Indemnité d’éviction : 20 mars 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/00009

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Indemnité d’éviction : 20 mars 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/00009

20 mars 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG
22/00009

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/00009 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IOPT

CS

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D’AVIGNON

07 avril 2022

RG:20/00780

S.C.I. SAINT BENOIT

C/

Etablissement Public ETAT FRANCAIS

S.A.R.L. ELEKTRO NOVA

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

Expropriation

ARRÊT DU 20 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’AVIGNON en date du 07 Avril 2022, N°20/00780

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre,

Mme Corinne STRUNK, Conseillère,

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 16 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 20 Mars 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.C.I. SAINT BENOIT

immatriculée au RCS d’AVIGNON sous le n° SIREN 349 551 499

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-philippe BOREL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON

INTIMÉES :

Etablissement Public ETAT FRANCAIS

Représenté par la Direction Générale des Finances Publiques – Direction Départementale des Finances Publiques de Vaucluse – Service du Domaine

Asssité par la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

Cité Administrative

[Adresse 22]

[Adresse 22]

Représenté par Madame [L] [H], responsable d’opérations à la DREAL

S.A.R.L. ELEKTRO NOVA

immatriculée au RCS d’AVIGNON sous le n° SIREN 507765642

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-philippe BOREL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON

Madame la COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Direction générale des Finances Publiques

Cité administrative

[Adresse 22]

[Adresse 22]

Prise en la personne de Madame [I] [B]

Statuant en matière d’expropriation

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 20 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

La SCI Saint Benoit est propriétaire de plusieurs parcelles situées sur la commune d'[Localité 23] (84), cadastrées section [Cadastre 16], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10], d’une superficie totale de 8.556 m², qui comprennent plusieurs bâtiments à usage d’habitation et professionnel. Ces parcelles sont incluses dans un projet de construction de la liaison Est-Ouest au sud d'[Localité 23] dénommée voie LEO, qui a été déclaré d’utilité publique par décret du 16 octobre 2003 publié au journal officiel du 17 octobre 2003.

L’enquête publique afférente à ce projet a été ordonnée par un arrêté préfectoral en date du 29 novembre 2012 en vue de permettre la réalisation des tranches 2 et 3 du projet de construction de la LEO, et s’est déroulée du 14 janvier 2012 au 14 février 2013.

Par arrêté du 22 mai 2013, le préfet du département du [Localité 29] a déclaré cessibles au profit de l’Etat les biens et droits immobiliers nécessaires à la réalisation de la LEO. Cet arrêté a été notifié le 8 juillet 2013 par l’expropriant à la SCI Saint Benoit, expropriée.

Par ordonnance du 19 juin 2013, le juge de l’expropriation du département du [Localité 29] a déclaré expropriées pour cause d’utilité publique au profit de l’Etat les parcelles cadastrées suivantes :

– Section [Cadastre 28], lieudit [Adresse 24], nature verger, donnant lieu à la suite d’une division parcellaire à la parcelle section [Cadastre 16], avec une emprise de 693 m² et un surplus non exproprié de 149 m²;

Section [Cadastre 26], [Adresse 2], nature sol, donnant lieu en suite d’une division à plusieurs parcelles cadastrées :

section [Cadastre 11] : emprise totale de 69 m² ;

section [Cadastre 12] : emprise totale de 149 m² ;

section [Cadastre 13] : emprise totale de 73 m² ;

section [Cadastre 14] : emprise totale de 97 m² ;

section [Cadastre 15] : emprise totale de 947 m² ;

Section [Cadastre 3], 283 chemin des Micocoules, nature sol, emprise totale de 597 m² ;

Section [Cadastre 4], chemin des Micocoules, nature verger, emprise totale de 3451m² ;

Section [Cadastre 5], [Adresse 2], nature sol, emprise totale de 441 m² ;

Section [Cadastre 6], [Adresse 2], nature sol, emprise totale de 1009 m² ;

Section [Cadastre 7], [Adresse 2], nature sol, emprise totale de 42 m² ;

Section [Cadastre 8], [Adresse 2], nature sol, emprise totale de 90 m²;

Section [Cadastre 9], [Adresse 2], nature sol, emprise totale de 89 m²;

Section [Cadastre 10], [Adresse 2], nature sol, emprise totale de 809 m².

Surface totale 8556 m².

Cette ordonnance a été publiée au service de la publicité foncière d'[Localité 23], 1er bureau, le 6 janvier 2016 (V2016P690).

Par courrier adressé le 12 mars 2019 à l’autorité expropriante et au commissaire du gouvernement, la SCI Saint Benoit mettait l’Etat en demeure de lui transmettre les offres d’acquisition et de lui verser un acompte de 312.000 euros correspondant à l’acquisition de l’immeuble sis [Adresse 1].

Faute d’accord, la SCI saisissait le juge de l’expropriation le 26 février 2020 d’une demande aux fins de condamnation de l’Etat au paiement d’une provision de 350.000 euros à valoir sur l’indemnité d’expropriation non chiffrée.

Un transport sur les lieux a été organisé le 24 février 2021.

En première instance, la SCI Sant Benoit et la société Elektro Nova, intervenante volontaire, ont sollicité du juge de l’expropriation qu’il :

-reçoive l’intervention volontaire de la société Elektro Nova ;

-fixe l’indemnité totale d’expropriation à titre principal à la somme de 2.143.026,30 euros et, à titre subsidiaire, à la somme de 2.030.745,30 euros ;

-fixe le préjudice financier de la société Elektro Nova à la somme de 188.127,34 euros et son préjudice causé par les pertes d’exploitation à la somme de 67.339,30 euros.

En tout état de cause, elles ont réclamé la condamnation de l’Etat à payer à la SCI Saint Benoit la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’autorité expropriante a demandé au juge de l’expropriation de :

-rejeter la demande d’indemnité provisionnelle de la SCI Saint Benoit ;

-déclarer irrecevable l’intervention volontaire de la société Elekto Nova ;

-rejeter la demande d’indemnité d’éviction présentée par la société Elekto Nova ;

-fixer les indemnités revenant à la SCI Saint Benoit à la somme totale de 1.733.458 euros se décomposant comme suit :

indemnité principale : 1.574.962 euros ;

indemnité de remploi : 158.496 euros ;

-prononcer le transfert de propriété au bénéfice de l’Etat de la parcelle [Cadastre 25] et d’en fixer le prix à la somme de 754 euros.

Le Commissaire du Gouvernement a conclu au rejet de la demande d’indemnité d’éviction de la société Elektro Nova et a demandé la fixation de l’indemnité de dépossession revenant à la SCI Saint Benoit pour le bien immobilier cadastré section [Cadastre 16], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10], à la somme totale de 1.711.105 euros décomposée comme suit :

indemnité principale : 1.540.784 euros ;

indemnité de remploi : 158.078 euros ;

indemnité accessoire de perte de haie et de brise-vent : 12.243 euros.

Par jugement du 7 avril 2022, le juge de l’expropriation du tribunal judiciaire d’Avignon a :

-déclaré recevable l’intervention volontaire de la Sarl Elektro Nova ;

-fixé à 1.711.105 euros l’indemnité d’expropriation revenant à la SCI Saint Benoit, expropriée, pour les parcelles cadastrées section [Cadastre 16], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10] situées sur la commune d'[Localité 23] ;

-débouté la SCI Saint Benoit du surplus de ses demandes indemnitaires ;

-débouté la Sarl Elektro Nova de ses demandes ;

-débouté l’autorité expropriante de sa réquisition d’emprise totale ;

-condamné l’autorité expropriante à payer à la SCI Saint Benoit la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par déclaration en date du 31 mai 2022 enrôlée sous le numéro RG 22/009 et par déclaration du 2 juin 2022 enrôlée sous le numéro RG 22/010, la SCI Saint Benoit a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a :

-fixé à la somme de 1.711.105 euros l’indemnité d’expropriation lui revenant pour les parcelles cadastrées section [Cadastre 16], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10] situées sur la commune d'[Localité 23] ;

-l’a déboutée du surplus de ses demandes indemnitaires.

