11 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/06242
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ARRÊT DU 11 AVRIL 2023
(n° / 2023, 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/06242 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFRDN
Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation du 2 mars 2022 ( Pourvoi N° V20-16.658, Arrêt N° 141 F-D) d’un arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la Cour d’appel de Paris ( RG 19/11487) sur appel d’un jugement rendu le 17 octobre 2018 par le Tribunal de commerce de Paris ( RG 2018047404)
DEMANDEUR A LA SAISINE
Monsieur [R] [C] [B]
Né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 17]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 7]
[Localité 11]
Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,
Assisté de Me Maya ASSI, avocate au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : PN260,
DÉFENDERESSES A LA SAISINE
Madame [N] [S], venant aux droits de Madame [E] [S] décédée,
Née le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 15]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 4]
[Localité 8]
Madame [T] [F] née [S], venant aux droits de Madame [E] [S] décédée,
Née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 15]
Demeurant [Adresse 13]
[Localité 6]
Représentés Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945,
Assistés de Me Olivier MAYRAND de la SELARL DMP AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0162,
S.A. FIDES, prise en la personne de Maître [K] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de M. [R] [C] [B],
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 451 953 392,
Dont le siège social est situé [Adresse 9]
[Localité 10]
Non constituée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805, 905 et 1037-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre, et Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère
Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère.
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
– Réputé contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre, et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE:
Par acte sous seing privé du 29 novembre 1977, M.[I], aux droits duquel sont venues successivement Mme [E] [S], puis au décès de celle-ci le [Date décès 5] 2020, Mmes [N] et [T] [S], a donné à bail commercial à la société Chez Ralph, aux droits de laquelle vient M. [R] [C] [B], des locaux à l’usage de pension de famille, composés de deux appartements dans un immeuble situé [Adresse 7].
Ce bail a fait l’objet d’un renouvellement le 19 avril 2013 avec effet rétroactif au 1er juillet 2005 pour se terminer le 30 juin 2014, moyennant le règlement d’un loyer annuel en principal de 16.464,48 euros. La destination des lieux y est définie comme ‘ pension de famille et/ou résidence hôtelière’.
Sur assignation de la bailleresse, qui avait fait préalablement délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire, et par ordonnance du 8 juillet 2015, le juge des référés a condamné M.[C] [B] à payer à Mme [S] une provision de 9.571,09 euros, en deniers ou quittances au titre de l’arriéré locatif au 31 mars 2015, outre intérêts, dit qu’il pourra s’acquitter du paiement de cette somme en plus des loyers courants en 6 mensualités, ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais, dit que faute pour M.[C] [B] de payer à bonne date, en sus du loyer courant, une seule des mensualités et 8 jours après l’envoi d’une simple mise en demeure, le tout deviendra immédiatement exigible, la clause résolutoire sera acquise, il sera procédé à son expulsion et dit n’y avoir lieu à référé sur les autres demandes.
Parallèlement à cette procédure de référé, Mme [S] a fait signifier le 24 juin 2015, à M.[C] [B] un congé portant refus de renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction pour motifs graves et légitimes, puis, le 12 janvier 2016, l’a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de validation du congé et de condamnation au paiement de loyers ou indemnités d’occupation.
Par jugement du 6 mars 2018, le tribunal a condamné M.[C] [B] à payer à Mme [S] 14.748,13 euros au titre de l’arriéré de loyers ou d’indemnités d’occupation et accessoires arrêtés au 25 janvier 2017, dit qu’en l’absence de motif grave et légitime, le congé avec refus de renouvellement du bail notifié le 24 juin 2015 ouvre droit au paiement d’une indemnité d’éviction et au maintien dans les lieux jusqu’au versement de cette indemnité, dit que la bailleresse a droit au paiement d’une indemnité d’occupation à compter du 1er janvier 2016, et avant dire droit sur le montant des indemnités d’éviction et d’occupation a commis un expert, et fixé l’indemnité d’occupation provisionnelle au montant du dernier loyer en cours. L’expert a déposé son rapport le 8 octobre 2018 et estimé à 11.000 euros l’indemnité d’éviction et à 33.000 euros l’indemnité d’occupation. Après avoir été radiée le 11 avril 2019, l’affaire a été rétablie au rôle.
