11 avril 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
22/02671
ARRET N°174
N° RG 22/02671 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GVBJ
S.E.L.A.R.L. [X]
S.A.S. CARIGIL
C/
[N]
[V]
[W]
[V]
[V]
[V]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 11 AVRIL 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02671 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GVBJ
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 10 octobre 2022 rendue par le conseiller de la mise en état de la 2ème Chambre civile de la cour d’appel de Poitiers.
APPELANTES :
S.E.L.A.R.L. HUMEAU
[Adresse 7]
[Adresse 7]
S.A.S. CARIGIL
[Adresse 10]
[Localité 3]
ayant toutes les deux pour avocat Me Olivier BERTRAND de la SELARL BERTRAND, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMES :
Madame [J] [N] épouse [V] représenté par son tuteur M. [O] [V]
née le 14 Décembre 1922 à [Localité 9]
[Adresse 10]
[Localité 3]
Monsieur [O] [V]
né le 22 Janvier 1944 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Madame [Y] [W] épouse [V]
née le 19 Décembre 1949 à [Localité 11]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Monsieur [H] [V]
né le 25 Mai 1973 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Madame [D] [V]
née le 01 Mars 1978 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Mademoiselle [S] [V]
née le 28 Novembre 2001 à [Localité 3]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
ayant tous pour avocat Me Jean-Hugues MORICEAU de la SELARL E-LITIS SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de SAINTES
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller qui a présenté son rapport
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS
Par acte sous signatures privées du 26 juillet 1991, les consorts [V] ont donné à bail commercial à la société Carigil des locaux à destination d’hôtel-restaurant situés à [Localité 3] pour une durée de 9 années à compter du 1er aout 1991, bail qui a été renouvelé.
Par acte du 15 avril 2011, les consorts [V] (l’indivision successorale) a renouvelé le bail commercial à compter du 1er avril 2011.
Par jugement du 18 juillet 2013, le tribunal de commerce de Saintes a prononcé le redressement judiciaire de la société Carigil et désigné la selarl [X] en qualité de mandataire judiciaire.
Par acte du 17 octobre 2013, les consorts [V] ont assigné la société Carigil devant le tribunal de grande instance de Saintes afin de voir prononcer la résiliation du bail, ordonner son expulsion.
Par jugement du 31 juillet 2014, la société Carigil a fait l’objet d’un plan de redressement.
Par jugement du 4 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Saintes a constaté la résiliation du bail commercial existant entre les consorts [V] et la société Carigil, a ordonné l’expulsion, et condamné la société Carigil au paiement d’une indemnité d’occupation de 2591,33 euros par mois à compter du jugement.
La société Carigil a fait appel du jugement.
Par arrêt du 29 novembre 2016, la cour a infirmé le jugement en toutes ses dispositions et avant dire droit sur la demande de résolution du bail pour défaut d’entretien des lieux loués et sur l’ensemble des demandes respectives des parties, ordonné une expertise judiciaire.
L’expert a déposé son rapport le 13 mars 2019.
Il a relevé l’absence d’installation de chauffage permettant l’ usage de l’hôtel en période froide, que 9 chambres sur 37 étaient inutilisables, que l’origine des infiltrations, source de moisissures n’était pas traitée, que le ravalement des façades à la charge du locataire était impossible sans réparations préalables des structures.
Il a estimé que les bâtiments n’avaient pas été régulièrement entretenus dans les décennies précédentes, défaut affectant le clos, le couvert, les ouvrages annexes.
Par conclusions au fond après expertise du 27 juin 2019, la société Carigil a demandé la condamnation du bailleur à faire réaliser les travaux permettant l’exploitation, la jouissance des locaux et à l’autoriser à consigner ses loyers.
Par conclusions du 31 juillet 2019, le bailleur a conclu à la confirmation du jugement qui avait constaté la résiliation du bail pour manquement du locataire à son obligation d’entretien, ordonné son expulsion, au débouté des demandes reconventionnelles du locataire.
Il a demandé sa condamnation à lui payer une indemnité d’occupation mensuelle de 6000 euros par mois, de fixer une créance au passif de la société Carigil à la somme de 500 000 euros dans l’attente de l’état des lieux de sortie.
Par courrier du 27 novembre 2019, les conseils du bailleur et du locataire demandaient le renvoi de l’affaire qui avait été fixée faisant état de discussions avec un promoteur intéressé par l’acquisition du foncier et du fonds de commerce.
Par lettre recommandée du 2 janvier 2020, la société Carigil a demandé le renouvellement du bail commercial.
Par acte extra judiciaire signifié les 25 et 28 février 2020, le bailleur a signifié son refus de renouvellement du bail pour manquement grave du locataire à ses obligations.
Par dernières conclusions sur incident notifiées le 23 juin 2022, les consorts [V] ont demandé au conseiller de la mise en état de :
-constater que la société Carigil est déchue de tous droits d’occupation depuis le 28 mars 2022
-dire irrecevables les demandes de la société Carigil et de Maître [X] relatives au défaut d’entretien des locaux, à la condamnation du bailleur à faire réaliser des travaux, à la consignation des loyers,
-condamner la société Carigil à leur verser une indemnité d’occupation mensuelle de 6000 euros à compter d’avril 2022 jusqu’à son départ, à libérer les lieux sous astreinte,
-ordonner son expulsion.
-dire irrecevables et en tout cas mal fondées les demandes reconventionnelles formées devant le conseiller de la mise en état.
Par conclusions du 27 mai 2022, la société Carigil et Maître [X] ont demandé au conseiller de la mise en état de :
-dire irrecevables les demandes des consorts [V] pour défaut du droit d’agir, perte de qualité et de l’intérêt à agir,
-dire inopposables au commissaire à l’exécution du plan les demandes d’irrecevabilité des appelants découlant de la responsabilité du bailleur par défaut d’entretien,
-Subsidiairement, les dire mal fondées
-sur les demandes reconventionnelles
-ordonner la comparution personnelle des parties
-condamner le bailleur à lui payer une provision de 600 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice résultant de l’échec imputable au bailleur de la cession de son fonds de commerce.
Par ordonnance du 10 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a notamment statué comme suit :
-déclarons recevables les demandes formées sur incident par les consorts [V]
– disons que la société CARIGIL a perdu à compter du 31 mars 2020 la qualité de locataire des locaux situés à [Adresse 10],
– déclarons en conséquence irrecevables les demandes de la société CARIGIL et de la SELARL [X], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société CARIGIL,
‘ visant à voir dire et juger de la responsabilité du bailleur le défaut d’entretien des locaux,
‘ visant à voir condamner in solidum les Consorts [V] à faire réaliser les travaux propres à remédier aux désordres constatés et permettre une exploitation et une jouissance normale des locaux commerciaux, objets du bail renouvelé du 15 avril 2011 sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
‘ visant à voir autoriser la SAS CARIGIL à consigner ses loyers sur tel compte ouvert par elle à cet effet auprès de la Caisse des dépôts et de consignation jusqu’à justification par les Consorts [V] et par tout moyen de nature à lui donner un caractère officiel de la réception en bonne et due forme des travaux propres à faire cesser tous les désordres, tenant tant à la structure qu’à la toiture des locaux, subis par la SAS CARIGIL,
-rejetons les autres demandes
-réservons les dépens
Le Conseiller de la mise en état a notamment retenu que :
-sur les demandes des consorts [V]
Il ressort des productions que la société Carigil suivant actes du 24 décembre 2019, 6 et 17 janvier 2020 s’est engagée à céder à la SAS Promocéan son fonds de commerce d’hôtel-restaurant à l’enseigne le Pavillon Bleu exploité dans les locaux donnés à bail sous diverses conditions suspensives et notamment celle de la cession concomitante des murs appartenant aux consorts [V].
La société Carigil ne rapporte pas la preuve qui lui incombait d’un transfert de propriété des murs avant l’audience devant le Conseiller de la mise en état.
Il n’est pas démontré que les actes authentiques de vente qui étaient prévus ont été signés.
Les consorts [V] demeurent donc propriétaires et disposent de la qualité à agir à ce titre et d’un intérêt à présenter une fin de non recevoir tirée de la perte de qualité de locataire.
Ils peuvent invoquer l’expiration du bail, l’occupation des lieux sans droit ni titre.
Les demandes des consorts [V] sont donc recevables.
La société Carigil a pris l’initiative de solliciter le renouvellement du bail par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 janvier 2020.
Le commissaire à l’exécution du plan avait pour seule mission de recueillir les pactes mensuels et assurer la répartition annuelle auprès des créanciers.
Seule la société Carigil avait qualité pour revoir signification de la réponse des bailleurs par actes des 25 et 28 février 2020 et pour contester le cas échéant le refus de renouvellement.
Il est indifférent que ces actes n’aient pas été signifiés au commissaire à l’exécution du plan compte tenu de sa mission.
Il convient de constater que la société Carigil n’a formé aucune action en contestation du refus de renouvellement notifié par actes des 25 et 28 février 2020 et en paiement d’une indemnité d’éviction dans le délai de deux ans prescrit par l’article L.145-60 du code de commerce.
Elle n’invoque aucune cause d’interruption de la prescription de l’action en refus de renouvellement et en paiement de l’indemnité d’éviction.
Le bail est donc venu à terme au 31 mars 2020.
La société Carigil a perdu la qualité de locataire depuis le 1er avril 2020. Ses demandes sont donc irrecevables.
Le Conseiller de la mise en état n’a compétence ni pour condamner la société Carigil au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle non sollicitée à titre provisionnel, ni pour condamner la société Carigil à libérer les lieux, et ordonner son expulsion.
La demande de comparution personnelle est sans intérêt.
La demande de condamnation provisionnelle des bailleurs à payer à la société Carigil la somme de 600 000 euros porte sur un préjudice hypothétique.
LA COUR
Vu la requête en déféré déposée le 21 octobre 2022 par les sociétés Carigil, [X] es qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Carigil
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 6 février 2023, les sociétés Carigil et Maître [X] ont présenté les demandes suivantes :
Vu les articles 11, 20, 122, 124, 184 et suivants, 378, 696, 699, 700, 768, 780, 789 et 916 du code de procédure civile,
Vu l’article 2241 du Code civil,
Vu les articles L. 145-9 et L. 145-14, L. 145-60, L. 625-25 et L. 626-27 du Code de commerce,
Vu les articles L. 131-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution,
sur le déféré principal de la société Carigil et de la Selarl [X] en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Carigil,
-Infirmer sur déféré l’ordonnance du Conseiller de la mise en état de la Deuxième Chambre civile de la Cour d’appel de POITIERS du 10 octobre 2022 (RG N° 21/01516),
Statuant à nouveau,
-Surseoir à statuer sur les demandes principales des Consorts [V] formées à l’encontre de la Société CARIGIL et la SELARL [X], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la Société CARIGIL, en l’attente du sort de la procédure opposant Madame [J] [N] veuve [V], Monsieur [O] [V], Madame [Y] [W] veuve [V], Monsieur [H] [V] et Madame [D] [V] d’une part, à Madame [S] [V] d’autre part,
-Ordonner la production forcée par les Consorts [V] des éléments de cette procédure, notamment des assignations, des conclusions échangées, des pièces produites de part et d’autre (en ce compris le compromis de cession des murs signé), et de toute éventuelle mesure d’administration judiciaire ou décision de justice rendue, sous astreinte de 150 € par jour retard à compter de la signification de la décision de la Cour à intervenir, dont elle se réservera la liquidation,
Subsidiairement,
Sur les demandes principales des Consorts [V],
-Juger inopposables à la SELARL [X], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la Société CARIGIL, les demandes des Consorts [V] tendant à voir juger irrecevables les demandes des appelants découlant de la responsabilité du bailleur par défaut d’entretien des locaux,
Subsidiairement, juger mal fondées les demandes des Consorts [V],
-Sur les demandes reconventionnelles de la Société CARIGIL, et de la SELARL [X] en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la Société CARIGIL,
-Juger nul le congé avec refus de renouvellement du bail commercial signifié par les Consorts [V] à la Société CARIGIL par actes des 25 février 2020 et 26 mars 2020,
-Juger irrecevables les demandes des Consorts [V] pour violation de leur obligation de ne pas se contredire au préjudice de la Société CARIGIL, et de la SELARL [X], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la Société CARIGIL par voie de conséquence,
-Ordonner la comparution personnelle des parties afin de procéder à leur audition dans les conditions fixées par la loi,
-Condamner in solidum les Consorts [V] à payer à la Société CARIGIL la somme de 800.000 € à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice résultant de l’échec imputable aux Consorts [V] de la cession de son fonds de commerce,
sur le déféré incident des consorts [V]
-Confirmer sur déféré l’ordonnance du 10 octobre 2022 en ce qu’elle a rejeté les demandes des consorts [V] au titre de la provision à valoir sur l’indemnité d’occupation et la libération des lieux,
En tout état de cause,
-Condamner in solidum les Consorts [V] aux dépens de l’incident et du déféré,
-Autoriser la SELARL Olivier BERTRAND, avocat, à les poursuivre directement pour ceux dont il aura été fait l’avance sans en avoir été reçu provision,
– Condamner in solidum les Consorts [V] à payer à la Société CARIGIL la somme de 3.500 € au titre des frais nécessaires à la défense de ses intérêts en justice non compris dans les dépens,
-Condamner in solidum les Consorts [V] à supporter intégralement le montant des sommes retenues par l’huissier de justice, agissant en application des dispositions des articles A. 444-10 et suivants du Code de commerce, issus de l’arrêté du 23 février 2022 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice, dans l’hypothèse où la Société CARIGIL serait contrainte d’avoir à faire procéder à l’exécution forcée des condamnations prononcées à défaut de règlement spontané, et ce en sus des sommes éventuellement mises à leur charge au titre des frais nécessaires à la défense de ses intérêts en justice non compris dans les dépens.
A l’appui de leurs prétentions, la société Carigil et Maître [X] soutiennent en substance que :
-Ils réitèrent leur demande de sursis à statuer dans l’attente du sort de la procédure opposant les consorts [V] à [S] [V] et de production forcée des pièces au regard du conflit qui existe au sein de l’indivision.
-Deux compromis de vente ont été signés en 2019, 2020.
-Il existe un conflit familial. [S] [V] refuserait de régulariser la vente des murs.
Cela empêchera la cession du fonds. Elle a été assignée à jour fixe devant le tribunal judiciaire de Saintes.Le sort de cette procédure est déterminant.
-La cour ne peut prendre de décision sur le sort du bail commercial sans connaître le détail d’une procédure qui implique sa cession concomitante aux murs.
Il convient d’ordonner la production forcée des compromis de vente, assignations, conclusions, pièces, décision éventuelle prononcée sous astreinte.
-Les demandes principales des consorts [V] sont inopposables, mal fondées.
Le bailleur a omis de signifier les actes des 28 février et 26 mars 2020 à Maître [X] alors qu’ils étaient susceptibles de préjudicier gravement à l’exécution du plan.
La gravité de l’acte que constitue le refus de renouvellement imposait cette signification.
-La société Carigil a contesté le refus de renouvellement dans le délai de deux ans ouvert à compter du 26 mars 2020 dans ses conclusions du 5 mai 2021.
-L’action en contestation n’est pas soumise à prescription biennale.
-sur ses demandes reconventionnelles
Le congé avec refus de renouvellement signifié les 25 février et 26 mars 2020 est nul faute d’offre de paiement d’une indemnité d’éviction.
-Les demandes formées sont incohérentes, incohérence qui les rend irrecevables.
