Indemnité d’éviction : 30 juin 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02430

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Indemnité d’éviction : 30 juin 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02430
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30 juin 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
22/02430

MINUTE N° 346/2023

Copie exécutoire à

– Me Joëlle LITOU-WOLFF

– la SELARL ACVF ASSOCIES

Le 30 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 JUIN 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02430 –

N° Portalis DBVW-V-B7G-H3VH

Décision déférée à la cour : 12 Mai 2022 par le juge de la mise en état de STRASBOURG

APPELANTE et intimée sur appel incident :

La SNC CLEAN SERVICE WOLFIDIS, en liquidation amiable,

dont le siège social était [Adresse 3]

représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.

avocat plaidant : Me LEVY, avocat à [Localité 6]

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Monsieur [Y] [C], intervenant volontaire en qualité de liquidateur amiable de la société CLEAN SERVICE WOLFIDIS

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.

avocat plaidant : Me LEVY, avocat à [Localité 6]

INTIMÉES et appelantes sur appel incident :

La S.A.S. AUDIT ET COMPTABILITE, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

La S.A. MMA IARD, prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social [Adresse 2]

représentées par la SELARL ACVF ASSOCIES, société d’avocats à la cour.

avocat plaidant : Me DUPRÉ DE PUGET, avocat à [Localité 5]

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 Mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

La société en commandite simple dénommée Clean service Wolfidis a été créée le 1er décembre 1986 entre :

– la société Hydro-clean,

– la société Wolfidis,

– M. [Y] [C]

et a pour objet social l’exploitation de stations de lavage auto.

Selon ‘bail commercial-contrat de sous-location’ du même jour, la société Wolfidis a donné à bail à la société Clean service Wolfidis une partie d’un terrain cadastré section 23/n°522/11 [Adresse 4], dont elle était elle-même locataire dans le cadre d’un contrat de crédit bail conclu avec la société Locabail immobilier, en vue de l’exploitation d’un centre de lavage de véhicules automobiles en « self-service », sous l’enseigne Hypromat – Eléphant bleu, le bailleur autorisant la locataire à édifier toutes constructions nécessaires. Ce bail avait été conclu pour une durée de 9 années à compter du 1er décembre 1986, et a été renouvelé ensuite par tacite reconduction.

Selon acte d’huissier du 28 avril 2014, la société [Localité 7] Distribution (Wolfidis) a délivré à la société Clean service Wolfidis un congé avec refus de renouvellement du bail commercial et de paiement d’une indemnité d’éviction prenant effet le 31 décembre 2014, aux motifs que cette société n’aurait pas été régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés pour cet établissement secondaire.

La société Clean service Wolfidis ayant contesté la validité de ce congé en tant qu’il portait refus d’une indemnité d’éviction, le tribunal de grande instance de Strasbourg par un jugement du 24 janvier 2017, confirmé par un arrêt de cette cour du 31 octobre 2018, a rejeté son argumentation et ordonné son expulsion. Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté le 23 janvier 2020.

La société Clean service Wolfidis prétendant que ses statuts et le contrat de bail avaient été rédigés par la SAS Audit et comptabilité, qui avait également été chargée de l’accomplissement des formalités de publication, l’a assignée ainsi que son assureur, la société MMA IARD, selon exploit du 7 janvier 2021, devant le tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins de rechercher sa responsabilité et d’obtenir indemnisation du préjudice résultant de la perte de son fonds de commerce.

La société Audit et comptabilité et la société MMA IARD ont saisi le juge de la mise en état d’une demande tendant à voir déclarer l’action de la société Clean service Wolfidis irrecevable pour cause de prescription et de défaut de qualité à agir contre la société Audit et comptabilité et son assureur, en l’absence de preuve de ce que cette société serait intervenue pour la rédaction des actes litigieux et l’accomplissement des formalités subséquentes.

Par ordonnance du 12 mai 2022, le juge de la mise en état a déclaré la société Clean service Wolfidis prescrite en son action dirigée contre la société Audit et comptabilité et irrecevable en ses demandes, la condamnant aux dépens et au paiement à la société Audit et comptabilité d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le juge de la mise en état a relevé que la société Clean service Wolfidis reprochait au cabinet d’expertise comptable d’avoir omis de mentionner l’adresse de la station de lavage au Registre du commerce et des sociétés (RCS) ce qui lui avait fait perdre le droit au renouvellement du bail, or elle avait connaissance de cette prétendue omission dès la notification du congé le 28 avril 2014, et disposait alors de toutes les informations pour connaître les faits lui permettant d’exercer son action au sens de l’article 2224 du code civil. Le premier juge a donc considéré que l’action était manifestement prescrite les dispositions de l’article 2333 du code civil relatives aux créances à terme n’ayant pas vocation à s’appliquer en l’espèce, l’existence de la créance ne devant pas être confondue avec son exigibilité, outre le fait que l’instance en référé engagée contre la société Clean service Wolfidis par son bailleur n’avait pas eu d’effet interruptif de prescription à l’égard de la société Audit et comptabilité qui y était étrangère.

