16 mai 2023
Cour d’appel de Fort-de-France
RG n°
22/00318
ARRET N°
N° RG 22/00318
N��Portalis DBWA-V-B7G-CKVI
M. [J] [H]
C/
Mme [P] [K] [L]
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 16 MAI 2023
Décision déférée à la cour : Jugement du Juge des Contentieux de la Protection de Fort de France, en date du 20 Juin 2022, enregistré sous le n° 21/0000774 .
APPELANT :
Monsieur [J] [H]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Dominique MONOTUKA, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIMEE :
Madame [P] [K] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric VALERE de la SELARL ERICK VALERE, avocat au barreau de MARTINIQUE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002458 du 10/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de FORT DE FRANCE)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 Mars 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :
Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre
Assesseur : M.Thierry PLUMENAIL, Conseiller
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 16 Mai 2023.
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Selon jugement rendu le 30 novembre 2012 confirmé par arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France en date du 19 avril 2013, Mme [P] [K] [L] est propriétaire de la parcelle de terre cadastrée section [Cadastre 2] et située [Adresse 1], sur laquelle a été édifiée une maison d’habitation.
Le 17 décembre 2020, Mme [L] a fait remettre à M. [J] [H] par huissier de justice une sommation interpellative de quitter les lieux.
Par acte d’huissier du 26 novembre 2021, Mme [L] a fait assigner M. [J] [H] devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Fort-de-France aux fins de voir :
– dire et juger que M. [J] [H] est occupant sans droit ni titre,
– ordonner son expulsion et celle de tous occupants de son chef, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de quatre mois à compter de la signification de la décision à intervenir,
– condamner M. [J] [H] au paiement :
– d’une indemnité d’occupation de 6.600 euros, jusqu’à libération effective des lieux suivie d’une indemnité de 600 euros jusqu’à parfaite libération des lieux,
– refuser l’octroi de tout délai;
– d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,
– ordonner l’exécution provisoire.
Par jugement rendu le 20 juin 2022, le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Fort de France a :
– constaté que M. [J] [H] était occupant sans droit ni titre du bien appartenant à Mme [L] [P],
– à défaut de départ volontaire dans les quatre mois à compter de la signification de la présente décision, ordonné l’expulsion de M. [J] [H] des lieux, tant de sa personne que de ses biens et de tous occupants de son chef, avec l’assistance d’un serrurier et de la force publique si nécessaire, ainsi qu’à la remise des meubles, véhicules compris, se trouvant dans les lieux, aux frais de M. [J] [H], dans tout lieu approprié qu’il plaira au propriétaire et ce sous astreinte de 150 euros par jour à compter de l’expiration dudit délai,
– réservé la liquidation de l’astreinte,
– condamné M. [J] [H] à payer à Mme [L] une indemnité d’occupation mensuelle de 600 euros à compter du 01/01/2021, jusqu’à la libération effective des lieux,
– condamné M. [J] [H] aux dépens de l’instance qui comprendront notamment le coût du constat d’huissier et de l’assignation,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 19 août 2022, M. [J] [H] a critiqué tous les chefs de jugement.
Dans des conclusions en motivation d’appel en date du 17 octobre 2022, M. [J] [H] demande à la cour d’appel de :
‘DIRE ET JUGER M. [J] [H] recevable et bien fondé en ses demandes,
IN LIMINE LITIS,
FAIRE INJONCTION à Mme [P] [L] de communiquer les pièces fondant sa demande initiale introduite devant le Juge des contentieux de la protection près le Tribunal Judiciaire de Fort de France ;
SUR LE FOND
INFIRMER le Jugement rendu le 20 juin 2022 en ce qu’il a :
– Constaté que M. [J] [H] est occupant sans droit ni titre du bien appartenant à Mme [L] [P] ;
– A défaut de départ volontaire dans les quatre mois à compter de la signification de la présente décision, Ordonné l’expulsion de M. [J] [H] des lieux, tant de sa personne que de ses biens et de tous occupants de son chef, avec l’assistance d’un serrurier et de la force publique si nécessaire, ainsi qu’à la remise des meubles, véhicules compris, se trouvant dans les lieux, aux frais de M. [J] [H], dans tout lieu approprié qu’il plaira au propriétaire et ce sous astreinte de 150€ par jour à compter de l’expiration dudit délai; – Réservé la liquidation de l’astreinte ;
– Condamné M. [J] [H] à payer à Mme [L] une indemnité d’occupation mensuelle de 600 euros à compter du 01/01/2021, jusqu’à la libération effective des lieux ;
– Condamné M. [J] [H] aux dépens de l’instance qui comprendront notamment le coût du constat d’huissier et de l’assignation ;
– Ordonné l’exécution provisoire de la décision ;
JUGER M. [J] [H] propriétaire de la partie de la parcelle cadastrée section [Cadastre 2] qu’il occupe depuis 1991 ;
SUBSIDIAIREMENT,
CONSTATER que M. [J] [H], constructeur évincé, est titulaire d’un titre putatif résultant de l’accord de feu [I] [O] de procéder à la construction litigieuse ;
ALLOUER à M. [J] [H] la somme de 80 000 € à titre d’indemnisation résultant des travaux de construction réalisés sur la parcelle litigieuse, représentant l’indemnité d’éviction avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l’arrêt à venir ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
CONDAMNER Mme [P] [L] à verser à M. [J] [H] la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER Mme [P] [L] aux entiers dépens.’
M. [J] [H] expose que son grand-père, M. [I] [O], lui avait donné l’autorisation, le 20 août 1991, de réparer la maison d’habitation sise sur ledit terrain afin d’y habiter et que, le 03 décembre 1991, le maire de la ville du [Localité 3] lui avait délivré un permis de construire en vue de procéder aux travaux nécessaires de réparation. Il indique qu’il habite la maison située sur la parcelle litigieuse depuis 1991. Il fait valoir que Mme [P] [L] souhaite mettre fin à une convention vieille de plus de trente ans dont la régularité est incontestable. M. [J] [H] prétend également que, étant constructeur de bonne foi, il est fait interdiction au propriétaire du sol d’exiger la démolition de l’ouvrage ou des plantations, sauf à l’indemniser si Mme [L] décide la suppression des constructions qu’il a édifiées. Enfin, M. [J] [H] sollicite que lui soit reconnue une prescription acquisitive abrégée de la partie de la parcelle cadastrée section [Cadastre 2] qu’il occupe de manière paisible et ininterrompue depuis 1991.
Dans ses conclusions d’intimée du 22 novembre 2022, Mme [P] [L] demande à la cour d’appel de :
– ‘CONFIRMER le jugement rendu le 20 juin 2022 par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Fort-de-France ;
– Au surplus, CONDAMNER M. [J] [H] à payer à Mme [P] [L] une indemnité d’occupation d’un montant de 6.600 euros augmentée des intérêts au taux légal, pour la période de décembre 2021 à novembre 2022, sauf à parfaire ;
– FIXER l’indemnité d’occupation de 600 euros par mois jusqu’à parfaite libération des lieux ;
– DEBOUTER M. [J] [H] de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 555 du code civil ;
– CONDAMNER M. [J] [H] à payer à Mme [P] [L] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens avec application de l’article 699 du même code.’
Mme [P] [K] [L] expose que, en se maintenant dans les lieux malgré le transfert de propriété du bien litigieux à son profit, M. [H] a empêché pendant plus de onze mois l’intimée de récupérer le logement qu’il occupe et d’exercer ainsi son droit de l’habiter, de le louer ou d’en disposer librement. Mme [P] [L] sollicite la suppression de toutes constructions réalisées par M. [J] [H] sur la parcelle litigieuse, et ce à ses frais. Elle ajoute que M. [J] [H] ne saurait être considéré comme un tiers de bonne foi au sens de l’article 555 du code de procédure civile, dès lors qu’il lui appartenait de vérifier les titres de propriété de M. [I] [O] et ainsi constater que l’autorisation donnée en 1991 par ce dernier en qualité de propriétaire n’était pas valable.
Par ailleurs, Mme [P] [L] expose que, en raison du transfert de la propriété à son profit, M. [J] [H], qui ne justifie d’aucun titre l’autorisant à se maintenir dans les lieux, est devenu occupant sans droit ni titre. Elle fait valoir que la publication du jugement du 30 novembre 2012 et de l’arrêt de la cour d’appel du 19 avril 2014 est opposable à M. [J] [H], de sorte que la demande d’expulsion est justifiée.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, il sera fait expressément référence à la décision déférée à la cour et aux dernières conclusions déposées.
L’affaire a été plaidée le 10 mars 2023. La décision a été mise en délibéré au 16 mai 2023.
Lors des débats à l’audience du 10 mars 2023, le conseil de M. [J] [H] n’a pas déposé son dossier de plaidoiries.
Deux courriers électroniques ont été adressés en vain le 16 mars 2023 par le greffe de la chambre civile au conseil de M. [J] [H] aux termes desquels il lui a été demandé de déposer avant le 24 mars 2023 son dossier de plaidoiries, sous peine d’irrecevabilité.
A la date à laquelle la décision a été rendue, soit le 16 mai 2023, la cour n’a été destinataire d’aucune pièce à l’appui des conclusions de l’appelant.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de communication de pièces.
Il résulte des pièces de la procédure que Mme [L] a produit les mêmes pièces, tant en première instance qu’en cause d’appel, de sorte que, représenté dans le cadre de la présente instance, M. [J] [H] en a nécessairement eu connaissance.
Dès lors, M. [J] [H] sera débouté de ce chef de demande.
Sur la qualité d’occupant sans droit ni titre et la demande d’expulsion.
Il résulte des pièces de la procédure et en particulier d’un jugement rendu le 30 novembre 2010 par le tribunal de grande instance de Fort-de-France confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France en date du 19 avril 2013 que Mme [P] [L] est propriétaire d’un immeuble situé [Adresse 1].
Il résulte également de l’exposé des motifs de l’arrêt rendu le 19 novembre 2015 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation que Mme [L], née en 1923, avait rapporté par attestations la preuve qu’elle avait toujours vécu sur le terrain litigieux, en compagnie d’un de ses ascendants jusqu’en 1977, puis seule jusqu’à ce jour, de sorte que la cour d’appel qui, sans être tenue d’effectuer une recherche sur le caractère précaire de l’habitation édifiée au cours de cette possession que ses constatations rendaient inopérante, a caractérisé la possession trentenaire et souverainement estimé que cette possession l’avait été à titre de propriétaire, a légalement justifié sa décision.
Par ailleurs, M. [J] [H], qui prétend avoir construit la maison qu’il occupe, ne produit aucune pièce à l’appui de ses allégations. Il ne démontre pas non plus être constructeur de bonne foi de la maison d’habitation située sur la parcelle litigieuse. Enfin, il ne verse pas aux débats la convention dont il se prévaut et aux termes de laquelle il serait autorisé depuis 1991 à occuper l’immeuble appartenant à Mme [L].
Dès lors, le moyen soulevé par l’appelant et fondé sur l’application de l’article 555 du code civil sera déclaré inopérant.
C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a relevé que l’occupant de l’immeuble litigieux ne justifie d’aucun titre l’autorisant à s’installer dans les lieux et a constaté que M. [J] [H], ainsi que tous occupants de son chef, était occupant sans droit ni titre.
En conséquence, M. [J] [H] sera débouté de l’ensemble de ses demandes.
Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a constaté que M. [J] [H] est occupant sans droit ni titre du bien appartenant à Mme [L] [P] et en ce qu’il a ordonné, à défaut de départ volontaire dans les quatre mois à compter de la signification de la présente décision, l’expulsion de M. [J] [H] des lieux, tant de sa personne que de ses biens et de tous occupants de son chef, avec l’assistance d’un serrurier et de la force publique si nécessaire, ainsi qu’à la remise des meubles, véhicules compris, se trouvant dans les lieux, aux frais de M. [J] [H], dans tout lieu approprié qu’il plaira au propriétaire et ce sous astreinte de 150 euros par jour à compter de l’expiration dudit délai.
Sur l’indemnité d’occupation.
C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a fixé l’indemnité d’occupation à la somme de 600 euros par mois et a condamné M. [J] [H] à payer à Mme [L] cette indemnité d’occupation mensuelle à compter du 01/01/2021, jusqu’à la libération effective des lieux. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
Mme [P] [L] sollicite la condamnation de M. [J] [H] à lui payer une indemnité d’occupation d’un montant de 6.600 euros augmentée des intérêts au taux légal, pour la période de décembre 2021 à novembre 2022.
Or, la cour relève que, pour la période visée par l’intimée, Mme [L] dispose déjà d’un titre exécutoire, de sorte qu’elle peut procéder au recouvrement des indemnités d’occupation dues par M. [J] [H] et demeurées impayées.
La cour relève également que, à l’appui de sa demande en paiement, Mme [P] [L] ne produit aucun décompte.
En conséquence, Mme [L] disposant déjà d’un titre exécutoire, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en paiement présentée par l’intimée au titre des indemnités d’occupation dues pour la période de décembre 2021 à novembre 2022.
Sur les demandes accessoires.
Les dispositions du jugement déféré sur les dépens, les frais irrépétibles et l’exécution provisoire seront confirmées.
Il sera alloué àMme [P] [L] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés au cours de la présente procédure.
Succombant, M. [J] [H] sera condamné aux dépens de la présente instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
REJETTE la demande de communication de pièces présentée par M. [J] [H] ;
CONFIRME le jugement rendu le 20 juin 2022 par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Fort-de-France dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ;
CONDAMNE M. [J] [H] à payer à Mme [P] [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [J] [H] aux dépens de la présente instance.
Signé par Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,