Sur nouvelle assignation en référé de Mme [S] et par ordonnance rendue contradictoirement le 6 juin 2018, le juge des référés a condamné M.[C] [B] à payer à Mme [S] en deniers ou quittances (compte tenu de l’encaissement d’un chèque de 1.000 euros versé à l’audience ) une provision de 32.408,62 euros au titre de l’arriéré locatif impayé au 23 mai 2018 et dit n’y avoir lieu à l’octroi de délais de paiement.
En exécution de cette ordonnance, Mme [S] a fait délivrer un commandement de saisie vente et pratiquer le 4 juillet 2018, une saisie attribution sur les comptes de
M. [C] [B] dans les livres de la BNP Paribas, sur lesquels les soldes étaient de 111,73 euros, 2,17 euros et 432,97 euros.
C’est dans ce contexte que, par acte du 6 août 2018, Mme [S], se prévalant d’une créance de 32.408,62 euros fondée sur l’ordonnance du 6 juin 2018 demeurée impayée, a fait assigner M.[C] [B] en redressement judiciaire ou subsidiairement en liquidation judiciaire devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement réputé contradictoire du 17 octobre 2018, le tribunal a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de M.[C] [B], désigné la SELARL Fides, en la personne de maître [K] [J], en qualité de liquidateur et fixé au 6 juin 2018 la date de la cessation des paiements.
Le 31 octobre 2018, le liquidateur judiciaire a notifié à Mme [S] la résiliation du bail commercial lui précisant abandonner le mobilier et le matériel présent dans les locaux et l’a informée le 6 novembre 2018, qu’il ne disposait d’aucune clefs des locaux et l’autorisait dès à présent à changer les serrures.
Le 19 novembre 2018, Maître [A], huissier de justice, agissant en vertu de l’ordonnance de référé du 6 juin 2018, a procédé à la reprise de l’appartement du [Adresse 7] situé au 2ème étage, a fait procéder au changement de la serrure de la porte de cet appartement et pour le surplus a constaté que dans le logement du 5ème étage une chambre était occupée par Mme [P] [Z].
A la requête de Mme [S] et par ordonnance du 14 janvier 2019, le président du tribunal d’instance de Paris a désigné un huissier afin, notamment, qu’il se rende dans l’appartement situé au 5ème étage et s’enquiert des conditions d’occupation de chacune des chambres en relevant l’identité des occupants ainsi que le titre dont ils pourraient disposer pour occuper les lieux. Le 31 janvier 2019, l’huissier de justice désigné a constaté qu’une personne nommée [P] [W] [Z] occupait dans l’appartement du 5ème étage la chambre n°1, depuis environ 3 ans selon ses dires, et qu’une personne se présentant comme M.[C] [B] [R] se trouvait dans la chambre n°3, et que celui a précisé ‘ qu’il occupe les lieux depuis environ une semaine, être le gérant de la pension de famille’.
Sur assignation de Mme [S] du 5 février 2019 et par ordonnance contradictoire du 12 avril 2019, le juge des référés a constaté que Mme [W] [Z] et M.[C] [B] étaient occupants sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 7], et, à défaut de libération volontaire, a ordonné leur expulsion, après un délai de 3 mois à compter de la signification de la décision pour quitter les lieux. Par arrêt du
22 novembre 2019, la cour d’appel de Paris a infirmé l’ordonnance mais seulement en ce qu’elle avait condamné M.[C] [B] au paiement d’une indemnité d’occupation, une telle demande dirigée contre le preneur après l’ouverture de la liquidation judiciaire étant irrecevable.
Par déclaration régularisée au greffe de la cour d’appel de Paris le 3 juin 2019, M. [C] [B] a interjeté appel nullité du jugement ouvrant sa liquidation judiciaire .