Une ordonnance de jonction des procédures numéro RG 22/009 et numéro RG 22/010 sous le numéro unique 22/009 a été rendue le 20 juin 2022.

La SCI Saint Benoit et la société Elekto Nova, se déclarant intervenant volontaire, ont conclu par des écritures du 17 août 2022. Elles demandent à la cour, au visa des articles L 321-1 du code de l’expropriation, 328, 329 et 330 du code de procédure civile et l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme, de :

-déclarer recevable et bien fondé l’appel ;

-confirmer le jugement prononcé par le tribunal judiciaire d’Avignon le 7 avril 2022 en ce qu’il a donné acte à la société Elektro Nova de son intervention volontaire et l’a déclarée, et en ce qu’il a condamné l’autorité expropriante au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

-l’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

– s’agissant des immeubles situés sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 11] à [Cadastre 15] :

-dire et juger que la surface utile à retenir pour le mas est de 143,86 m² ;

-dire et juger que la surface utile à retenir pour les dépendances à usage de bureaux et d’un lieu de stockage est de 144,50 m² ;

-dire et juger que le montant de l’indemnité principale relative au mas sera fixée à la somme de 2.215 euros le m² ;

-dire et juger que le montant de l’indemnité principale relative aux dépendances à usage de bureaux sera fixée à la somme de 1.200 euros le m² ;

En conséquence,

-fixer l’indemnité due à la SCI Saint Benoit en réparation de son préjudice de la manière suivante pour le mas:

– indemnité principale : 146,86 m² x 2.215 euros = 325.295 euros ;

– indemnité de remploi d’un montant de 33.529 euros décomposé ainsi : 20% jusqu’à 5.000 = 1.000 euros ;

15% entre 5.000 et 10.000 = 1.500 euros ;

10% au-delà = 30.365 euros ;

Soit un total de 358.824 euros ;

-fixer l’indemnité due à la SCI Saint Benoit en réparation de son préjudice de la manière suivante pour les dépendances à usage de bureaux et lieu de stockage :

– indemnité principale : 144,5 m² x 1.200 euros = 173.400 euros ;

– indemnité de remploi d’un montant de 18.340 euros décomposé ainsi : 20% jusqu’à 5.000 = 1.000 euros ;

15% entre 5.000 et 10.000 = 1.500 euros ;

10% au-delà = 15.840 euros ;

Soit un total de 191.740 euros ;

-s’agissant de la maison sise sur la parcelle cadastrée [Cadastre 11] et du terrain :

-dire et juger que la surface utile à retenir est de 77,30 m² ;

-dire et juger que le montant de l’indemnité principale sera fixé à la somme de 2.258 euros par m² ;

En conséquence,

-fixer l’indemnité due à la SCI Saint Benoit en réparation de son préjudice de la manière suivante :

-indemnité principale : 77,30 m² x 2.258 euros = 174.543 euros ;

-indemnité de remploi d’un montant de 18.454,30 euros décomposé ainsi : 20% jusqu’à 5.000 = 1.000 euros ;

15% entre 5.000 et 10.000 = 1.500 euros ;

10% au-delà = 15.954,30 euros ;

Soit un total de 192.997,30 euros ;

-s’agissant du terrain (EV 258) :

-indemnité principale : 947m² x 38 euros/m²= 35.896 euros ;

-indemnité de remploi d’un montant de 4.598 euros décomposé ainsi :

20% jusqu’à 5.000 = 1.000 euros ;

15% entre 5.000 et 10.000 = 1.500 euros ;

10% au-delà = 2098 euros ;

Soit un total de 40.494 euros.

-s’agissant du hangar et locaux sis sur la parcelles cadastrées [Cadastre 8] et [Cadastre 9] :

-fixer l’indemnité due à la SCI Saint Benoit en réparation de son préjudice de la manière suivante :

-indemnité principale du hangar et les deux salles de répétition de musique : 131 m² x 341 euros = 44.671 euros ;

-indemnité principale de l’atelier, les trois salles de répétition de musique et le bloc sanitaire:  86 m² x 500 euros = 43.000 euros ;

-indemnité de remploi d’un montant de 9.767,10 euros décomposé ainsi : 20% jusqu’à 5.000 = 1.000 euros ;

15% entre 5.000 et 10.000 = 1.500 euros ;

10% au-delà = 7.267,10 euros ;

Soit un total de 97.438,10 euros ;

-s’agissant de la parcelle cadastrée [Cadastre 10] :

-fixer l’indemnité due à la SCI Saint Benoit en réparation de son préjudice de la manière suivante :

– indemnité principale :  809 m² x 38 euros = 30.742 euros ;

– indemnité de remploi d’un montant de 4.074,20 euros décomposé comme suit :

20% jusqu’à 5.000 = 1.000 euros ;

15% entre 5.000 et 10.000 = 1.500 euros ;

10% au-delà = 1.574,20 euros ;

Soit un total de 34.816,20 euros ;

-s’agissant de la maison sise sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 5] et [Cadastre 6] :

-fixer l’indemnité due à la SCI Saint Benoit en réparation de son préjudice de la manière suivante :

– indemnité principale :  127 m² x 2.700 euros = 342.900 euros ;

– indemnité de remploi d’un montant de 35.290 euros décomposé ainsi : 20% jusqu’à 5.000 = 1.000 euros ;

15% entre 5.000 et 10.000 = 1.500 euros ;

10% au-delà = 32.790 euros ;

Soit un total de 378.190 euros ;

-fixer l’indemnité accessoire au titre des haies brise-vent à 51.933 euros ;

-s’agissant de la maison sise sur les parcelles [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 16] et [Cadastre 19] :

A titre principal,

-dire et juger que la surface utile à retenir est de 267,91 m² ;

-dire et juger que le montant de l’indemnité principale sera fixé à la somme de 2.581 euros ;

-fixer l’indemnité due à la SCI Saint Benoit en réparation de son préjudice de la manière suivante :

– indemnité principale : 

§ immeuble exproprié et ses annexes : 267,91 m² (surfaces utiles) x 2.581 euros = 691.475,71 euros ;

§ le jardin et le terrain autour : 1.200m² x 17 euros = 20.400 euros  + 2.251m² x 5 euros = 11.255 euros,

– indemnité de remploi d’un montant de 73.313 euros décomposé ainsi : 20% jusqu’à 5.000 = 1.000 euros ;

15% entre 5.000 et 10.000 = 1.500 euros ;

10% au-delà = 70.813 euros ;

Soit un total de 796.443,70 euros ;

A titre subsidiaire,

-dire et juger que le montant de l’indemnité principale sera fixé à la somme de 2.200 euros ;

-fixer l’indemnité due à la SCI Saint Benoit en réparation de son préjudice de la manière suivante :

– indemnité principale : 

§ immeuble exproprié et ses annexes : 267,91 m² (surfaces utiles) x 2.200 euros = 589.402 euros ;

§ le jardin et le terrain autour : 1.200 m² x 17 euros = 20.400 euros + 2.251m² x 5 euros = 11.255 euros,

– indemnité de remploi d’un montant de 63.105,70 euros décomposée ainsi 20% jusqu’à 5.000 = 1.000 euros ;

15% entre 5.000 et 10.000 = 1.500 euros ;

10% au-delà = 60.605,70 euros ;

Soit un total de 684.162,70 euros ;

-s’agissant de l’indemnisation des panneaux photovoltaïques installés par la société Elektro Nova :

-fixer les préjudices financiers à la somme de 188.127,34 euros ;

-fixer les pertes d’exploitation à la somme de 67.339,30 euros ;

-en tout état de cause, condamner l’autorité expropriante à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Au soutien de son appel, la SCI Saint Benoit sollicite une valorisation de l’indemnité d’expropriation fixée en première instance sur la base d’un rapport d’expertise établi par M. [S] et M. [R], experts, le 10 septembre 2021, et qui est justifiée selon elle par :

– s’agissant des immeubles situés sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 11] à [Cadastre 15] :

Elle expose qu’une erreur affecte la superficie du mas et que la superficie utile, telle que définie par l’article R 353-16 du code de la construction et de l’habitation, doit comprendre les deux niveaux, soit 143,86 m² au lieu de 126 m².

