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27 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/19399
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 27 JUIN 2023
N° 2023/ 218
Rôle N° RG 19/19399 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKL2
[W] [B] épouse [X]
[V] [Y] [B]
C/
[S] [N]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Santa MENNETRIER-MARCHIANI
Me Frédéric CHOLLET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 05 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/08510.
APPELANTS
Madame [W] [B] épouse [X]
née le 26 Juin 1929 à [Localité 7] (TURQUIE),
demeurant [Adresse 2]
Monsieur [V] [Y] [B]
né le 16 Janvier 1951 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 1]
tous deux représentés par Me Santa MENNETRIER-MARCHIANI, avocate au barreau de MARSEILLE
INTIMÉ
Monsieur [S] [N]
né le 19 Février 1938 à [Localité 5] (13),
demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Frédéric CHOLLET de la SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
substitué par Me Alexia FARRUGGIO, avocate au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 23 Mai 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Danielle DEMONT, conseillère
Madame Louise DE BECHILLON, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2023,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 9 juin 1989 il est fait mention que l’hoirie Swaton-[N]-Recoing, composée de 9 coindivisaires, dont M. [S] [N], promet de vendre à M. [V] [B] et à sa mère, Mme [B] née [W] [X], leurs locataires, le lot n° 19, composé d’une cave et de 20/1000è des parties communes et le lot n° 24 composé d’un local commercial et des 63/1000è des parties communes d’un immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5] au prix de 170’000 Fr (25’916,33 €.), sous conditions suspensives, notamment de l’obtention d’un prêt.
Par lettres datées des mois de novembre 1989, puis de janvier 1990, les consorts [B] ont confirmé leur volonté d’acquérir, les conditions suspensives étant levées.
Par lettre du 12 janvier 1990, M. [S] [N] leur a confirmé que l’acte de vente allait être signé, mais qu’il était contraint d’attendre le partage de l’indivision.
Les consorts ont continué à régler un loyer pour le local occupé objet de la promesse de vente en attendant que l’indivision soit liquidée.
En 2014, M. [B] a repris contact et le 6 janvier 2015 M. [S] [N] lui répondu qu’il n’y avait pas de possibilité d’achat de ces lots prétendant qu’ils étaient devenus la propriété de son fils, M. [A] [N].
Le 29 juin 2016, les consorts [B] ont mis en demeure MM. [S] et [A] [N] de signer l’acte de vente.
En faisant des recherches auprès des services de la publicité foncière, les consorts apprenaient que l’indivision avait fait l’objet d’un partage dès l’année 2010 et que les locaux litigieux avaient été attribués à M. [S] [N] en pleine propriété.
Exposant avoir payé depuis juin 1989, date du compromis, jusqu’en mars 2020, la somme totale de 96’637 €, soit plus de quatre fois le prix de vente convenu, et que dans les conditions suspensives, ils avaient accepté la résiliation de l’un des deux baux commerciaux dont ils étaient titulaires et la restitution à l’indivision d’un local commercial équipé d’un four à céramique, tout en renonçant à l’indemnité d’éviction qui leur était due, par exploit du 19 juin 2017, à M. [V] [B] et Mme née [W] [X] ont fait assigner M. [S] [N] en vente forcée et aux fins d’obtenir le versement de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Par jugement en date du 5 décembre 2019 le tribunal de grande instance de Marseille a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de M. [V] [B] et Mme née [W] [X] dirigées contre M. [S] [N], déclaré M. [A] [N] irrecevable en ses demandes faute de qualité à agir, et condamné solidairement M. [V] [B] et Mme née [W] [X] à payer à M. [S] [N] la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts oui d’accord mais j’ai passé mon nom pour ce merci merci à vous aussi et la somme de 3000 € et de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Le 19 décembre 2019, M. [V] [B] et Mme [B] née [W] [X], sa mère, ont relevé appel de cette décision, en intimant M. [S] [N].
Par conclusions du 18 août 2020, les consorts [B] demandent à la cour :
‘ d’infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de M. [A] [N] ;
‘ de condamner M. [S] [N] à signer l’acte authentique de réitération de la vente au profit de M. [V] [B] et Mme née [W] [X], sous astreinte de 200 € par jour de retard, passé le délai de 30 jours après la signification de la décision à venir ;
‘ de dire qu’à défaut, l’arrêt à intervenir vaudra réitération de la vente et tiendra lieu d’acte authentique de vente, et d’ordonner la publicité foncière ;
‘ de rejeter l’ensemble des demandes de M. [S] [N] ;
‘ et de condamner ce dernier à leur payer la somme de 50’000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et celle de 10’000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 27 août 2020, M. [S] [N] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter les consorts [B] de toutes leurs demandes, à titre subsidiaire, de déclarer non valable la promesse de vente du 9 juin 2989, à titre très subsidiaire, de prononcer la caducité de la promesse du 9 juin 1989 à compter du 11 janvier 1990, de rejeter l’ensemble des demandes des appelants, et de les condamner à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l’exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
Attendu que les consorts [B] font valoir au soutien de leur appel :
‘ que la prescription de l’article 2224 du code civil ne concerne que les actions personnelles ou mobilières, alors que l’action qu’ils ont engagée est une action réelle immobilière, laquelle aux termes de l’article 2227 du code civil se prescrit par 30 ans ; que comme constamment jugé par la Cour de cassation, l’acquéreur d’un immeuble dont le transfert de propriété est retardé au moment de la réitération de l’acte en sa forme authentique dispose bien d’une créance immobilière ; que si la lecture de l’article 2224 du code civil conduit à penser que toutes les actions personnelles sont concernées qu’elles soient mobilières ou immobilières, les actions réelles immobilières relèvent quant à elles de l’article 2227 du code civil ;
‘ à titre subsidiaire que l’article 2224 du code civil dit qu’une action personnelle mobilière se prescrit par cinq ans, à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer, et qu’en application de l’article 2234, la prescription ne court pas contre celui qui dans l’impossibilité d’agir ; que ce n’est que par la lettre du 6 janvier 2015 qu’ils ont appris que l’intimé refusait de respecter la promesse de vente et de signer l’acte de vente réitératif et qu’ils ont alors connu les faits leur permettant d’exercer leur action, puisque jusque-là les parties étaient convenues d’attendre le partage de l’indivision ;
‘ que M. [S] [N] n’est pas fondé à invoquer l’absence d’unanimité des coindivisaires, alors d’une part il est représenté à l’acte par procuration et par la suite qu’il s’est vu attribuer les lots litigieux dans l’acte de partage de 2010, ayant menti sur le fait que c’était son fils, puis un autre de ses fils, qui serait devenu propriétaire des lots ; et qu’en ce qui concerne le paiement des loyers, cette situation a été imposée aux consorts [B] au risque pour eux de perdre leur fonds de commerce ;
Mais attendu que l’action que les consorts [B] ont engagée est de nature mixte, en ce qu’elle pour objet un droit réel, mais pour fondement un lien contractuel, de sorte que c’est le délai de la prescription quinquennale de l’action prévu par l’article 2224 du code civil qui s’ applique à cette action, et non celui de l’article 2227 du code civil ;
Attendu s’agissant du point de départ du délai de prescription, que M. [S] [N] plaide que les consorts [B] dès 1998 et 2006, au lieu d’accepter le renouvellement de leur bail en qualité de locataires, pouvaient déjà en ce temps réclamer l’exécution de la promesse de vente afin de devenir propriétaires des biens litigieux, sans attendre le partage de l’indivision;
Attendu qu’en effet l’intimé fait valoir utilement par ailleurs que la promesse de vente n’était pas parfaite et ne suffisait pas à engager l’indivision, dans la mesure où il n’apparaît pas dans cet acte sous seing privé avoir régulièrement représenté les huit autres indivisaires, l’acte faisant mention d’une annexe (en laissant sa date en blanc) qui aurait permis de savoir qui lui avait donné procuration, annexe qui n’est pas versée aux débats, étant observé qu’il y a quatre paraphes sur l’avant-contrat invoqué ;
Qu’il est donc établi qu’à tout le moins l’un des 8 indivisaires, non identifié, n’avait pas donné procuration à M. [S] [N] et qu’il n’est pas justifié de la qualité de ce dernier à engager d’autres indivisaires, ni davantage lesquels précisément ;
Attendu que lorsque la promesse de vente n’a pas été consentie par certains des coindivisaires, seul l’acte authentique engage l’indivision et permet de réaliser la vente et le transfert de la propriété ; que les consorts [B] pouvaient agir à cette fin contre l’indivision dès 1990 aux termes de la clause prévue en page 9 de l’avant-contrat prévoyant que « Les présentes, sauf effets suspensifs, lient les parties définitivement.
La vente sera réalisée par acte authentique à recevoir par Me [F] ou Me [U], que les parties choisissent à cet effet d’un commun accord dès la réalisation des conditions suspensives et au plus tard le 10 janvier 1990.
Cette date n’est pas extinctive mais constitutive, du point de départ à partir duquel l’une des parties pourra obliger l’autre à s’exécuter, notamment dès cette date le vendeur pourra délivrer à l’acquéreur, la sommation prévue ci-dessus (‘) » ;
Attendu que les consorts [B] ne bénéficiant d’aucun engagement perpétuel prohibé, n’étaient pas contraints, contrairement à ce qu’ils soutiennent, d’attendre le partage intervenu en 2010 pour connaître l’attributaire des lots, ce qui ne fondait pas mieux leurs demandes, dans la mesure où s’ils établissent que M. [S] [N] est devenu propriétaire en 2010, l’avant-contrat ne lie pas personnellement M. [S] [N] aux consorts [B] ;
Attendu qu’en toute hypothèse, lorsque le délai de prescription a, comme en l’espèce, commencé à courir avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, ce délai continue à courir dans la limite du nouveau délai ; qu’il en résulte qu’en l’absence de cause d’interruption ou de suspension, tout délai de prescription dont le point de départ se situe entre le 19 juin 1983 et le 19 juin 2008 a nécessairement expiré le 19 juin 2013 à minuit ;
Attendu que le jugement qui a retenu que l’assignation délivrée par les demandeurs étant datée du 19 juin 2017, leurs demandes étaient irrecevables car prescrites doit donc être confirmé ;
Et attendu que l’exercice d’une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus que s’il est démontré l’existence d’une erreur grossière équipollente au dol ou l’intention de nuire ; qu’aucun abus du droit d’ester en justice ne peut être retenu au cas d’espèce, d’où il suit le rejet des demandes présentées par les parties de dommages intérêts pour procédure abusive ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
Déboute les parties de leurs demandes tendant à l’octroi de dommages intérêts pour procédure abusive,
Condamne aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu de faire application de ce texte.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT