5 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/00986
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRÊT DU 05 AVRIL 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00986 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJAH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/01290
APPELANTE
S.C.I. [L], immatriculée au RCS de PARIS sous le n°439 352 923, agissant en la personne de son gérant, M.[P] [L], domicilié en cette qualité au siège social situé:
[Adresse 2]
[Localité 1]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 439 352 923
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque B 753
Assistée de Me Richard ARBIB plaidant pour la SELARL A.K.A, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque PC 320
INTIMEE
S.A.S. SAMORE, Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 803 111 814, prise en la personne de son président en exercice, M. [O] [X], domicilié en cette qualité au siège social situé:
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-Pierre DUGAL, avocat au barreau de PARIS, toque B 628
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Douglas BERTHE, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire
M. Douglas BERTHE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie RECOULES, Présidente
Mme Marie GIROUSSE, Conseillère
M. Douglas BERTHE, Conseiller
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
– Contradictoire
– Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– Signé par Mme Nathalie RECOULES, Présidente, et par Mme Laurène BLANCO Greffier, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 04 septembre 2003, la SCI [L], a donné à bail à la société le Méditerranée divers locaux commerciaux, comprenant des locaux à usage de café-bar-restaurant en rez-de-chaussée et un appartement au 1er étage, situés [Adresse 2], pour neuf années à compter du 1er juillet 2003 moyennant un loyer annuel hors taxes hors charges de 18 000 euros.
Par jugement du 09 février 2010, le tribunal de commerce de Paris a placé la société le Méditerranée en redressement judiciaire, la SCP Thevenot [M], prise en la personne de Me [M], étant désigné en qualité d’administrateur judiciaire. Par jugement du 28 juillet 2011, le tribunal de commerce a arrêté un plan de continuation d’une durée de 9 ans et autorisé la signature d’un avenant au bail par Me [M], de la SCP Thevenot [M], nommé commissaire à l’exécution du plan.
Par acte du 29 juillet 2011, la SCI [L] et la société le Méditerranée représentée par Me [M] ès-qualités, ont régularisé un avenant aux termes duquel le preneur laissait le bailleur reprendre entièrement la jouissance de l’appartement du 1er étage, le prix du bail demeurant inchangé. En contrepartie, le bailleur s’engageait à verser une indemnité de 5 000 euros à la locataire et acceptait d’ores et déjà de renouveler le bail commercial à l’échéance du 30 juin 2012 aux mêmes conditions.
Par jugement du 11 février 2014, le tribunal de commerce de Paris, saisi par Me [M] ès-qualités, a prononcé la résolution du plan de continuation de la société le Méditerranée, converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [N], en qualité de mandataire judiciaire liquidateur.
Par acte extrajudiciaire du 19 mars 2014, la SCI [L] a fait signifier à la société le Méditerranée et à la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [N] ès-qualités, un acte comportant rétractation de son accord de renouvellement du bail exprimé par l’avenant du 29 juillet 2011.
Par ordonnance du 1er avril 2014, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société le Méditerranée a autorisé la cession du fonds de commerce à Mme [R], à laquelle s’est substituée la société Samore.
Par acte extrajudiciaire du 14 mai 2014, la SCI [L] a délivré à Mme [R] et à la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [N] ès-qualités, un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d’éviction, pour le 31 décembre 2014.
Par acte du 26 mai 2014, la cession du fonds de commerce de la société le Méditerranée a été régularisée entre Me [N] ès-qualités et les associés de la société Samore, en cours de constitution.
Par acte extrajudiciaire du 30 janvier 2015, la SCI [L] a exercé son droit de repentir et offert à la société Samore, à compter de la signification, le renouvellement du bail pour une durée de neuf années, moyennant un loyer annuel de 45 000 euros hors taxes et hors frais, toutes autres clauses du bail à renouveler demeurant inchangées.
Par acte du 23 janvier 2017, la SCI [L] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société Samore aux fins principales de voir fixer la date de renouvellement du bail commercial au 30 janvier 2015, date de signification du droit de repentir, et le loyer en renouvellement à la somme de 45 000 euros par an à compter de cette date.