-Le juge peut en toute matière faire comparaître personnellement les parties ou l’une d’elles. L’indivision dissimule la réalité de ses conflits, les conséquences sur le litige dont elle est saisie.
-La société Carigil subit une perte de chance de céder son fonds de commerce pour 800 000 euros, forme une demande provisionnelle à ce titre.
-L’obstruction des consorts [V] est à l’origine d’une perte de chance de céder son fonds.
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 22 décembre 2022, les consorts [V] ont présenté les demandes suivantes:
STATUANT SUR DÉFÉRÉ
-DEBOUTER la SAS CARIGIL et la SELARL [X] de toutes leurs demandes formées en déféré
– CONFIRMER l’ordonnance du Conseiller de la mise en état près la 2 ème Chambre civile de la Cour en date du 10 octobre 2022 en ce qu’elle a :
‘ déclaré recevables les demandes formées sur incident par Madame [J] [V], Monsieur [O] [V], Madame [Y] [V], Monsieur [H] [V], Madame [S] [V] et Madame [D] [V]
‘dit que la société CARIGIL a perdu à compter du 31 mars 2020 la qualité de locataire des locaux situés à [Adresse 10]
– sauf à dire et juger, ainsi qu’il était sollicité par les consorts [V] que la SAS CARIGIL est déchue depuis le 28 mars 2022 (et non 31 mars) de tous droits d’occupation des lieux qui faisaient l’objet du bail commercial entre les parties
‘ déclaré irrecevables les demandes de la société CARIGIL et de la SELARL [X] es qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société CARIGIL,
visant à voir dire et juger de la responsabilité du bailleur le défaut d’entretien des locaux
visant à voir condamner in solidum les consorts [V] à faire réaliser les travaux propres à remédier aux désordres constater et permettre une exploitation et une jouissance normale des locaux commerciaux, objets du bail renouvelé du 15 avril 2011 sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir
visant à voir autoriser la SAS CARIGIL à consigner ses loyers sur tel compte ouvert par elle à cet effet auprès de la Caisse des dépôts et de consignation jusqu’à justification par les consorts [V] et par tout moyen de nature à lui donner un caractère officiel de la réception en bonne et due forme des travaux propres à faire cesser tous les désordres, tenant tant à la structure qu’à la toiture des locaux, subis par la SAS CARIGIL
– REFORMER l’ordonnance du 10 octobre 2022 en ce qu’elle a rejeté les autres demandes des consorts [V] et statuant à nouveau :
-CONDAMNER la SAS CARIGIL à verser aux consorts [V] entre les mains de Madame [J] [V] usufruitière, une provision à valoir sur l’indemnité d’occupation des lieux depuis le mois d’avril 2022 inclus à raison de 6.000 €uros par mois jusqu’au départ effectif des lieux volontaire ou forcé
-CONDAMNER la SAS CARIGIL à libérer les lieux dont il s’agit sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir
-ORDONNER l’expulsion des lieux de la SAS CARIGIL si besoin est avec le concours de la force publique et sans nouveau délai
-CONDAMNER la SAS CARIGIL à verser aux consorts [V] la somme de 2.000 €uros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure devant le Conseiller de la mise en état
-Y ajoutant, CONDAMNER la SAS CARIGIL à verser aux consorts [V] la somme de 3.000 €uros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en cause de déféré
– CONDAMNER la SAS CARIGIL aux entiers dépens de l’incident devant le Conseiller de la mise en état et de déféré
A l’appui de leurs prétentions, les consorts [V] soutiennent en substance que :
-Les demandes de sursis à statuer et de production de pièces n’ont aucun fondement.
Elles ont pour seul objet de créer un doute dans l’esprit des tiers sur la situation juridique du bien.
-La promesse de vente qui existait n’a pas été réitérée dans les délais.
-La situation a changé. Le bien n’est plus grevé d’un bail commercial mais d’une occupation sans droit ni titre.
-La demande est infondée. Les pièces demandées sont sans lien et sans utilité pour le présent litige. Aucune procédure n’est en cours entre les consorts [V].
