet et de la SARL Nobel Service Ambulance, qui avaient présenté une offre solidaire, portant sur l’exploitation du fonds de commerce de transport en ambulance et des activités annexes à ce fonds et de toutes activités paramédicales.

Aux termes du jugement, le périmètre de la reprise comprenait les éléments incorporels (clientèle, droits de propriété industrielle, tous droits rattachés au fonds de commerce) et les éléments corporels.

Concernant l’aspect social de la reprise, seuls 28 contrats de travail énumérés sur 40 étaient repris parmi lesquels ne figurait aucun des trois médecins de la précédente société.

Le jugement précisait encore que la SARL Nobel Service Ambulance et la SARL Ambulances de Championnet feraient leur affaire commune de la répartition des éléments corporels et incorporels inclus dans le périmètre de la reprise ainsi que de l’obtention de l’agrément de l’ARS.

Dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire de la société Ambulances Tour Eiffel, Maître [F] [G], mandataire judiciaire liquidateur, a saisi l’Inspecteur du travail, le 21 juillet 2011, d’une demande d’autorisation de licenciement de M. [J] [C] pour raison économique et suppression de postes.

Au visa de son enquête en date du 18 août 2011, considérant que toutes les potentialités de reclassement n’avaient pas été explorées et bien qu’« il n’a pu être établi de lien entre la mesure de licenciement économique envisagée et les mandats détenus par l’intéressé » l’Inspecteur du travail a refusé le licenciement pour motif économique. Cette décision n’a pas été notifiée par l’Inspection du travail aux deux sociétés repreneuses de la société Ambulance Tour Eiffel.

Le 5 octobre 2011, l’administrateur judiciaire, Maître [B], maintenu dans ses fonctions par le tribunal de commerce a informé M. [J] [C], la SARL Ambulances de Championnet et la SARL Nobel Service Ambulance de la décision de l’Inspecteur du travail concernant le refus d’autorisation de licenciement de M. [J] [C], tout en précisant que « cette décision entraîne de plein droit le transfert du contrat de travail dans les sociétés SARL Ambulances de Championnet et la SARL Nobel Service Ambulance, cessionnaires, conformément aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail et ceux à compter du 24 septembre 2011, date de réception de la décision de l’autorité administrative ».

Par ce même courrier, l’administrateur judiciaire a invité, d’une part M. [J] [C] à prendre contact avec les gérants des deux sociétés afin de définir les modalités de sa réintégration en leur sein et, d’autre part, les deux sociétés à régulariser sans délai la situation du salarié « au sein des entités cessionnaires » ajoutant, qu’il les invitait, également, à exercer toutes voies de recours contre la décision de l’Inspecteur du travail si elles estimaient que celle-ci leur portait grief. Aucun recours n’a été exercé par les sociétés repreneuses.

Le 9 novembre 2011, M. [J] [C] a écrit aux deux sociétés susmentionnées pour leur rappeler qu’il se tenait à leur disposition concernant la poursuite de son contrat de travail tout en précisant qu’il demeurait dans l’attente du règlement de son salaire de base, soit

2 498,88 euros mensuels, depuis le mois de juillet.

Le 21 novembre 2011, la SARL Nobel Service Ambulance a indiqué à M. [J] [C] que le transfert de son contrat de travail ne figurait pas dans le périmètre de la reprise, que l’ARS lui avait précisé qu’elle n’avait jamais eu en sa possession son diplôme de médecin et son enregistrement à l’ordre des médecins et qu’il avait été décidé de l’affecter dans les effectifs de la SARL Ambulances de Championnet, qu’il convenait donc qu’il se rapproche de cette dernière afin d’organiser son reclassement.

Le 22 novembre 2011, la SARL Ambulances de Championnet a convoqué M. [J] [C] pour le 30 novembre 2011, en lui demandant, notamment, d’apporter un curriculum vitae,ses diplômes son permis de conduire etc… afin de constituer son dossier « auprès des organismes concernés ».

Le 14 décembre 2011, M. [J] [C] a écrit à la SARL Ambulances de Championnet pour lui rappeler qu’il se tenait toujours à sa disposition afin de poursuivre son contrat de travail aux conditions antérieures, en qualité de médecin, au salaire mensuel de base de 2 498,88 euros.

Par un courrier du 6 janvier 2012, la SARL Ambulances de Championnet a répondu à M. [J] [C] que le périmètre de la reprise ne comportait pas l’activité médicalisée des ambulances, qu’il apparaissait au regard des éléments communiqués que le salarié ne pouvait pas exercer une activité de médecin en l’absence de reconnaissance de son diplôme et de son inscription à l’ordre national des médecins. Après avoir décrit les emplois opérationnels et administratifs de son activité, elle l’a informé de l’impossibilité de lui proposer un poste au sein de la société et l’a convoqué pour un entretien préalable au licenciement en date du 30 janvier 2012.

Le 9 mars 2012, l’Inspection du travail, après enquête contradictoire a rejeté la demande d’autorisation de licencier M. [J] [C] présentée le 21 février 2012 par la SARL Ambulances de Championnet, en l’absence de justification d’une recherche exhaustive de reclassement.

Le 15 mars 2012, la SARL Ambulances de Championnet a avisé le salarié qu’à défaut d’emploi vacant, elle se voyait contrainte de créer un poste de travail à son attention et qu’elle lui proposait, en conséquence, celui d’agent à l’entretien et à la désinfection des véhicules et des locaux de la société, avec une rémunération sur la base du SMIC. Cette proposition est demeurée sans acceptation, ni réponse.

Une nouvelle demande d’autorisation de licenciement a été présentée par la SARL Ambulances de Championnet le 6 juin 2012 et a donné lieu à un nouveau rejet au motif que «  La SARL Nobel Service Ambulance n’a effectué aucune démarche de reclassement de

M. [J] [C] et que toutes les potentialités de reclassement n’ont pas été exploitées ».

La période de protection de M. [J] [C] s’étant achevée le 6 juillet 2012, le salarié a été convoqué, le jour même à un entretien préalable fixé au 16 juillet suivant, auquel il ne s’est pas présenté.

Il a été licencié le 31 juillet 2012 par la SARL Ambulances de Championnet.

La lettre de licenciement rappelle, sommairement, l’historique de la situation depuis la reprise de la société Ambulances Tour Eiffel et indique que le salarié n’a pas donné suite à la proposition de reclassement qui lui a été faite, qu’il ne s’est pas présenté aux convocations qui lui ont été adressées pour les 25 mai 2012 et 16 juillet 2012 afin de discuter de son reclassement et que la société « n’a pas d’autre choix que de déduire de votre attitude que vous avez définitivement renoncé à intégrer les effectifs de la société » ajoutant « la société est contrainte de vous notifier votre licenciement résultant tout à la fois de l’impossibilité dans laquelle elle se trouve de vous reclasser dans l’emploi qui était le vôtre dans la société Ambulances Tour Eiffel et de votre refus d’accepter un poste de travail qui vous a été proposé qui correspondait à vos aptitudes et compétences. Une fois encore, la société ne dispose pas de vos bulletins de salaire pour apprécier les suites qu’il convient de donner à votre licenciement».

Le 21 mars 2012, M. [J] [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour voir prononcer la nullité de son licenciement et solliciter la condamnation conjointe de la SARL Ambulances de Championnet et de la SARL Nobel Service Ambulance, à lui payer un rappel de salaire, une indemnité pour travail dissimulé et des dommages-intérêts pour discrimination syndicale et non remise des documents sociaux de rupture.

Le 10 octobre 2013, le conseil de prud’homme de Paris dans sa section Activités Diverses a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes.

M. [J] [C] a relevé appel de cette décision.

Par un arrêt du 6 janvier 2017, la cour d’appel de Paris a :

– infirmé le jugement et statuant à nouveau

– dit n’y avoir lieu à mise hors de cause de la SARL Nobel Service Ambulances

– condamné solidairement la SARL Ambulances de Championnet et la SARL Nobel Service Ambulance à payer à M. [J] [C] la somme brute de 47 612,16 euros à titre de rappel de salaire pour la période de juillet 2011 à juillet 2012 inclus, plus 4 761,21 euros pour congés payés afférents ainsi que les sommes de :

* 11 903,04 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis plus 1 190,30 euros pour congés payés afférents

* 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 10 315,90 euros à titre d’indemnité de licenciement

* 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de délivrance des documents sociaux de rupture du contrat de travail

– dit que les condamnations prononcées ci-dessus ayant une nature salariale sont dues à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que les autres condamnations ayant une nature indemnitaire porteront intérêts légaux à compter de la présente décision

– ordonné la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l’article 1154 du code civil

