Indemnité d’éviction : 6 juin 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 20/00170

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Indemnité d’éviction : 6 juin 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 20/00170

6 juin 2023
Cour d’appel de Chambéry
RG
20/00170

IRS/SL

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 06 Juin 2023

N° RG 20/00170 – N° Portalis DBVY-V-B7E-GM7P

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ALBERTVILLE en date du 21 Janvier 2020

Appelante

Société civile immobilière [Adresse 5], dont le siège social est situé [Adresse 5]

Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL NESE, avocat plaidant au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Intimées

S.A.S. SIFH – SOCIETE D’INVESTISSEMENT FRANCE HOTELS, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de PARIS

S.A.S. SOCIETE HOTELIERE COURCHEVEL INVESTISSEMENT, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par la SCP CHEVASSUS-COLLOMB, avocats postulants au barreau d’ALBERTVILLE

Représentée par la SELAS MAYER BROWN, avocats plaidants au barreau de PARIS

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Date de l’ordonnance de clôture : 21 Octobre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 novembre 2022

Date de mise à disposition : 06 juin 2023

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Composition de la cour :

Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Madame Claire STEYER, Vice Présidente placée, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

– Mme Hélène PIRAT, Présidente,

– Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,

– Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,

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Faits et procédure

La SCI [Adresse 5] (la SCI) est propriétaire de 127 lots de copropriété dépendant d’un immeuble à usage d’ hôtel, lots représentant 127 chambres de l’immeuble situé à Courchevel commune de Saint Bon lieudit « Le jardin alpin ».

Par acte sous seing privé en date du 31 décembre 2008, la SCI a consenti au renouvellement d’un bail commercial au profit de la société Mercure international hôtel devenue la société des hôtels Novotel et Mercure et actuellement dénommée Société d’investissement France hôtel (SIFH) et la société Mercure international hôtels (SA), venant aux droits de la société Novotel, prévoyant le renouvellement du bail pour une durée de neuf années, le bail s’achevant au 31 décembre 2017.

Par acte du 1er décembre 2015, la SIFH a cédé son fonds de commerce en ce compris le droit au bail à la société hôtelière Courchevel investissement(SHCI).

La SHCI exploite ainsi dans le quartier du Jardin Alpin à [Localité 6] (Savoie) un hôtel, un restaurant, une salle de congrès et un auditorium qui font l’objet de plusieurs baux commerciaux distincts.

L’hôtel est exploité en vertu de deux baux commerciaux qui portent chacun sur des lots de copropriété situés dans le bâtiment I :

– Un bail commercial portant sur 127 chambres de ce bâtiment, qui est l’objet du litige,

– Un bail commercial portant sur 22 chambres de ce même bâtiment I, à effet du 1er décembre 1999, consenti par la société Agence Descamps, mandataire commun des propriétaires desdites chambres, bail ayant fait l’objet d’un renouvellement le 31 décembre 2008 puis le 31 décembre 2017.

Le restaurant situé dans le bâtiment II est exploité par la SHCI en vertu d’un bail commercial conclu le 28 novembre 2016 avec la société Foncière Lovestate, le bail portant également sur des lots privatifs du bâtiment I (bar, salon, sanitaires, réserve)

Le centre de congrès et l’auditorium situés dans un autre bâtiment relié aux précédents, sont exploités par la SHCI en vertu de deux baux emphytéotiques, l’un consenti par la commune de [Localité 6], l’autre par la Fondation pour l’action culturelle internationale en montagne (FACIM), propriétaires des lieux.

L’ensemble immobilier (bâtiment I et II ainsi que la piscine) constitue la copropriété, dénommée Hôtel jardin alpin copro.

Par acte d’huissier du 3 mai 2017, la SCI a donné congé avec refus de renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction à la SHCI.

Par actes du 22 février 2017, la SCI a fait assigner la société hôtels Novotel et Mercure devenue la société d’investissement France Hôtels (SIFH) et la SHCI devant le tribunal de grande instance d’Albertville, aux fins de les voir condamner à faire réaliser des travaux sous astreinte et en paiement de dommages et intérêts.

Par acte en date du 10 octobre 2017, la SHCI a fait assigner la SCI devant le même tribunal aux fins d’annulation du congé sans renouvellement et de paiement d’une indemnité d’éviction.

Les deux affaires ont été jointes suivant avis du 26 avril 2018.

Par jugement du 21 janvier 2020, le tribunal judiciaire d’Albertville a :

– Déclaré irrecevable la demande d’annulation de l’assignation délivrée par la SCI,

– Rejeté la demande tendant à voir écarter des débats le rapport [F] et le constat d’huissier produits par la SCI,

– Déclaré irrecevable la demande d’exécution de travaux relative à ceux portant sur des parties communes,

– Déclaré recevable la demande d’exécution de travaux concernant les chambres,

– Débouté la SCI de sa demande en exécution de travaux concernant les chambres,

– Déclaré valable le congé sans offre de renouvellement délivré par acte d’huissier du 3 mai 2017, à effet au 30 novembre 2017 à minuit,

– Débouté la SHCI de sa demande d’annulation du congé avec refus de renouvellement sans offre d’indemnité,

– Annulé la mise en demeure délivrée par acte d’huissier du 18 février 2016,

– Débouté la SCI de ses demandes relatives à l’expulsion et au sort des meubles,

– Condamné la SCI à payer à la SHCI la somme de 5 780 998,66 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre de l’indemnité d’éviction hors indemnités pour frais de déménagement et de licenciement,

– Condamné la SHCI à payer à la SCI une somme annuelle égale à 90% du dernier loyer courant indexé dans les conditions du bail, hors charges, outre intérêts au taux légal à compter du jugement, majorée des charges, taxes et accessoires applicables en vertu des dispositions du bail, au titre de l’indemnité d’occupation due à compter du 1er décembre 2017,

– Dit n’y avoir lieu à indexation de l’indemnité d’occupation,

– Ordonné au bénéfice de la SCI la capitalisation des intérêts échus depuis au moins un an à compter de la décision,

– Débouté la SCI de sa demande de dommages et intérêts,

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

– Condamné la SCI à payer à la SHCI la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la SCI à payer la société SIFH la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la SCI au paiement des entiers dépens, avec distraction de ces derniers au profit de Me Anxionnaz et Me Chevassus.

La SCI a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions d’incident notifiées le 4 novembre 2020, la SIFH a saisi le conseiller de la mise en état pour voir déclarer irrecevables les demandes formulées pour la première fois en appel par la SCI à savoir :

– Sa demande de condamnation solidaire de la SHCI et de la SIFH au titre du règlement de l’indemnité d’occupation, qu’elle soit statutaire ou de droit commun,

– Sa demande de résiliation judiciaire du bail au visa de l’article 1227 du code civil,

– Sa demande tendant à voir déclarer inopposable le rapport d’expertise privé de M. [R] du 31 juillet 2017,

– Sa demande subsidiaire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 25 février 2021, le conseillerde la mise en état a rejeté les demandes aux motifs qu’il n’avait pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur les fins de non recevoir de cette instance.

Par requête en date du 10 mars 2021, la SCI a déféré à la cour cette décision.

Par arrêt en date du 14 septembre 2021, la cour a :

– Infirmé l’ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

– Dit que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur les fins de non recevoir soulevées par la SIFH,

– Dit le déféré recevable,

– Dit irrecevables, comme demandes nouvelles en appel la demande de condamnation solidaire de la SHCI et de la SIFH au titre du règlement de l’indemnité d’occupation, qu’elle soit statutaire ou de droit commun et la demande de résiliation judiciaire du bail au visa de l’article 1227 du code civil,

– Dit que la demande tendant à voir déclarer inopposable le rapport d’expertise privé de M. [R] du 31 juillet 2017 n’est pas une demande nouvelle en appel,

– Dit que la demande faite à titre subsidiaire d’ordonner une expertise n’est pas une demande nouvelle en appel,

– Débouté la SCI et SIFH de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dit que les dépens suivront le sort des dépens de l’instance d’appel.

Prétentions des parties

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 20 octobre 2022, régulièrement notifiées par voie électronique et auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la SCI demande à la cour de :

– Juger irrecevables les conclusions d’intimée n° 3 et récapitulatives n° 2 notifiés le 20 octobre 2022 pour le compte de la SHCI, et sa pièce n° 46 communiquée le même jour,

– Réformer partiellement le jugement déféré et notamment en ce qu’il a :

– débouté la SCI de ses demandes relatives à l’expulsion et au sort des meubles,

– condamné la SCI à payer à la société SHCI la somme de 5.780.998,66 euros outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement, au titre de l’indemnité d’éviction hors indemnités pour frais de déménagement et de licenciement,

– condamné la société SHCI à payer à la SCI une somme annuelle égale à 90 % du dernier loyer courant indexé dans les conditions du bail hors charges, outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement, majorée des charges, taxes et accessoires applicables en vertu des dispositions du bail, au titre de l’indemnité d’occupation due à compter du 1er décembre 2017,

– dit n’y avoir lieu à indexation de l’indemnité d’occupation,

– débouté la SCI de sa demande de dommages et intérêts,

– condamné la SCI à payer à la SHCI la somme de 2.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SCI à payer à la SIFH la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SCI au paiement des entiers dépens.

Statuant à nouveau,

– Déclarer recevables l’action et les demandes de la SCI contre la SHCI en ce qui concerne les travaux d’entretien et de réparation des parties communes affectées d’une jouissance exclusive à son bénéfice,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– Juger bien fondé le congé avec refus de renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motif grave et légitime signifié le 3 mai 2017 par la SCI à la SHCI ;

– Valider ledit congé et juger que le bail commercial du 31 décembre 2008 a pris fin par l’effet du congé susvisé ;

En conséquence,

– Juger la SHCI occupante sans droit ni titre des locaux litigieux à compter du 30 novembre 2017, date d’effet du congé ;

– Ordonner l’expulsion de la SHCI et de tous occupants de son chef des locaux litigieux avec au besoin recours à la force publique à défaut de libération volontaire des lieux ;

– Ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde meubles ou dans tout autre lieu au choix de la SCI aux frais, risques et périls de la SHCI en garantie de toutes sommes qui pourraient être dues ;

– Condamner solidairement la SHCI et la SIFH à payer à la SCI une indemnité d’occupation égale au dernier loyer courant indexé dans les conditions du bail, charges en sus, à compter du 30 novembre 2017 jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clefs ;

Subsidiairement, en cas de rejet des demandes au titre du congé avec refus de renouvellement du bail commercial,

– Juger la SCI bien fondée à reprocher à la SHCI et la SIFH un manquement dans l’exécution de leur obligation d’entretien de l’ensemble du bardage des façades, des garde-corps et mains courantes des balcons, des défauts de fonctionnement de la ventilation mécanique contrôlée et de l’absence de rénovation des salles de bains des chambres d’hôtel ;

En conséquence,

– Condamner solidairement la SIFH et la SHCI à faire réaliser les travaux de réfection de l’ensemble du bardage des façades, des garde-corps et des mains courantes des balcons, de la ventilation mécanique contrôlée des chambres d’hôtel et des salles de bains desdites chambres d’hôtel listé dans le rapport d’expertise de M. [F] sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de deux mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir ;

Subsidiairement,

– Ordonner avant dire droit une mesure d’expertise et désigner pour y procéder tel expert idoine avec mission de :

– Se rendre sur les lieux litigieux situés à [Localité 6] ([Localité 6]) – lieudit « [Adresse 5] ». Les visiter et les décrire ;

– Prendre connaissance des conventions intervenues entre les parties ainsi que de tous documents pertinents. Dresser un bordereau des pièces produites par les parties ;

– Entendre les parties en leur dires et explications ;

– Déterminer le périmètre et la consistance des lieux loués ;

– Dire si les lieux loués présentent des désordres et défauts de quelque nature qu’ils soient et distinguer le cas échéant ceux imputables à un défaut d’entretien, de réparation ou de rénovation imputables au preneur de ceux affectant le gros ‘uvre susceptible d’être imputés au bailleur ;

– Préconiser les travaux propres à réparer les désordres et défauts constatés. Chiffrer le coût et la durée des dits travaux ;

– Donner à la cour tous éléments pour apprécier les préjudices subis par l’une ou l’autre des parties de quelque nature qu’ils soient ;

– Établir un pré rapport et impartir aux parties un délai pour faire valoir leurs observations à l’issue duquel délai il déposera son rapport ;

Plus subsidiairement, en cas d’invalidation du congé avec refus de renouvellement et de rejet de la demande de résiliation du bail commercial et de rejet de la demande d’exécution de travaux,

– Juger inopposables les rapports d’expertise privés de M. [R] du 31 juillet 2017 et de M. [J] du 15 octobre 2021 ;

– Débouter la SHCI de sa demande d’indemnité d’éviction à défaut par elle de justifier du préjudice causé par le défaut de renouvellement de son bail commercial ;

Subsidiairement,

– Fixer le montant de l’indemnité d’éviction à la somme totale de 400.000 euros ou à maxima de 520 000 euros, outre les frais de déménagement et de licenciement ;

– Fixer l’indemnité d’occupation à la somme annuelle égale au dernier loyer courant indexé dans les conditions du bail, hors charges, à compter du 1er décembre 2017 et jusqu’à la date de libération des lieux ;

– Dire que ladite indemnité d’occupation sera majorée des charges, taxes et accessoires applicables en vertu des stipulations du bail commercial sous déduction d’un abattement de précarité de 5 % ;

– Juger que l’indemnité d’occupation sera indexée chaque année en fonction de la variation de l’indice INSE du coût de la construction et pour la première fois le 1er décembre 2018 ;

– Juger que les intérêts échus depuis plus d’un an porteront eux-mêmes intérêt au taux légal en application de l’article 1343-2 du code civil ;

– Débouter la SHCI et la SIFH de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

– Condamner solidairement la SHCI et la SIFH à payer à la SCI la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ceux d’appel au profit de la selurl Bollonjeon, avocat associé, dans les formes et conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

La SHCI a formé un appel incident portant sur le montant de l’indemnité d’éviction.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 21 octobre 2022, régulièrement notifiées par voie électronique et auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la SHCI demande à la cour de :

– In limine litis, débouter la SCI RHJA de sa demande de rejet des débats des conclusions signifiées par la concluante le 20 octobre 2022 ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il a :

– jugé que le coefficient de chiffre d’affaires à prendre en compte pour l’évaluation du fonds de commerce de l’hôtel par la méthode par comparaison du chiffre d’affaires est de 100% ;

Et, en conséquence,

– Jugé que l’indemnité principale devrait être fixée à la somme de 4 900 000 euros et que l’indemnité de remploi sera fixée à la somme de 485 310 euros,

– Jugé que l’indemnité pour trouble commercial devrait être fixée à 3 mois d’EBE, soit une somme de 126.500 euros ;

Et, statuant à nouveau,

– Juger que le coefficient de chiffre d’affaires à prendre en compte pour l’évaluation du fonds de commerce de l’hôtel par la méthode par comparaison du chiffre d’affaires est de 150% ;

Et, en conséquence,

– Juger que l’indemnité principale devrait être fixée à la somme de 6 000 000 euros et que l’indemnité de remploi sera fixée à la somme de 595.000 euros,

– Juger que l’indemnité pour trouble commercial devrait être fixée à 6 mois d’EBE, soit une somme de 252 000 euros ;

– Confirmer le jugement pour le surplus ;

Et, en tout état de cause,

– Débouter la SCI de ses demandes nouvelles ;

– Débouter la SCI toutes ses autres demandes, à toutes fins qu’elles comportent ;

– Condamner la SCI à régler à la SHCI la somme de 40.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 14 octobre 2022, et auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la SIFH demande à la cour de :

– Confirmer le jugement rendu le 21 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d’Albertville en toutes ses dispositions ;

– Débouter la SCI de ses demandes tendant à :

– lui voir déclarer inopposable le rapport d’expertise privé de M. [R] du 31 juillet 2017 ;

– voir désigner un expert à titre subsidiaire sur l’état des locaux loués ;

– A titre subsidiaire, juger en application de l’article 232 du code de procédure civile qu’il ne peut être confié à l’expert la mission de « déterminer le périmètre et la consistance des lieux loués » ;

En tout état de cause,

– Débouter la SCI de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– Condamner la SCI à payer à la société SIFH la somme de 40 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens dont distraction pour les dépens d’appel au profit de la selarl Cochet Barbuat conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

L’ordonnance de clôture est en date du 21 octobre 2022.

Motifs et décision

A titre liminaire, il sera rappelé que la demande nouvelle de la SCI relatives à une condamnation solidaire de l’indemnité d’occupation de la SIFH avec la SHCI, ainsi que la demande nouvelle de résiliation judiciaire du bail ont été déclarées irrecevables par arrêt du 14 septembre 2021.

I – Sur les conclusions de la SHCI notifiées le 20 octobre 2022 avec une pièce n°46

Selon l’article 15 du code de procédure civile « Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense. »

Il est jugé que les conclusions déposées le jour même de la clôture sont recevables si elles sont prises en réplique à des conclusions adverses et ne soulèvent ni moyens nouveaux, ni prétentions nouvelles (Civ., 3ème, 12 juin 2002,n° 01-01.233, Civ., 1ère, 6 oct. 2010, n° 09-12.686)

En l’espèce, la SHCI a communiqué avec ses conclusions n°2 en date du 21 septembre 2022 un rapport privé établi par M. [J] et relatif au calcul de l’indemnité d’éviction.

En réponse, la SCI a produit avec ses conclusions n°4 en date du 13 octobre 2022 une pièce n° 40 « lettre de son expert comptable [Y] comprenant une analyse critique du rapport de M. [J]. « 

Par conclusions notifiées le 20 octobre la SHCI a répondu à ces critiques et a produit une attestation de son expert comptable M. [Z] attestant de la sincérité des chiffres utilisés par M. [J].

Par conclusions notifiées le même jour la SCI a demandé le rejet de ces conclusions et de la pièce n°46.

Par conclusions notifiées le 21 octobre, jour de la clôture, la SHCI s’est opposée à cette demande.

Il résulte de la lecture des conclusions de la SHCI notifiées le 20 octobre 2022, que ces dernières ne tendent qu’à répondre aux critiques du rapport [J], de sorte qu’elles sont recevables, l’attestation de l’expert comptable, n’apportant pas d’élément nouveau.

La demande tendant à voir écarter ces conclusions et la pièce 46 communiquée par la SHCI sera rejetée.

II – Sur la demande de la SCI relative aux travaux

Sur la recevabilité de la demande en exécution des travaux concernant les parties communes

Pour soutenir la recevabilité de sa demande au lieu et place du syndicat des copropriétaires Hôtel jardin alpin copro, la SCI fait valoir qu’elle dispose d’un droit de jouissance exclusive sur les parties communes du bâtiment dans la mesure où le contrat conclu avec la SHCI mentionne qu’il est donné à bail au preneur l’immeuble à usage hôtelier dont la désignation suit :

« 127 chambres et le droit de jouissance exclusive des parties communes qui leur sont rattachées à savoir :

Un hall d’accueil et de réception, un salon, des locaux d’administration, des locaux de service d’étage, un ski-room, des sanitaires, une lingerie, une piscine,

à l’exclusion des parties communes correspondant au local de rangement situé au sous-sol, réservé aux associés de la SCI, dont ceux-ci se réservent la jouissance privative. »

L’article 4 de la loi du 10 juillet 1965 énonce que : « les parties communes sont l’objet d’une propriété indivise entre l’ensemble des copropriétaires ou certains d’entre eux seulement. »

Selon l’article 6-2 de cette loi : « Les parties communes spéciales sont celles affectées à l’usage ou à l’utilité de plusieurs copropriétaires. Elles sont la propriété indivise de ces derniers. »

L’article 6-3 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que : « Les parties communes à jouissance privatives sont les parties communes affectées à l’usage ou à l’utilité exclusifs d’un lot. Elles appartiennent indivisément à tous les copropriétaires.

Le droit de jouissance privative est nécessairement accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché. Il ne peut en aucun cas constituer la partie privative d’un lot. Le règlement de copropriété précise, le cas échéant, les charges que le titulaire de ce droit de jouissance privative supporte. »

Enfin selon l’article 8, « un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l’état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance; il fixe également sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l’administration des parties communes. Il énumère s’il y a lieu les parties communes spéciales et celles à jouissance privative. »

Ainsi, le règlement de copropriété définit les parties communes comme étant celles qui sont à l’usage de tous les copropriétaires (parties communes générales) ou de plusieurs copropriétaires (parties communes particulières), lesquels sont tenus d’en supporter les charges d’entretien et de fonctionnement, conformément aux dispositions du règlement de copropriété et aux lois en vigueur.