-Le refus de renouvellement du bail n’avait pas à être signifié au commissaire à l’exécution du plan. En première instance, la situation était différente. Maître [X] avait la qualité de mandataire de justice.
-La société Carigil avait demandé le renouvellement du bail le 2 janvier 2020.
Le refus a été notifié les 28 février 2020, puis le 26 mars 2020.
Ce n’est pas un congé mais une réponse à la demande de renouvellement du bail.
Si la société Carigil voulait contester le refus et demander le paiement d’une indemnité d’éviction, elle devait saisir le tribunal dans un délai de 2 ans.
Les conclusions du 5 mai 2021 n’ont pas pour objet de contester le refus.
-Le litige pendant porte sur la vétusté des locaux et le défaut d’entretien. Ce n’est pas une action en contestation du refus de renouvellement du bail.
-On ne peut imposer le renouvellement du bail aux bailleurs.
Le locataire est déchu de son droit sur l’indemnité d’éviction.
L’action en indemnisation fondée sur le droit commun des baux ne relève pas du présent débat.
-Les demandes de la société Cargill sont irrecevables. Il n’est plus locataire, n’a plus qualité pour former de telles demandes.
-La nullité du congé est soulevée en déféré.
-Ce n’est pas un congé mais un refus de renouvellement motivé par des manquements graves prêtés au locataire.
Le bailleur peut refuser le renouvellement sans être tenu de payer l’idemnité d’éviction s’il existe un motif grave et légitime.
-La comparution personnelle n’a aucun intérêt. L’indivision a le même conseil, la même position sur le refus de renouvellement.
-Le conseiller de la mise en état est incompétent sur une demande de provision.
-La société Carigil est occupant sans droit ni titre. Son obligation de paiement d’une indemnité d’occupation n’est pas sérieusement contestable.
La demande de libération des lieux est une mesure provisoire, conservatoire.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
SUR CE
-sur les demandes de sursis à statuer, de production de pièces
L’article 378 du code de procédure civile dispose que la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.
Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l’opportunité du sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
L’article 11 dispose que les parties sont tenues d’apporter leur concours aux mesures d’instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d’une abstention ou d’un refus.
Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut,à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire au besoin à peine d’astreinte.
La société Carigil soutient qu’il existe une procédure en cours opposant les consorts [V] et [S] [V], et que cette dernière s’oppose à la vente des murs .
Elle affirme qu’il existe un conflit entre coindivisaires, conflit qui impacte l’exécution du bail commercial.
Ces assertions sont contestées par le bailleur qui fait observer sans être contredit qu’il est mandaté par l’indivision et qu’il conclut d’une seule voix s’agissant du bail.
La société Carigil ne justifie pas de l’existence d’une procédure révélatrice d’un conflit au sein de l’indivision susceptible d’influer sur le litige dont la cour est saisie.
Elle sera déboutée de ses demandes de sursis à statuer et de production de pièces.
-sur la demande de comparution personnelle des parties
L’article 184 du code de procédure civile dispose que le juge peut en toute matière faire comparaître personnellement les parties ou l’une d’elles.
Le locataire réitère cette demande au motif que l’indivision dissimule la réalité de ses dissensions, qu’une comparution personnelle permettra de les rendre apparentes.
Le bailleur fait valoir que cette comparution est sans utilité. Il ajoute que si des désaccords peuvent exister au sein de l’indivision, ils ne portent pas sur le contentieux relatif au bail.
La société Carigil ne démontre pas l’intérêt, l’utilité de la comparution personnelle demandée.
L’ordonnance sera donc confirmée de ce chef.
-sur l’irrecevabilité des demandes formées par le locataire
Le bailleur soutient que la société Carigil a perdu la qualité de locataire depuis le 26 mars 2020, qu’elle est donc irrecevable à demander la condamnation du bailleur à faire réaliser des travaux, à être autorisée à consigner les loyers.
Le locataire conteste avoir perdu la qualité de locataire, soutient avoir contesté le refus de renouvellement du bail par conclusions du 5 mai 2021.
Le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes formées par la société Carigil au motif qu’elle avait perdu sa qualité de locataire depuis le 1er avril 2020.
Il est de jurisprudence confirmée que l’intérêt à agir s’apprécie au jour de l’introduction de l’instance, qu’il ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l’auraient rendu sans objet.
Les demandes qui ont été formées par la société Carigil dans les conclusions déposées après dépôt du rapport d’expertise sont recevables, sa qualité de locataire devant être appréciée à la date de l’introduction de l’instance le 17 octobre 2013.
L’ordonnance sera donc infirmée en ce qu’elle a dit que la société Carigil avait perdu la qualité de locataire à compter du 31 mars 2000 et déclaré irrecevables les demandes de condamnation du bailleur à faire réaliser des travaux, et d’autorisation à consigner les loyers.
-sur la nullité du congé délivré
Le locataire soutient que le congé qui lui a été délivré par le bailleur est nul faute de lui avoir offert une indemnité d’éviction.
Le bailleur se prévaut de l’article L.145-14 du code de commerce qui prévoit que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail pour un motif grave et légitime.
Il conclut que le congé qui a été signifié visait des manquements graves du locataire à ses obligations :
-défaut d’entretien des lieux
-abandon d’une partie de l’activité exploitée dans les lieux, à savoir celle de restauration
-délaissement des lieux laissés pour partie à l’abandon
-défaut d’information du bailleur sur des désordres importants affectant les lieux
Il résulte des développements précédents que le congé ou refus de renouvellement notifié le 26 mars 2020 est intervenu postérieurement à l’arrêt du 26 novembre 2016, qu’il est étranger au litige dont la cour est saisie, litige portant sur la résolution du bail pour fautes du locataire, sur la condamnation du bailleur à faire réaliser des travaux.
Par ailleurs, la nullité d’un acte est un moyen de défense au fond qui échappe à la compétence du Conseiller de la mise en état et donc de la cour statuant sur déféré.
La société Carigil sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
-sur le défaut de notification du refus de renouvellement du bail au commissaire à l’exécution du plan
Compte tenu de l’analyse précitée, l’incidence éventuelle du défaut de notification du refus de renouvellement du bail au commissaire à l’exécution du plan est étrangère au litige dont la cour est saisie.
L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande formée de ce chef.
-sur l’irrecevabilité tirée de l’estoppel
La société Carigil estime que les demandes qui sont formées devant le conseiller de la mise en état sont contraires aux engagements qui avaient été pris par le bailleur dans le compromis de vente signé avec un promoteur et en particulier à celui d’abandonner toute créance présente passée ou future contre la société Carigil.
Elle considère que les demandes qui sont formées ont pour but de la priver du prix de la vente de son fonds de commerce, et de la faculté d’exercer toutes actions liées à son statut de locataire commercial.
Le Conseiller de la mise en état a relevé que les compromis de vente n’ étaient pas produits, qu’il résultait des écritures qu’ils n’avaient pas été réitérés, n’étaient plus d’actualité, qu’ils n’empêchaient pas le bailleur désormais d’invoquer l’expiration du bail et donc l’occupation des lieux sans droit, ni titre.
La société Carigil amalgame les demandes d’irrecevabilité formées par le bailleur et l’échec de la cession du fonds de commerce.
Les demandes d’irrecevabilité formées devant le conseiller de la mise en état par le bailleur poursuivent le même objectif que les demandes faites au fond qui tendent au débouté des demandes du locataire, et à son départ.
L’échec de la cession du fonds de commerce dont les raisons ne sont pas connues ne fait pas partie du litige dont la cour est saisie.
L’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande tirée d’un estoppel prétendu.
-sur les condamnations provisionnelles
Le Conseiller de la mise en état peut allouer une provison lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
– sur la perte de chance du locataire de céder son fonds
La société Carigil estime que l’échec des transactions est imputable au bailleur.
Elle se prévaut d’une perte d’une chance de céder le fonds de commerce pour un prix de 800 000 euros.
Le bailleur demande la confirmation de l’ordonnance qui a rejeté la demande au motif que le préjudice était hypothétique.
Il résulte des écritures que des compromis portant sur la vente des murs, la cession du fonds ont existé courant 2019, que les compromis n’ont pas été réitérés.
Le préjudice, serait-t-il provisionnel, subi du fait du défaut de cession du fonds, est également étranger au litige dont la cour est saisie, litige qui délimite sa compétence.
L’ordonnance sera donc pour ce motif confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande formée de ce chef.
-sur la condamnation du locataire au paiement d’une indemnité d’occupation de 6000 euros par mois à titre provisionnel et sur la demande de libération des lieux
Le bailleur réitère ses demandes au titre de l’indemnité d’occupation et la libération des lieux.
Le locataire s’oppose à ces demandes, rappelle qu’il conteste avoir perdu sa qualité de locataire, soutient que loyers et leurs accessoires sont réglés.
Il estime que l’expulsion par nature ne peut avoir un caractère provisoire.
Le conseiller de la mise en état a rejeté ces demandes, s’est dit incompétent.
Au regard des contestations existantes sur les conditions d’exploitation des locaux, leur vétusté, et alors que la cour de céans le 29 novembre 2016 a infirmé le jugement en ce qu’il avait constaté la résiliation du bail et ordonné l’expulsion et alors qu’il n’est pas contesté que le loyer continue d’être réglé, le bailleur sera débouté de ses demandes d’indemnité d’occupation, de libération des lieux et d’expulsion, mesures qui n’ont pas un caractère conservatoire ou provisoire.
L’ordonnance sera donc confirmée de ces chefs.
-sur les autres demandes
Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens du déféré d’appel seront mis à la charge des consorts [V].
Il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles exposés.
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
-confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’ elle a rejeté :
-les demandes de la société Carigil et de Maître [X] relatives à la comparution personnelle des parties, au défaut de notification du non-renouvellement du bail au commissaire à l’exécution, à la fin de non recevoir tirée de l’estoppel, à la condamnation du bailleur au paiement d’une provision au titre du préjudice résultant de la perte de céder son fonds
-les demandes des consorts [V] relatives au paiement d’une indemnité d’occupation, à la libération des lieux, à l’expulsion de la société Carigil
-réservé les dépens
-infirme l’ordonnance en ce qu’elle a dit que la société Carigil a perdu à compter du 31 mars 2020 la qualité de locataire des locaux et déclaré irrecevables les demandes de la société Carigil et de Maître [X]
visant à voir dire et juger de la responsabilité du bailleur le défaut d’entretien des locaux,
visant à voir condamner in solidum les Consorts [V] à faire réaliser les travaux propres à remédier aux désordres constatés et permettre une exploitation et une jouissance normale des locaux commerciaux, objets du bail renouvelé du 15 avril 2011 sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
visant à voir autoriser la SAS CARIGIL à consigner ses loyers sur tel compte ouvert par elle à cet effet auprès de la Caisse des dépôts et de consignation jusqu’à justification par les Consorts [V] et par tout moyen de nature à lui donner un caractère officiel de la réception en bonne et due forme des travaux propres à faire cesser tous les désordres, tenant tant à la structure qu’à la toiture des locaux, subis par la SAS CARIGIL,
Statuant de nouveau
-dit recevables les demandes formées par la société Carigil de condamnation des consorts [V] en leur qualité de bailleur
Y ajoutant :
-rejette les demandes formées par la société Carigil de sursis à statuer et de production de pièces
-déclare irrecevables comme étrangères à l’objet du litige dont la cour est saisie les demandes relatives au congé avec refus de renouvellement du bail signifié en 2020 et aux conséquences susceptibles de s’y attacher
-déboute les parties de leurs autres demandes et notamment de leurs demandes d’indemnité de procédure
-condamne les consorts [V] aux dépens de l’incident d’appel
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,