– ordonné la remise des bulletins de salaires conformes et des documents de rupture sans qu’il y ait lieu à astreinte

– rejeté les autres demandes

– condamné solidairement la SARL Ambulances de Championnet et la SARL Nobel Service Ambulances aux dépens et à payer à M. [J] [C] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Statuant sur le pourvoi formé par la SARL Ambulances de Championnet et la SARL Nobel Services Ambulances, par arrêt du 20 juin 2018, la Cour de cassation a :

– cassé et annulé l’arrêt du 6 janvier 2017, sauf en ce qu’il a condamné les sociétés au paiement d’une somme de 47 612,16 euros à titre de rappel de salaire, ainsi qu’à la somme de 7 761,21 euros pour congés payés afférents, et a ordonné la remise des bulletins de salaires conformes

– remis, en conséquence, sur les points restant litige la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyés devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.

La Cour de cassation a retenu qu’alors que la cour d’appel avait constaté que le salarié avait été licencié le lendemain de l’expiration de sa période de protection pour les mêmes motifs que ceux qui avaient donné lieu à trois refus d’autorisation de licenciement motivés en raison de l’absence de recherche suffisante de reclassement, elle aurait dû en déduire qu’il existait des faits laissant supposer l’existence d’une discrimination et qu’il incombait, en conséquence, à l’employeur de prouver que le fait de n’avoir proposé au salarié, occupant les fonctions de médecin, qu’un reclassement sur un poste d’agent à l’entretien et à la désinfection des locaux, étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Par un arrêt du 29 juin 2022, la cour d’appel de Paris, statuant sur renvoi après cassation a, par un arrêt mixte :

– déclaré irrecevable la demande de la SARL Nobel Service Ambulance aux fins de voir dire irrecevable Monsieur [J] [C] en sa demande de dommages-intérêts pour dissimulation d’emploi salarié

– infirmé le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. [J] [C] de ses demandes de :

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* indemnité compensatrice de préavis

* congés payés afférents

* indemnité de licenciement

– dit nul le licenciement de M. [J] [C]

– ordonné à la SARL Ambulances de Championnet et la SARL Nobel Service de réintégrer M. [J] [C] dans un emploi équivalent en termes de fonction, de responsabilités et de rémunération à celui qu’il occupait à la date du 24 septembre 2011, date du transfert de son contrat de travail

– dit n’y avoir lieu à assortir cette condamnation d’une astreinte

– condamné solidairement la SARL Ambulances de Championnet et la SARL Nobel Service Ambulance à payer à M. [J] [C] les sommes suivantes :

* 23 806 euros à titre d’indemnité pour dissimulation d’emploi salarié

* 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de délivrance des documents sociaux de rupture

* 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– dit que l’indemnité pour dissimulation d’emploi salarié et la demande de dommages-intérêts pour défaut de délivrance des documents sociaux de rupture produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision

– ordonné la capitalisation des intérêts pourvus qu’ils soient dus pour une année

– ré-ouvert les débats au mardi 6 décembre 2022 à 09h00 pour que chacune des parties établisse un décompte précis des sommes qu’elles estiment être dues au titre de l’indemnité d’éviction

– sursis à statuer sur le surplus

– réservé les dépens.

Dans ses conclusions déposées et soutenues à l’audience par son conseil, M. [J] [C] demande à la cour d’appel de :

– condamner conjointement les repreneurs SARL Nobel Service Ambulance et SARL Ambulance Championnet à :

* ordonner la réintégration sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt

* provision sur indemnité d’éviction (d’août 2012 à décembre 2012

[ 3 967,68 euros x 125 mois]) = 495 919 euros (à parfaire au jour de la réintégration effective)

* article 700 code de procédure civile en appel : 110 000 euros

* intérêts au taux légal et capitalisation

* dépens

* ordonner la réouverture ultérieure des débats afin de parfaire le montant de l’indemnité d’éviction.

Dans ses conclusions déposées et soutenues à l’audience par son conseil, la SARL Ambulances de Championnet :

– surseoir à statuer dans l’attente de la décision devant être rendue par la Cour de cassation sur le pourvoi de la société Ambulances de Championnet dirigé contre l’arrêt du 29 juin 2022

– débouter Monsieur [C] de ses demandes en condamnation de la société Ambulances de Championnet au titre d’une indemnité d’éviction

– débouter Monsieur [C] de ses demandes au titre des congés payés afférents à l’indemnité d’éviction

– ordonner à Monsieur [C] d’avoir à reprendre son poste de travail et ce sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard dans un délai de 3 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, la cour d’appel se réservant la liquidation de l’astreinte

– débouter Monsieur [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

– condamner Monsieur [C] à payer à la société Ambulances de Championnet la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner Monsieur [C] aux dépens de la présente instance.

Dans ses conclusions déposées et soutenues à l’audience par son conseil, la SARL Nobel Service Ambulance :

– surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour de cassation sur le pourvoi formé par la société Nobel Service Ambulance le 9 septembre 2022

– subsidiairement, débouter Monsieur [C] de toutes ses demandes de condamnation dirigées à l’encontre de la société Nobel Service Ambulance

– très subsidiairement, juger que Monsieur [C] est privé du droit à l’indemnité d’éviction avant sa première demande de réintégration et pendant la période du 17 septembre 2019 au 13 septembre 2021

– déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé Monsieur [J] [C] en sa demande de fixation d’une astreinte

– condamner Monsieur [C] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [J] [C] aux entiers dépens.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur le sursis à statuer

Les SARL Ambulances de Championnet et Nobel Service Ambulance ayant formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt mixte rendu le 29 juin 2022 par la cour d’appel de Paris, elles demandent à ce qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour de cassation devant statuer sur le pourvoi.

Mais, la cour ayant renvoyé les parties à l’audience du 6 décembre 2022, reportée au 10 janvier 2023, à seule fin de fixer le montant de l’indemnité d’éviction, il lui appartient de vider sa saisine, quand bien même l’arrêt mixte aurait fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

La demande de sursis à statuer sera donc rejetée.

2/ Sur la demande de réintégration sous astreinte

M. [J] [C] demande à ce qu’il soit ordonné sa réintégration sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, à compter du prononcé de l’arrêt, puisque les SARL Ambulances de Championnet et Nobel Service Ambulance ne se sont pas acquittées de l’obligation qui leur avait été faite, dans l’arrêt du 29 juin 2022, de le réintégrer.

Cependant, la cour observe qu’elle a déjà statué sur cette demande en n’en déboutant le salarié et que, s’il s’agit d’une demande d’astreinte liée à l’exécution de l’arrêt du 29 juin 2022, elle ressort de la compétence exclusive du juge de l’exécution.

La demande de M. [J] [C] de prononcé d’une astreinte dans le cadre de sa réintégration sera donc dite irrecevable.

2/ Sur l’indemnité d’éviction

M. [J] [C] soutient que son salaire brut moyen mensuel, comprenant une prime d’ancienneté réactualisée doit être fixé à une somme de 3 967,68 euros. Il estime à 491 951,40 euros (3 967,68 euros x 125 mois) le montant de l’indemnité d’éviction pour la période d’août 2012 à décembre 2022 et il sollicite un paiement provisionnel de cette somme et une réouverture ultérieure des débats afin de fixer le montant définitif de l’indemnité d’éviction.

La SARL Nobel Service Ambulance, qui observe que l’obligation de réintégration ne s’impose qu’à la société qui a prononcé le licenciement, conteste être débitrice d’une indemnité d’éviction.

Elle ajoute que M. [J] [C] n’a jamais répondu à aucune des convocations qu’elle lui a adressée, la dernière datant du 12 décembre 2022 (pièce 8). M. [J] [C] a réceptionné, le 16 décembre 2022, le courrier recommandé mais il ne s’est pas présenté au siège de la société pour qu’il soit discuté des modalités de sa réintégration. En conséquence, elle considère que l’attitude de l’appelant le prive de tout droit à une indemnité d’éviction.

Si la cour entendait, néanmoins, faire droit à la demande du salarié, elle relève que ce dernier a tardé à solliciter sa réintégration puisqu’il n’a l’a demandée, pour la première fois, que dans le cadre de l’instance d’appel contre le jugement rendu, le 10 octobre 2013, par le conseil de prud’hommes de Paris. Dès lors, elle affirme que M. [J] [C] ne peut valablement prétendre à une indemnité d’éviction pour la période antérieure.

Enfin, elle constate que les prétentions indemnitaires du salarié sont excessives puisqu’elles se fondent sur une moyenne de salaire erronée, à laquelle il ajoute une prime d’ancienneté, sans préciser son fondement.

La SARL Ambulances de Championnet fait, également, état de ses tentatives infructueuses pour réintégrer le salarié et, notamment, de l’envoi le 7 octobre 2022, d’un courrier recommandé en vue d’une réintégration le 17 octobre suivant du salarié (pièce 8), qui n’a pas été suivi d’effet. Elle ajoute que, le salarié n’ayant pas réintégré l’effectif de la société, elle a considéré que M. [J] [C] se trouvait en absence injustifiée et qu’elle lui a adressé, le 18 novembre 2022, un courrier l’informant de cette situation, auquel il n’a pas daigné répondre (pièce 10).

La société intimée suppose que si M. [J] [C] s’est abstenu de donner une suite à la proposition de réintégration qu’elle lui a faite et à celle transmise par la SARL Nobel Service Ambulance, c’est qu’il a repris une activité à la suite de son licenciement. Elle considère que l’exercice de cette nouvelle activité doit s’apprécier comme une démission de la part du salarié ou, à tout le moins, que les revenus générés par cet emploi doivent être déduits de l’indemnité d’éviction.

Enfin, la SARL Ambulances de Championnet souligne le caractère déraisonnable et dilatoire des délais de la procédure la mettant en cause dont elle impute l’unique responsabilité au salarié, ce dernier ayant tout intérêt à faire durer la procédure pour augmenter le montant de l’indemnité d’éviction réclamée. Elle demande, à cet égard, que soit déduite de l’indemnité d’éviction la période de deux ans suivant la décision de radiation du 17 septembre 2019, le salarié ayant attendu le 13 septembre 2021 pour ressaisir la cour d’appel de renvoi, quelques jours avant la fin du délai de péremption.

La cour rappelle que le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement n’a droit, au titre de l’indemnité d’éviction, qu’à la rémunération à laquelle il aurait pu prétendre du jour de sa demande à celui où la réintégration devient effective.

Par ailleurs, s’il est admis que le salarié peut décliner une proposition de réintégration, il ne peut prétendre, dans cette hypothèse, au paiement des salaires postérieurs à son refus d’être réintégré.

En l’espèce, la cour observe, qu’alors que M. [J] [C] avait saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour voir prononcer la nullité de son licenciement pour discrimination syndicale, il n’a sollicité sa réintégration, pour la première fois, que dans ses conclusions responsives du 13 septembre 2016 devant la cour d’appel de Paris. Le point de départ de l’indemnité sera donc fixé à cette date.

M. [J] [C] ayant refusé de donner suite aux convocations aux fins de réintégration qui lui ont été adressées par la SARL Ambulances de Championnet, le 7 octobre 2022, puis par la SARL Nobel Service Ambulance, le 12 décembre 2022, réceptionnée le 16 décembre 2012, il sera considéré que l’appelant n’est plus fondé à revendiquer une indemnité d’éviction pour la période postérieure à cette date. En revanche, il n’y a pas lieu de déduire de l’indemnité d’éviction la période du 17 septembre 2019 au 13 septembre 2021, qui a suivi la radiation de l’affaire au rôle de la cour d’appel de renvoi, dès lors que la SARL Ambulances de Championnet pouvait, elle-même, prendre l’initiative de réenrôler le dossier.

En conséquence, la SARL Ambulances de Championnet et la SARL Nobel Service Ambulance seront condamnées solidairement à payer à M. [J] [C] la somme de 297 576 euros [3 967,68 x 75 mois (du 13/09/2016 au 16/12/2022)] à titre d’indemnité d’éviction.

M. [J] [C] sera débouté de ses autres demandes au titre de l’indemnité d’éviction et la SARL Ambulances de Championnet sera déboutée de sa demande tendant à voir ordonner à M. [J] [C] de reprendre son poste de travail sous astreinte.

3/ Sur les autres demandes

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL Ambulances de Championnet et la SARL Nobel Service Ambulance supporteront les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Rejette la demande de sursis à statuer formée par la SARL Ambulances de Championnet et la SARL Nobel Service Ambulance,

Dit irrecevable la demande de M. [J] [C] de prononcé d’une astreinte dans le cadre de sa réintégration,

Condamne solidairement la SARL Ambulances de Championnet et la SARL Nobel Service Ambulance à payer à M. [J] [C] la somme de 297 576 euros à titre d’indemnité d’éviction,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne solidairement l a SARL Ambulances de Championnet et la SARL Nobel Service Ambulance aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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