Pour les autres dépendances, elle fait grief au Commissaire du Gouvernement d’avoir retenu à tort la qualification de lieux de stockage, et d’avoir appliqué un coefficient de pondération de 0,5 alors qu’il s’agit d’un local ayant accueilli une radio. Elle propose que le coefficient soit appliqué sur une surface moindre de 85 m² comprenant le local à archives et les toilettes d’où une surface utile de 144,50 m². Sur ce dernier point, elle signale l’accord de l’expropriant en première instance sur cette analyse.

Elle dénonce enfin une erreur quant à la surface totale retenue pour 280 m² au lieu de 288 m² et demande à titre subsidiaire qu’elle soit prise en compte dans le calcul de l’indemnité.

Sur l’évaluation, la SCI conteste l’analyse faite par le premier juge consistant en une appréciation globale par la proposition d’un prix moyen et demande à distinguer les parcelles dans le cadre de la valorisation. Sur le mas, elle demande une évaluation de 2.215 euros/m² considérant que le Commissaire du Gouvernement, qui propose 1.635 euros le m², ne produit pas de termes de comparaison justifiant un tel écart alors que l’expropriant proposait en première instance une valeur de 2.200 euros le m².

Sur les bureaux et les locaux à usage de stockage, elle se réfère aux valeurs proposées par son expert de 1.200 euros le m² correspondant à la côte des bureaux anciens sur [Localité 23].

-s’agissant de la maison sise sur la parcelle cadastrée [Cadastre 11] et du terrain :

Elle dénonce une erreur quant à la superficie retenue pour 54 m² alors qu’elle est de 77,30 m² tel que cela résulte de l’état des lieux établi par le locataire présent dans l’habitation.

Sur la valorisation, elle conteste l’intégration du terrain attenant avec la maison et sollicite une indemnisation séparée qu’elle arrête à la somme de 38 euros le m² pour un terrain d’une superficie de 947 m² en l’absence de termes de comparaison produits par le Commissaire du Gouvernement.

-s’agissant du hangar et locaux sis sur la parcelles cadastrées [Cadastre 8] et [Cadastre 9] :

Elle demande la validation de la proposition de l’expropriant soit une indemnité totale de 97.438,10 euros.

-s’agissant de la parcelle cadastrée [Cadastre 10] :

Elle conteste l’abattement de 40% revendiqué sur cette parcelle par l’autorité expropriante du fait de son encombrement soutenant que le terrain a été déblayé depuis la visite des lieux. Elle demande également une valorisation séparée des terrains et des constructions et sollicite une indemnité de 38 euros le m² pour un terrain de 809 m².

-s’agissant de la maison sise sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 5] et [Cadastre 6] :

Elle conteste l’indemnité des haies brise-vent revendiquant un linéaire de 981 mètres au lieu des 231 mètres linéaires retenus par le premier juge ainsi qu’un tarif de 53 euros le mètre linéaire.

-s’agissant de la maison sise sur les parcelles [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 19] ([Cadastre 16]) :

Elle conteste la superficie utile retenue pour l’habitation qu’elle fixe à 166,01 m² à laquelle elle ajoute la superficie d’un appartement indépendant situé au premier étage soit 48,60 m² ainsi que celle d’adjonctions de construction non terminées d’une superficie de 107,33 m² qui n’avaient pas été retenue par le premier juge.

Elle explique que si les surfaces de l’annexe empiètent sur la parcelle [Cadastre 19], la jurisprudence applique un abattement et retient une surface pondérée avec une emprise partielle mais ne l’exclut pas totalement, choix critiquable fait par le premier juge. Elle demande donc que la surface utile soit fixée à 267,91 m² (166,01 m² pour la maison et annexes ; 48,60 m² pour l’appartement du 1er étage ; 53,3 m² pour les autres constructions).

Sur la valorisation, elle se réfère au rapport établi par son expert qui propose des termes de comparaison sur la période comprise entre 2017 et 2020 dans un rayon de 400 mètres autour du projet. Sur ce point, elle critique la valeur retenue par le Commissaire du Gouvernement qui la minore au motif de l’état d’entretien moyen de l’immeuble, ce qu’elle conteste. Elle propose au mieux une valeur de 2.500 euros le m² et à défaut 2.200 euros le m².

-s’agissant de l’indemnisation des panneaux photovoltaïques installés par la société Elektro Nova :

Elle affirme en premier lieu l’intérêt à agir de la société Elektro Nova, locataire exploitant la centrale photovoltaïque localisée sur le toit de l’immeuble [Cadastre 3] et 247, en raison des préjudices subis du fait de l’expropriation. Elle fonde sa demande d’indemnisation sur les articles L 321-1 et L 322-1 du code de l’expropriation.

Elle conteste la décision du premier juge qui a rejeté cette demande d’indemnisation au motif que la convention pour l’installation d’un système photovoltaïque a été signée le 30 octobre 2010, soit postérieurement à l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique et au dépôt du rapport de la commission d’enquête. Elle précise que l’installation a fait l’objet de deux certificats de la Drire du 20 novembre 2008 et d’une déclaration préalable de travaux du 27 février 2008 soit antérieurement au jugement d’expropriation.

Sur les préjudices, elle expose qu’un prêt a été souscrit pour financer l’opération à hauteur de 162.000 euros et qu’après un commandement de payer délivré le 12 juin 2019 du fait d’échéances non payées, le locataire est redevable de la somme de 182.647,91 euros à laquelle s’ajoute une indemnité de 3%. La perte d’exploitation se calcule sur une durée de 5 ans avec une moyenne de vente de 13.467 euros.

L’Etat a déposé des conclusions le 14 novembre 2022. Il demande de :

– déclarer recevable l’appel de la SCI Saint Benoit ;

-rejeter les demandes de la SCI Saint Benoit visant la réformation du jugement rendue le 7 avril 2022 par la juridiction d’expropriation de Vaucluse ;

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 avril 2022 dont appel ;

-dire qu’il n’y a pas lieu de condamner l’Etat à verser à la SCI Saint Benoit la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-dire que la SCI Saint Benoit supportera les dépens.

L’Etat rappelle que l’expropriation porte sur 4 ilots de propriété et que le juge de l’expropriation a fait le choix de se conformer à l’évaluation proposée par le Commissaire du Gouvernement particulièrement motivée et qui correspond à la méthode d’évaluation par comparaison avec des termes pertinents correspondants à la vente de biens proches du bien à évaluer.

Ainsi, l’ilot 1 composé des parcelles [Cadastre 11] à [Cadastre 15] comprend un mas et dépendances ([Cadastre 12], 256 et [Cadastre 14]) d’une superficie de 280 m² évalués à la somme de 475.800 euros avec un prix au m² de 1.635 euros, ainsi qu’une maison d’habitation ([Cadastre 11]) d’une superficie de 77,30 m² évaluée à la somme de 170.060 euros sur la base d’un prix au m² de 2.200 euros.

S’il peut être observé une différence de 8 m² entre la surface à laquelle se sont accordées les parties et la surface retenue par le juge de l’expropriation, cela ne justifie nullement une modification de l’évaluation retenue qui correspond aux termes de comparaison produits par le Commissaire du Gouvernement.

Ainsi, faute d’erreur d’appréciation dans la prise en compte de la description des biens, de leur qualification ou de leur valeur, la décision déférée ne pourra être que confirmée.

S’agissant de l’ilot 2 comprenant les parcelles [Cadastre 7] à [Cadastre 10], la valeur du terrain intégrée à celles des constructions pour une superficie de 132 m² et 86 m² est de 449 euros par m² soit 97.882 euros.

Les termes de comparaison choisis par le Commissaire du Gouvernement ne sont pas critiquables.

S’agissant de l’ilot 3 englobant les parcelles [Cadastre 5] à [Cadastre 6], l’intimé considère que cette indemnité ne fait pas débat et doit être confirmée sur la base d’une évaluation arrêtée à la somme de 2.700 euros le m² applicable à une surface de 127 m². Ce point n’est pas contesté par l’appelant.

Enfin, s’agissant de l’ilot 4 comprenant les parcelles [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 16], est retenue une indemnité reposant sur un prix au m² de 2.200 euros applicable pour une surface totale de 214,61 m². Cet ilot comprend une maison d’habitation sur la parcelle [Cadastre 3] d’une surface habitable de 166 m² et une surface habitable de 48,60 m² pour le 1er étage.

L’intimé sollicite la confirmation de cette évaluation considérant que la surface de 53,30 m² n’a pas été prise en compte car elle ne correspond pas à la surface utile du bâtiment annexe. Il fait valoir que l’annexe de l’habitation située au [Cadastre 3] empiète sur la parcelle voisine cadastrée [Cadastre 19] qui n’appartient pas à l’exproprié et ne peut donc être constitutive d’une plus-value.

Les taux et le mode de calcul de l’indemnité de remploi n’étant pas contestée, il en sollicite la confirmation.

Sur l’indemnité accessoire pour perte de haies, il en réclame la confirmation contestant ainsi le métré retenu par l’appelant qui englobe des linéaires de haies non concernés par l’emprise ou bien se situent sur des parcelles qui ne sont pas sa propriété.

Sur les pertes financières et les pertes d’exploitation, l’intimé prétend que l’exproprié ne peut se substituer à la société Elektro Nova, défaillante en appel, et se prévaloir d’un préjudice qui n’a aucun lien direct avec la mesure d’expropriation, bien qu’elle soit caution du prêt souscrit par ladite société. De plus, la situation d’impayé est datée du mois de janvier 2012 et n’a donc aucun lien avec l’expropriation qui est intervenue suivant l’ordonnance rendue le 31 juillet 2013.

S’agissant des pertes d’exploitation, l’exproprié ne peut opposer un préjudice qui ne lui soit pas personnel et qui est contestable puisque que rien ne démontre l’interruption de la production d’électricité du fait de l’expropriation.

Enfin, l’intimé fait valoir que la SCI Saint Benoit et la société Elektro Nova se sont engagées dans des investissements en toute connaissance de cause dès lors qu’elles ne pouvaient ignorer le projet d’expropriation.

Le commissaire du gouvernement a déposé son mémoire le 17 novembre 2022.

Il réclame la confirmation du jugement du 7 avril 2022 et la fixation de l’indemnité de dépossession revenant à la SCI Saint Benoit pour les parcelles cadastrées section [Cadastre 16], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10] situées sur la commune d'[Localité 23] à la somme de 1.711.105 euros, ventilée comme suit :

-indemnité principale de 1.540.784 euros ;

-indemnité de remploi de 158.078 euros ;

-indemnité accessoire de perte de haie de brise-vent : 12.243 euros.

Il demande de déclarer recevable l’intervention volontaire de la société Elektro Nova et de rejeter ses demandes indemnitaires.

A l’appui de son mémoire, le Commissaire du Gouvernement expose les éléments suivants :

-l’ilot 1 composé des parcelles [Cadastre 11] à [Cadastre 15] : Le Mas présente des aménagements obsolètes et se trouve en mauvais état d’entretien intérieur avec un gros ‘uvre et une toiture en assez bon état apparent ; pour les locaux à usage de lieux de stockage et de bureaux (EV 256 et 257) , il les considère davantage comme des lieux de stockage et d’archivages que comme des bureaux (absence d’isolation, confort rudimentaire et l’électricité n’est pas aux normes) ; la maison d’habitation ([Cadastre 11]) présente une superficie de 77,30m² est qualifiée de construction ancienne dépourvue d’isolation thermique ; le terrain d’agrément (EV 258) est peu aménagé, trop proche de la [Adresse 2] ;

-l’ilot 2 comprenant les parcelles [Cadastre 7] à [Cadastre 10] : contenant un hangar présentant une superficie au sol de 90 m² avec une construction adossée comprenant 2 salles de musique sans aménagement spécifique ([Cadastre 8] et 250); ces constructions sont sans cachet particulier et dans un état moyen d’entretien ; est présent également un bâtiment à usage d’activité de type hangar (EV 252) comprenant 3 locaux de répétition de musique, un atelier et des sanitaires communs puis un terrain peu aménagé de 809 m² ([Cadastre 10]) ;

-l’ilot 3 englobant les parcelles [Cadastre 5] à [Cadastre 6] : la parcelle [Cadastre 5] sert de foncier d’assise à la maison d’habitation avec terrain attenant ([Cadastre 6]) et présente une haie de cyprès de 60 m de longueur ; l’habitation présente une superficie de 117 m² avec 10 m² de vérandas et terrasse ; la maison est qualifiée en bon état d’entretien et présente une plus-value comme étant un habitat individuel hors lotissement bénéficiant d’un grand terrain en limite de ceinture verte ;

-l’ilot 4 comprenant les parcelles [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 16] : la parcelle [Cadastre 3] sert de foncier d’assise à une maison d’habitation d’une surface de 166 m² et de 48,60 m² à l’étage avec annexes de 53,30 m², terrain attenant ([Cadastre 4] de 3451 m²) et présence d’une haie de cyprès d’une longueur de 125 mètres linéaires sur la parcelle [Cadastre 16] de 693 m² ; il est noté que la maison empiète sur la parcelle [Cadastre 19] et qu’elle comporte des adjonctions de constructions non terminées ; cette habitation comporte une installation photovoltaïque ; le tout est qualifié de vétuste.

En réponse aux demandes de la SCI Saint Benoit, il fait valoir les éléments suivants :

-la surface habitable du Mas retenue est celle transmise par l’exproprié soit 143,86 m² et la configuration des lieux commande une évaluation d’ensemble pour le mas et les parcelles contigües soit une surface pondérée de 280 m² ;

-l’évaluation repose sur 7 termes de comparaison relatifs à des ventes de propriétés bâties à usage agricole d’une surface supérieure à 200 m² et sur une période comprise entre décembre 2014 et décembre 2020 ; se référant aux ventes 6 et 7, il propose une valeur de 1.635 euros le m² ;

-la maison [Cadastre 11] est évaluée pour une surface de 77,30 m² avec terrain intégré ; la valeur proposée repose sur 10 termes de comparaison sur une période comprise entre décembre 2014 et décembre 2020 ; est retenue une valeur moyenne de 2.200 euros le m² ;

-pour les parcelles [Cadastre 7] à [Cadastre 10], l’évaluation se fait sur la base d’un terrain intégré et en référence avec des termes correspondant à des ventes de biens présentant des caractéristiques proches, soit 449 euros le m² pour une surface totale de 218 m² ; l’indemnité accessoire pour perte de haies est calculée sur la base de 46 ml et au tarif de 53 euros le mètre linéaire, précision faite que le métré ne concerne que l’emprise ;

-pour l’ilot 3, la surface est de 127 m² avec dix termes de comparaison permettant de retenir une valeur de 2.700 euros tenant compte du bon état d’entretien de l’habitation ; l’indemnité accessoire pour perte de haies est calculée sur la base de 60 ml et au tarif de 53 euros le mètre linéaire, précision faite que le métré ne concerne que l’emprise ;

-pour l’ilot 4, la surface retenue pour la maison est de 214,61 m² mais il considère que la configuration des lieux (annexes présentes sur EV 246 empiétant sur EV 63) , l’état moyen des annexes et la surface ne permettent pas d’intégrer une plus-value par l’ajout de surfaces habitables ; la valeur retenue est de 2.200 euros pour une surface de 214,61 m² ; l’indemnité accessoire pour perte de haies est calculée sur la base de 125 ml et au tarif de 53 euros le métré linéaire, précision faite que le métré ne concerne que l’emprise ;

Sur les demandes indemnitaires présentées par la société Elektro Nova, le Commissaire du Gouvernement reprend le raisonnement adopté par le premier juge en lien avec l’antériorité de l’enquête préalable et de la déclaration d’utilité publique à la convention sous seing privé autorisant l’installation et l’exploitation de la centrale.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l’intervention volontaire de la société Elektro Nova :

Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet est indivisible.

Par jugement du 7 avril 2022, le juge de l’expropriation du tribunal judiciaire d’Avignon a :

-déclaré recevable l’intervention volontaire de la Sarl Elektro Nova ;

-fixé à 1.711.105 euros l’indemnité d’expropriation revenant à la SCI Saint Benoit, expropriée, pour les parcelles cadastrées section [Cadastre 16], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10] situées sur la commune d'[Localité 23] ;

-débouté la SCI Saint Benoit du surplus de ses demandes indemnitaires ;

-débouté la Sarl Elektro Nova de ses demandes ;

-débouté l’autorité expropriante de sa réquisition d’emprise totale ;

-condamné l’autorité expropriante à payer à la SCI Saint Benoit la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par déclaration d’appel des 31 mai 2022 enrôlée sous le numéro RG 22/009 et par déclaration du 2 juin 2022 enrôlée sous le numéro RG 22/010, la SCI Saint Benoit seule a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a :

-fixé à 1.711.105 euros l’indemnité d’expropriation lui revenant pour les parcelles cadastrées section [Cadastre 16], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10] situées sur la commune d'[Localité 23] ;

-l’a déboutée du surplus de ses demandes indemnitaires.

Il s’agit d’un appel limité aux chefs du jugement ayant tranché l’indemnité d’expropriation et ayant rejeté le surplus des demandes indemnitaires présentées par la SCI Saint-Benoit.

La déclaration d’appel ne portant pas sur une demande d’annulation du jugement et en l’absence d’objet indivisible, la cour d’appel ne peut être saisie des autres chefs du jugement que par la voie d’un appel incident.

En l’absence d’appel incident formé par la société Elektro Nova, intimée, la cour ne peut être saisie de demandes consistant à obtenir la fixation d’un préjudice financier d’un montant de 188.127,34 euros ainsi qu’une perte d’exploitation fixée à la somme de 67.339,30 euros au profit de cette société.

En conséquence, ces demandes seront déclarées irrecevables.

Sur la détermination de la date de référence :

Le premier juge a fixé la date de référence pour l’ensemble des parcelles concernées par l’expropriation en application des dispositions de l’article L322-6 du code de l’expropriation selon lequel cette date est celle de l’acte le plus récent rendant opposable le plan local d’urbanisme délimitant la zone dans laquelle est situé l’em placement réservé.

Pour l’emplacement réservé n°6, la dernière procédure de révision des règles d’urbanisme est l’approbation du PLU du 8 octobre 2011 rendue opposable le 20 novembre 2011. La date de référence a donc été fixée le 20 novembre 2011.

Cette date, qui ne fait l’objet d’aucune contestation, sera confirmée en appel.

Sur la situation des parcelles expropriées :

Les parcelles cadastrées section [Cadastre 16], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10], sont situées en ceinture verte de l’agglomération avignonnaise à 5 km environ de l’intra-muros, à l’est du carrefour de l’Amandier.

A la date de référence, les parcelles concernées sont classées en zone A du PLU de la commune d'[Localité 23], la zone englobant des espaces à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Elle est destinée à l’activité agricole et aux constructions liées et nécessaires aux besoins de l’exploitation agricole.

Ne sont admises que les constructions à usage d’habitation nécessaires aux exploitations agricoles, les constructions à destination agricole ou forestière lorsqu’elles sont nécessaires à l’exploitation, les affouillements et les exhaussements du sol, les installations classées, les travaux de rénovation et de réhabilitation des éléments de bâti, les installations techniques nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif.

La zone A ne peut ainsi être considérée comme une zone constructible et les parcelles expropriées ne sont pas ouvertes à l’urbanisation. Enfin, les parcelles susvisées ne se trouvent pas en situation privilégiée au sens de l’article L 322-3 du code de l’expropriation.

Ces éléments ne sont pas contestés par les parties en sorte que les parcelles expropriées doivent être évaluées en fonction de leur seul usage agricole. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur l’indemnité principale :

L’emprise porte sur 14 parcelles qui forment 4 ilots fonciers :

l’ilot 1 composé des parcelles [Cadastre 11] à [Cadastre 15] comprenant un mas ([Cadastre 12]), une ancienne construction utilisée comme lieu de stockage et de bureaux (EV n° 256 et 257), une maison d’habitation ([Cadastre 11]), le tout étant intégré dans une parcelle formant un plus grand corps cadastré [Cadastre 15] en nature de terrain ;

l’ilot 2 composé des parcelles [Cadastre 7] à [Cadastre 10] incluant un hangar comprenant 2 locaux de répétition de musique ([Cadastre 8]), une construction en parpaings (EV 250) et un bâtiment à usage d’activité comprenant 3 locaux de répétition de musique, un atelier et des sanitaires communs (EV 252) puis un terrain peu aménagé de 809 m²  ([Cadastre 10]);

l’ilot 3 comprenant la parcelle [Cadastre 5] qui sert de foncier d’assise à la maison d’habitation avec terrain attenant ([Cadastre 6]) ;

l’ilot 4 composé des parcelles [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 16] comprenant une maison, des annexes présentes sur [Cadastre 3] empiétant sur [Cadastre 19], un jardin et un terrain.

Au soutien de sa demande d’indemnisation, la SCI Saint-Benoit se prévaut d’un rapport d’expertise amiable en date du 10 septembre 2021 établi par M. [S] et de M. [R], experts judiciaires. L’exproprié réclame également l’application d’une autre méthode d’évaluation que celle retenue par le premier juge consistant en opérer une distinction entre le bâti et les terrains. Il conteste par ailleurs pour certaines parcelles la surface utile retenue dans la décision déférée et en discute de la valeur retenue critiquant ainsi les termes de références proposés par le Commissaire du Gouvernement.

S’agissant de l’ilot 1 composé des parcelles [Cadastre 11] à [Cadastre 15] :

L’exproprié demande principalement à ce que l’indemnité soit calculée de manière différenciée selon ces modalités :

– [Cadastre 12] : la surface utile à retenir pour le mas est de 143,86 m² et la valeur est fixée à la somme de 2.215 euros le m², soit une indemnité principale de 325.295 euros (146,86 m² x 2.215 euros) et une indemnité de remploi de 33.529 euros ;

– [Cadastre 13] et 257 : la surface utile à retenir pour les dépendances à usage de bureaux et d’un lieu de stockage est de 144,50 m² et la valeur est fixée à la somme de 1.200 euros le m², soit une indemnité principale de 173.400 euros (144,5 m² x 1.200 euros) et une indemnité de remploi d’un montant de 18.340 euros ;

– [Cadastre 11] : la surface utile de la maison à retenir est de 77,30 m² et la valeur est fixée à la somme de 2.258 euros le m², soit une indemnité principale de 174.543 euros (77,30 m² x 2.258 euros) et une indemnité de remploi de 18.454,30 euros ;

– [Cadastre 15] : la surface du terrain à retenir est de 947 m² et la valeur est fixée à la somme de 38 euros le m², soit une indemnité principale de 35.986 euros et une indemnité de remploi de 4.598,60 euros.

Subsidiairement, dans l’hypothèse d’une appréciation globale des parcelles [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14], l’exproprié demande que la surface utile soit arrêtée à 288 m² et non 280 m² comme retenu par le premier juge.

A l’opposé, le Commissaire du Gouvernement et l’Etat proposent une évaluation faite terrain intégré en distinguant deux lots, le premier comprenant le mas et ses dépendances (EV 255, 256 et 257), le second composé de la maison ([Cadastre 11]) avec terrain intégré (EV 258).

En l’état, la méthode d’évaluation faite terrain intégré sera retenue car elle correspond à la configuration des lieux, le bâti et les parcelles formant un tout contigu en sorte que rien ne justifie de détacher la parcelle de terrain pour procéder à une évaluation individuelle. Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef.

S’agissant des parcelles [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14], les parties s’opposent sur la surface utile à retenir. Il n’est pas contesté que le mas présente une surface de 143,86 m², ce qui correspond à la surface transmise par l’exproprié. Pour le surplus, le bâti est composé de la manière suivante :

bureaux : 50 m² ;

sanitaires : 35 m² ;

lieu de stockage :

50 m² selon la SCI Saint-Benoit avec application d’un coefficient de pondération de 0,5, soit 25 m²;

102 m² pour le Commissaire du Gouvernement avec application d’un coefficient de pondération de 0,5, soit 51 m².

Il en résulte que les parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 14] présentent pour l’exproprié une surface utile de 144,50 m² alors que le Commissaire du Gouvernement retient une superficie de 136 m².

La SCI Saint-Benoit expose que le juge de l’expropriation a retenu à tort la qualification de lieu de stockage, alors qu’il s’agissait d’un local destiné à l’usage de bureau. Elle explique en ce sens que les locaux ont fait l’objet d’une location pendant 18 années au profit de la station radio Fréquence 7, ce que la SCI Saint-Benoit démontre par la production d’un procès-verbal de constat dressé par Me [F], huissier de justice à [Localité 23]. Elle considère donc comme non justifiée l’application d’un coefficient de pondération de 0,5. La SCI Saint-Benoit demande à ce que le coefficient soit appliqué sur une surface moindre de 85 m² comprenant le local à archives et les toilettes d’où une surface utile de 144,50 m².

Le Commissaire du Gouvernement s’oppose à cette qualification de bureau tenant la vétusté des locaux en lien avec l’absence d’isolation, un confort rudimentaire et l’électricité qui n’est pas aux normes.

Lors de la visite des lieux organisée le 24 février 2021, l’état des pièces a été qualifié de « mauvais » par le juge de l’expropriation.

La location supposant le respect de certaines normes, notamment électrique, les locaux concernés seront davantage considérés comme des lieux de stockage et d’archivages et non comme des bureaux susceptibles d’être mis en location comme tels.

Il convient en conséquence de retenir une surface utile pondérée de 280 m² et non 288 m². Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la valeur au m², l’exproprié propose un prix au m² de 2.215 euros pour le mas et 1.200 euros pour les bâtiments annexes en se prévalant de valeurs fixées par un expert mandaté par ses soins. Ainsi, pour les bureaux, il fait part d’un prix minimum de location de 1.040 euros le m² et au maximum de 1.760 euros le m² retenant ainsi une valeur médiane de 1.200 euros le m².

Le rapport d’expertise non contradictoire produit à la demande de la SCI Saint-Benoit se réfère à trois termes de comparaison pour le mas :

1/ Vente du 10 avril 2017 à [Localité 23] pour une propriété située à 250 m du mas présentant une superficie habitable de 332 m² avec une maison habitable de 141 m², 3 appartements de 59m², 62m² et 70m² avec un terrain de 12.170m², le tout vendu au prix de 815.811 euros soit 2.457 euros le m² ;

2/ Transaction portant sur un bien situé à 278m du mas présentant une surface habitable de 304m² avec un terrain de 7.170m² pour un prix de vente de 809.000 euros soit 2.661 euros le m² ;

3/ Vente du 15 septembre 2017 pour une propriété située à 500 m du mas présentant une surface habitable de 118 m² sur un terrain de 5.322 m² avec un prix de vente de 310.00 euros soit 2.627 euros le m².

Il sera souligné que l’exproprié se fonde sur une valeur de 2.215 euros le m² sans justifier de termes de comparaison exploitables.

En effet, les termes de comparaison ne sont pas efficients au regard d’une différence notable quant à la superficie habitable ainsi que la surface du terrain, étant précisé que la partie habitation du mas n’est effectivement que de 143,86 m², les bâtiments mitoyens étant constitués de lieu de stockage et de bureaux. Par ailleurs, aucun renseignement n’est donné sur l’état des immeubles donnés en référence alors qu’est mis en évidence l’état moyen d’entretien de l’ensemble. Enfin, la localisation est différente puisque l’ilot 1 est situé à proximité immédiate de la [Adresse 2] qui est susceptible d’entrainer une moins-value dans l’appréciation du bien.

S’agissant du mas, le descriptif de l’immeuble donné lors de la visite des lieux (procès-verbal de transport du 24 février 2021) fait part d’une toiture et de murs en très bon état, mais il décrit néanmoins l’intérieur du logement comme étant dans un état moyen confirmant ainsi l’analyse faite par le Commissaire du Gouvernement qui fait valoir un état de vétusté intérieure avec des aménagements obsolètes, qui ne permet pas retenir le terme le plus haut.

Le Commissaire du Gouvernement propose quant à lui 7 termes de comparaison concernant le prix de propriétés bâties à usage d’habitation d’une surface utile supérieure à 200 m² avec terrain intégré proches du bien à évaluer (zone agricole) et localisées sur la commune d'[Localité 23] sur une période allant de septembre 2014 à novembre 2018.

Les prix au m² vont de 871 euros à 1891 euros avec une valeur médiane de 1030 euros. Il est proposé de se référer au terme n°6 qui s’approche le plus des caractéristiques présentées par le bien en cause, les termes les plus bas correspondant à des habitations en mauvais état et le terme le plus élevé à une maison de maitre avec dépendances (parc, piscine, bois). Le terme 6 se rapporte à une vente datée du 31 janvier 2016 pour une surface de terrain de 2649 m² et une surface utile de 248 m² avec un prix de vente de 569.707 euros soit une valeur de 1.635,21 euros le m².

L’analyse proposée par le Commissaire du Gouvernement, à laquelle adhère l’autorité expropriante, sera confirmée en appel car elle offre des éléments de comparaison pertinents avec des similitudes s’agissant de la localisation, de la surface utile, de la superficie du terrain et de sa composition.

Il convient donc de fixer une valeur de 1.635 euros le m².

S’agissant des parcelles [Cadastre 11] et [Cadastre 15], il n’existe pas de contestations sur la superficie relevée tant pour la maison que pour la parcelle de terrain servant d’assise foncière.

L’exproprié demande la fixation de la valeur à 2.228 euros le m² pour la maison et 38 euros le m² pour le terrain.

Sur la valeur, le Commissaire du Gouvernement propose dix termes de comparaison sur une période comprise de décembre 2014 à décembre 2020 avec une évaluation de la maison terrain intégré.

Il résulte des 10 termes de comparaison proposés par le Commissaire du Gouvernement une valeur basse de 1.627 euros le m² et une valeur haute de 3.378 euros le m² avec une valeur médiane de 2.358 euros le m².

Le Commissaire du Gouvernement se réfère au terme n°2 correspondant à une valeur de 2500 euros sur laquelle il applique une diminution motivée par l’état moyen d’entretien de l’habitation pour retenir une valeur de 2.200 euros. Le terme 2 porte sur une vente du 15 septembre 2017 pour une surface de terrain de 5322 m² et une surface utile de 118 m² avec un prix de vente de 310.000 euros, soit une valeur de 2.500 euros le m².

En l’occurrence, si l’état d’entretien qualifié de moyen de l’habitation n’est pas contestable et rappelé dans le procès-verbal établi lors de la visite des lieux organisée le 24 février 2021, rien ne justifie que l’indemnisation ne rejoigne pas la valeur proposée par l’exproprié qui reste en-dessous de la valeur médiane.

Il convient donc de retenir une valeur de 2.258 euros le m².

En conséquence, au vu des éléments visés supra, il convient de fixer l’indemnité principale à la somme de 632.343,40 euros ventilée comme suit :

280 m² x 1.635 euros / m² = 457.800 euros ;

77,30 m² x 2.258 euros /m² = 174.543,40 euros.

S’agissant de l’ilot 2 composé des parcelles [Cadastre 7] à [Cadastre 10] :

L’exproprié demande principalement à ce que l’indemnité soit calculée de manière différenciée selon ces modalités :

– [Cadastre 7], 521 et 252 : la surface utile à retenir pour le hangar, l’atelier et les salles de répétition de musique est de 271 m² et la valeur est fixée à la somme de 341 euros le m² pour la parcelle [Cadastre 8], et de 449 euros le m² pour la parcelle [Cadastre 9], soit une indemnité principale de 87.671 euros et une indemnité de remploi de 9.767,10 euros ;

– [Cadastre 10] : la surface du terrain à retenir est de 809 m² et la valeur fixée est de 38 euros le m², soit une indemnité principale de 30.743 euros et une indemnité de remploi de 4.074,20 euros.

En l’état, il sera souligné que l’exproprié ne propose pas de termes de comparaison utiles, l’évaluation proposée n’ayant pas été faite terrain intégré.

A l’opposé, l’autorité expropriante et le Commissaire du Gouvernement demandent une évaluation globale des parcelles susvisées sur la base d’une valeur de 449 euros le m².

En l’état, la méthode d’évaluation faite terrain intégré sera retenue car elle correspond à la configuration des lieux, le bâti et les parcelles formant un tout contigu en sorte que rien ne justifie de détacher la parcelle de terrain pour procéder à une évaluation individuelle. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Il n’existe pas de contestation sur la surface concernée par l’expropriation et les parties s’accordent sur une surface utile de 271 m² pour le bâti (EV 250, 251 et 252), et 809 m² pour le terrain.

Sur la valeur, le Commissaire du Gouvernement propose une évaluation reposant sur une étude de marché comprenant des biens comparables. Il retient 4 termes de comparaison avec des prix de vente allant de 404 euros le m² à 560 euros le m² avec une valeur médiane de 523 euros le m².

Il propose d’écarter les termes n°2, soit une valeur de 560 euros le m², et n°4, soit une valeur de 554 euros le m² car étant des termes anciens datant de l’année 2015. Il retient par contre une valeur moyenne entre les termes n°1 et n°3, soit une somme de 449 euros le m².

En l’état, rien ne justifie que soient écartés les termes anciens en sorte qu’il convient de retenir une valeur prenant en considération les 4 termes susvisés.

S’agissant de l’habitation, les constructions sont sans cachet particulier et se présentent dans un état moyen d’entretien ce qui invite à se rapprocher de la valeur médiane. Il résulte en effet du procès-verbal établi lors de la visite des lieux organisée le 24 février 2021 que les hangars et les boxes sont décrits comme étant en mauvais état (toiture pour le hangar de gauche, local sanitaire situé dans le 2ème hangar, boxes munis de portes anciennes avec des murs et sols en moquette en mauvais état).

Il convient donc de retenir une valeur de 500 euros le m². 

En conséquence, au vu des éléments visés supra il convient de fixer l’indemnité principale à la somme de 108.500 euros (217 m² x 500 euros le m²).

S’agissant de l’ilot 3 composé des parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] :

Les parties s’accordent pour la fixation d’une évaluation globale des parcelles et sur l’existence d’une surface utile de 127 m² avec une valeur de 2.700 euros le m².

Il convient de prendre acte de cet accord et de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a fixé l’indemnité principale pour les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] à la somme de 342.900 euros.

S’agissant de l’ilot 4 composé des parcelles [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 16] comprenant une maison, des annexes présentes sur [Cadastre 3] empiétant sur EV 63 :

L’exproprié demande principalement à ce que l’indemnité soit calculée de manière différenciée selon ces modalités :

habitation : la surface utile à retenir est de 267,91 m² et la valeur est fixée à la somme de 2.581 euros le m², soit une indemnité principale fixée à la somme de 691.475,71 euros ;

jardin : la surface utile à retenir est de 1.200 m² et la valeur est fixée à la somme de 17 euros le m², soit une indemnité principale fixée à la somme de 20.400 euros ;

Terrain autour : la surface utile à retenir est de 2251 m² et la valeur est fixée à la somme de 5 euros le m², soit une indemnité principale fixée à la somme de 11.255 euros ;

A titre subsidiaire, l’exproprié demande s’agissant de la maison que la valeur soit fixée à la somme de 2.200 euros le m².

La SCI Saint-Benoit demande de comptabiliser dans la surface habitable la moitié des surfaces annexes, en application de l’article R 353-16 du code de la construction et de l’habitation, et réclame que la surface concernée par l’empiètement ne soit pas simplement déduite de la surface utile comme a procédé le premier juge mais que soit appliqué un coefficient de pondération rappelant que ces annexes contestées aujourd’hui ont toujours été englobées dans l’assiette de la taxe foncière.

A contrario, le Commissaire du Gouvernement et l’autorité expropriante réclament une évaluation globale des parcelles concernées et s’opposent à la SCI Saint-Benoit s’agissant de la superficie de l’habitation à retenir considérant qu’une partie des annexes de l’habitation situées sur la parcelle [Cadastre 3] empiètent sur la parcelle [Cadastre 19]. Ils considèrent que la surface de ces annexes ne peut intégrer la surface habitable, ni constituer une plus-value.

En l’état, la méthode d’évaluation faite terrain intégré sera retenue car elle correspond à la configuration des lieux, le bâti et les parcelles formant un tout contigu en sorte que rien ne justifie de détacher la parcelle de terrain pour procéder à une évaluation individuelle. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

S’agissant de la surface utile, il apparait que les parcelles susvisées sont occupées par une maison d’habitation comprenant plusieurs annexes se présentant comme suit :

maison : 145,67 m² ;

surface annexe (terrasse, véranda, cave, garage) : 20,34 m² après pondération ;

appartement indépendant au 1er étage : 48,60 m² ;

– bâtiment annexe : 107,33 m² (atelier : 33,48 m², débarras : 19,85 m² et plateau à aménager : 54 m²).

Il n’est pas contesté que le bâtiment annexe d’une surface de 107,33 m² empiète sur la parcelle [Cadastre 19] qui n’est pas la propriété de la SCI Saint-Benoit, ni d’ailleurs qu’il est occupé de fait par l’exproprié qui en a pris possession, et ce, sans que le caractère ancien de cette occupation ne soit contesté.

Cette occupation de fait conduit, non pas à déduire purement et simplement la surface du bâtiment, mais à appliquer un coefficient de pondération sur la surface de 50%, comme proposé par l’exproprié.

Il convient donc de retenir s’agissant du bâtiment annexe une surface de 55,3 m² et en conséquence une superficie utile pour l’ensemble du bâti de 267,91 m² et non 214,61 m², comme l’a fait le premier juge. La décision déférée sera infirmée sur ce point.

S’agissant de la valeur, la SCI Saint-Benoit fait valoir que l’habitation est une construction traditionnelle de 1980 et qu’elle se présente comme étant en bon état et comprenant divers éléments d’équipements (revêtement sol carrelage grès et moquette ; plafond lambris, huisseries aluminium ; chauffage ventilo-convecteur par pompe à chaleur réversible ; jardin d’agrément avec deux forages ; toiture équipée de panneaux photovoltaïques).

Elle se prévaut d’une valeur médiane de 2.581 euros par m² telle qu’elle résulte de la valorisation effectuée par l’expert mandaté par ses soins et à tout le moins d’une valeur de 2.500 euros par m² telle qu’elle résulte de l’appréciation du Commissaire du Gouvernement avant qu’il ne fasse application d’une diminution de cette valeur en lien avec l’état moyen de la maison qu’elle conteste produisant ainsi des planches photographiques.

Elle se réfère à trois termes de comparaison :

1/ Vente du 10 avril 2017 à [Localité 23] pour une propriété située à 70 m de l’ilot 4 présentant une superficie habitable de 332 m² avec une maison habitable de 141 m², 3 appartements de 59 m², 62 m² et 70 m² avec un terrain de 12.170 m², le tout vendu au prix de 815.811 euros soit 2.457 euros le m² ;

2/ Transaction portant sur un bien situé à 265 m de l’ilot 4 présentant une surface habitable de 304m² avec un terrain de 7.170 m² pour un prix de vente de 809.000 euros soit 2.661 euros le m² ;

3/ Vente du 15 septembre 2017 pour une propriété située à 450 m de l’ilot 4 présentant une surface habitable de 118 m² sur un terrain de 5.322 m² avec un prix de vente de 310.00 euros soit 2.627 euros le m².

La SCI Saint-Benoit en retient une valeur moyenne de 2.581 euros le m².

Les termes de comparaison ne sont pas efficients au regard d’une différence notable s’agissant du premier terme quant à la superficie habitable ainsi que la surface du terrain. La même remarque est transposable pour les termes 2 et 3 étant précisé que pour l’ilot 4, la partie habitation n’est effectivement que de 214,61 m², l’autre bâtiment n’étant pas habitable puisque constitué d’un atelier de 33,48 m², d’un débarras de 19,85m² et d’un plateau à aménager de 54m² avec un terrain non aménagé de 3.451 m².

Enfin, aucun renseignement n’est donné sur l’état des immeubles donnés en référence alors qu’est mis en évidence l’état moyen d’entretien de l’habitation comme en atteste les photos produites dans le rapport d’expertise qui montre un bâtiment en annexe non crépi et non aménagé. Par ailleurs, le procès-verbal établi lors de la visite des lieux organisée le 24 février 2021 met en évidence que le premier étage de la maison principale présente un état moyen tout comme le rez-de-chaussée de la villa en présence de travaux restant à terminer dans le salon (pose du carrelage sur la moitié de la pièce et finition travaux à réaliser), dans la chambre (volet roulant cassé, terrasse donnant sur la chambre est bétonnée sans escaliers ni balustrade).

Le Commissaire du Gouvernement propose dix termes de comparaison sur une période comprise de décembre 2014 à décembre 2020 avec une évaluation de la maison terrain intégré. Ces termes concernent le prix de propriétés bâties à usage d’habitation proche du bien à évaluer, en zone agricole, située sur la commune d'[Localité 23].

Il retient des prix de vente qui oscillent de 1.627 euros le m², pour le plus bas, et 3.378 euros le m², pour le plus haut, avec une valeur médiane de 2.358 euros le m², pour se référer dans un second temps aux termes n° 2, 3, 4 et 8 qui se rapprochent le plus géographiquement du bien à évaluer et de la surface utile. Ainsi, en présence d’une fourchette haute de 3.142 euros le m² et une basse de 1.807 euros le m², il retient le terme n°2 soit une valeur de 2.500 euros le m² qu’il réduit à la somme de 2.200 euros considérant l’état moyen d’entretien de l’habitation.

L’analyse proposée par le Commissaire du Gouvernement, à laquelle adhère l’autorité expropriante, sera confirmée en appel car elle offre des éléments de comparaison pertinents avec des similitudes s’agissant de la localisation, de la surface utile, de la superficie du terrain et de sa composition.

Ainsi, vu la superficie du terrain, l’état moyen de l’habitation ainsi que la superficie habitable, il convient donc de retenir une valeur de 2.200 euros le m². 

En conséquence, au vu des éléments visés supra il convient de fixer l’indemnité principale à la somme de 589.402 euros (267.91 m² x 2200 euros le m²).

Sur l’indemnité de remploi :

En application de l’article R 322-5 du code de l’expropriation, il sera alloué à la SCI Saint-Benoit une indemnité de remploi qui sera calculée en faisant application des taux sur lesquels l’ensemble des parties s’accordent :

20% pour la partie de l’indemnité principale inférieure à 5.000 euros ;

15% pour la partie de l’indemnité principale comprise entre 5.000 euros et 10.000 ;

10% pour la partie de l’indemnité principale supérieure à 15.000 euros.

En application de ces taux, il est justifié pour chacun des ilots d’une indemnité de remploi établie comme suit :

Ilot 1 : 63.334,34 euros ;

Ilot 2 : 11.850 euros

Ilot 3 : 35.290 euros ;

Ilot 4 : 59.940,20 euros.

En conséquence, au vu des éléments visés supra il convient de fixer l’indemnité de remploi à la somme de 170.414,54 euros.

Sur l’indemnité accessoire de haies brise-vent :

L’exproprié demande une indemnisation pour la perte de haies de brise-vent sur une longueur de 981 ml et sur la base du tarif de 53 euros le ml.

L’autorité expropriante se réfère aux données retenues par le Commissaire du Gouvernement qui retient une longueur de 231 ml sur la base tarifaire de 53 euros le mètre linéaire au motif que la SCI intègre des haies situées sur des terrains qui ne lui appartiennent pas et qui ont déjà été indemnisées au titre d’un autre contentieux.

En l’état, la SCI se réfère à la page 10 du rapport d’expertise amiable non contradictoire qui procède à un relevé détaillé comme suit :

Section 1 : 59 m ; Section 7 : 110 m ;

Section 2 : 113 m ; Section 8 : 116 m ;

Section 3 : 38 m ; Section 9 : 111 m 

Section 4 : 122 m ; Section 10 : 109 m ;

Section 5 : 100 m ; Section 11 : 38 m.

Section 6 : 65 m ;

L’expert a signalé les haies sur une vue Géoportail portant sur une zone comprenant plusieurs parcelles dont certaines ne sont pas concernées par l’expropriation.

La confrontation de cette vue au relevé cadastral, qui met en relief les quatre ilots litigieux, révèle qu’une partie des haies se situent sur des parcelles qui ne sont pas concernées par l’expropriation et qui ne sont pas de la propriété de la SCI Saint-Benoit. C’est le cas des sections 3, 4, 6, 8, 9 et 10 et pour une partie des sections 1, 2, 10, 11.

Ces sections se rapportent aux parcelles cadastrées section [Cadastre 27], [Cadastre 18], [Cadastre 19], [Cadastre 20], [Cadastre 21] et [Cadastre 17] pour lesquelles leur propriétaire, M. [E], a obtenu une indemnité accessoire pour perte de haies de 34.722 euros pour une longueur retenue de 643 ml comme en attestent les décisions produites par le Commissaire du Gouvernement (jugement du TGI d’Avigon du 15 janvier 2019, arrêt de la cour d’appel de Nîmes le 25 novembre 2019 et arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 2021 : pièce 12).

En l’absence d’éléments contraires produits par l’exproprié, il convient de reprendre l’évaluation faite par le Commissaire du Gouvernement qui propose le métré suivant :

Ilot 2 = 46 ml ;

Ilot3 = 60 ml ;

Ilot 4 = 125 ml.

En conséquence, au vu des éléments visés supra, il convient de fixer l’indemnité accessoire de haies de brise-vent à la somme de 12.243 euros (213 ml x 53 euros ml) et de confirmer le jugement déféré de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

Les entiers dépens de la procédure resteront à la charge de la partie expropriante en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Aucune considération d’équité ne justifie de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et les parties seront ainsi respectivement déboutées de leur prétention à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Déclare irrecevables les demandes tendant à voir fixer le préjudice financier de la société Elektro cette société à la somme de 188.127,34 euros et le préjudice pour pertes d’exploitation à la somme de 67.339,30 euros,

Dans la limite de l’appel,

Infirme la décision déférée sur le quantum des indemnités allouées à l’exception de l’indemnité accessoire pour perte de haies de brise-vent,

Statuant à nouveau,

Fixe à 1.843.559,98 euros l’indemnité d’expropriation revenant à la SCI Saint Benoit, expropriée, pour les parcelles cadastrées section [Cadastre 16], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10] situées sur la commune d'[Localité 23],

– indemnité principale  : 1.673.145,44 euros,

– indemnité de remploi : 170.414,54 euros,

Rejette toute autre demande,

Déboute les parties de leur prétention au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que l’autorité expropriante supportera la charge des entiers dépens.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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