Par jugement du 26 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :
– déclaré irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par la société Samore ;
– déclaré recevables les demandes de la SCI [L] ;
– dit que le bail du 4 septembre 2003, tel que modifié par l’avenant du 29 juillet 2011, liant la SCI [L] et la société le Méditerranée, aux droits de laquelle vient la société Samore, a été renouvelé pour 9 ans à compter du 1er juillet 2012, aux mêmes clauses et conditions notamment de prix ;
– rejeté les demandes de la SCI [L] en fixation d’une date de renouvellement du bail la liant la société Samore au 30 janvier 2015 et moyennant un nouveau prix ;
– condamné la SCI [L] aux dépens ;
– condamné la SCI [L] à payer à la société Samore la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– rejeté toute demande plus ample ou contraire.
Par déclaration du 02 janvier 2020, la SCI [L] a interjeté appel du jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les dernières conclusions déposées le 27 mars 2020, par lesquelles la SCI [L], appelante, demande à la Cour de :
– recevoir la SCI [L] en ses écritures, l’y déclarant bien fondée ;
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 26 septembre 2019 en ce qu’il a fixé le renouvellement du bail au 30 juin 2012 ;
Statuant à nouveau,
– fixer la date de renouvellement du bail commercial liant la SCI [L] à la société Samore au 30 janvier 2015, date de signification du droit de repentir ;
– fixer à la somme de 45 000 euros hors taxes, hors charges en principal et par an, le montant du loyer en renouvellement du bail commercial, pour une durée de neuf années à compter du 30 janvier 2015, pour des locaux sis au rez-de-chaussée du [Adresse 2] ;
– réajuster le dépôt de garantie sur cette base ;
– condamner la société Samore à verser à la SCI [L] les arriérés de loyers et les intérêts au taux légal sur les arriérés de loyer en application de l’article 1155 du code civil ;
– dans l’hypothèse où une mesure d’instruction serait ordonné, fixer le loyer mensuel provisionnel dû par la société Samore à la somme 3 750 euros, hors taxes et hors charges, payable à compter du 30 janvier 2015, et ce pendant toute la durée de l’instance ;
– débouter la société Samore de l’ensemble de ses demandes ;
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
– condamner la société Samore à verser à la SCI [L] la somme de 5 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Samore aux dépens de l’instance qui devront comprendre les frais et honoraires de l’expert sur une telle mesure était ordonnée.
Vu les dernières conclusions déposées le 19 juin 2020, par lesquelles la société Samore, intimée, demande à la Cour de :
– rejeter les prétentions du bailleur et toutes ses demandes, fins et conclusions ;
À titre principal,
– recevoir la société Samore en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en date du 26 septembre 2019 ;
– prononcer l’exécution provisoire de toute décision à intervenir ;
– condamner la SCI [L] en cause d’appel aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement au profit de la société Samore de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, en sus des condamnations aux dépens de première instance et au titre de l’article 700 du Code de procédure civile déjà prononcée en première instance.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera succinctement résumée.
Sur la fixation de la date de renouvellement du bail,
L’appelante, la SCI [L], expose que la date de renouvellement du bail doit être fixée au 30 janvier 2015, date de signification du droit de repentir ; qu’un bail commercial a produit ses effets du 1er juillet 2003 au 30 juin 2012 ; qu’elle a conclu un avenant le 29 juillet 2011 aux termes duquel elle promettait un renouvellement du bail aux mêmes conditions financières ; que cet engagement était unilatéral et demeurait sans contrepartie ; qu’elle avait donc le droit de le dénoncer comme elle l’a fait par acte du 19 mars 2014, le bail se prolongeant tacitement depuis le 30 juin 2012 ; qu’elle a fait signifier un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d’éviction par acte du 14 mai 2014 avant de valablement exercer son droit de repentir par acte du 30 janvier 2015 sur le fondement de l’article L.145-12 du code de commerce.
L’intimée, la société Samore, expose que l’avenant du 29 juillet 2011 n’est pas un acte unilatéral mais une convention aux termes de laquelle les parties ont modifié la désignation des locaux, fixé le versement d’une indemnité par le bailleur et procédé au renouvellement du bail à l’échéance du 30 juin 2012, soit à compter du 1er juillet 2012 ; que l’appelante ne pouvait dénoncer unilatéralement un droit acquis par l’acte du 29 juillet 2011 ; que le congé avec refus de renouvellement et le droit de repentir n’ont pu avoir aucun effet.