Par arrêt du 16 janvier 2020, la cour d’appel de Paris, statuant sur cet appel, a déclaré irrecevable l’appel nullité formé par M. [C] [B], dit que son appel valait comme appel de droit commun et l’a déclaré recevable et, après avoir annulé l’acte de signification du jugement, a annulé le jugement déféré et condamné Mme [S] aux dépens.Pour annuler le jugement la cour a dit que M.[C] [B] n’ayant pas été régulièrement convoqué, le jugement avait été rendu sans qu’il puisse faire valoir ses observations et que le principe du contradictoire avait été violé.
Mme [S] a formé un pourvoi contre cette décision.
Le 20 octobre 2020, Mmes [N] et [T] [S], venant aux droits de leur mère décédée, et agissant en vertu de l’ordonnance de référé du 12 avril 2019 ont fait délivrer à M.[C] [B] un commandement de quitter les lieux.
Sur saisine de M.[C] [B] et de Mme [W] [Z] et par ordonnance du 20 juillet 2021, le juge de l’exécution a rejeté les demandes de M.[C] [B] tendant à voir constater la caducité de l’ordonnance de référé du 12 avril 2019, à voir constater son droit au maintien dans les lieux en tant qu’occupant particulier des lieux litigieux, rejeté les demandes de nullité des commandements de quitter les lieux, déclaré recevables les demandes de délais pour quitter les lieux, accordé à M.[C] et Mme [W] [Z] un sursis jusqu’au 20 février 2023 pour quitter le logement qu’ils occupent au [Adresse 7], a condamné in solidum Mmes [N] et [T] [S] à payer à M.[C] [B] 15.000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant du fait qu’elles avaient fait procéder au changement de serrure de l’appartement du 2ème étage au cours du mois de novembre 2018, lequel avait été vendu, alors qu’il résultait des documents produits que la résidence [14] était garnie de meubles , qu’elle était toujours exploitée et que M. [C] [B] y stockait des effets personnels.
Par arrêt du 2 mars 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel du 16 janvier 2020, au visa de l’article 455 du code de procédure civile, en ce qu’il prononce l’annulation du jugement ouvrant la liquidation judiciaire du 17 octobre 2018 et condamne Mme [S] aux dépens et renvoyé l’affaire et les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée. La Cour de cassation a considéré que la cour d’appel avait annulé le jugement au motif que M.[C] [B] n’avait pas été régulièrement convoqué, sans répondre aux conclusions de Mme [S] qui faisaient valoir que le Kbis délivré le 15 septembre 2019 indiquait que l’adresse personnelle de M.[C] [B] se trouvait [Adresse 12] à [Localité 11] et que lors du constat d’huissier dressé le 31 janvier 2019, M.[C] [B] avait indiqué qu’il n’occupait les lieux situés [Adresse 7] que depuis environ une semaine, de sorte qu’à la date de la convocation devant le tribunal de commerce il se trouvait toujours domicilié à l’adresse enregistrée au registre du commerce et des sociétés à laquelle il avait été régulièrement convoqué.
M.[C] [B] a saisi la cour de renvoi par déclaration du 23 mars 2022 en visant Mme [N] [S] et Mme [T] [F], ayants-droit de Mme [S] décédée, ainsi que la SA Fides, en la personne de Maître [J], ès qualités de liquidateur judiciaire.
