Indemnité d’éviction : 13 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/03427

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Indemnité d’éviction : 13 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/03427

13 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG
23/03427

Copies exécutoires délivrées

aux parties le :

République française

Au nom du Peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ORDONNANCE DU 13 AVRIL 2023

(N° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/03427 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHEXS

Saisine : assignation en référé délivrée le 04 février 2023 à domicile

DEMANDEUR

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Aurélie FOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0099

DÉFENDEUR

Monsieur [E] [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Xavier SAUVIGNET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355

PRÉSIDENTE : Marie-Paule ALZEARI

GREFFIÈRE : Alicia CAILLIAU

DÉBATS : audience publique du 24 Mars 2023

NATURE DE LA DÉCISION : contradictoire

Signée par Marie-Paule ALZEARI, Présidente assistée de Alicia CAILLIAU, greffière présente lors de la mise à disposition, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement en date du 25 janvier 2023, le conseil de prud’hommes de Paris en sa formation de départage a :

‘ Dit que M.[E] [O] n’a pas subi de discrimination en raison de ses origines au cours de sa carrière au sein de la société BNP Paribas Personal Finance ;

‘ Dit que le licenciement notifié à M.[E] [O] est nul ;

‘ Ordonné la réintégration de M.[E] [O] dans son emploi ou dans un emploi équivalent ;

‘ Fixé le salaire mensuel brut de M.[E] [O] à la somme de 9004,33 euros ;

‘ Condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M.[E] [O] la somme mensuelle de 9004,33 euros à titre de salaire, outre celle de 900,43 euros au titre des congés payés, depuis le 16 juillet 2018 jusqu’à la date de sa réintégration ;

‘ Dit que les condamnations à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation au bureau de conciliation et celles à caractère indemnitaire, à compter de la présente décision ;

‘ Ordonné la capitalisation des intérêts ;

‘ Condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M.[E] [O] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Ordonné l’exécution provisoire ;

‘ Condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens.

Selon déclaration du 21 février 2023, la société BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel à l’encontre de cette décision.

Par assignation en référé devant le premier président de la cour d’appel de Paris, au visa des anciens articles 521 et 524 du code de procédure civile, elle sollicite l’arrêt de l’exécution provisoire et, subsidiairement, la consignation.

Par conclusions déposées et développées à l’audience, elle maintient ses prétentions et s’oppose aux demandes en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu’au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon écritures visées et développées à l’audience, M.[E] [O] conclut au rejet de la demande de suspension de l’exécution provisoire et de la demande de consignation.

Il réclame le paiement des sommes de 8000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la procédure abusive et de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS,

Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, la société BNP Paribas Personal Finance fait valoir que celle-ci entraîne des conséquences manifestement excessives au regard de la réintégration près de quatre ans et demi après le licenciement.

Elle ajoute que la réintégration immédiate reviendrait à la priver de son droit à un double degré de juridiction effectif.

Elle précise également qu’elle a été contrainte de mettre en place un plan de départs volontaires et que dans ce contexte, la réintégration de M.[O] dans ses fonctions plus de quatre ans après son licenciement ainsi que le versement de prêt de 75 mois de salaire moyen constituent des conséquences manifestement excessives pour elle.

Enfin, compte tenu du montant des sommes bénéficiant de l’exécution provisoire, elle soutient que M.[O] ne sera pas en capacité de les restituer dans un délai raisonnable en cas d’infirmation.

En défense, M.[O] prétend à l’absence de démonstration de conséquences manifestement excessives par l’appelante qui a la charge de la preuve en la matière.

Il estime que la société échoue à démontrer ses difficultés financières et conteste la réalité de conséquences manifestement excessives au regard de sa propre situation financière.

La demande est justement fondée sur les dispositions de l’ancien article 524 code de procédure civile qui dispose ainsi :

« Lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président statuant en référé et dans les cas suivants :

1° Si elle est interdite par la loi ;

2° Si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.

Lorsque l’exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l’article 521 et à l’article 522.

Le premier président peut arrêter l’exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l’article 12 et lorsque l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. »

En application de la disposition précitée, l’exécution provisoire ordonnée ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que si elle risque d’entraîner pour le débiteur de l’obligation des conséquences manifestement excessives compte tenu de ses facultés de paiement ou des facultés de remboursement du créancier.

Les critères d’appréciation tenant aux facultés de paiement du débiteur ou aux facultés de remboursement du créancier sont alternatifs et non cumulatifs.

Il n’entre pas dans les pouvoirs du premier président d’apprécier la régularité ou le bien-fondé de la décision entreprise.

L’appréciation du caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution relève du pouvoir souverain du premier président.

Sur les difficultés liées à la réintégration de M.[O], il doit être considéré que la société appelante procède par allégations sans toutefois justifier du comportement de l’intéressé et alors que la lettre de licenciement est insuffisante à en apporter la démonstration.

D’autre part, s’agissant du plan de départs volontaires, l’intimé fait utilement valoir que celui-ci est mis en place au sein de l’entreprise en parallèle avec un plan de mobilité interne au groupe BNP, ce qui est susceptible de rendre inopérant l’argument en lien avec l’impossibilité de repositionner M.[O] au sein de l’équipe dirigeante.

À cet égard, il doit être rappelé que la réintégration a été ordonnée dans les fonctions occupées précédemment ou dans un emploi équivalent.

Sur la situation financière de la société BNP Paribas Personal Finance, il n’est pas contesté que cette dernière fait partie d’un groupe , ce qui implique l’appréciation du risque de conséquences manifestement excessives en tenant également compte de la situation financière du groupe auquel elle appartient.

En l’espèce, il doit être considéré que la société appelante ne justifie d’aucun risque s’agissant de son équilibre financier.

En 2022, elle a enregistré 5,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 1,100 21 milliards d’euros de résultat.

En outre, sa situation doit nécessairement s’apprécier en considération de la situation globale du groupe.

Ainsi, la seule mise en place d’un plan de départs volontaires, liée à un contexte économique plus difficile dans le secteur du crédit à la consommation en lien avec la pandémie, ne peut, à lui seul, justifier de difficultés financières telles que l’exécution de la décision entreprise serait susceptible de mettre en péril la pérennité de la société.

Sur la situation financière du créancier de l’obligation, en cas d’exécution de la décision et donc de réintégration, M.[O] fait utilement valoir que si le jugement devait être infirmé, le remboursement des salaires versés se compenserait nécessairement avec le travail fourni par lui.

Dans cette mesure, la capacité de restitution de M.[O] peut ne s’apprécier qu’au regard du remboursement des condamnations pécuniaires relatives à l’indemnité d’éviction.

À cet égard, la société BNP Paribas Personal Finance ne procède toujours que par allégations au seul regard du montant des condamnations.

À l’opposé, M.[O] justifie qu’il est seul propriétaire, depuis le 18 janvier 2021, d’un appartement évalué, en 2020, à hauteur de 870’000 à 890’000 euros.

Il établit également qu’il lui reste à rembourser la somme de 349’567 euros à ce jour au titre des prêts contractés pour l’acquisition de ce bien, ce qui atteste d’un capital immobilier net de l’ordre de 550’000 euros.

Il résulte de ces éléments que les capacités financières de M.[O] ne sont pas obérées au point de rendre impossible la restitution des sommes en cas d’infirmation.

La demande d’arrêt de l’exécution provisoire est donc rejetée faute pour la société BNP Paribas Personal Finance de démontrer l’existence de conséquences manifestement excessives tant au regard de sa propre situation que de la situation particulière du créancier de l’obligation.

Sur la demande de consignation, la société BNP Paribas Personal Finance soutient que l’importance des sommes à verser justifie la consignation des condamnations au regard de la situation de M.[O].

M.[O] prétend que la consignation n’est pas fondée au regard de la démonstration précédente.

Il est effectif que la société BNP Paribas Personal Finance ne peut, sans se contredire, prétendre que le paiement des sommes dues au titre de l’exécution du jugement compromettrait sa situation financière et offrir, subsidiairement, la consignation du montant des condamnations.

En outre, en application de l’ancien article 521 du code de procédure civile, et au regard d’un risque sérieux de non restitution, il doit être considéré que les éléments de patrimoine tels que retenus dans les motifs précédents, démontrent que ce risque n’est pas établi.

La demande d’aménagement est donc rejetée.

Sur la demande en réparation au titre de la procédure abusive, M.[O] estime que l’argumentation de la société BNP Paribas Personal Finance , constituée de considérations relatives au fond de l’affaire, justifie l’allocation de dommages-intérêts.

La société BNP Paribas Personal Finance conclut au rejet de cette demande faute de justification d’un préjudice et du quantum des demandes.

Les arguments de fond ne peuvent effectivement se confondre avec des développements liés au contexte de l’affaire.

Dans le cadre de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, le premier président n’a pas à examiner le bien-fondé de la décision entreprise.

À l’opposé, en sollicitant l’arrêt de l’exécution provisoire ou la consignation sur le fondement des ancien article 521 et 524 du code de procédure civile, la société BNP Paribas Personal Finance n’a fait qu’user des droits qui lui sont conférés par ces dispositions.

D’autre part, il n’est nullement justifié ni d’ailleurs alléguer d’une particulière mauvaise foi de l’appelante dans l’initiation de la présente instance alors que M.[O] ne justifie pas d’un préjudice particulier et directement en lien avec les demandes formulées devant la juridiction du premier président.

La demande en paiement de dommages-intérêts à ce titre est donc rejetée.

La société BNP Paribas Personal Finance, qui succombe, doit être condamnée aux dépens.

Il sera donc fait application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [O].

PAR CES MOTIFS,

Contradictoire, dernier ressort, publiquement

Rejette la demande principale d’arrêt de l’exécution provisoire et la demande subsidiaire de consignation,

Rejette la demande de M.[E] [O] en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens,

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M.[E] [O] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,

 


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