6 avril 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/01294
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT MIXTE
DU 06 AVRIL 2023
Expertise
N°2023/81
Rôle N° RG 20/01294 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFQG4
SAS COMPAGNIE DE TOURISME CAMARGUAISE
C/
[R] [S]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Patrick CAGNOL
Me Emmanuel GILI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire de TARASCON en date du 16 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 16/01761.
APPELANTE
Société COMPAGNIE DE TOURISME CAMARGUAISE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 6]
représentée par Me Patrick CAGNOL de l’ASSOCIATION CM AVOCATS MARSEILLE, avocat au barreau de MARSEILLE, et assistée de Me Richard DAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [R] [S]
née le 19 Septembre 1954 à [Localité 5] (50), demeurant [Adresse 2]
représentée et assistée de Me Emmanuel GILI de la SELARL NEXTAVOCAT, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [R] [S] est propriétaire d’un appartement de type T3 avec parking dans une résidence en copropriété dénommée Les Mazets de Camargue, située en [Localité 4] dans le lotissement Le Village camarguais, constitué de plusieurs copropriétés et d’un hôtel ainsi que d’équipements de loisirs.
Le lot acquis par Mme [S] fait l’objet d’un bail commercial consenti initialement à la société Maeva pour l’exploitation d’une activité de résidence de tourisme classée.
Le bail a été transmis à la société Compagnie de tourisme camarguaise qui a acquis le fonds de commerce du preneur en 2013 et poursuivi l’exploitation.
L’échéance du bail était contractuellement fixée au 31 octobre 2016.
La bailleresse a fait délivrer à la locataire le 12 avril 2016 une mise en demeure et un congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motifs graves et légitimes au visa de l’article L.145-17-I-1° du code de commerce, pour le 31 octobre 2016.
Aux termes de ces actes, la bailleresse reprochait à la locataire les manquements suivants :
– absence d’entretien des équipements collectifs et espaces verts du site,
– suppression du service de gardiennage et du service de réception 24/24,
– non-règlement des charges de copropriété,
– défaut d’entretien des lieux en bon état de réparation locative et d’entretien,
– non-règlement du loyer en nature.
Par acte en date des 18 octobre 2016, la société Compagnie de tourisme camarguaise a fait assigner Mme [R] [S] devant le tribunal de grande instance de Tarascon aux fins d’entendre:
– condamner solidairement la défenderesse à lui payer une indemnité d’éviction d’un montant de 26986,71 euros TTC,
– dire que jusqu’au parfait et complet paiement de l’indemnité elle aura droit au maintien dans les lieux aux clauses et conditions du bail expiré,
– subsidiairement, désigner tel expert avec mission de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction due.
Mme [S] demandait au tribunal :
– avant dire droit, d’enjoindre la demanderesse de produire les attestations de classement de la résidence depuis l’origine du bail, le rapport de l’organisme certificateur sur la base duquel le classement a été obtenu en 2017, les bilans complets des deux dernières années d’exercice,
– à titre principal, de débouter la Compagnie de tourisme camarguaise de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– à titre reconventionnel, de constater la validité du congé et l’existence de motifs graves et légitimes privant la locataire de toute indemnité d’éviction, de condamner la locataire à évacuer les lieux loués sous astreinte et à payer une indemnité d’occupation correspondant à la valeur locative estimée à 40% chiffre d’affaires annuel TTC outre l’intégralité des charges hormis les travaux de l’article 606 du code civil.
Par jugement du 16 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Tarascon a statué comme suit :
– rejette la demande avant-dire droit de production des bilans et comptes d’exploitation de la résidence les Mazets de Camargue ainsi que les attestations de classement en résidence de tourisme,
– déboute la Compagnie de tourisme camarguaise de toutes ses demandes,
– constate la validité du congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motif grave et légitime du 12 avril 2016 pour le 31 mars 2016 (sic),
– dit que la Compagnie de tourisme camarguaise sera privée de toute indemnité d’éviction,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise et tout occupant de son chef à quitter les lieux loués au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise à payer à Mme [S] une indemnité d’occupation de 3000 euros par mois outre les charges incluant l’intégralité des charges de copropriété hormis les travaux de l’article 606 du code civil,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise à payer à Mme [S] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais du huissier lié à la signification de la mise en demeure et du congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction,
– ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.