Dans ses conclusions récapitulatives n°2, notifiées par voie électronique le 7 novembre 2022, M.[C] [B] demande à la cour de déclarer son appel recevable et fondé, à titre principal, vu le défaut de convocation régulière à l’audience du 9 octobre 2018, annuler le jugement ayant prononcé sa liquidation judiciaire, subsidiairement, annuler ou en tout état de cause, infirmer le jugement, statuant à nouveau, juger que l’état de cessation des paiements n’est pas caractérisé, qu’il n’y a pas lieu à ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire, débouter Mmes [N] et [T] [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions et les condamner in solidum à lui payer 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses conclusions du 12 juillet 2022, Mme [N] [S] et Mme [T] [S] demandent à la cour de débouter M.[C] [B] de sa demande d’annulation du jugement, de débouter M.[C] [B] de l’ensemble de ses prétentions, confirmer le jugement en toutes ses dispositions et condamner M.[C] [B] à leur payer 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
M.[C] [B] a fait signifier sa déclaration de saisine le 20 juin 2022 à la SELARL Fides, ès qualités.
Mmes [S] ont fait signifier leurs conclusions à la SELARL Fides par acte d’huissier du 18 juillet 2022.
La société FIDES, ès qualités, n’a pas constitué avocat.
Le dossier a été visé sans observation par le ministère public le 17 juin 2022.
SUR CE
La cour statue sur l’appel interjeté par M.[C] [B] à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce le 17 octobre 2018 ayant ouvert sa liquidation judiciaire, en l’état de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 mars 2022 qui a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 janvier 2020 qui avait annulé le jugement.
– Sur la demande d’annulation du jugement
M.[C] [B] soutient que le jugement doit être annulé en ce qu’il n’a pas été régulièrement convoqué à la procédure collective le concernant et en ce que le principe de la contradiction a été violé.
Il expose que la convocation du greffe pour l’audience du 9 octobre 2018 aurait dû lui être adressée au lieu d’exploitation de son établissement [Adresse 7] qui était toujours en activité, que sa convocation à son ancienne adresse personnelle ( [Adresse 12]) se justifiait d’autant moins que l’assignation lui avait été délivrée au lieu de son établissement et qu’ il ne résidait plus depuis 2017 à l’adresse figurant au Kbis, ce que n’ignorait pas la bailleresse, de sorte que le fait qu’il n’ait pas informé le greffe de son changement d’adresse ne saurait valider une convocation irrégulière.
Il précise qu’il occupait l’appartement du 2ème étage au [Adresse 7] jusqu’à ce que, en son absence, l’huissier procède à la reprise de cet appartement et au changement de serrure, ce qui l’a contraint à s’installer dans une chambre de l’appartement du 5ème étage où l’a rencontré l’huissier.
Mmes [S] insistent sur leur bonne foi et la parfaire régularité de l’assignation en redressement judiciaire pour l’audience du 18 septembre 2018 qui a été délivrée à M.[C] [B] au [Adresse 7] à [Localité 11] qui est l’adresse des lieux loués et celle de l’établissement principal mentionnée sur le Kbis et prétendent que c’est délibérément que M.[C] [B] a choisi de ne pas se présenter devant le tribunal de commerce appelé à statuer sur l’ouverture d’une procédure collective à son égard. Elles expliquent que le tribunal ayant constaté l’absence de M.[C] [B] pourtant dûment convoqué à l’adresse de son établissement, le greffe a adressé un courrier à l’adresse personnelle de l’intéressé telle qu’elle figurait sur l’extrait Kbis. Elles soutiennent que ce courrier adressé par le greffe le 19 septembre 2018 ne constitue nullement un acte assimilable à un acte introductif d’instance.Elles rappellent les propres déclarations de
M. [C] [B], qui a indiqué, dans le constat établi par l’huissier de justice le
31 janvier 2019 qu’il n’habitait pas au [Adresse 7] avant le mois de janvier 2019 et que M. [C], qui ne payait plus de loyers depuis de nombreuses années, ne peut de bonne foi faire état de l’obligation qui était la sienne de résider dans les lieux exploités dès lors que la Préfecture de Police de [Localité 16] a indiqué en 2016 que l’exploitation de l’appelant avait été radiée depuis 2013 de la liste des hôtels parisiens et avait été reclassée en habitation et que l’expert judiciaire a constaté l’absence de toute comptabilité et de toute exploitation.