En l’espèce, l’article 3 de l’état descriptif de division et règlement de copropriété mentionne que l’ensemble immobilier fait l’objet de 162 lots numérotés de 1 à 156 inclus, 201 à 2016 inclus et précise :

« La désignation de ces lots est établie ci-après. Elle comprend pour chacun d’eux l’indication des  parties privatives réservées à la jouissance exclusive de son propriétaire et une quote-part indivise de toutes les parties de l’ensemble immobilier. »

L’article 4 définit ainsi les parties privatives : « Les parties privatives sont celles qui sont à l’usage exclusif et particulier de chaque copropriétaire, à charge pour lui d’en assurer l’entretien et le fonctionnement suivant les règles et conditions fixées au présent règlement de copropriété. »

L’article 5 « définition des parties communes » stipule que les parties de propriété commune sont celles qui sont à l’usage de tous les copropriétaires (parties communes générales) ou plusieurs copropriétaires (parties communes particulières), lesquels sont tenus d’en supporter les charges d’entretien et de fonctionnement, conformément aux dispositions du règlement de copropriété et aux lois en vigueur. »

Le règlement de copropriété et état descriptif de division définit les parties communes générales de l’ensemble immobilier, puis les parties communes particulières à l’un des bâtiments I et II et enfin les parties communes particulières à chacun des bâtiment soit pour le bâtiment I :

Le hall d’entrée et de réception, le salon à usage commun situé au rez de chaussée, les trois cabines téléphoniques situées dans le hall d’entrée, les locaux divers destinés au service commun du bâtiment, la cage de chacun des ascenseurs A1 et A2 son local de machinerie et la machinerie, ses accessoires, les paliers et dégagements à chaque niveau, les locaux techniques, le réseau de chauffage électrique, la VMC, les divers éclairages de sécurité, les installations d’électricité et alarmes etc…

L’article 10 du règlement prévoit que, « dans le cadre et compte tenu de la destination hôtelière de l’ensemble immobilier, les propriétaires des parties communes affectées à cet usage, pourront décider qu’elles seront mises à disposition de la personne assumant l’exploitation de l’hôtel soit par voie de location soit par voie de concession, soit de toute autre manière, à titre onéreux ou gratuit, le tout dans les conditions qu’ils déterminent. Dans ce cas l’entretien et la gestion desdites parties communes ainsi que les services y afférents seront assumés par la personne (exploitant) à la disposition de laquelle les parties communes spéciales auront été mises (‘). »

Force est de constater à la lecture de ce règlement de copropriété que ce dernier ne prévoit aucune partie commune à jouissance privative affectée à l’usage ou à l’utilité exclusifs d’un lot.

Il en résulte que la SCI propriétaire des chambres données en location à la SHCI ne bénéficie d’aucun droit de jouissance privative sur les parties communes du bâtiment I listées dans le bail.

Il s’agit ainsi d’une jouissance partagée entre tous les copropriétaires du bâtiment I, à savoir la SCI, propriétaire des 127 chambres d’hôtel, les propriétaires des 22 chambres de services situées dans ce même bâtiment, et la société Foncière Lovestate propriétaire d’un appartement de fonction dans le bâtiment I.

Il sera par ailleurs relevé qu’il est mentionné dans le bail un droit de jouissance privative par la SCI de la piscine alors que cette dernière est un lot privatif appartenant au syndicat des copropriétaires et qu’elle ne pouvait donc être donnée à bail par la SCI.

A cet égard, il sera constaté que lors de l’assemblée générale des copropriétaires du 4 décembre 2021 il a été proposé une résolution n° 8 concernant les conditions d’utilisation de la piscine, laquelle prévoyait de mettre à la charge de l’exploitant hôtelier une indemnité d’occupation de 30 000 euros par an depuis le 1er décembre 2017 jusqu’à la libération des lieux, compte tenu du fait que la SHCI n’utilisait plus cette dernière, pour les besoins de sa clientèle, dans le cadre des relations contractuelles antérieures mais dans le cadre d’une occupation sans titre, résolution qui n’a finalement pas été votée, le vote ayant été reporté à une assemblée générale ultérieure.

Ainsi ce droit de jouissance exclusif existe uniquement dans le bail et non dans le règlement de copropriété de sorte que la SCI ne pouvait conférer au preneur un tel droit qu’elle ne détient pas.

Faute de droit de jouissance privative par la SCI sur les parties communes mentionnées dans le bail, cette dernière n’avait pas qualité à réclamer l’exécution de travaux concernant ces dernières, seul le syndicat des copropriétaires pouvant former une demande relative à l’entretien et la réalisation de travaux relatifs aux parties communes, à l’exclusion des copropriétaires.

La SCI fait encore valoir l’article L 311-1 du code du tourisme qui prévoit l’impossibilité pour le propriétaire d’un immeuble dans lequel est exploité un hôtel de s’opposer à l’exécution des travaux d’équipement et d’amélioration que le locataire réalise à ses frais et sous sa responsabilité concernant un certain nombre de travaux que le texte énumère.

Or, d’une part ce texte ne s’applique pas au cas de figure puisqu’en l’espèce c’est la SCI propriétaire de 127 chambres qui réclame des travaux, et non l’inverse, d’autre part ces dispositions ne concernent pas les travaux concernant le gros-‘uvre et par ailleurs dans le cas d’un hôtel situé dans un immeuble en copropriété et de travaux affectant les parties communes, une autorisation préalable de la copropriété est nécessaire.

Le jugement qui a déclaré irrecevable la SCI en ses demandes de condamnation à effectuer sous astreinte des travaux concernant les parties communes du bâtiment I, sera confirmé.

Sur les travaux concernés

Devant les premiers juges, la SCI sollicitait la condamnation solidaire de la SHCI et de la SIFH à faire réaliser sous astreinte les travaux listés dans le rapport de l’expert [F], sans autre précision.

Dans le dernier état de ses conclusions la SCI sollicite désormais la condamnation solidaire de la SHCI et de la SIFH à faire réaliser sous astreinte les travaux de réfection de l’ensemble du bardage des façades, des garde-corps et des mains courantes des balcons, de la ventilation mécanique contrôlée des chambres d’hôtel et des salles de bains des chambres d’hôtel, listés dans le rapport d’expertise de M. [F].

Il résulte de l’article 5 « définition des parties communes » que sont des parties communes particulières à l’un des bâtiments I et II, notamment :

« Les fondations, gros murs des façades et de refend, murs pignons, mitoyens ou non, piliers poteaux de soutien; le vide sanitaire du bâtiment,

Le gros ‘uvre des planchers (à l’exclusion du revêtement de sol) et des plafonds des parties privatives,

La couverture de chacun des bâtiments I et II

Et généralement tous les éléments constituant l’ossature extérieure et intérieure du bâtiment concerné,

Les ornementations et décoration intérieures et extérieures de l’immeuble considéré et de ses façades, y compris le gros ‘uvre des balcons et terrasses à l’exclusion des appuis, balustrades et garde-corps, »

Par ailleurs, les parties communes particulières du bâtiment I comprennent « les locaux techniques et diverses installations y relatives à l’usage particulier du bâtiment notamment :(…)

L’installation de ventilation mécanique contrôlée (y compris son local situé au sous-sol du bâtiment) avec ses accessoires (groupe d’extraction, gaines, bouches d’extraction prises d’air frais, etc…) propre au bâtiment I. »

Il résulte de cette énumération que les travaux de réfection de l’ensemble du bardage des façades, et de la ventilation mécanique contrôlée des chambres d’hôtel concernent des parties communes que la SCI copropriétaire au sein du bâtiment I n’a pas qualité à réclamer.

Sur le bien fondé de la demande relative aux parties privatives

Aux termes de l’article 1754 du code civil, « les réparations locatives ou de menu entretien dont le locataire est tenu, s’il n’y a clause contraire, sont celles désignées comme telles par l’usage des lieux, et, entre autres, les réparations à faire :

Aux âtres, contre-c’urs, chambranles et tablettes de cheminées ;

Au recrépiment du bas des murailles des appartements et autres lieux d’habitation à la hauteur d’un mètre ;

Aux pavés et carreaux des chambres, lorsqu’il y en a seulement quelques-uns de cassés ;

Aux vitres, à moins qu’elles ne soient cassées par la grêle ou autres accidents extraordinaires et de force majeure, dont le locataire ne peut être tenu ;

Aux portes, croisées, planches de cloison ou de fermeture de boutiques, gonds, targettes et serrures. »

L’article 4.2 « Entretien Réparation » de l’avenant n°1 au bail prévoit que :

« Il (le preneur) entretiendra constamment les lieux pendant toute la durée du bail en bon état de réparation et d’entretien.

De convention expresse entre les parties, le preneur s’engage à exécuter au lieu et place du bailleur les travaux d’amélioration et de modification nécessaires pour la rénovation des lieux loués.

En ce qui concerne les grosses réparations, telles que définies à l’article 606 du code civil, le bailleur et le preneur conviennent de répartir entre eux de la façon suivante les frais correspondants :

A la charge exclusive du bailleur jusqu’à 160 000 euros TTC.

La dite somme sera indexée sur l’indice BT01 publié trimestriellement par le Moniteur. L’indice de base sera constitué par l’indice du mois de novembre 2008, denrier indice connu soit 815 et le dernier indice BT01 publié lors de la signature de l’ordre de service des travaux.

A la charge exclusive du preneur pour la partie du coût des réparations excédant la somme de 160 000 euros TTC indexée comme il est dit ci-dessus. »

Ainsi que l’ont relevé à bon droit les premiers juges :

– Le fait que dans le cadre de négociations, le preneur ait proposé de prendre en charge certains travaux, en échange d’une renégociation du bail ne constitue pas une reconnaissance de sa part du bien-fondé de la présente demande d’exécution de travaux.

– Le rapport de M. [F] comme le constat d’huissier du 7 juillet 2015 font état de différents désordres notamment pour ce qui concerne les parties privatives, une plomberie dans un état moyen, des gardes-corps dont le bois est abîmé.

– La cause des désordres (vétusté, défaut d’entretien ou autres) déterminante pour connaître l’identité de la partie à qui incombe les travaux, la nature et les montants des travaux de reprise ne sont pas précisés par l’expert.

– Au surplus, les constatations ne concernent qu’une partie limitée des locaux, objets du bail (Sur 127 chambres, 15 chambres visitées dont l’une de service ne fait pas partie du bail concernant la SCI).

– Au terme de l’avenant n°1 du bail en date du 31 décembre 2008, les parties ont convenu qu’en cas de désaccord sur l’opportunité de procéder aux réparations, sur l’étendue des travaux envisagés ou sur leur montant, les questions techniques relatives aux réparations litigieuses seraient déterminées par un expert choisi d’un commun accord et à défaut par un expert désigné par le président du tribunal de grande instance parmi les experts inscrits près les tribunaux. En outre les parties ont entendu que les conclusions de cet expert s’imposeraient à elles. Or aucune expertise contradictoire respectant cette clause n’a été mise en ‘uvre à l’initiative de la SCI

Il sera ajouté qu’afin d’assurer la contradiction avec le rapport unilatéral de M. [F], la SHCI a sollicité l’avis de M. [P] architecte DPLG expert judiciaire près la cour d’appel de Paris, lequel a procédé à une visite des lieux durant une demi-journée le 4 avril 2016.

Selon M. [P], le rapport de M. [F] est un focus consacré uniquement aux ouvrages «défectueux» qui ne lui paraît pas refléter l’état du domaine bâti.

Il indique dans son rapport que les bois du bardage bois, qui constituent l’essentiel de l’enveloppe extérieure du bâtiment, présentent des états bien différents selon leur degré de protection, d’exposition et d’accessibilité. que le parement supérieur des mains courantes des balcons présente en général un degré de protection correcte avec une mise en peinture ou un gel de peinture, qu’en revanche les autres pièces de bois et notamment les parements extérieurs difficilement accessibles ont une protection qui s’estompe.

S’agissant des peinture de sols des balcons, il a indiqué que des multiples chambres visitées, seul le balcon de la chambre n° 200 présente une détérioration du ragréage sous-jacent à la protection de sol.

S’agissant des VMC il a préconisé un contrôle des moteurs et des traînasses afin de rétablir les circulations d’air continues dans les chambres.

Cet expert a établi un rapport complémentaire à la suite d’une visite sur place le 4 juillet 2017, sollicitée par la SHCI aux fins de constat des travaux réalisés par cette dernière.

Les documents suivants lui ont été communiqués :

– Rapports Apave de vérification des installations électriques du 17 octobre 2016,

– Certificat Apave de levée de réserves des installations électriques du 16 juin 2017

– Contrat d’entretien et d’assistance technique des installations de chauffage avec la société Snitherm du 14 septembre 2016,

– Contrat Otis de maintenance ascenseur du 14 septembre 2016,

– Projet de contrat Idex d’assistance technique et de dépannage pour la production d’eau chaude sanitaire du 2 septembre 2016.

Il a constaté que toutes les menuiseries extérieures avaient été remplacées, pose exécutée à neuf après dépose des anciens dormants, que par ailleurs, le revêtement de sol et les soubassements dans les coursives avaient été remplacés et qu’une peinture murale avait été appliquée sur les fonds en élévation et sur le parement extérieur des portes des chambres, avec pose de barres de seuils et modification de l’éclairage au-dessus des portes.

S’agissant des salles de bains des chambres il a indiqué être passé dans plusieurs chambres et avoir constaté un état d’entretien satisfaisant, les pièces d’eau étant propres et saines sans bris de carrelage ou détérioration de faïence murale, les joints périmétriques des baignoires restant adhérents et élastiques et aucune moisissure n’étant visualisée. Il a par ailleurs constaté que les bouches d’extraction ne présentaient aucun défaut d’aspiration dans les sanitaires et salles de bains.

Ses conclusions ont été les suivantes :

« D’importants travaux de rénovation ont été engagés ces derniers mois dans l’hôtel à savoir :

Le changement des menuiseries extérieures,

Les mises en conformité et les contrôles des équipements et installations techniques (VMC, électricité, chauffage…)

Concernant les bardages bois et les habillages des balcons nous confirmons :

que les petites interventions ponctuelles en entretien courant nous semblent en règle générale réalisées correctement (mise en peinture ou lasure des lisses hautes des gardes-corps…)

que la prochaine campagne générale de ravalement des façades (avec pose d’un échafaudage périmétrique complet, devra également intégrer les prestations préalables de ponçage, rebouchage des gerçures et remplacements partiels des lames de bardage. »

C’est dès lors à juste titre que les premiers juges au vu de la vacuité des éléments fournis par la SCI ont rejeté sa demande en considérant qu’elle ne fournissait pas les données nécessaires pour déterminer si des travaux et lesquels devaient être exécutés par le preneur.

Sur la demande subsidiaire par la SCI de l’institution d’une expertise judiciaire

L’article 143 du code de procédure civile prévoit que « Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible ».

L’article 144 de ce code énonce que « Les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer ».

En l’espèce, une mesure d’expertise qui, en tout état de cause ne pourrait porter que sur les travaux relatifs aux parties privatives de la SCI, n’apparaît pas justifiée dans la mesure où elle ne permettrait pas d’évaluer l’état des chambres huit ans auparavant, et les désordres invoqués à l’époque.

Elle aurait, par ailleurs, pour effet de supprimer pour les parties le bénéfice du double degré de juridiction.

Enfin, il y a lieu de considérer que la SCI a fait le choix de s’exonérer des stipulations contractuelles liant les parties, qui prévoyaient la désignation commune ou à défaut judiciaire d’un expert judiciaire, pour faire appel à un expert privé, dont le rapport s’apparente plus à des constatations, au demeurant très partielles, qu’à un rapport d’expertise.

Elle est défaillante dans la preuve qui lui incombe de l’origine, de l’ampleur des désordres qu’elle invoque ainsi que de la responsabilité du preneur dans ces derniers et il ne saurait être institué au stade de l’appel une mesure destinée à pallier cette carence.

La demande sera rejetée.

III – Sur la validité de la mise en demeure ayant précédé le congé

Aux termes de l’article L 145-17.1 du code de commerce : « I.-Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité : 1° S’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. Toutefois, s’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l’article L. 145-8, l’infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa . »

Il est constant que la mise en demeure doit indiquer de façon précise les manquements auxquels il doit être remédié.

En l’espèce, une mise en demeure a été adressée par acte extra judiciaire le 18 février 2016 aux terme de laquelle il a été fait sommation à la SHCI, dans le délai d’un mois suivant la notification de celle-ci de :

– prendre toutes les mesures pour exécuter les travaux lui incombant, et qui devront correspondre très exactement aux travaux d’entretien décrits par l’expert amiable missionné, M. [I] [F], et dont le rapport d’expertise lui a été dénoncé par exploit d’huissier des 10 et 12 novembre 2015 et d’en justifier au bailleur dans ce délai,

– communiquer le projet de travaux de rénovation de l’ensemble immobilier accompagné du dossier de demande d’autorisations administratives, aux fins d’obtenir son accord sur les travaux envisagés, conformément aux dispositions du bail,

– et justifier au bailleur de la levée des prescriptions émises par la commission de sécurité de l’arrondissement d'[Localité 3].

Ainsi que l’ont retenu à bon droit les premiers juges par une motivation pertinente que la cour adopte :

‘ Cette mise en demeure apparaît particulièrement imprécise en ce que le terme « toutes mesures » ne permet pas de déterminer celles qui sont à prendre effectivement (la demande de devis suffit-elle, faut-il qu’ils soient acceptés, la date d’exécution des travaux doit-elle être déterminée, les travaux doivent-ils être commencés).

‘ Les travaux à exécuter ne sont pas listés et le preneur doit se référer à un document qui n’est même pas joint mais a été adressé trois mois auparavant.

‘ Ce document est imprécis dans la mesure où il s’agit d’une liste de constatations et que les travaux de réparation ne sont pas définis. Ainsi il est noté en page 53 un état moyen de la robinetterie, ou en page 70 concernant la chambre 308 un mauvais état des bois des garde-corps sur balcon sans que la nature des travaux de reprise qui peuvent varier allant du nettoyage au remplacement des robinets, de la lasure à la mise à nu des bois n’est pas définie.

‘ Il est demandé la justification de la levée des prescriptions émises par la commission de sécurité mais ces dernières ne sont pas listées. Le document relatif à ces prescriptions n’est pas produit et il n’ est pas précisé sa date pour permettre de s’y référer.

Dès lors le jugement qui a déclaré cette mise en demeure nulle ne peut qu’être confirmé.

Ainsi que l’ont retenu les premiers juges, le congé subsiste et le bailleur est tenu de verser une indemnité d’éviction à la SHCI.

Par ailleurs, les demandes relatives à l’expulsion ont été à bon droit rejetées dans la mesure où en application des dispositions de l’article L 145-28 du code de commerce, le locataire ne peut être contraint de quitter les lieux avant d’avoir reçu paiement de l’indemnité d’éviction.

IV – Sur l’indemnité d’éviction

Sur l’opposabilité des rapports de M. [R] et de M. [J]

La SCI soutient l’inopposabilité des rapports de M. [R] du 31 juillet 2017 et de M. [J] en date du 15 octobre 2021, ce dernier ayant été produit en cause d’appel.

Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il est aujourd’hui bien admis que le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur un rapport d’expertise dressé de manière non contradictoire et qu’il doit veiller à ce que celui-ci soit corroboré par d’autres éléments versés au débats et tel est le cas d’un deuxième rapport non contradictoire (3ème civ.15 nov.2018 n°16-26172)

Par ailleurs, en l’espèce, ces rapports ont été débattus contradictoirement à telle enseigne que la SCI produit une note en date du 12 octobre 2022, de son expert comptable la société Artemys, qui critique le rapport du cabinet [J] en faisant valoir qu’il n’est pas exploitable, que ce dernier n’a pas pris en compte la situation juridique réelle et ses conséquences sur le périmètre du calcul de l’indemnité, que les éléments concernant la comptabilité de la SHCI ne sont pas probants, que la comptabilisation des produits et charges n’est pas probante, note que la SCI reprend dans ses écritures pour critiquer ce rapport.

Tout d’abord, contrairement à ce qui est soutenu, les éléments comptables figurant dans ce rapport, sont parfaitement fiables ainsi qu’il résulte d’une attestation de M. [Z] expert comptable de la société SHCI rédigée en ces termes :

« Les données analytiques tant en termes de chiffre d’affaires qu’en terme de marge, ainsi que les EBE reporting sur lesquels s’est appuyé M. [J] pour exécuter sa mission et qui figurent page 55 de son rapport avec les comptes de la SHCI ci-dessous repris en page 2 sur 2 sont conformes aux comptes annuels sous jacent, ces derniers ayant été validés par les associés de la SHCI en assemblée générale.

L’appréciation se faisant principalement au niveau du chiffre d’affaires relativement au reclassement dans ce dernier des annulations non constitutives fiscalement d’une opération taxable à la TVA

La reprise dans ce rapport des données issues des reporting mensuels établis par le groupe sont en adéquation avec les comptes annuels de la période correspondante établis par notre confrère

Sur la base de nos travaux, nous n’avons pas d’observation à formuler sur ces informations. »

S’agissant des données comptables figurant dans le rapport de M. [R] et ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers juges, l’expert a eu connaissance de données comptables précises et indique seulement que les données qu’il a reprises n’ont pas été validées par un expert comptable.

Ces données sont cohérentes avec celles indiquées dans l’acte de cession du fonds de commerce intervenu en 2015 et par ailleurs la SCI se fonde elle-même sur ces données pour proposer son propre calcul.

Au vu de ces éléments, la demande de la SCI tendant à voir déclarer les rapports [R] et [J] inopposables sera rejetée.

Sur l’indemnité d’éviction principale

Selon l’article L 145-14 du code de commerce, « le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. »

Il est constant que cette indemnité doit être évaluée à la date la plus proche possible du départ du locataire c’est à dire en pratique à la date à laquelle les juges statuent, de sorte qu’il convient de se référer aux chiffres figurant dans le rapport de M. [J], qui visent les exercices 2016/2017, 2017/2018, 2018/2019, étant précisé que ce dernier a écarté à juste titre l’année 2020 du fait de la crise sanitaire.

Par ailleurs ainsi que l’ont retenu les premiers juges par une motivation pertinente que la cour adopte, il est usuel d’utiliser plusieurs méthodes pour déterminer la valeur du fonds de commerce et de l’indemnité d’éviction afin de croiser le maximum de critères et affiner ainsi l’analyse.

Concernant la méthode du chiffre d’affaires, la SCI soutient que seul doit être pris en compte le chiffre d’affaires de la partie hébergement à l’exclusion de celui concernant la partie restauration .

Or, ainsi qu’il résulte des divers baux consentis à la SHCI, l’ensemble compose une seule et même unité d’exploitation et les bâtiments destinés à l’exploitation hôtelière sont indissociables les uns des autres compte tenu de l’activité du preneur et de l’imbrication physique des lieux.

Ainsi le contrat de bail concernant les 127 chambres précise que :

« La SCI RHJA est propriétaire comme il est dit ci-après de 127 lots de copropriété dépendant d’un immeuble à usage d’hôtel représentatifs de 127 chambres dudit immeuble sis à Courchevel, commune de Saint Bon, lieudit « Le Jardin alpin ».

Cet immeuble à usage d’ensemble hôtelier et ses annexes sont situés à proximité d’un centre de congrès.

Cet ensemble hôtelier et le centre de congrès ont été édifiés sur des terrains ayant fait l’objet, en date du 28 avril 1976, d’une donation du Département de la Savoie au profit de la Fondation pour l’Action Culturelle Internationale en Montagne « FACIM », fondation reconnue d’utilité publique par décret du 18 juin 1978.

L’acte de donation contient un certain nombre de stipulations expresses ayant trait à l’affectation et la destination des construction à édifier par la FACIM ou ses substitués sur les terrains.

Notamment en ce qui concerne les parcelles de terrain sur lesquelles l’ensemble hôtelier ci-dessus indiqué a été édifié par la SECI, l’acte de donation stipule :

– La vocation hôtelière devra en être maintenue. Le non respect de cette clause entraînerait au profit de la FACIM la résolution de la vente

– Cet ensemble immobilier devra servir en priorité à l’hébergement des congressistes accueillis par la FACIM dans des conditions qui seront à déterminer.

– A cet effet la FACIM devra agréer le choix de l’exploitant de l’ensemble hôtelier avec lequel elle conclura une convention définissant leurs rapports. »

Après description des lots composant les bâtiments I et II, ainsi que la piscine, il est précisé :

« L’ensemble des biens immobiliers ci-dessus décrits composant l’unité d’exploitation hôtelière du preneur et se trouvant indissociables en raison de leur destination et l’activité du preneur, l’ensemble des baux commerciaux, consentis à ce dernier sont indivisibles, tant à sa charge qu’à son profit, ce que le bailleur accepte expressément. »

Par ailleurs, les deux baux emphytéotiques consentis l’un par la FACIM, l’autre par la commune de [Localité 6] précisent que le locataire étant titulaire de baux pour l’exploitation de l’hôtel, il est convenu que, dans le cas où l’un de ces baux ne serait pas renouvelé ou le serait dans des conditions que le locataire ne pourrait accepter, ce dernier serait, en mesure de résilier les baux emphytéotiques sous réserve d’en informer six mois au moins à l’avance le bailleur et paiement d’une indemnité forfaitaire et définitive arrêtée à une année de loyer pour chaque bail.

C’est dès lors à bon droit que les premiers juges, au vu de la description des lieux faite par l’huissier et M. [F], ont considéré que les locaux loués composés de trois bâtiments constituaient une seule et même unité d’exploitation et que les locaux destinés à l’exploitation hôtelière étaient indissociables des autres locaux, qu’il existait une imbrication physique des lieux et une interdépendance utilitaire du fait de l’existence d’une clientèle identique, de sorte que la disparition de la perte des locaux à usage d’hôtel entraînerait la disparition de l’entier fonds de commerce et qu’il convenait de prendre en compte le chiffre d’affaires global.

Le chiffre d’affaires global représente une somme de 4 358 653 euros correspondant à la moyenne des exercices 2016/2017, 2017/2018, 2018/2019, étant rappelé que l’ensemble des éléments chiffrés d’exploitation figurant au rapport de M. [J] a été validé par l’expert comptable de la SHCI.

Pour déterminer le coefficient de pondération du chiffre d’affaires permettant d’aboutir à la détermination de la valeur du fonds de commerce, il convient d’effectuer une comparaison avec les ventes de fonds de commerce intervenues récemment.

M [J] a retenu la vente de fonds de commerce similaires étant précisé que l’hôtel exploité par la SHCI a bénéficié d’un changement de classement de 3 étoiles à 4, le 18 janvier 2018 (hôtels situés en station n’ayant qu’une activité saisonnière disposant d’un nombre important de chambres avec un taux d’occupation important). Il a ainsi fixé le coefficient à 110%.

La SCI ne prend qu’une référence, celle de la cession du fonds de commerce de l’hôtel intervenue le 1er décembre 2015 entre la SIFH et la SHCI pour le prix de 600 000 euros retenant un coefficient de 10,21%.

Si cette donnée apparaît pertinente, dès lors qu’elle porte sur le fonds de commerce litigieux, et prend en considération ses particularités (multiplicité des baux, importance de la réserve de jouissance des propriétaires de chambres qui limite le chiffre d’affaires), c’est à bon droit que les premiers juges ne l’ont pas retenue, au regard des éléments suivants :

– L’importance des travaux qui ont été réalisés depuis cette cession d’un montant de 918 401,94 euros,

– Les conditions particulières dans lesquelles elle est intervenue puisque le groupe Accor auquel appartient la SIFH cédante du fond, est également associé à hauteur de 30% au sein de la SHCI, cessionnaire du fonds.

Il sera ajouté, qu’au travers des indices que sont le GOI (41%) et l’EBE, l’expert a relevé, depuis la reprise du fonds de commerce en décembre 2015, un très bon niveau de performance.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, un coefficient de 100% sera retenu, soit une valeur de 4 358 653 euros.

S’agissant de la méthode DCF (Discounted Cash Flow), elle prend en considération différents facteurs comme les travaux, la durée du bail, le nombre de jours d’ouvertures dans l’année, le revenu moyen dégagé par chambre, leur taux d’occupation, auquel il est appliqué un taux d’actualisation.

L’expert arrive à un résultat de 4 978 300 euros.

Il en résulte une moyenne entre ces deux méthodes de 4 668 476,50 euros, arrondis 4 700 000 euros.

Si on compare ce résultat à l’EBE corrigé, troisième méthode régulièrement utilisée, qui est fixé par l’expert à la somme de 365 552 euros, on obtient une valeur de 12,85 fois l’EBE qui comme le rappelle l’expert, s’inscrit dans le haut de la fourchette de 6 à 15 qui caractérise un fonds de commerce hôtelier performant en termes de rentabilité s’inscrivant dans un environnement très privilégié.

Le résultat produit par les trois méthodes est donc parfaitement cohérent et il sera observé qu’il n’est pas très éloigné du résultat retenu par le tribunal à partir de l’expertise de M. [R].

Le montant de l’indemnité principale sera fixé à la somme de 4 700 000 euros.

Sur l’indemnité de remploi

Cette indemnité est destinée à compenser les frais d’acte, les honoraires de négociation et les droits ou taxes liés à l’acquisition d’un autre fonds ou droit au bail.

Il convient de fixer cette dernière de la manière suivante :

Frais fiscaux :

– 5 310 euros (3% de la valeur du fonds pour la tranche comprise entre 23 000 et 200 000 euros)

– 225 000 euros (5% de la valeur du fonds pour la tranche supérieure à 200 000 euros)

Soit une somme totale de 230 310 euros.

Frais d’actes : 5% de la valeur du fonds : 235 000 euros

L’indemnité de remploi est fixée ainsi à la somme de 465 310 euros.

Sur l’indemnité pour trouble commercial

Ainsi que l’indiquent les experts, et que l’ont retenu les premiers juges, il est usuel d’apprécier ce trouble commercial à trois mois d’excédent brut d’exploitation moyen retraité des trois dernières années.

Les experts ont proposé de retenir une indemnité plus importante compte tenu du fait que les autres baux devront être résiliés et qu’un délai de préavis de six mois devra être respecté.

Ainsi que l’ont retenu les premiers juges ce préjudice spécifique, étant à prendre en compte dans le cadre de l’indemnisation du surcroît de charges, il est indépendant du trouble commercial, de sorte qu’il sera alloué la somme de 365 552 euros x 3/12 soit 91 388 euros.

Sur l’indemnité pour surcroît de charges

Comme l’expert, les premiers juges ont retenu à juste titre un montant de 5 000 euros correspondant aux frais de modification du registre du commerce, à ceux de résiliation des contrats d’abonnement et autres.

Par ailleurs c’est par une motivation pertinente exempte d’insuffisance, que les premiers juges ont pris en compte l’existence des baux emphytéotiques (salle de congrès) et du bail concernant les chambres de service, dont la résiliation nécessite un délai de préavis de six mois alors que l’ancien preneur doit quitter les lieux dès qu’il a reçu paiement de l’indemnité d’éviction.

En effet, la délivrance des congés concernant les autres baux ne peut être anticipée sauf à augmenter encore le préjudice et à contraindre l’ancien preneur à quitter les lieux sans avoir reçu le paiement de l’indemnité d’éviction.

Les deux experts ont calculé le préjudice résultant de la résiliation des deux baux emphytéotiques qui prévoient pour le locataire, titulaire de baux commerciaux pour l’exploitation de l’hôtel, la possibilité de résilier les baux emphytéotiques dans le cas où l’un de ces baux ne serait pas renouvelé, ce sous réserve d’en informer six mois au moins à l’avance le bailleur et moyennant paiement d’une indemnité forfaitaire et définitive arrêtée à une année de loyer pour chaque bail.

Ce préjudice a été justement retenu par le tribunal à hauteur de la somme de 225 000 euros.

S’agissant du préavis de six mois concernant le bail commercial afférent aux chambres de services, il a été retenu une somme de 39 438, 66 euros soit une somme totale de 264 438,66 euros qu’il y a lieu de confirmer.

En conséquence, la SCI sera condamnée à payer à la SHCI la somme de 5 521 136,66 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jugement au titre de l’indemnité d’éviction, hors indemnité pour déménagement et de licenciement, qui seront comme le veut l’usage, déterminés ultérieurement sur présentation des justificatifs et le jugement sera infirmé en ce sens.

V – Sur l’indemnité d’occupation

Selon l’article L 145-28 du code de commerce : « Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation.

Par dérogation au précédent alinéa, dans le seul cas prévu au deuxième alinéa de l’article L.145-18 le locataire doit quitter les lieux dès le versement d’une indemnité provisionnelle fixée par le président du tribunal judiciaire statuant au vu d’une expertise préalablement ordonnée dans les formes fixées par décret en Conseil d’Etat, en application de l’article L.145-56. »

En l’espèce les deux experts proposent dans leur rapport, une évaluation de l’indemnité d’occupation selon une nouvelle méthode, variante de la méthode hôtelière traditionnelle, dont M. [R] précise qu’elle est très controversée par de nombreux opérateurs du marché hôtelier et dont M. [J] indique « cette nouvelle méthodologie est apparue comme le nouveau référentiel à suivre, certaines juridictions ayant décidé de l’appliquer à travers quelques décisions. Cependant face aux difficultés rencontrées dans sa mise en ‘uvre, l’Institut [4] a mis en place en 2020 une commission en vue d’une actualisation de la Méthode Hôtelière. La présente expertise est donc arrêtée sous réserve des évolutions à venir. »

Ainsi que l’ont relevé à bon droit les premiers juges qui ont écarté les conclusions de l’expert [R] et n’ont pas retenu cette méthode :

Les calculs effectués par M. [R] ne sont pas corroborés par d’autres éléments.

En outre il se base sur le chiffre d’affaires de la partie restauration alors que le bail ne concerne pas cette partie de l’ensemble immobilier.

Il est évoqué des justificatifs concernant l’assurance et les taxes foncières sans qu’on sache les locaux concernés.

Il n’est pas établi que le loyer en vigueur ne correspondrait pas à la valeur locative du bien.

En tout état de cause, les parties ne sollicitent pas l’application de cette méthode.

En effet, la SHCI sollicite la confirmation du jugement sur l’indemnité d’occupation laquelle a été fixée par le tribunal à un montant égal à 90% du dernier loyer courant indexé dans les conditions du bail hors charges et majoré des charges, taxes et accessoires applicables en vertu des dispositions du bail.

De son côté, la SCI sollicite la fixation de l’indemnité d’occupation à la somme annuelle égale à 95% du dernier loyer courant indexé dans les conditions du bail, hors charges, à compter du 1er décembre 2017 majorée des charges, taxes et accessoires applicables en vertu des stipulations du bail et demande à ce que la somme soit indexée chaque année en fonction de la variation de l’indice INSEE du coût de la construction et pour la première fois le 1er décembre 2018.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a appliqué un abattement de précarité de 10% qui est conforme aux usages en la matière. Il sera également confirmé en ce qu’il n’a ordonné aucune indexation eu égard à la précarité de l’occupation et l’absence de tout élément concernant une évolution de la valeur locative depuis le terme du bail mais a, en revanche, fait courir les intérêts légaux à compter de la décision en application de l’article 1153-1 du code civil, l’indemnité d’occupation ayant une nature indemnitaire et non rétributive.

Il sera, enfin confirmé en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts dus depuis au moins un an à compter du jugement.

VI – Sur les demandes accessoires

La SCI qui échoue principalement en son appel est tenue aux dépens exposés devant la cour.

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SHCI et de la SIFH en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la demande tendant à voir écarter des débats les conclusions de la SHCI notifiées le 20 octobre 2022 et sa pièce n°46,

Déboute la SCI de sa demande tendant à voir déclarer les rapports de M. [R] et M. [J] inopposables,

Confirme le jugement déféré en ses dispositions dont la cour est saisie sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité d’éviction,

L’infirme de ce chef ,

Condamne la société Hôtelière Courchevel Investissement à payer à la SCI [Adresse 5] la somme de 5 521 136,66 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement au titre de l’indemnité d’éviction hors indemnités pour frais de déménagement et de licenciement,

Y ajoutant,

Déboute la SCI [Adresse 5] de sa demande subsidiaire d’expertise concernant les travaux,

Condamne la SCI [Adresse 5] aux dépens d’appel avec distraction de ces derniers au profit de la selarl Cochet Barbuat.

Condamne la SCI [Adresse 5] à payer à la société Hôtelière Courchevel investissement la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI [Adresse 5] à payer à la société d’investissements France hôtels la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 06 juin 2023

à

la SELARL BOLLONJEON

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

Copie exécutoire délivrée le 06 juin 2023

à

la SELARL BOLLONJEON

 


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