Le tribunal a retenu à cet effet :
– qu’aux termes de l’article 4 alinéa 3 du bail unissant les parties ‘le preneur bénéficiera de la jouissance des parties communes et éléments d’équipements collectifs de l’ensemble immobilier pendant toute la durée de l’exploitation sous forme de résidence de tourisme classée’,
– qu’il n’est pas contestable que depuis 2013, date d’achat par la demanderesse de la résidence les Mazets de Camargue, il y a eu un démembrement de l’ensemble immobilier classé sous forme de résidence de tourisme, tant et si bien que même si le classement était valable jusqu’en 2017, l’éclatement de la structure privait de fait les bailleurs des installations qui se trouvaient dans d’autres structures comme par exemple les installations d’accueil situé sur la copropriété les Amandiers, et le golf et la piscine situés sur d’autres copropriétés,
– que les dispositions de l’article 4alinéa 3 du bail n’étaient donc plus respectées même si le classement résidence de tourisme était toujours valable,
– que si d’un point de vue fiscal le demandeur démontrait que la situation n’avait pas eu d’incidence, il ne pouvait prétendre que l’entretien des équipements et espaces verts ne lui incombaient pas car non situé sur sa copropriété, alors que c’est lui-même qui s’était placé dans cette situation en participant au démembrement lors de l’achat de la résidence les Mazets de Camargue qui avait privé son bailleur des éléments constitutifs d’un classement en résidence de tourisme,
– que ce démembrement était de plus corroboré par le fait que le bailleur ne pouvait plus bénéficier du loyer en nature correspondant à la contre-valeur TTC déterminé sur la base de 75 % du prix catalogue Maeva, car il n’avait plus accès au catalogue Maeva,
– que le comportement fautif du locataire devait donc être retenu sur ces points sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs,
– qu’au regard de ces éléments il s’avérait inutile d’accueillir la demande avant-dire droit de production des bilans et comptes d’exploitation de la résidence les Mazets de Camargue.
La société Compagnie de tourisme camarguaise a interjeté appel de cette décision le 27 janvier 2020.
Par conclusions déposées et notifiées le 17 juillet 2020, la Compagnie de tourisme camarguaise demande à la cour, vu les articles L.145-9, L.145-14, L.145-17 et L.145-28 du code de commerce, 1134 et 1315 du code civil, D321-1 et D321-2 du code de tourisme, de :
Confirmer la décision en ce qu’elle a débouté Mme [S] de sa demande de production sous astreinte des bilans et comptes d’exploitation de la résidence Les Mazets de Camargue ainsi que les attestations de classement résidence de tourisme,
Réformer la décision entreprise en toutes ses autres dispositions,
Condamner Mme [S] à payer à la SAS Compagnie de tourisme camarguaise la somme de 26986,71 euros TTC à titre d’indemnité d’éviction,
À titre subsidiaire :
Désigner tel expert qui plaira à la cour avec mission de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction due à la SAS Compagnie de tourisme camarguaise,
Condamner Mme [S] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner Mme [S] aux entiers dépens d’instance et d’appel avec distraction en ce qui concerne ces derniers au profit de Maître Cagnol, avocat sur son affirmation de droit.
Par conclusions déposées et notifiées le 16 octobre 2020, Mme [S] demande à la cour, vu les articles L.145-17 et suivants du code de commerce, L.321-2, D.321-2, D.321-3 du code du tourisme, de :
‘Injonction de communication
Il est fait injonction à la Compagnie de tourisme camarguaise de :
– communiquer à la procédure toutes les attestations de classement de la résidence depuis l’origine du bail,
– communiquer à la procédure de rapport de l’organisme certificateur sur la base duquel le classement a été obtenu en 2017,
– communiquer à la procédure les bilans complets de ses deux dernières années d’exercice.
Au fond,
Déclarer les demande de la Compagnie de tourisme camarguaise mal fondées,
Débouter la Compagnie de tourisme camarguaise de ses fins et prétentions,
Déclarer la demande de Mme [S] recevable et bien fondée, y faisant droit,
Constater la validité du congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motifs graves et légitimes du 12 avril 2016,
Constater que les fautes du preneur évoquées par Mme [S] prises isolément ou réunies constituent des motifs suffisamment graves et légitimes pour refuser le versement d’une quelconque indemnité d’éviction à la Compagnie de tourisme camarguaise,
Débouter la Compagnie de tourisme camarguaise de ses demandes et spécialement de sa demande de versement d’une indemnité d’éviction,
À titre subsidiaire, désigner tel expert qu’il plaira afin de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction,
En tout état de cause,
Constater la rupture du bail au 31 octobre 2016 par l’effet du congé délivré le 12 avril 2016,
Condamner la Compagnie de tourisme camarguaise au paiement de l’intégralité des charges de copropriété hormis les dépenses de travaux concernant l’article 606 du code de procédure civile,
Ordonner l’expulsion de la Compagnie de tourisme camarguaise des lieux loués à savoir : le lot de copropriété n°14 correspondant à un appartement de type T3 ainsi que le parking n°66 et les millièmes de copropriété attachés dépendant de la résidence de tourisme Les Mazets de Camargue sis à [Localité 4], au besoin avec le concours d’un serrurier et de la force publique, le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
Condamner la Compagnie de tourisme camarguaise à payer à Mme [S] une indemnité d’occupation fixée sur la base d’une valeur locative du bien de 40% du chiffre d’affaires annuel TTC que la cour retiendra pour le lot dont la concluante est propriétaire, à quoi se rajoutent toutes les taxes et charges afférentes au bien,
Condamner la Compagnie de tourisme camarguaise à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la Compagnie de tourisme camarguaise aux entiers frais et dépens de la présente procédure en ceux compris les frais d’huissier liés à la signification de la mise en demeure, du congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motifs graves et légitimes,
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel’.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2023.
MOTIFS :
Mme [S] énonce dans le dispositif de ses écritures qu’il est fait injonction à la Compagnie de tourisme camarguaise de communiquer certains documents, sans solliciter de la cour qu’elle prononce une telle injonction, et sans solliciter l’infirmation de la disposition du jugement ayant rejeté la demande de production des bilans et comptes d’exploitation de la résidence les Mazets de Camargue ainsi que les attestations de classement en résidence de tourisme.
La cour considère en conséquence qu’elle n’est saisie d’aucun appel incident et d’aucune demande d’injonction de communiquer.
Aux termes de l’article L.145-17-I-1° du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. Toutefois, s’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l’article L.145-8, l’infraction commise par le preneur en peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelé plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extra-judiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa.
Aux termes de l’article L.245-9 alinéa 5 du même code, le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé à été donné.
Sur les griefs énoncés aux termes de l’acte de congé délivré le 12 avril 2016 :
La bailleresse reproche en premier lieu à la locataire’l’absence totale d’entretien voir la suppression des loisirs, équipements, restaurants, bars et espaces verts du site entraînant l’impossibilité d’offrir les services et équipements initiaux de l’immeuble, nécessaires à l’exploitation de la résidence de tourisme, tels que golf, piscine, équitation, bar, restaurant…’
Elle rappelle qu’aux termes de l’article 5 du bail le preneur s’est engagé à entretenir les lieux en bon état de réparation locative et les entretenir pendant le cours du bail, acquitter de ses deniers, sans répercussion ou incidence sur le bailleur, la rémunération du personnel d’accueil, de réception et de ménage, la fourniture du linge de lit et de maison, l’entretien et la maintenance des parties privatives ainsi que tous les frais nécessités par l’exercice de l’activité du preneur,
Elle soutient d’une part qu’au titre des ‘équipements communs’, dont elle estime que l’entretien incombe au preneur selon le bail, figurent nécessairement la piscine, le golf, les terrains de tennis et l’équitation, indispensables à l’activité de la résidence les Mazets de Camargue ainsi que cela résulte de la lecture des documents publicitaires qui les mentionnent comme une partie intégrante de l’offre et que les nombreuses références dans le bail à la notion d’ ‘équipements communs’ de l’ensemble immobilier démontrent que ces installations sont comprises dans l’emprise de la location.
Toutefois, sur les 35 hectares que constitue le lotissement intitulé ‘ village camarguais’ sont répartis cinq résidences de tourisme distinctes qui constituent des copropriétés distinctes et un hôtel, propriété d’un particulier. L’arrêté préfectoral de lotir du 26 mars 1984 prévoit le partage du terrain en plusieurs zones dont des terrains destinés à recevoir des équipements communs et des terrains destinés à recevoir une affectation privative. L’association syndicale libre du domaine de l’Estajan constituée le 6 novembre 1986 a pour objet l’acquisition de la voirie de desserte ainsi que les terrains et équipements communs au lotissement et leur gestion.
Le règlement de copropriété établi le 25 janvier 2002 visant la résidence les Mazets de Camargue indique qu’elle comprend 50 logements, 62 emplacements de stationnement en surface et 2 emplacements de stationnement dans le bâtiment, un local de piscine, un local poubelles et sanitaires et l’ensemble de parties communes de la copropriété tels que voiries et espaces verts et en page 10, il précise que sont parties communes ‘ la voirie d’accès et la desserte intérieure, le passage de piétons, l’éclairage extérieur, le logement du gardien ‘ et au titre des parties communes spéciales aux logements comprend les espaces verts, la piscine, le bâtiment de réception et les locaux techniques’. Ce document restreint les parties communes de la résidence aux espaces verts environnants et à une piscine, en excluant les autres bassins, les espaces verts éloignés et le golf ou le centre équestre.
Le règlement de copropriété du lotissement du ‘domaine de l’Estajan’ définit comme étant des parties communes générales appartenant à l’ensemble des copropriétaires du lotissement, opposées aux parties communes réservées à chaque bâtiment collectif, comme étant ‘les jardins, les espaces intérieurs non réservés à la jouissance exclusive d’un copropriétaire déterminé, les canalisations, gaines, réseaux de toute nature, les clôtures, haies et murs séparatifs, la piscine avec ses bassins et ses aménagements extérieurs et les équipements nécessaires à son utilisation, les courts de tennis avec leurs aménagements extérieurs et les équipements nécessaires à leur utilisation et les emplacements extérieurs de voiture à usage commun, le lac et ses abords…’.
L’association syndicale libre créée le 22 juillet 1986 et composée de toute personne faisant l’acquisition d’un lot dans l’une des copropriétés dépendantes de l’ensemble du lotissement ‘Domaine de l’Estajan’ a pour mission de gérer et d’entretenir des ‘équipements communs du lotissement ‘.
Il résulte de la lecture de ces documents que cohabitent deux catégories d’espaces verts et équipements communs, ceux dévolus à une copropriété particulière, gérés par le syndic de chaque copropriété et ceux communs au lotissement dont l’entretien incombe à l’ensemble des copropriétés par le biais de l’association syndicale libre.
Aucune clause du bail ne permet de mettre à la charge du preneur une quelconque obligation d’entretien ou d’accès concernant des équipements ne dépendant pas de la copropriété.
Les facilités d’accès à des équipements extérieurs qui ont pu être offertes à la clientèle et la communication commerciale de la société Maeva sont indépendantes du bail et n’ont pu générer aucune obligation du preneur à l’égard du bailleur.
S’agissant des éléments d’équipements communs de la copropriété, l’article 5-4 du bail oblige le preneur ‘à entretenir les lieux loués en bon état de réparations locatives et d’entretien pendant le cours du bail’, étant précisé que l’article 2 définit la chose louée comme étant les locaux meublés et ‘les quotes parts des parties communes générales et particulières attachées à ces locaux, y compris celles afférentes aux éléments d’équipements communs’.
L’obligation d’entretien concernant les quotes parts des parties communes attachées au lot loué ne peut toutefois se traduire que par l’obligation de payer les charges de copropriété y afférentes, étant rappelé que la société Compagnie de tourisme camarguaise ne peut avoir aucune obligation d’entretien concernant les quotes parts des parties communes attachées aux nombreux lots de la copropriété dont elle n’est pas locataire.
La gestion des parties communes incombe au syndic conformément à l’article 70 du règlement de copropriété. Les appels de charges produits par les intimés comportent d’ailleurs un poste relatif au contrat d’entretien de la piscine, et les points 13 à 19 examinés lors de l’assemblée générale du 25 avril 2015 de la copropriété les Mazets de Camargue portent sur divers travaux de mise aux normes, vérifications des canalisations, réfection des joints et dallages de la piscine, confirmant les attributions de l’assemblée générale des copropriétaires en la matière.
Le premier grief énoncé aux termes du congé du 12 avril 2016 n’est en conséquence pas fondé et ne peut être valablement invoqué à l’appui du refus de paiement d’une indemnité d’éviction.
Le deuxième grief énoncé aux termes du congé du 12 avril 2016 est la suppression du service de gardiennage et du service de réception 24/24.
Toutefois, lors de l’assemblée générale de l’association syndicale libre du Domaine de l’Estajan le 25 mars 2014, l’installation d’un système de sécurité et de vidéo surveillance a été votée à la majorité absolue des voix, l’assemblée générale précisant que ce système avait vocation à pallier l’absence de gardien dont le service avait été suspendu depuis plusieurs années par décision du conseil de syndic.
Par assemblée générale du 25 avril 2015, les copropriétaires des Mazets de Camargue ont abordé la question de la clé de répartition des charges résultant de l’installation de ce service de vidéo surveillance du site en remplacement du gardiennage, démontrant que les bailleurs sont, depuis cette date au moins, valablement informés de cette modification dont de surcroît, le preneur n’est pas l’auteur.
Il est ainsi établi que la prestation de gardiennage relevait des attributions de l’ASL du Domaine de l’Estajan et non des obligations de l’appelante vis à vis du bailleur.
Par ailleurs, aucune clause du bail ne met à la charge de la société preneuse une obligation de maintenir un service de réception 24 heures sur 24.
Le troisième grief énoncé à l’appui du congé du 12 avril 2016 est le non-paiement des charges de copropriété.
Le congé et la mise en demeure délivrés le 12 avril 2016 mentionnent ce manquement sans aucune précision du montant et de la nature des charges prétendument impayées.
La société Compagnie de tourisme camarguaise fait valoir à juste titre que s’agissant d’un manquement pouvant être régularisé dans le mois de la délivrance de la mise en demeure, cette absence de précision rend le grief inefficient.
N’apportant, dans ses écritures d’appel, aucune précision sur l’impayé allégué, l’intimée n’apporte pas la preuve du non-paiement par le preneur de charges récupérables au sens de l’article 5-7 du bail.
La bailleresse reproche en quatrième lieu à la société preneuse un défaut d’entretien des parties privatives en bon état de réparation locative et d’entretien pendant le cours du bail.
Aucun élément probant de l’état du mazet appartenant à Mme [S] n’est produit concernant la période antérieure au congé, le procès-verbal de constat d’huissier établi le 2 mai 2015 à la demande d’autres requérants ne comportant aucune constatation se rapportant au lot de l’intimée.
Aucun manquement du preneur n’est en conséquence caractérisé de ce chef.
Le dernier grief énoncé dans l’acte de congé est le non-règlement du loyer en nature.
Mme [S] rappelle qu’aux termes de l’article 6 du bail, les parties se sont accordées pour fixer le loyer de la manière suivante :
Un loyer annuel TTC constant en numéraire égal à 1 247,31euros,
Un ‘loyer en nature correspondant à la contre valeur TTC déterminée sur la base de 75% du prix catalogue Maeva de la sous-location au bailleur de 6 semaines de séjours telle que définies à l’article 9’.
Elle fait valoir qu’elle ne bénéficie plus de la contrepartie au loyer constituée par l’accès à des séjours offerts dans la catalogue MAEVA à un prix réduit et que les propositions de substitution proposées ne sont pas de qualité équivalente.
Toutefois, il convient de noter que l’article 6 du bail renvoie expressément à l’article 9 du même bail qui précise ‘ le bailleur bénéficiera pendant toute la durée du bail, d’un droit de réservation prioritaire portant sur 6 semaines Week end ou ponts chaque année se composant comme suit:
2 semaines en très haute et haute saison,
2 semaines en moyenne saison,
2 semaines en basse saison,
Les saisons étant définies conformément au document de la bourse d’échange Maeva diffusé annuellement ….’;
L’article 9 permet donc uniquement de caractériser les différentes périodes de l’année. Seul l’article 11 du bail indique sous l’intitulé ‘ Bourse d’échange Maeva’ ‘les semaines de sous-location pourront être échangées dans le cadre de la bourse d’échange Maeva moyennant des frais de dossier fixé forfaitairement chaque année par semaine échangée’.
Il n’est pas contesté par la bailleresse que dès le 24 mai 2013, lors de la cession du fonds de commerce de la société Maeva au profit de la Compagnie de tourisme camarguaise, elle a été informée qu’elle bénéficiait de l’accès à la bourse d’échange du groupe Pierre et Vacances et Center Parc pour exercer ses droits de séjour conformément aux clauses du bail et obtenir le paiement du loyer en nature.
La bailleresse estime cependant que les prestations offertes sont d’une qualité et donc d’une valeur moindre, sans pour autant en justifier, s’agissant de surcroît, d’une appréciation très subjective qui n’est pas de nature à constituer un manquement fautif du preneur à ses obligations contractuelles justifiant un congé sans indemnité d’éviction.
La cour relève par ailleurs qu’il est stipulé à l’article 11 du bail intitulé ‘Bourse d’échange Maeva’ que ‘la bourse d’échange est susceptible d’évoluer chaque année en fonction des variations des calendriers et des résidences gérées’, de sorte que la bailleresse ne peut se prévaloir d’une intangibilité de l’offre concernant les possibilités d’échanges des semaines de sous-location.
Par ailleurs, la liberté pour le preneur de céder son bail, stipulée à l’article 5-9° du bail, implique nécessairement la possibilité d’une modification de l’offre de bourse d’échange.
Ce grief sera en conséquence également jugé inopérant.
Sur les autres griefs invoqués dans le cadre de la présente instance :
Mme [S] prétend que l’activité exploitée par la société Compagnie de tourisme camarguaise ne répond plus aux conditions posées par l’article D.321-2 du code du tourisme pour bénéficier du classement en résidence de tourisme, notamment celle relative au pourcentage de lots de la résidence pris à bail par la société exploitante.
Elle précise que ce n’est qu’à l’occasion de la présente procédure qu’elle a pu connaître le nombre exact des lots de la résidence donnés à bail à la Compagnie de tourisme camarguaise, de sorte qu’elle ignorait à la date du congé que les seuils imposés par le texte précité n’étaient pas atteints.
Elle invoque une violation de l’article 4 du bail aux termes duquel la destination prévue est celle de résidence de tourisme classée.
Elle prétend que la perte du classement en résidence de tourisme entraînera l’impossibilité pour elle d’exploiter son bien sauf à se trouver en infraction au règlement de copropriété et risque de l’exposer à des réclamations de l’administration fiscale.
Il résulte cependant des propres explications de Mme [S] que la résidence était classée en 2017 ainsi que l’intimée a pu le vérifier sur le site de l’organisme officiel Atout France.
Les interrogations exprimées par l’intimée sur une hypothétique discontinuité du classement au cours du bail ou obtention frauduleuse du classement ne permettent pas d’établir la réalité du manquement allégué.
D’autre part, la Compagnie de tourisme camarguaise fait valoir à juste titre que Mme [S], qui a décidé elle-même de sortir du système de gestion de résidence de tourisme, pourra donner son mazet en location ainsi que le permet l’article 16 du règlement de copropriété, et que la perte éventuelle du classement en résidence de tourisme est sans incidence possible sur les avantages fiscaux dont la bailleresse a bénéficié et qui ne peuvent être remis en cause.
Le grief tiré d’une prétendue dépossession des lots d’exploitation résultant du démembrement du site par Maeva n’est pas recevable en ce qu’il résulte d’une situation survenue très antérieurement au congé délivré le 12 avril 2016.
Il est au surplus mal fondé puisque comme il a été dit précédemment, le lotissement a toujours été constitué de copropriété distinctes.
En l’absence de démonstration par la bailleresse de manquements de la Compagnie de tourisme camarguaise avérés et d’une gravité suffisante, le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit que la Compagnie de tourisme camarguaise sera privée de toute indemnité d’éviction.
Sur l’indemnité d’éviction due par les bailleurs et l’indemnité d’occupation due par le preneur :
Le congé signifié à la Compagnie de tourisme camarguaise le 12 avril 2016 ouvre droit au profit de cette dernière au paiement d’une indemnité d’éviction, calculée conformément aux dispositions de l’article L.145-14 alinéa 2 du code de commerce qui dispose que cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
La société Compagnie de tourisme camarguaise sollicite à ce titre la condamnation de la bailleresse au paiement d’une somme de 26986,71 euros TTC, calculée sur la base du chiffre d’affaires HT réalisé en 2013 et 2014 sur les appartements de la copropriété, proratisé par rapport aux tantièmes de copropriété détenus par la bailleresse, augmenté de la TVA et d’une commission ‘tours opérateurs’.
En l’état des contestations soulevées par les bailleurs et en l’absence d’éléments suffisants d’appréciation, il y a lieu de recourir à une mesure d’expertise sur la détermination de l’indemnité d’éviction.
L’expert aura également pour mission de donner son avis sur l’indemnité d’occupation due par le preneur entre la date d’effet du congé et la date de libération des lieux, calculée conformément aux articles L.145-28 et L.145-33 du code de commerce.
Les dépens seront réservés ainsi que les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Infirme, dans les limites de sa saisine, le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Dit que le congé signifié le 12 avril 2016 par Mme [R] [S] à la société Compagnie de tourisme camarguaise ouvre droit au profit de cette dernière au paiement d’une indemnité d’éviction,
Dit que la société Compagnie de tourisme camarguaise est redevable pour la période écoulée entre le 1er novembre 2016 et la date de son départ des lieux loués, d’une indemnité d’occupation déterminée conformément aux articles L.145-28 et L.145-33 du code de commerce,
Avant dire droit sur le surplus des demandes :
Désigne en qualité d’expert Mme [I] [L], [Adresse 1], [Courriel 3], inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, avec mission de :
– entendre les parties et leurs avocats en leurs observations, recueillir toutes informations, entendre tous sachants, se faire remettre tous documents utiles à sa mission,
– donner son avis sur le montant de l’indemnité d’éviction due à la société Compagnie de tourisme camarguaise ensuite du congé délivré par la bailleresse le 12 avril 2016,
– donner son avis sur le montant de l’indemnité d’occupation due par le preneur à compter du 1er novembre 2016 et la date de son départ des lieux loués,
– faire toutes observations techniques utiles à la solution du litige,
Dit que l’expert fera connaître sans délai son acceptation et que, dans l’hypothèse d’un refus ou d’un empêchement légitime, il sera aussitôt pourvu à son remplacement,
Dit qu’il sera procédé aux opérations d’expertise en présence des parties ou celles-ci régulièrement convoquées et leurs conseils avisés selon les formes de l’article 160 du code de procédure civile,
Dit que la Compagnie de tourisme camarguaise devra consigner auprès de la régie d’avances et de recettes de la cour la somme de 2500 euros à valoir sur les frais d’expertise au plus tard le 5 mai 2023,
Dit qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l’expert sera caduque,
Dit que l’expert ne pourra commencer sa mission qu’à compter de l’avis de consignation délivré par le greffe,
Dit qu’après avoir établi un pré-rapport et répondu aux dires des parties, l’expert devra déposer son rapport et en adresser copie à chacune des parties avant le 13 octobre 2023, délai de rigueur, sauf prorogation qui serait accordée sur rapport de l’expert à cet effet,
Rappelle que le dépôt par l’expert de son rapport est accompagné de sa demande de rémunération, dont il adresse un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d’en établir la réception. S’il y a lieu, celles-ci adressent à l’expert et à la juridiction ou, le cas échéant, au conseiller chargé de contrôler les mesures d’instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception,
Désigne le conseiller de la mise en état de la chambre pour surveiller les opérations d’expertise et ordonner le remplacement de l’expert en cas de refus ou d’empêchement,
Dit qu’après le dépôt du rapport d’expertise, l’affaire sera audiencée à la diligence du conseiller de la mise en état.
LE GREFFIER LE PRESIDENT