La société Clean service Wolfidis a interjeté appel de cette ordonnance le 23 juin 2022 en toutes ses dispositions.

Par ordonnance du 29 août 2022, la présidente de la chambre a fixé d’office l’affaire à bref délai en application de l’article 905 du code de procédure civile.

M. [Y] [C], liquidateur amiable de la société Clean service Wolfidis, est intervenu volontairement à l’instance le 1er mars 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 1er mars 2023, la société Clean service Wolfidis et M. [C], ès qualités, demandent à la cour de donner acte à ce dernier de son intervention volontaire en qualité de liquidateur amiable de la société, d’infirmer l’ordonnance et statuant à nouveau, de dire non prescrite son action, de rejeter les prétentions adverses et l’appel incident des sociétés Audit et comptabilité et MMA, de renvoyer au fond le dossier au tribunal judiciaire de Strasbourg et de condamner les intimées in solidum au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens de première instance et d’appel.

Ils demandent également à la cour de dire irrecevables toutes conclusions ajoutant de nouvelles demandes et prétentions aux conclusions du 8 août 2022, en ce comprises, en l’état, les conclusions du 16 février 2023 y ajoutant, spécialement concernant le moyen de nullité soulevé pour la première fois dans les conclusions des intimées du 16 février 2023, le dire tardif, en conséquence, irrecevable, et en tout cas mal fondé et en débouter les intimées ainsi que de toutes leurs conclusions.

Les appelants font valoir s’agissant de la demande de nullité de l’assignation tirée de ce que la société Clean service Wolfidis ferait l’objet d’une dissolution amiable depuis le 29 septembre 2020, que la dissolution n’a été publiée au RCS que le 1er février 2022, qu’en

application de l’article 1844-8 du code civil la dissolution n’a d’effet à l’égard des tiers qu’après sa publication, et que la personnalité morale de la société subsiste jusqu’à la clôture de la liquidation qui n’est pas encore intervenue, de sorte que l’appelante n’a pas perdu sa capacité à ester en justice.

Ils relèvent par ailleurs que les intimées ont modifié leurs prétentions, sans le signaler explicitement dans leurs conclusions successives, ce en méconnaissance des dispositions des articles 905-2, 954, alinéa 2 et 910-4 du code de procédure civile, et que notamment, le ‘moyen’ de nullité de l’assignation n’a été soulevé que dans les ‘dernières’ conclusions du 16 février 2023, outre le fait que la société MMA IARD, qui n’apparaît pas dans le rubrum des conclusions, n’a jamais valablement conclu au débouté des demandes notamment de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dirigées contre elle, la société Audit et comptabilité n’ayant pas non plus conclu au débouté des demandes se contentant de solliciter, avec son assureur, le bénéfice de diverses dispositions ne constituant pas des prétentions. Ces demandes sont donc irrecevables, il en est de même de la demande, au demeurant nouvelle, de fixation de la créance au titre de l’article 700 du code de procédure civile, contestant la survenance d’un élément nouveau en appel qui résulterait de la vérification tardive par la société Audit et comptabilité de l’extrait Kbis de la société Clean service Wolfidis.

Ils soulèvent enfin le fait que les exceptions de nullité doivent être soulevées in limine litis. En outre, la société Clean service Wolfidis conserve sa personnalité morale et donc sa capacité à ester en justice, et la procédure a été régularisée par l’intervention du liquidateur.

Sur les fins de non-recevoir, ils font valoir :

– s’agissant du défaut de qualité ou d’intérêt à agir, que la société Audit et comptabilité ne peut sérieusement soutenir, sans mauvaise foi, ne pas avoir eu pour mission de rédiger les actes en cause et d’accomplir les formalités subséquentes, alors qu’il est justifié de son intervention et qu’il n’y avait à l’époque pas d’obligation d’établir une lettre de mission écrite ; qu’elle ne peut pas non plus prétendre que l’appelante n’aurait pas contesté le congé, ce qui est inexact alors qu’au surplus ce n’est pas la résiliation du bail qui pose problème mais la perte du droit à l’indemnité d’éviction.

– s’agissant de la prescription que, selon l’article 2333 du code civil la prescription ne court pas tant que la créance n’est pas exigible. Elle indique que si le congé est certes motivé par l’absence d’inscription de l’établissement secondaire au RCS, toutefois la société [Localité 7] distribution -Wolfidis – avait d’abord introduit contre la société Clean service Wolfidis une procédure de référé, dont elle a été déboutée par une ordonnance du 23 juin 2015, de sorte qu’à ce stade, la société Clean service Wolfidis n’avait aucune raison d’agir contre la société Audit et comptabilité, et que ce n’est que suite à l’arrêt de la cour d’appel du 31 octobre 2018 que sa créance était devenue exigible ; or l’action a été introduite dans le délai de cinq ans ayant commencé à courir à cette date.

En réponse à l’argumentation adverse, elle estime que le délai butoir de l’article 2232 du code civil qui concerne le report du point de départ du délai de prescription et non le point de départ lui-même n’a pas vocation à s’appliquer.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 2 mars 2023, la société Audit et comptabilité et la société MMA IARD demandent à la cour de :

– juger nulles l’assignation du 19 janvier 2021, l’ordonnance du juge de la mise en état du 12 mai 2022 ainsi que la déclaration d’appel du 23 juin 2022,

à titre subsidiaire,

– confirmer l’ordonnance entreprise,

et en tout état de cause,

– prononcer la mise hors de cause de la société Audit comptabilité et de la société MMA IARD,

– débouter la société Clean service Wolfidis de ses demandes fins et conclusions,

– fixer au passif de cette société la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et la condamner aux dépens.

Au soutien de leur demande de nullité de la procédure, les intimées font valoir que l’assignation est entachée d’une nullité de fond en ce que la société Clean service Wolfidis étant dissoute depuis une décision de l’assemblée générale du 29 septembre 2020, elle devait être représentée par son liquidateur, et ne pouvait donc valablement délivrer une assignation et régulariser une déclaration d’appel en étant représentée par son représentant légal qui était dépourvu du pouvoir pour le faire, cette irrégularité de fond n’étant pas susceptible d’être régularisée par une intervention volontaire, peu important que la dissolution n’ait pas été publiée. Elle indique que conformément à l’article 118 du code de procédure civile, les nullités de fond peuvent être proposées en tout état de cause, et qu’il appartenait à la société appelante d’indiquer sa situation que l’intimée n’avait pas à vérifier, outre qu’elle se prévaut elle-même d’une publication intervenue le 1er février 2022, de sorte qu’elle ne pouvait découvrir antérieurement l’existence d’une dissolution.

Subsidiairement, elles font valoir que la société Clean service Wolfidis n’a pas qualité à agir contre la société Audit et comptabilité, car elle ne rapporte pas la preuve d’une faute dans la mission qui aurait été confiée, l’appelante qui ne produit aucune lettre de mission ne justifiant pas lui avoir confié une mission au moment de sa constitution en 1986, et notamment, l’avoir chargée de la rédaction des actes en cause ou de l’accomplissement des formalités. Respectivement, elle-même n’a aucune qualité à défendre au sens de l’article 32 du code de procédure civile en l’absence de preuve d’une quelconque intervention de sa part.

La société Clean service Wolfidis doit donc être déclarée irrecevable à agir contre la société Audit et comptabilité qui n’est pas l’auteur de l’omission alléguée.

En outre, la société Clean service Wolfidis ne peut par ailleurs lui reprocher de lui avoir fait perdre son droit au renouvellement du bail alors qu’elle n’a pas contesté le principe du congé qui lui a été délivré mais en poursuivait la nullité uniquement en ce qu’il lui refusait une indemnité d’éviction. En outre, le cabinet d’expertise comptable n’a pas davantage était investi d’une quelconque mission en novembre 1995 à l’issue du congé, outre que la société Clean service Wolfidis n’a subi aucun préjudice ayant toujours pu exploiter la station de lavage.

Sur la prescription, elles font valoir, qu’à supposer que la société Audit et comptabilité ait été chargée de la rédaction des actes et de l’accomplissement des formalités de publicité, le manquement qui lui est reproché, à savoir l’absence de mention de l’adresse du siège social de l’établissement secondaire au registre du commerce et des sociétés, a été commis au moment de la constitution de la société Clean service Wolfidis en 1986, et que le dommage s’est réalisé dès cette date, l’appelante disposant dès ce moment de tous les éléments pour s’apercevoir de l’omission dont elle tente de se prévaloir aujourd’hui. Elles relèvent qu’elle faisait d’ailleurs valoir devant le tribunal que son associée commanditée, la société [Localité 7] distribution, était de mauvaise foi car elle ne pouvait elle-même pas ignorer l’absence d’immatriculation.

En tout état cause, c’est au plus tard au jour de la délivrance du congé, le 28 avril 2014, que l’appelante a eu connaissance de son dommage.

Les intimées approuvent les motifs de l’ordonnance querellée en ce qu’elle a écarté l’application de l’article 2233 du code civil et retenu l’absence d’effet interruptif de l’action engagée par la société Wolfidis en référé, observant que la société Clean service Wolfidis avait accepté le principe du congé en s’abstenant de le contester devant le tribunal.

Elles estiment que la société Clean Service Wolfidis a fait le choix d’introduire une action devant la juridiction civile uniquement à l’encontre de son bailleur alors qu’elle aurait dû immédiatement et également appeler en cause la société Audit et comptabilité pour faire valoir toute éventuelle créance de responsabilité.

Elles invoquent enfin le délai butoir de l’article 2232 du code civil, selon lequel le report du point de départ de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au delà de 20 ans à compter du jour de la naissance du droit, en l’espèce une mission qui aurait été confiée à l’intimée en 1986, soit il y a plus de 34 ans.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

Sur la recevabilité des conclusions de la société Audit et comptabilité et de la société MMA IARD aux fins de nullité

La société Clean service Wolfidis soutient que les conclusions des intimées sont irrecevables en tant qu’elles ajoutent des demandes nouvelles et prétentions aux conclusions du 8 août 2022, spécialement concernant le moyen de nullité soulevé pour la première fois le 16 février 2023. Elle soutient que le dispositif des conclusions notifiées en application des dispositions de l’article 905-2 du code de procédure civile est intangible, et estime que les dispositions des articles 954, alinéa 2 et 910-4 du code de procédure civile n’ont pas été respectées.

Selon le premier de ces textes, ‘ les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.  .

L’obligation de présenter de manière formellement distinctes les moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures n’est toutefois pas prescrite à peine d’irrecevabilité.

Selon le second de ces textes, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Aucune irrecevabilité des conclusions litigieuses n’est cependant encourue pour non respect de ces dispositions qui visent seulement les prétentions au fond et non les fins de non-recevoir ou les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond qui sont susceptibles d’être proposées en tout état de cause en application de l’article 118 du code de procédure civile.

Il sera enfin relevé que bien que la société MMA IARD ne soit pas mentionnée dans le rubrum des conclusions du 8 août 2022 transmises par voie électronique dans le délai de l’article 905-2 du code de procédure civile, il est toutefois clairement indiqué que ces conclusions sont prises au nom et pour le compte de la SAS Audit et comptabilité et de la SA MMA IARD, de sorte que cette partie a bien conclu dans le délai impératif qui lui était imparti par ce texte.

Les dernières conclusions des intimées seront donc déclarées recevables en totalité, y compris en tant que présentées au nom de la société MMA IARD.

Sur la nullité de la déclaration d’appel

Selon l’article 118 du même code, les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement, et selon l’article 121, dans les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Conformément à l’article 117, alinéa 2 du code de procédure civile constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice.

L’appel a été formé selon déclaration du 23 juin 2022 au nom de la société Clean service Wolfidis, sans autre précision. Or à cette date la société faisait l’objet d’une dissolution amiable depuis le 29 septembre 2020, ainsi que cela ressort de l’extrait Kbis de la société versé aux débats, M. [Y] [C] ayant été désigné en qualité de liquidateur amiable.

La dissolution de la société ne la prive pas de sa personnalité morale qui subsiste pour les besoins de sa liquidation jusqu’à la clôture de celle-ci, conformément à l’article 1844-8, alinéa 3 du code civil. La société Clean service Wolfidis conserve donc sa capacité d’ester en justice mais ne peut agir qu’en étant représentée par son liquidateur amiable qui a seul pouvoir de la représenter.

La déclaration d’appel n’ayant pas été formée au nom de la société représentée par son liquidateur amiable est donc entachée d’une nullité de fond, cette nullité pouvant être proposée en tout état de cause. Cette irrégularité de fond est toutefois susceptible de régularisation, laquelle doit intervenir avant que la cour statue, conformément à l’article 121 du code de procédure civile, dès lors que la déclaration d’appel, même entachée d’un vice de procédure, a interrompu le délai d’appel.

M. [Y] [C] étant intervenu à la procédure d’appel en qualité de liquidateur amiable, la procédure a été régularisée et la demande d’annulation de la déclaration d’appel doit être rejetée.

Sur la nullité de l’assignation

De la même manière, l’assignation qui a été délivrée le 6 janvier 2021 par la société Clean service Wolfidis, représentée par son représentant légal et non par son liquidateur amiable est affectée d’un vice de fond. Néanmoins, la procédure ayant été régularisée par l’intervention volontaire de M. [Y] [C], en qualité de liquidateur amiable, avant que la cour statue sur la nullité qui n’avait pas été soulevée en première instance, la demande d’annulation de l’assignation et de l’ordonnance doit être rejetée.

Sur la prescription

Conformément à l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La prescription de l’action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur de responsabilité et son auteur, ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.

En l’espèce, si le fait générateur du dommage dont se prévaut la société Clean service Wolfidis, à savoir la prétendue omission par la société Audit et comptabilité de réaliser les formalités d’inscription au RCS de l’établissement secondaire de [Localité 7] au moment de la constitution de la société appelante, est intervenu en décembre 1986, en revanche le dommage résulte de la signification par la société Wolfidis, bailleur, le 28 avril 2014, d’un congé refusant le renouvellement du bail et le paiement d’une indemnité d’éviction.

Ce congé ayant toutefois été contesté par la société Clean service Wolfidis qui en a expressément demandé l’annulation, fût-ce seulement à raison du refus d’une indemnité d’éviction, ce n’est qu’au jour de l’arrêt de cette cour ayant définitivement rejeté cette demande et confirmé l’expulsion ordonnée par le tribunal, que le dommage s’est réalisé.

Par voie de conséquence, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, c’est à la date de l’arrêt de la cour d’appel du 31 octobre 2018 que doit être fixé le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité dirigée contre la société Audit et comptabilité.

Cette dernière est toutefois fondée à se prévaloir des dispositions de l’article 2232 du code civil qui énonce : ‘ le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

Le premier alinéa n’est pas applicable dans les cas mentionnés aux articles 2226, 2226-1, 2227, 2233 et 2236, au premier alinéa de l’article 2241 et à l’article 2244. Il ne s’applique pas non plus aux actions relatives à l’état des personnes. .

En effet, le fait générateur du dommage et donc du droit de la société Clean service Wolfidis à agir en responsabilité contre son expert-comptable, à savoir l’omission alléguée de la formalité d’inscription, étant survenu le 1er décembre 1986, le report du point de départ du délai de prescription a pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de 20 ans, en l’occurrence 36 ans.

Les dispositions de l’article 2233 du code civil n’ayant pas vocation à s’appliquer en l’espèce, dans la mesure où l’arrêt précité n’a pas eu pour effet de rendre la créance indemnitaire de la société Clean service Wolfidis exigible mais seulement le dommage certain, l’action engagée par la société Clean service Wolfidis se heurte au délai butoir prévu par l’article 2232 susvisé. La décision entreprise doit donc être confirmée, en tant qu’elle a déclaré son action irrecevable comme prescrite, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens.

Sur les dépens et les frais exclus des dépens

L’ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relative aux dépens et frais exclus des dépens. Les dépens d’appel seront supportés par la partie appelante qui sera déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La demande des intimées de fixation de leur créance sur ce fondement sera rejetée comme sans objet puisque la société Audit et comptabilité n’est pas en liquidation judiciaire mais en liquidation amiable.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DONNE acte à M. [Y] [C] de son intervention volontaire en qualité de liquidateur amiable de la société Clean service Wolfidis ;

DÉCLARE les conclusions de la SAS Audit et comptabilité et de la SA MMA IARD du 2 mars 2023 recevables ;

DÉCLARE l’exception de nullité soulevée par la SAS Audit et comptabilité et la SA MMA IARD recevable ;

REJETTE l’exception de nullité de la déclaration d’appel, de l’assignation et de l’ordonnance subséquente ;

CONFIRME l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 12 mai 2022 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

REJETTE la demande de la SAS Audit et comptabilité et de la SA MMA IARD en fixation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Clean service Wolfidis et M. [C] de leur demande sur ce fondement ;

CONDAMNE la société Clean service Wolfidis aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Le greffier, La présidente,

 


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