6 avril 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/01245
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT MIXTE
DU 06 AVRIL 2023
Expertise
N°2023/76
Rôle N° RG 20/01245 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFQBW
SAS COMPAGNIE DE TOURISME CAMARGUAISE
C/
[E] [P]
[W] [D] épouse [P]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Patrick CAGNOL
Me Pascal ALIAS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire de TARASCON en date du 16 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 16/01935.
APPELANTE
SAS COMPAGNIE DE TOURISME CAMARGUAISE, dont le siège est sis [Adresse 7]
représentée par Me Patrick CAGNOL de l’ASSOCIATION CM AVOCATS MARSEILLE, avocat au barreau de MARSEILLE, et assistée de Me Richard DAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [E] [P]
né le 15 Avril 1959 à [Localité 6] (Marne), demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Pascal ALIAS de la SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Franck MERKLING, avocat au barreau de STRASBOURG
Madame [W] [D] épouse [P]
née le 24 Décembre 1962 à [Localité 6] (Marne), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Franck MERKLING, avocat au barreau de STRASBOURG
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits, prétentions et procédure :
Par acte du 31 décembre 2002, Monsieur [E] [P] et Madame [W] [P] née [S] ont acquis de la société SOGIM un lot de copropriété n° 107 composé d’un appartement T3 ainsi qu’un parking lot n°187 et les millièmes de copropriété y afférents, au sein de la résidence de Tourisme ‘ [Adresse 9]’ située à [Localité 4].
Par acte du 20 janvier 2003, Monsieur et Madame [P] ont donné à bail commercial pour une durée de 11 ans, les locaux à la société Maeva, aux droits de laquelle est venue la société Compagnie de Tourisme Camarguaise.
L’échéance du bail était fixée au 31 octobre 2014 et le bail s’est poursuivi par tacite prolongation à l’issue du terme.
La résidence ‘[Adresse 9]’ à destination de résidence de tourisme se situe au sein d’un ensemble immobilier constitué de cinq copropriétés exploitées sous forme de résidence de tourisme, d’un hôtel et de plusieurs équipements de loisirs, constituant [Adresse 5]. L’association syndicale libre du [Adresse 5], constituée le 6 novembre 1986 et qui a pour objet notamment la gestion et l’entretien de la voirie de desserte et des terrains et équipements communs au lotissement, perçoit de cotisations versées par les syndicats de chaque copropriété.
Monsieur et Madame [P] ont fait délivrer à leur locataire, le 31 mars 2015, au visa de l’article L 145-17-1°du code de commerce, une mise en demeure et un congé sans offre de renouvellement et sans d’indemnité d’éviction avec effet au 31 octobre 2015.
Aux termes de ces actes, les bailleurs reprochent à leur locataire les manquements suivants :
– absence totale d’entretien des équipements et espaces verts du site et impossibilité d’utiliser les équipements de la résidence tels que le golf et la piscine,
– suppression du service de gardiennage et du service de réception 24/24,
– non-règlement du loyer en numéraire,
– non règlement du loyer en nature.
Par acte en date du 12 octobre 2016, la société Compagnie de tourisme camarguaise a fait assigner Monsieur et Madame [P] devant le tribunal de grande instance de Tarascon aux fins d’entendre :
– condamner les bailleurs à lui payer une indemnité d’éviction d’un montant de
30 360,05euros TTC,
– dire que jusqu’au parfait et complet paiement de l’indemnité, elle aura droit au maintien dans les lieux aux clauses et conditions du bail expiré,
– subsidiairement, désigner tel expert avec mission de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction due
-condamner solidairement Monsieur et Madame [P] au paiement d’une somme de
3 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 16 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Tarascon a statué comme suit :
– rejette la demande avant-dire droit de production des bilans et comptes d’exploitation de la résidence [Adresse 9]
– déboute la Compagnie de tourisme camarguaise de toutes ses demandes,
– constate la validité du congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motif grave et légitime du 31 mars 2015 pour le 31 octobre 2015,
– dit que la Compagnie de tourisme camarguaise sera privée de toute indemnité d’éviction,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise et tout occupant de son chef à quitter les lieux loués au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise à payer à Monsieur et Madame [P] une indemnité d’occupation de 3000 euros par mois outre les charges incluant l’intégralité des charges de copropriété hormis les travaux de l’article 606 du code civil,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise à payer à Monsieur et Madame [P] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais d’huissier lié à la signification de la mise en demeure et du congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction,
– ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.
Le tribunal a retenu à cet effet :
– qu’aux termes de l’article 4 alinéa 3 du bail unissant les parties ‘le preneur bénéficiera de la jouissance des parties communes et éléments d’équipements collectifs de l’ensemble immobilier pendant toute la durée de l’exploitation sous forme de résidence de tourisme classée’,
– qu’il n’est pas contestable que depuis 2013, date d’achat par la demanderesse de la résidence [Adresse 9], il y a eu un démembrement de l’ensemble immobilier classé sous forme de résidence de tourisme, tant et si bien que même si le classement était valable jusqu’en 2017, l’éclatement de la structure prive de fait les bailleurs des installations qui se trouvaient dans d’autres structures comme par exemple les installations d’accueil situé sur la copropriété [Adresse 8], et le golf et la piscine situés sur d’autres copropriétés,
– que les dispositions de l’article 4 alinéa 3 du bail n’étaient donc plus respectées même si le classement résidence de tourisme était toujours valable,
– que si d’un point de vue fiscal, le demandeur démontre que la situation n’avait pas eu d’incidence, il ne pouvait prétendre que l’entretien des équipements et espaces verts ne lui incombaient pas car non situés sur sa copropriété, alors que c’est lui-même qui s’était placé dans cette situation en participant au démembrement lors de l’achat de la résidence les Mazets de Camargue qui avait privé son bailleur des éléments constitutifs d’un classement en résidence de tourisme,
– que ce démembrement était de plus corroboré par le fait que le bailleur ne pouvait plus bénéficier du loyer en nature correspondant à la contre-valeur TTC déterminé sur la base de 75 % du prix catalogue Maeva, car il n’avait plus accès au catalogue Maeva,
– que le comportement fautif du locataire devait donc être retenu sur ces points sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs,
– qu’au regard de ces éléments il s’avérait inutile d’accueillir la demande avant-dire droit de production des bilans et comptes d’exploitation de la résidence [Adresse 9].
La société Compagnie de tourisme camarguaise a interjeté appel de cette décision le 24 janvier 2020.
Par conclusions déposées et notifiées le 9 juillet 2020 la SAS Compagnie de Tourisme Camarguaise demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles L 145-9, L145-14, L 145-17 et L 145-28 du code de commerce,
Vu les dispositions de l’article 1134 et 1315 du code civil,
Vu les dispositions de l’article D321-1 et D321-2 du code de tourisme,
Confirmer la décision en ce qu’elle a débouté Monsieur et madame [P] de leur demande de production sous astreinte des bilans et comptes d’exploitation de la résidence [Adresse 9] ainsi que les attestations de classement en résidence de tourisme,
Réformer la décision entreprise en toutes ses autres dispositions,
Condamner Monsieur et Madame [P] à payer à la SAS Compagnie de Tourisme Camarguaise la somme de 30 360,05euros TTC à titre d’indemnité d’éviction,
A titre subsidiaire :
Désigner tel expert qui plaira à la cour avec mission de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction due à la SAS Compagnie de Tourisme Camarguaise,
Condamner Monsieur et madame [P] à payer la somme de 3 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner Monsieur et Madame [P] aux entiers dépens d’instance et d’appel avec distraction au profit de Maître Cagnol, avocat sur son affirmation de droit.
Par conclusions déposées et notifiées le 9 octobre 2020, Monsieur et Madame [P] demandent à la cour de :
Au visa de l’article L 145-17 du code de commerce,
Déclarer l’appel de la SAS Compagnie de Tourisme Camarguaise mal fondé,
Confirmer le jugement en ce qu’il ‘ – déboute la Compagnie de tourisme camarguaise de toutes ses demandes,
– constate la validité du congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motif grave et légitime du 31 mars 2015 pour le 31 mars 2015,
– dit que la Compagnie de tourisme camarguaise sera privée de toute indemnité d’éviction,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise et tout occupant de son chef a quitté les lieux loués au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise à payer à Monsieur et madame [P] une indemnité d’occupation de 3000 euros par mois outre les charges incluant l’intégralité des charges de copropriété hormis les travaux de l’article 606 du code civil,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise à payer à Monsieur et Madame [P] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais d’huissier lié à la signification de la mise en demeure et du congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction’
Sur l’appel incident :
Déclarer les demandes des consorts [P] bien fondées,
Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté les consorts [P] de leur demande avant dire droit visant à enjoindre à la SAS Compagnie de Tourisme Camarguaise de produire les bilans et comptes d’exploitation de la résidence [Adresse 9] pour les années 2016,2017 et 2018,
Infirmer le jugement en ce qu’il a limité la condamnation de la SAS Compagnie de Tourisme Camarguaise au paiement d’une indemnité ‘d’éviction'(sic) estimée à la somme de 3 000euros par mois outre les charges incluant l’intégralité des charges de copropriété hormis les travaux de l’article 606 du code civil, sans préciser le point de départ de l’indemnité,
Statuer à nouveau :
Avant dire droit :
Enjoindre à la SAS Compagnie de Tourisme Camarguaise de produire les bilans et comptes d’exploitation de la résidence ‘Les Mazets de Camargue’pour les années 2016,2017 et 2018,
Sur le fond :
Condamner la SAS Compagnie de Tourisme Camarguaise à payer aux consorts [P] une indemnité d’occupation correspondant à la valeur locative telle qu’estimée à 3 000euros par mois outre les charges incluant l’intégralité des charges de copropriété hormis les travaux de l’article 606 du code civil, rétroactivement à compter du 1er novembre 2015,
En tout état de cause :
Débouter la SAS Compagnie de Tourisme Camarguaise de l’intégralité de ses fins et prétentions,
Condamner la SAS Compagnie de Tourisme Camarguaise à payer aux consorts [P] la somme de 4 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la SAS Compagnie de Tourisme Camarguaise aux entiers dépens de la procédure d’appel, ainsi que ceux de la procédure de première instance, en ce compris les frais d’huissier liés à la signification de la mise en demeure, du congé sans offre de renouvellement, ainsi que les frais d’huissier liés à l’établissement du procès verbal d’état des lieux de sortie.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2023.
Motifs
Aux termes de l’article L.145-17-I-1° du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. Toutefois, s’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l’article L.145-8, l’infraction commise par le preneur en peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelé plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extra-judiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa.
Aux termes de l’article L.245-9 alinéa 5 du même code, le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé à été donné.
L’article 5 du bail commercial intervenu entre les parties prévoit que le preneur s’oblige à entretenir les lieux donnés à bail en bon état de réparation locative et les entretenir pendant le cours du bail, à acquitter de toute dépense locative nécessaire au bon fonctionnement de l’immeuble (eau, électricité, charges locatives de copropriété …).
Le congé délivré le 31 mars 2015 vise expressément quatre griefs contraires, selon les bailleurs, à l’article 5 du bail à savoir :
-une absence totale d’entretien des équipements et espaces verts du site entraînant l’impossibilité d’utiliser les équipements de la résidence tels que le golf et la piscine,
-la suppression du service de gardiennage et de réception 24h/24h,
-l’absence de règlement du loyer en numéraire et en nature.
Sur l’absence d’entretien des équipements et des espaces verts :
Les bailleurs soutiennent d’une part qu’au titre des ‘équipements communs’, dont l’entretien incombe au preneur selon le bail, figurent nécessairement la piscine, le golf et les tennis indispensables à l’activité de la résidence ‘[Adresse 9] ‘ ainsi que cela résulte de la lecture des documents publicitaires qui les mentionnent comme une partie intégrante de l’offre et que les nombreuses références dans le bail à la notion
d »équipements communs’ de l’ensemble immobilier démontrent que ces installations sont comprises dans l’emprise de la location.
Ils soutiennent d’autre part, que l’entretien des parties communes situées au sein de la copropriété de la résidence [Adresse 9] est également défectueux ainsi que cela résulte des procès verbaux établis par huissier.
Toutefois, sur les 35 hectares que constitue le lotissement intitulé ‘ village camarguais’ sont répartis cinq résidences de tourisme distinctes qui constituent des copropriétés distinctes et un hôtel, propriété d’un particulier. L’arrêté préfectoral de lotir du 26 mars 1984 prévoit le partage du terrain en plusieurs zones dont des terrains destinés à recevoir des équipements communs et des terrains destinés à recevoir une affectation privative. L’association syndicale libre du [Adresse 5] constituée le 6 novembre 1986 a pour objet l’acquisition de la voirie de desserte ainsi que les terrains et équipements communs au lotissement et leur gestion.
Le règlement de copropriété établi le 25 janvier 2002 visant la résidence ‘[Adresse 9]’ indique qu’elle comprend 50 logements, 62 emplacements de stationnement en surface et 2 emplacements de stationnement dans le bâtiment, un local de piscine, un local poubelles et sanitaires et l’ensemble de parties communes de la copropriété tels que voiries et espaces verts et en page 10, il précise que sont parties communes ‘ la voirie d’accès et la desserte intérieure, le passage de piétons, l’éclairage extérieur, le logement du gardien ‘ et au titre des parties communes spéciales aux logements comprend les espaces verts, la piscine, le bâtiment de réception et les locaux techniques’. Ce document restreint les parties communes de la résidence aux espaces verts environnant et à une piscine, en excluant les autres bassins, les espaces verts éloignés et le golf ou le centre équestre.
Le règlement de copropriété du lotissement du ‘[Adresse 5]’ définit comme étant des parties communes générales appartenant à l’ensemble des copropriétaires du lotissement, opposées aux parties communes réservées à chaque bâtiment collectif, comme étant ‘les jardins, les espaces intérieurs non réservés à la jouissance exclusive d’un copropriétaire déterminé, les canalisations, gaines, réseaux de toute nature, les clôtures, haies et murs séparatifs, la piscine avec ses bassins et ses aménagements extérieurs et les équipements nécessaires à son utilisation, les courts de tennis avec leurs aménagements extérieurs et les équipements nécessaires à leur utilisation et les emplacements extérieurs de voiture à usage commun, le lac et ses abords…’.
L’association syndicale libre créée le 22 juillet 1986 et composée de toute personne faisant l’acquisition d’un lot dans l’une des copropriétés dépendantes de l’ensemble du lotissement ‘[Adresse 5]’ a pour mission de gérer et d’entretenir des ‘équipements communs du lotissement ‘.
Il résulte de la lecture de ces documents que cohabitent deux catégories d’espaces verts et équipements communs, ceux dévolus à une copropriété particulière, gérés par le syndic de chaque copropriété et ceux commun au lotissement dont l’entretien incombent à l’ensemble des copropriétés par le biais de l’association syndicale libre.
Aucune clause du bail ne permet de mettre à la charge du preneur une quelconque obligation d’entretien ou d’accès concernant des équipements ne dépendant pas de la copropriété.
Les facilités d’accès à des équipements extérieurs qui ont pu être offertes à la clientèle et la communication commerciale de la société Maeva sont indépendantes du bail et n’ont pu générer aucune obligation du preneur à l’égard du bailleur.
L’article 5-4 du bail oblige le preneur ‘ à entretenir les lieux loués en bon état de réparations locatives et d’entretien pendant le cours du bail’, sachant que l’article 2 définit la chose louée comme étant les locaux meublés et ‘les quotes parts des parties communes générales et particulières attachées à ces locaux, y compris celles afférentes aux éléments d’équipements communs’. Cette référence à une notion ‘ équipements communs ‘ renvoie aux équipements communs de la copropriété et non ceux du lotissement.
Dés lors, il est incontestable que la gestion et l’entretien des équipements communs au lotissement, dont les bailleurs reprochent l’abandon au preneur, échoient à l’association syndicale libre qui en assume seule la charge, la clause 5-4 du bail ne visant que les équipements communs propres à la copropriété.
Maître [L], huissier de justice mandaté le 15 avril 2015 par les bailleurs pour constater les désordres, avec pour mission de constater le défaut d’entretien ‘ des infrastructures présentes comme les piscines, le terrain de golf, les terrains de tennis ou le centre équestre’a été à nouveau requis le 2 mai 2015 pour examiner les mêmes infrastructures et constater d’éventuelles interventions utiles.
Cependant, seules les constatations relatives à la piscine, qui fait partie des équipements propres à la copropriété les ‘[Adresse 9]’, sont pertinentes dans le présent débat, l’entretien du golf, des tennis et du centre équestre n’appartenant pas à la locataire.
L’obligation d’entretien concernant les quotes parts des parties communes attachées au lot loué ne peut toutefois se traduire que par l’obligation de payer les charges de copropriété y afférentes, étant rappelé que la société Compagnie de tourisme camarguaise ne peut avoir aucune obligation d’entretien concernant les quotes parts des parties communes attachées aux nombreux lots de la copropriété dont elle n’est pas locataire.
La gestion des parties communes incombe au syndic conformément à l’article 70 du règlement de copropriété. Les appels de charges produits par les intimés comportent d’ailleurs un poste relatif au contrat d’entretien de la piscine, et les points 13 à 19 examinés lors de l’assemblée générale du 25 avril 2015 de la copropriété [Adresse 9] portent sur divers travaux de mise aux normes, vérifications des canalisations, réfection des joints et dallages de la piscine, confirmant les attributions de l’assemblée générale des copropriétaires en la matière.
Le premier grief énoncé aux termes du congé du 31 mars 2015 n’est en conséquence pas fondé et ne peut être valablement invoqué à l’appui du refus de paiement d’une indemnité d’éviction
Sur la suppression du service de gardiennage et de réception 24h/24h :
Les époux [P] reprochent au preneur la suppression du service de gardiennage et de réception 24 heurs sur 24.
Toutefois, lors de l’assemblée générale de l’association syndicale libre du ‘[Adresse 5]’ le 25 mars 2014, l’installation d’un système de sécurité et de vidéo surveillance a été votée à la majorité absolue des voix, l’assemblée générale précisant que ce système avait vocation à pallier l’absence de gardien dont le service avait été suspendu depuis plusieurs années par décision du conseil de syndic.
Par assemblée générale du 25 avril 2015, les copropriétaires des ‘Mazets de Camargue’ ont abordé la question de la clé de répartition des charges résultant de l’installation de ce service de vidéo surveillance du site en remplacement du gardiennage, démontrant que les bailleurs sont, depuis cette date au moins, valablement informés de cette modification dont de surcroît, le preneur n’est pas l’auteur.
Il est ainsi établi que la prestation de gardiennage relevait des attributions de l’ASL du [Adresse 5] et non des obligations de l’appelante vis à vis des bailleurs.
Par ailleurs, aucune clause du bail ne met à la charge de la société preneuse une obligation de maintenir un service de réception 24 heures sur 24.
Dans leurs conclusions, les époux [P] visent également la perte du classement en résidence de tourisme et le défaut d’entretien des parties privatives.
Toutefois, ces motifs ne sont pas visés dans le congé délivré au preneur. Or, le bailleur ne peut en cours d’instance modifier les motifs invoqués dans le congé délivré au preneur et en substituer des différents ou en rajouter, sauf à justifier qu’il n’en aurait eu connaissance qu’après la délivrance du congé initial.
Concernant le classement en résidence de tourisme, outre que les bailleurs, en page 8 de leurs conclusions, reconnaissent que le classement obtenu est valable jusqu’en 2017 et que l’absence hypothétique de classement ne peut constituer un motif de congé en 2015, ne justifient pas leur connaissance tardive de ce motif. La perte de classement en résidence de tourisme, fut-elle avérée, ne peut constituer un motif valable.
Concernant les parties privatives, les bailleurs n’ont eu connaissance des dégradations dénoncées que par procès verbal établi le 6 août 2018 lors d’un constat dressé par Maître [L], huissier de justice, qui a noté des désordres liés à la vétusté des lieux et à l’usure normale après une occupation de 12 ans.
La réparation des détériorations résultant d’une usure normale de la chose pendant plusieurs années d’occupation n’incombe pas au preneur, sachant de surcroît que l’obligation du locataire à l’entretien et aux réparations locatives ne peut être exigée par le bailleur qu’en fin d’occupation.
Enfin, les marques mineures d’usure constatées dans les lieux loués ne revêtent pas le caractère de gravité suffisante pour justifier le prononcé de la résiliation du bail commercial et la déchéance du droit du preneur à l’indemnité d’éviction.
Sur l’absence de règlement en numéraire.
Ce reproche énoncé dans le congé délivré par les époux [P] n’a donné lieu à aucun argumentaire ou moyen de preuve dans le corps de leurs conclusions .
Sur l’absence de règlement du loyer en nature :
Les époux [P] indiquent qu’aux termes de l’article 6 du bail, les parties se sont accordées pour fixer le loyer de la manière suivante :
Un loyer annuel TTC constant en numéraire égal à 1 247,31euros,
Un ‘loyer en nature correspondant à la contre valeur TTC déterminée sur la base de 75% du prix catalogue Maeva de la sous-location au bailleur de 6 semaines de séjours telle que définies à l’article 9 ‘.
Ils font valoir qu’ils ne bénéficient plus de la contrepartie au loyer constituée par l’accès à des séjours offerts dans la catalogue MAEVA à un prix réduit et que les propositions de substitution proposées ne sont pas de qualité équivalente.
Toutefois, il convient de noter que l’article 6 du bail renvoie expressément à l’article 9 du même bail qui précise ‘ le bailleur bénéficiera pendant toute la durée du bail, d’un droit de réservation prioritaire portant sur 6 semaines Week end ou ponts chaque année se composant comme suit :
2 semaines en très haute et haute saison,
2 semaines en moyenne saison,
2 semaines en basse saison,
Les saisons étant définies conformément au document de la bourse d’échange Maeva diffusé annuellement ….’;
L’article 9 permet donc uniquement de caractériser les différentes périodes de l’année. Seul l’article 11 du bail indique sous l’intitulé ‘ Bourse d’échange Maeva’ ‘les semaines de sous-location pourront être échangées dans le cadre de la bourse d’échange Maeva moyennant des frais de dossier fixé forfaitairement chaque année par semaine échangée’.
Toutefois, il est acquis et non contesté par les bailleurs que dès le 24 mai 2013, lors de la cession du fonds de commerce de la société Maeva au profit de la Compagnie Camarguaise de Tourisme, ils ont été informés qu’ils bénéficiaient de l’accès à la bourse d’échange du groupe Pierre et Vacances et Center Parc pour exercer leur droit de séjour conformément aux clause du bail et obtenir le paiement du loyer en nature.
Les bailleurs estiment cependant que les prestations offertes sont d’une qualité et donc d’une valeur moindre, sans pour autant en justifier, s’agissant de surcroît, une appréciation très subjective qui n’est pas de nature à constituer un manquement fautif du preneur à ses obligations contractuelles de nature à justifier un congé sans indemnité d’éviction.
La cour relève par ailleurs qu’il est stipulé à l’article 11 du bail intitulé ‘Bourse d’échange Maeva’ que ‘la bourse d’échange est susceptible d’évoluer chaque année en fonction des variations des calendriers et des résidences gérées’, de sorte que les bailleurs ne peuvent de prévaloir d’une intangibilité de l’offre concernant les possibilités d’échanges des semaines de sous-location.
Par ailleurs, la liberté pour le preneur de céder son bail, stipulée à l’article 5-9° du bail, implique nécessairement la possibilité d’une modification de l’offre de bourse d’échange.
Ce grief sera en conséquence également jugé inopérant.
Sur l’indemnité d’éviction due par les bailleurs et l’indemnité d’occupation due par le preneur :
Le congé signifié à la Compagnie de tourisme camarguaise le 12 avril 2016 ouvre droit au profit de cette dernière au paiement d’une indemnité d’éviction, calculée conformément aux dispositions de l’article L.145-14 alinéa 2 du code de commerce qui dispose que cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
La société Compagnie de tourisme camarguaise sollicite à ce titre la condamnation des bailleurs au paiement d’une somme de 30 360,05 euros TTC, calculée sur la base du chiffre d’affaires HT réalisé en 2013 et 2014 sur les appartements de la copropriété, proratisé par rapport aux tantièmes de copropriété détenus par les bailleurs, augmenté de la TVA et d’une commission
‘tours opérateurs’.
En l’état des contestations soulevées par les bailleurs et en l’absence d’éléments suffisants d’appréciation, il y a lieu de recourir à une mesure d’expertise sur la détermination de l’indemnité d’éviction.
L’expert aura également pour mission de donner son avis sur l’indemnité d’occupation due par le preneur entre la date d’effet du congé et la date de libération des lieux, calculée conformément aux articles L.145-28 et L.145-33 du code de commerce.
Sur la demande de communication de documents :
Aux termes de l’article L.321-2 du code du tourisme, l’exploitant d’une résidence de tourisme classée doit tenir des comptes d’exploitation distincts pour chaque résidence. Il est tenu de les communiquer aux propriétaires qui en font la demande.
Une fois par an, il est tenu de communiquer à l’ensemble des propriétaires un bilan de l’année écoulée, précisant les taux de remplissage obtenus, les événements significatifs de l’année ainsi que le montant et l’évolution des principaux postes de dépense et de recettes de la résidence.
Le bail liant les parties ayant été conclu, selon son article 4, pour l’exercice par le preneur d’une activité d’exploitation de résidence de tourisme classée, la société Compagnie de tourisme camarguaise est soumise aux obligations du texte précité.
Il sera en conséquence fait droit à la demande de communication formée par les époux [P].
Les dépens seront réservés ainsi que les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Enjoint à la SAS Compagnie de tourisme camarguaise de produire les bilans et comptes d’exploitation de la résidence ‘Les Mazets de Camargue’pour les années 2016,2017 et 2018,
Dit que le congé signifié le 31 mars 2015 par Monsieur et madame [P] à la société Compagnie de tourisme camarguaise ouvre droit au profit de cette dernière au paiement d’une indemnité d’éviction,
Dit que la société Compagnie de tourisme camarguaise est redevable pour la période écoulée entre le 31 octobre 2015 et la date de son départ des lieux loués, d’une indemnité d’occupation déterminée conformément aux articles L.145-28 et L.145-33 du code de commerce,
Avant dire droit sur le surplus des demandes :
Désigne en qualité d’expert Mme [J] [Z], [Adresse 1], [Courriel 3], inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, avec mission de :
– entendre les parties et leurs avocats en leurs observations, recueillir toutes informations, entendre tous sachants, se faire remettre tous documents utiles à sa mission,
– donner son avis sur le montant de l’indemnité d’éviction due à la société Compagnie de tourisme camarguaise ensuite du congé délivré par les bailleurs le 31 mars 2015,
– donner son avis sur le montant de l’indemnité d’occupation due par le preneur à compter du 31 octobre 2015et la date de son départ des lieux loués,
– faire toutes observations techniques utiles à la solution du litige,
Dit que l’expert fera connaître sans délai son acceptation et que, dans l’hypothèse d’un refus ou d’un empêchement légitime, il sera aussitôt pourvu à son remplacement,
Dit qu’il sera procédé aux opérations d’expertise en présence des parties ou celles-ci régulièrement convoquées et leurs conseils avisés selon les formes de l’article 160 du code de procédure civile,
Dit que la Compagnie de tourisme camarguaise devra consigner auprès de la régie d’avances et de recettes de la cour la somme de 2500 euros à valoir sur les frais d’expertise au plus tard le 5 mai 2023,
Dit qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l’expert sera caduque,
Dit que l’expert ne pourra commencer sa mission qu’à compter de l’avis de consignation délivré par le greffe,
Dit qu’après avoir établi un pré-rapport et répondu aux dires des parties, l’expert devra déposer son rapport et en adresser copie à chacune des parties avant le 13 octobre 2023, délai de rigueur, sauf prorogation qui serait accordée sur rapport de l’expert à cet effet,
Rappelle que le dépôt par l’expert de son rapport est accompagné de sa demande de rémunération, dont il adresse un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d’en établir la réception. S’il y a lieu, celles-ci adressent à l’expert et à la juridiction ou, le cas échéant, au conseiller chargé de contrôler les mesures d’instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception,
Désigne le conseiller de la mise en état de la chambre pour surveiller les opérations d’expertise et ordonner le remplacement de l’expert en cas de refus ou d’empêchement,
Dit qu’après le dépôt du rapport d’expertise, l’affaire sera audiencée à la diligence du conseiller de la mise en état.
LE GREFFIER LE PRESIDENT