Motifs de l’arrêt :
Sur l’efficacité de l’avenant du 29 juillet 2011 :
Selon l’article 1134, devenu l’article 1103, du code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».
En l’espèce, la SCI [L] et la société LE MEDITERRANEE étaient liées par un bail
du 4 septembre 2003, et elles ont signé un avenant le 29 juillet 2011, lequel a pour objet
de modifier la désignation des locaux donnés à bail, en ce que ne figure plus dans
l’assiette du bail l’appartement du 1er étage, le preneur continuant à payer le prix du bail convenu mais laissant le bailleur reprendre l’entière jouissance de l’appartement à compter de la signature de l’avenant. Cette reprise d’une partie des locaux loués à loyer inchangé avait pour contrepartie le paiement par le bailleur d’une indemnité de 5 000 euros et l’engagement du bailleur d’accepter d’ores et déjà le renouvellement du bail commercial du 4 septembre 2003 à son échéance du 30 juin 2012 et aux mêmes conditions. Cet avenant n’est ainsi pas un acte unilatéral du bailleur mais un contrat qui comporte sans équivoque des engagements réciproques. Ces engagements ne sont pas conditionnels, ne sont pas affectés ou modifiés par des éléments contextuels concernant l’une ou l’autre des parties et ne sont pas dissociables. Ils ne peuvent par voie de conséquence être remis en cause que d’un commun accord des parties. La SCI [L] ne peut ainsi révoquer unilatéralement les obligations auxquelles elle s’est engagée vis-à-vis du preneur et sa révocation unilatérale du 19 mars 2014 de l’avenant se trouve donc sans aucun effet. Sans qu’il soit besoin pour le bailleur de faire délivrer congé avec offre de renouvellement ou pour le preneur de demander le renouvellement de son bail, c’est ainsi l’avenant du 29 juillet 2011 qui a créé le nouveau bail avec effet 1er juillet 2012, aux mêmes conditions que le précédent bail du 4 septembre 2003. Le bail initial est expiré et n’a ainsi pas été tacitement reconduit. Par voie de conséquence, le congé avec refus de renouvellement sans indemnité d’éviction délivré le 14 mai 2014 par la SCI [L] et concernant expressément un bail qui se trouvait déjà expiré depuis le 30 juin 2012 s’est trouvé sans aucun effet. Il en est de même du droit de repentir fondé sur ce congé et exercé par la bailleresse le 30 janvier 2015.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Par ailleurs et considérant que par l’effet de l’avenant du 29 juillet 2011, le bail a été renouvelé pour une durée de 9 ans à compter du 1er juillet 2012 aux mêmes clauses et conditions, notamment de prix, que le bail du 4 septembre 2003, il convient de constater que le prix du bail renouvelé a ainsi été convenu sans aucune équivoque entre les parties. Il en résulte que la SCI [L] est liée par son engagement et sa demande de fixation d’un nouveau prix devra donc être rejetée. Le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point. Pour les mêmes motifs, il n’y aura donc pas lieu à « réajuster » le dépôt de garantie ni à estimer que le preneur est redevable d’un arriéré de loyer, comme le demande la SCI [L] et le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.
Sur les demandes d’exécution provisoire :
Il résulte de l’article 579 du code de procédure civile que le recours par une voie extraordinaire et le délai ouvert pour l’exercer ne sont pas suspensifs d’exécution si la loi n’en dispose autrement, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Les demandes d’exécution provisoire formées par les parties s’avèrent donc sans objet.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement de première instance sera également confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
La SCI [L] qui succombe devra supporter les dépens de l’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile. La SCI [L] devra en outre indemniser la SAS SAMORE de ses frais irrépétibles d’appel en lui payant la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du même code.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 26 septembre 2019 du tribunal de grande instance de PARIS,
Y ajoutant,
DIT que la demande d’exécution provisoire de la présente décision est sans objet,
CONDAMNE la SCI [L] à payer à la SAS SAMORE la somme de 5 000 € en indemnisation de ses frais irrépétibles d’appel,
CONDAMNE la SCI [L] aux dépens de l’appel.
REJETTE les autres demandes.
Le Greffier La Présidente