L’assignation en redressement judiciaire et subsidiairement en liquidation judiciaire, a été signifiée le 6 août 2018 à la requête de Mme [E] [S] à M.[C] [B] au [Adresse 7] à [Localité 11] pour l’audience du
18 septembre 2018. Le procès verbal de remise à étude indique que le domicile de M.[C] [B] est certain, compte tenu de la présence de son nom sur la boîte aux lettres, sur l’interphone et de la confirmation par le voisinage.
M.[C] [B] ne soutient pas que cette assignation est irrégulière. Il expose au contraire qu’il a été informé de l’assignation mais qu’il n’a pas pu se rendre à l’audience du 18 septembre 2008 pour des raisons de santé, sans préciser les motifs pour lesquels il n’avait pas prévenu le tribunal de son indisponibilité.
Sa contestation porte donc sur la convocation adressée par le greffe pour l’audience du 9 octobre 2018, à laquelle l’affaire avait été renvoyée.
Par courrier, daté du 19 septembre 2018, adressé [Adresse 12] à [Localité 11] le greffe du tribunal de commerce a invité M.[C] [B] à se présenter à l’audience du 9 octobre 2018. Il n’est pas fait mention du sort de ce courrier, manifestement envoyé en lettre simple.
L’extrait Kbis versé au dossier par Mmes [S], mentionne que l’établissement exploité par M.[C] [B] se situe [Adresse 7] à [Localité 11] et son domicile personnel au [Adresse 12] à [Localité 11].
Pour justifier de ce qu’il n’était plus domicilié au [Adresse 12] depuis 2017, M.[C] [B] produit un courrier de la société Deniau, administrateur de biens, prenant acte le 29 décembre 2016, du congé à effet du 28 février 2017 donné par Mme [D] [C] [B], que l’appelant indique être sa mère, pour le logement du [Adresse 12] à [Localité 11]. Le procès-verbal de signification du jugement ouvrant la liquidation judiciaire, établi le 7 décembre 2018 selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, au [Adresse 12] à [Localité 11], indique qu’aucun élément n’a permis à l’huissier de déterminer que M.[C] [B] était domicilié à cette adresse.
Si lors du constat d’huissier dressé le 31 janvier 2019, M.[C] [B] a indiqué qu’il n’occupait les lieux situés [Adresse 7] (appartement au 5ème étage) que depuis environ une semaine, il explique dans ses écritures que cette déclaration est à rapprocher de la reprise de l’appartement situé au 2ème étage de l’immeuble qu’il occupait jusqu’à ce qu’en son absence l’huissier procède au changement de serrure le
19 novembre 2018. Il ne peut donc être déduit de la récente occupation d’une chambre de l’appartement du 5ème étage, que M.[C] [B] était toujours domicilié au [Adresse 12] à la date d’envoi de la convocation par la greffe.
Cependant, force est de constater que M.[C] [B] n’allègue pas avoir entrepris de démarches auprès du registre du commerce et des sociétés pour faire modifier son adresse personnelle, alors que selon ses explications il a déménagé en février 2017, soit près de 18 mois avant d’être placé en liquidation judiciaire.
Il appartenait au greffier, dès lors que la juridiction avait ordonné le renvoi de l’affaire pour assurer la comparution du débiteur, de lui délivrer une convocation à son adresse et dès lors que le K bis n’avait pas été modifié et qu’il ne ressortait pas de l’assignation que le lieu de l’exploitation de l’activité commerciale constituait également le lieu du domicile de M. [C][B], le greffier n’avait pas d’autre choix que d’adresser la convocation au [Adresse 12], étant rappelé que M.[C] [B] n’avait pas comparu sur l’assignation qui lui avait été délivrée au [Adresse 7].
Il se déduit de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu à annulation du courrier de convocation, ni par voie de conséquence à annulation du jugement.
En tout état de cause, il sera retenu que l’assignation, qui constitue l’acte introductif d’instance, n’étant pas susceptible d’être annulée, le tribunal de commerce a été valablement saisi de la demande d’ouverture d’une procédure collective. Ainsi, quand bien même la convocation du 19 septembre 2018 serait irrégulière et conduirait à l’annulation du jugement pour violation du principe du contradictoire, la cour n’en demeurerait pas moins saisie du fond du litige, compte tenu de l’effet dévolutif de l’appel.
– Sur le fond
Dans le cadre de la présente instance, il appartient à la cour de se prononcer uniquement sur l’ouverture d’une procédure collective à l’égard de M.[C] [B] et en premier lieu d’apprécier l’existence d’un état de cessation des paiements.
M.[C] [B] soutient que son état de cessation des paiements n’est pas caractérisé et qu’il n’y a lieu à ouverture ni d’une procédure de liquidation judiciaire, ni d’un redressement judiciaire.
Mmes [S] font valoir que M. [C] [B] a cessé de très longue date de régler son loyer commercial et qu’à la date d’ouverture de la liquidation judiciaire, il restait devoir la somme de 54.114,11 euros représentant plus de deux ans d’impayés et que l’impossibilité d’exécuter l’ordonnance de référé du 6 juin 2018 démontre manifestement son état de cessation de paiements. Elles ajoutent que l’expert a fixé l’indemnité d’éviction à la somme de 11.000 euros, largement absorbée, par le montant des arriérés et que le rapport d’expertise n’a pas été contesté par M.[C] [B].
Elles affirment que la récupération des lieux a été opérée dans la stricte légalité, après renonciation du liquidateur à la poursuite du bail commercial et abandon par lui-même ès-qualités, de l’intégralité du mobilier, au demeurant sans aucune valeur marchande et contestent que la procédure en liquidation judiciaire aurait été engagée pour échapper au règlement de l’indemnité d’éviction et récupérer plus rapidement les lieux, l’ouverture de la liquidation judiciaire loin de porter préjudice à M. [C] [B], ayant au contraire permis de mettre un terme à une exploitation illégale sans autorisation administrative et sans que le moindre loyer ne soit réglé à la bailleresse.
M. [C] [B] réplique que les bailleresses ont utilisé cette procédure pour récupérer les locaux sans verser d’indemnité d’éviction, que le juge des loyers commerciaux étant saisi d’une demande de fixation de l’indemnité d’éviction, il appartenait uniquement à ce juge, et non aux bailleresses, ni à l’expert, de fixer cette indemnité au montant de 11.000 euros, qu’il réclame une indemnité d’éviction d’un montant de 239.229,97 euros au regard des revenus qu’il tirait de son exploitation et des facteurs locaux de commercialité.
L’état de cessation des paiements qui conditionne l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, se définit comme l’impossibilité pour un débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible.Il s’agit donc de procéder à une comparaison objective du passif exigible et de l’actif disponible, indépendamment des circonstances ayant conduit à la reprise des locaux dans lesquels l’activité était exercée.
La cessation des paiements s’apprécie à la date à laquelle la cour statue.
Mmes [S] ont obtenu par ordonnance de référé du 6 juin 2018, la condamnation de M.[C] [B] en deniers ou quittances (compte tenu de l’encaissement d’un chèque de 1.000 euros versé à l’audience) d’une provision de 32.408,62 euros au titre de l’arriéré locatif impayé au 23 mai 2018, ainsi que 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, étant précisé que deux voies d’exécution sont demeurées infructueuses. Elles font valoir dans leur déclaration de créance qu’à la date du jugement d’ouverture, M.[C] [B] restait leur devoir la somme de 52.982,55 euros au 30 septembre 2018, sous réserve du dépôt de garantie de 10.813,10 euros.
Il résulte de la lecture de l’ordonnance du 6 juin 2018, que M.[C] [B] n’a pas contesté être débiteur des sommes réclamées par sa bailleresse, sollicitant simplement des délais qui lui ont été refusés. Il n’a pas été fait appel de cette ordonnance.
Dans le cadre de la présente instance, M.[C] [B] ne conteste pas la créance d’arriéré de loyers ou d’indemnités d’occupation dont se prévalent Mmes [S], invoquant seulement sa propre créance d’un montant supérieur qu’il détiendrait à l’encontre des bailleresses au titre de l’indemnité d’éviction.
Si le jugement du 6 mars 2018 a constaté le droit de M.[C] [B] au paiement d’une indemnité d’éviction, force est de constater que son montant n’a pas été arrêté, le tribunal ayant, avant dire droit sur son montant, ordonné une expertise. Dans son rapport du 8 octobre 2018, l’expert judiciaire a estimé à 11.000 euros l’indemnité d’éviction et à 33.000 euros l’indemnité d’occupation. La procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Paris (RG 16-862) a été radiée le 11 avril 2019, M.[C] [B] allégue que cette procédure a été reprise en présence du liquidateur , mais la cour n’est pas informée des suites réservées à cette reprise d’instance.
Ainsi, la somme de 239.229,97 euros invoquée par M.[C] [B] à titre d’indemnité d’éviction, est celle qu’il réclame et non pas celle résultant d’une décision du tribunal, étant observé, même si le tribunal n’est pas lié par les conclusions de l’expertise, que ce montant est très éloigné de l’estimation proposée par l’expert. Le montant de l’éventuelle indemnité d’éviction due à M.[C] [B] par les bailleresses, ne constitue donc pas un actif disponible, au sens de l’article L 631-1 du code de commerce, n’étant ni certain, ni exigible.
Par ailleurs M.[C] [B] se dit dans ses écritures procédurales, dépourvu de toutes ressources, et mis dans l’impossibilité d’exercer son activité qui lui procurerait des revenus de sorte qu’il n’est manifestement pas en état de régler au moyen de liquidités son passif exigible correspondant à l’arriéré de loyers et/ou d’indemnités d’occupation.
L’état de cessation des paiements est donc avéré .
M.[C] [B] ne prétend pas que le redressement de son entreprise soit possible puisque s’il stigmatise l’attitude des bailleresses qui ont selon lui repris les lieux de façon illégale.
Il est constant qu’il a été mis fin au bail commercial après le jugement d’ouverture et que M.[C] [B] n’exploite plus l’activité de pension de famille au [Adresse 7]. L’expert en charge de l’indemnité d’éviction avait au demeurant relevé dans son rapport que M. [C] [B] lui avait indiqué que l’autorisation du statut hôtelier lui avait été retirée par l’autorité préfectorale, qu’il n’avait pas obtenu la communication des déclarations de chiffre d’affaires, mais que selon les indications recueillies l’activité commerciale aurait été très modeste pour les années 2014 et 2016.
En toute hypothèse, au jour où la cour statue le redressement apparaît manifestement impossible, toute exploitation commerciale ayant cessé dans les lieux loués, dont M. [C] [B] a été expulsé.
Il s’ensuit que le jugement déféré doit être confirmé, y compris en ce qui concerne la date de cessation des paiements que le tribunal a fixée au 6 juin 2018, date correspondant à l’ordonnance de référé condamnant M.[C] [B] au paiement de la somme de 32.408,62 euros.
Seuls seront modifiés ainsi qu’il est dit au dispositif, le délai au terme duquel la clôture devra être examinée, au visa de l’article L643-9 du code de commerce, ainsi que le délai du dépôt de la liste des créances par le mandataire.
– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les dépens comprenant ceux de l’arrêt cassé seront employés en frais de liquidation judiciaire.
Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Déboute M.[C] [B] de sa demande d’annulation de la convocation du
19 septembre 2018 et de sa demande d’annulation du jugement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à dire que la cour fixe à 1 an le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée en application de l’article L643-9 du code de commerce et fixe le délai de dépôt de la liste des créances par le mandataire à 12 mois à compter de la publication au Bulletin Officiel des annonces civiles et commerciales du présent arrêt,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens du présent arrêt, ceux de l’arrêt cassé, ainsi que les frais de publicité et de signification seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT