Indemnité d’éviction : 30 juin 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 20/00402

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Indemnité d’éviction : 30 juin 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 20/00402
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30 juin 2023
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
20/00402

ARRÊT N°23/

SP

R.G : N° RG 20/00402 – N° Portalis DBWB-V-B7E-FK3R

[N]

Commune COMMUNE DE [Localité 11]

C/

S.A.R.L. BOURBON CONCEPT

S.A.R.L. CHOKDEE

RG 1ERE INSTANCE : 18/02878

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 30 JUIN 2023

Chambre commerciale

Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT PIERRE en date du 31 JANVIER 2020 RG n° 18/02878 suivant déclaration d’appel en date du 02 MARS 2020

APPELANTS :

Monsieur [A] [N]

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentant : Me Iqbal AKHOUN de la SELARL IAVOCATS & PARTNERS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Commune COMMUNE DE [Localité 11]

[Adresse 12]

[Localité 11]

Représentant : Me Eric DUGOUJON de la SELARL DUGOUJON & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMEES :

S.A.R.L. BOURBON CONCEPT

[Adresse 17]

[Localité 11]

Représentant : Me Agnès GAILLARD de la SCP GAILLARD – SAUBERT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A.R.L. CHOKDEE

[Adresse 16]

[Localité 11]

Représentant : Me Agnès GAILLARD de la SCP GAILLARD – SAUBERT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

CLOTURE LE : 31/10/2022

DÉBATS : En application des dispositions de l’article 785 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 avril 2023 devant la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 14 juin 2023 prorogé par avis au 30 juin 2023.

Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 30 juin 2023.

* * *

LA COUR

Par acte du 2 juillet 1986, M. [E] [K] a donné à bail commercial à M. [A] [Z] [V] [N] un local situé [Adresse 10] à [Localité 11]. Par avenant en date du 31 mars 1987, M. [N] a été autorisé à sous-louer partiellement ou en totalité, les lieux loués. En vertu de l’autorisation figurant au bail, M. [N] a réalisé d’importants travaux, a sous loué le local à plusieurs entreprises.

Par acte des 5, 6 et 7 septembre 1991, la commune de [Localité 11] a acquis des consorts [K] la propriété de la parcelle cadastrée section AV n° [Cadastre 8], avec mention de l’existence du bail commercial consenti à M. [N].

Le 23 janvier 2012 la commune de [Localité 11] a donné congé sans offre de renouvellement à M. [N].

Par jugement du 5 juin 2015, le tribunal de grande instance de Saint Pierre de la Réunion a constaté que le bail commercial du 2 juillet 1986 liant les deux parties a pris fin le 30 juin 2013 et a invité les parties à se prononcer ‘sur les éléments constitutifs de l’indemnité d’éviction en cas de sous-location”.

Se plaignant de ce que la commune de [Localité 11] se serait approprié une superficie de 1.421,01 m² représentant 57,60% de ses droits, aurait construit un gymnase et des parking sur cette portion de terrain et aurait consenti un bail à la SARL CEO, par acte d’huissier du 10 octobre 2018, M. [N] a fait assigner la commune de [Localité 11] devant le tribunal de grande instance de Saint Pierre de la Réunion aux fins de condamnation à lui payer une indemnité de 78.872 euros par an pour perte de revenus, 250.000 euros pour les travaux réalisés par lui, 948.948 euros en réparation de l’appropriation résultant d’une voie de fait et 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et ce, ce sous le bénéfice de l’exécution provisoire. M. [N] a également sollicité avant dire droit une expertise.

La société Chokdee, sous-locataire, est intervenue volontairement à l’instance et sollicité la condamnation de la commune de [Localité 11] à lui payer une indemnité d’éviction ainsi qu’une expertise. Subsidiairement, elle a réclamé la condamnation de M. [N] à lui verser des dommages et intérêts.

La société Bourbon Concept, sous-locataire, est également intervenue volontairement et a formulé les mêmes demandes.

La commune de [Localité 11] a conclu au débouté des prétentions de M. [N] et des sociétés Chokdee et Bourbon Concept. Elle a sollicité l’expulsion sous astreinte de M. [N] et la condamnation de ce dernier à lui verse une indemnité d’occupation mensuelle de 5.042 euros.

C’est dans ces conditions que, par jugement rendu le 31 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Saint Pierre de la Réunion a :

-dit que M. [N] a droit à l’indemnité d’éviction consécutive à l’expiration de son bail commercial en date du 30/06/2013 ;

-dit que les demandes principales des sociétés Bourbon Concept et Chokdee sont prescrites ;

-dit que les demandes subsidiaires des sociétés Bourbon Concept et Chokdee sont mal fondées et les déboute en tout ;

-condamné M. [N] à payer à la commune de [Localité 11] une indemnité d’occupation à compter du 30/06/2013 dont le montant sera égal à celui du dernier loyer versé par lui et dont il devra justifier à son bailleur ;

-ordonné une expertise et désigné M. [P] [O] pour y procéder avec pour mission de :

. Déterminer en la justifiant l’indemnité d’éviction due à M. [N] par la commune de [Localité 11], à la suite du congé avec refus de renouvellement à effet du 30/06/2013,

. Fournir au tribunal tous les éléments indispensables pour lui permettre de fixer le montant de l’indemnité compensatrice du préjudice résultant de la perte du fonds de commerce, et ce notamment compte tenu de la valeur marchande du fonds déterminée suivant les usages de la profession, après consultation des documents comptables et fiscaux,

. Fournir, le cas échéant, tous les éléments permettant de déterminer dans quelle mesure M. [N] aurait la possibilité de transférer l’exploitation dans un autre local et dans l’affirmative quel serait le coût d’un tel transfert,

. Répondre à tous dires utiles des parties après les avoir annexés à son rapport ;

-dit que l’expertise sera mise en ‘uvre et que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile ;

-dit que l’expert sera avisé immédiatement par les soins du greffier et fera connaître dans le délai de quinze jours s’il accepte sa mission, donnera son avis et déposera son rapport en triple exemplaires dans un délai de quatre mois à compter du jour de sa saisine ;

-désigné le juge chargé du contrôle des expertises pour remplacer par ordonnance l’expert empêché ou refusant sa mission, soit à la requête de la partie la plus diligente soit d’office, et assurer le contrôle de la mesure d’instruction ;

-fixé à la somme de 1.800 euros la provision à consigner au greffe par M. [N] avant le 28/02/2020 et dit que conformément à l’article 280 du code de procédure civile, la consignation d’une somme complémentaire pourra être ordonnée si la provision initiale devient insuffisante ;

-renvoyé l’affaire à la mise en état du 25 juin 2020 pour les conclusions du demandeur après dépôt du rapport d’expertise ;

-réservé les demandes relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;

-ordonné exécution provisoire.

Par déclaration au greffe du 2 mars 2020, M. [N] a interjeté appel de cette décision (RG 20/402)

Par déclarations au greffe des 16 mars 2020 (RG 20/569) et 30 mars 2020 (RG 20/608), la commune de [Localité 11] a interjeté appel de cette décision.

Par déclaration au greffe du 17 mars 2020, les sociétés Chokdee et Bourbon Concept ont interjeté appel de cette décision (RG 20/577).

Les instances ont été jointes par ordonnance en date du 21 septembre 2020 du conseiller de la mise en état.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 31 octobre 2022 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience collégiale du 5 avril 2023.

* * *

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 septembre 2021, M. [N] demande à la cour de :

Vu l’article L145-14 alinéa 2 du code de commerce,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Saint Pierre en date du 5 juin 2015,

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Saint Denis en date du 31 mars 2017,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

. Rejeté les prétentions de M. [N] concernant la réclamation de la somme de 948.948 euros, relative à l’expropriation par la commune de [Localité 11] d’une partie de la parcelle donnée initialement à bail à M. [N],

. Rejeté ses prétentions concernant les 250.000 euros de travaux ;

Et statuant à nouveau

-dire et juger que l’appel limité de M. [N] est recevable et bien fondé ;

-dire et juger que le rapport d’expertise de la société TARDEX prise en la personne de M. [B], expert, est contradictoire car versé aux débats de première instance, et soumis à discussion ;

-dire et juger que le rapport de M. [B] n’est pas fondé uniquement sur les « seules affirmations » de M. [N] et qu’au contraire, il est fondé sur des éléments objectifs, concrets et non unilatéraux ;

-constater l’appropriation illégale par la commune de [Localité 11] d’une partie de l’espace locatif initial de M. [N] ;

-constater la réalité des travaux effectués par M. [N] ;

Par conséquent,

-débouter la commune de [Localité 11] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions en cause d’appel ;

-dire que M. [N] a droit au paiement d’une indemnité d’éviction ;

-dire que les demandes d’indemnités d’éviction de la société Chokdee et Bourbon Concept ne sont pas prescrites, qu’elles sont recevables et bien fondées ;

-condamner la commune de [Localité 11] au règlement des sommes suivantes:

.948.948 euros au titre de l’appropriation illégale par voie de fait d’une partie de la parcelle à hauteur de 1.421 m2 par la commune de [Localité 11],

.250.000 euros au titre des travaux effectués sur la parcelle par M. [N] ;

-dire et juger que la partie appropriée illégalement par la commune de [Localité 11] soit prise en compte pour le calcul de l’indemnité d’éviction sollicité par M. [N] et pour laquelle une mesure d’expertise a été ordonnée par le jugement entrepris ;

-ordonner un complément de mission de l’expertise judiciaire ordonnée par le jugement du 31 janvier 2020, comme suit :

. Ordonne une expertise et désigne M. [H] pour y procéder avec pour mission de :

. Déterminer en la justifiant l’indemnité d’éviction dû à M. [N] par la commune de [Localité 11], à la suite du congé avec refus de renouvellement à effet du 30/06/2013, en prenant en considération la partie de 1.421 m2 appropriée illégalement par la commune de [Localité 11] à ce jour,

. Déterminer en les justifiant les travaux effectivement réalisés par M. [N] sur la parcelle entre le jour de la prise d’effet du bail commercial de 1986 et sa date d’éviction, et de les chiffrer ;

-condamner la commune de [Localité 11] à payer à M. [N] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en cause d’appel.

* * *

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 juin 2021, la commune de [Localité 11] demande à la cour de :

Vu les articles L145-8, L145-14, L145-31, L145-31 et L145-60 du code de commerce,

Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile,

Vu les articles 328 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

. dit que M. [N] avait droit à une indemnité d’éviction consécutive à la résiliation de son bail commercial en date du 30 juin 2013,

. dit que M. [N] devrait payer à la commune de [Localité 11] une indemnité d’occupation à compter du 30/06/2013 dont le montant serait égal à celui du dernier loyer versé par lui,

. Fait droit à la demande d’expertise de M. [N] en vue de faire évaluer le montant de l’indemnité d’éviction à laquelle il aurait droit ;

En conséquence,

-juger que M. [N] a perdu le bénéfice du statut des baux commerciaux et par suite de tout droit à indemnité d’éviction ;

-ordonner l’expulsion de M. [N] et de tous occupants de son chef, avec, au besoin l’assistance de la force publique et d’un serrurier ;

-ordonner l’enlèvement des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux en un lieu approprié, aux frais, risques et périls de M. [N] qui disposera d’un délai d’un mois pour les retirer à compter de la sommation qui sera délivrée par l’huissier chargé de l’exécution ;

-condamner M. [N] à payer à la commune de [Localité 11] une indemnité d’occupation de 5.042 euros mensuelle outre les taxes et charges d’occupation prévues au bail du 2 juillet 1986 jusqu’à la libération effective des lieux ;

-assortir l’obligation de quitter les lieux d’une astreinte d’un montant de 500 euros par jour de retard à verser à la commune de [Localité 11] à compter du prononcé de la décision à intervenir jusqu’à parfait délaissement ;

-condamner M. [N] à payer la somme de 10.000 euros à la commune de [Localité 11] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamner les sociétés Chokdee et Bourbon Concept à régler chacune la somme de 3.000 euros à la commune de [Localité 11] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

-confirmer le jugement entrepris pour le surplus.

* * *

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 octobre 2020, les sociétés Bourbon Concept et Chokdee demandent à la cour de :

-déclarer l’appel incident formé par les société Chokdee et Bourbon Parapente recevable et fondé ;

Réformant le jugement querellé en toutes ses dispositions,

Vu les articles 31 et suivants et 328 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles L145-31 et suivant du code de commerce,

-dire et juger que l’intervention volontaire des sociétés Chokdee et Bourbon Parapente (il faut lire Bourbon Concept) est recevable et fondée ;

-dire et juger que les demandes des sociétés Chokdee et Bourbon Parapente (il faut lire Bourbon Concept) ne sont pas prescrites ;

A titre principal,

-dire et juger que le bail de sous-location dont bénéficie les sociétés Chokdee et Bourbon Parapente (il faut lire Bourbon Concept) est régulier ;

-condamner la commune de [Localité 11] au versement d’une indemnité d’éviction ;

Avant dire droit,

-désigner tel expert qu’il plaira pour l’évaluation de l’indemnité d’éviction ;

A titre subsidiaire,

-condamner M. [N] à indemniser les sociétés Chokdee et Bourbon Parapente (il faut lire Bourbon Concept) des conséquences liées au caractère irrégulier du bail de sous location ;

Avant dire droit,

-désigner tel expert qu’il plaira pour l’évaluation des dommages et intérêts ;

-rejeter les moyens et demandes contraires de l’appelant ;

-réserver les dépens.

* * *

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

A titre liminaire

Il convient de rappeler qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Sur les demandes formées par M. [N] à l’encontre de la commune de [Localité 11]

1°) l’indemnisation de l’appropriation illégale d’une partie du bien loué

Pour rappel, M. [N] demande à la cour de :

-dire et juger que l’appel limité de M. [N] est recevable et bien fondé ;

-dire et juger que le rapport d’expertise de la société TARDEX prise en la personne de M. [B], expert, est contradictoire car versé aux débats de première instance, et soumis à discussion ;

-dire et juger que le rapport de M. [B] n’est pas fondé uniquement sur les « seules affirmations » de M. [N] et qu’au contraire, il est fondé sur des éléments objectifs, concrets et non unilatéraux ;

-constater l’appropriation illégale par la commune de [Localité 11] d’une partie de l’espace locatif initial de M. [N] ;

-condamner la commune de [Localité 11] au règlement de la somme de 948.948 euros au titre de l’appropriation illégale par voie de fait d’une partie de la parcelle à hauteur de 1.421 m2 par la commune de [Localité 11].

M. [N] soutient en substance que, d’une part, le rapport de M. [B] est contradictoire dans la mesure où il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties et, d’autre part, qu’il n’est pas fondé uniquement sur ses affirmations, le rapport s’étant basé sur des éléments concrets, écrits et non unilatéraux (plan d’état des lieux, références cadastrales, baux commercial et de sous-location).

S’agissant de la somme réclamée, M. [N] opère le calcul suivant :

Date de l’appropriation illicite 2005

Surface appropriées illicitement 1.216,61 m²

Valeur théorique 5€ par mois par m² = 60€

1.216,61 m² x 60€ = 72.996€ par an soit depuis 13 années 72.996 x 13 = 948.948

La commune de [Localité 11] fait valoir pour l’essentiel que M. [N] se base uniquement sur un rapport établi en 2012 non contradictoire et partial pour affirmer avoir été privé de la jouissance d’une parcelle de 1.421 m², alors que le bail commercial conclu avec M. [K] ne portait pas sur la totalité de la parcelle cadastrée section AV n° [Cadastre 8]. Elle ajoute que M. [N] ne s’est jamais plaint d’une privation de jouissance avant 2018, qu’il n’a jamais tenté d’exploiter la surface qu’il revendique aujourd’hui et qu’en toute hypothèse, une action en réparation de jouissance doit s’analyser en une action personnelle qui se prescrit par 5 ans ce qui fait que la demande de M. [N] est prescrite, étant précisé que cette fin de non-recevoir tirée de la prescription n’est pas reprise dans le dispositif des conclusions de la commune de [Localité 11].

Sur quoi,

Si tout rapport d’expertise officieux peut valoir à titre de preuve dès lors qu’il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties : l’expertise officieuse n’est qu’une preuve imparfaite qui doit être corroborée par un autre élément.

En l’espèce, M. [N] verse aux débats le rapport d’expertise de la SAS TARDEX daté du 4 juin 2012 qu’il a sollicitée en vue de « déterminer la valeur locative de l’immeuble dans l’hypothèse d’un renouvellement du bail par la commune de [Localité 11]. ». Une visite a eu lieu en présence de M. [N] le 10 avril 2012.

L’expert mandaté par M. [N] liste les documents et informations mis à disposition par son client, à savoir :

-le plan d’état des lieux dressé le 7 février 2012 par la SELARL Hoareau Christian

-les références cadastrales AV [Cadastre 2] (soit 2.669 m²) (lieu-dit [Adresse 4])

-le bail commercial (bail initial du 2 juillet 1986 et l’avenant du 31 mars 1987)

-le bail de sous-location (il s’agit de deux baux commerciaux conclus respectivement les 21 mai 2007 avec la SARL et 18 septembre 2008 avec la SARL Chokdee).

L’expert amiable fixe à 2.669 m² la surface cadastrale de la parcelle AV [Cadastre 2] et à 2.467 m² la surface cadastrale relevée par le géomètre expert

Il estime à 1.421,01 m² l’occupation de la commune de [Localité 11] avec les affectations suivantes :

-partie du terrain mis à disposition de la SARL CEO depuis le 18 mars 2005 qui y a installé un container et aménagé une terrasse où elle exploite une activité de snack (bar à l’enseigne « la Banana » « activité exerçant une concurrence directe au fonds de commerce de M. [N] ; surface occupée 204,91 m²

-parking public en épis 635,13 m²

-voierie publique 150,62 m²

Prolongement de la [Adresse 13] et rond-point

-emprise du gymnase 430,35 m²

Il en déduit que le terrain d’origine a été amputé par la commune de 57,60% et que la surface résiduelle occupée par M. [N] s’établit à 1.008,04 m².

Il fixe à 2.870 euros la valeur locative du bâtiment « hors améliorations apportées par M. [N] au cours du bail ».

Le rapport comprend 20 photographies, ainsi qu’un extrait K bis de la SARL Chokdee établi le 26 juin 2008.

Suivant acte sous signature privée dénommé « Bail Commercial » du 2 juillet 1986, M. [E] [K] a donné à bail à M. [A] [Z] [V] [N] l’ensemble d’une grande maison et terrain cadastré section [Cadastre 8] situé à [Adresse 19], sauf deux pièces et une petite maison données en location à M. [X] [Y], pour une durée de 9 ans, à compter du 1er juillet 1986 pour se terminer le 30 juin 1995, moyennant un loyer annuel de 24.000 francs.

S’agissant des « CHARGES ET CONDITIONS » « II. – Occupation – Jouissance », le bail stipule qu’il est consenti et accepté à la condition que le preneur n’exerce dans les lieux loués que la « profession de l’hôtellerie Pension de Famille Tourisme Loueur en meublé. Autres dénominations » et qu’il ne cède ou sous-loue, en tout ou partie, aucun droit au présent bail, sous peine de résiliation, si ce n’est à un successeur dans son fonds de commerce et sous condition de rester garant et solidaire de son cessionnaire pour le paiement des loyers et l’exécution des conditions du bail.

Tandis qu’aux termes des « CLAUSES PARTICULIERES » :

« Le Bailleur autorise le Preneur à effectuer tous travaux d’aménagements et de constructions tels que chambres ‘ cuisine ‘ salles d’eau ‘ espaces verts ‘ terrasses ‘ salles à manger ‘ restaurants ‘ bungalow ‘ etc… et de les louer en partie ou en totalité. Lesquelles constructions resteront en fin de bail la propriété du Bailleur. Le présent bail sera renouvelé d’office sans aucune formalité des deux parties.

Le loyer est fixé à deux mille francs pour les premiers mois et à trois mille francs pour la durée de la première période triennale seulement sera susceptible d’être révisé au début de chacune des autres périodes dans les conditions prévues par la législation en vigueur. »

Par avenant du 31 mars 1987, il a été convenu entre les parties ce qui suit :

« 1°) Qu’un commun accord sera fait pour reloger mon fils afin de libérer les deux pièces, à partir du 1er mai 1987

2°) Que la petite maison louée actuellement sera louée à Monsieur [N] de préférence après le départ du présent locataire, que la sous-location partielle ou totale du bail est autorisée

3°) Qu’une période de six mois supplémentaires lui sera accordée pour payer la somme de deux mille francs mensuellement et ceci à compter du 1er janvier 1987 au 30 juin 1987 inclus

4°) Que le loyer reprendra son cours normal à partir du 1er juillet 1987, c’est à dire trois mille francs mensuellement. »

Est annexé à cet avenant une « Autorisation de sous-location » signée des parties M. [K] autorisant M. [N] à sous-louer partiellement ou totalement le bail commercial établi le 2 juillet 1986.

Par acte sous signature privée du 21 mai 2007 dénommé « BAIL COMMERCIAL », M. [N] a loué à la SARL Bourbon Concept un local commercial comprenant deux vitrines, une porte à rideaux métalliques, un WC, un lavabo avec douche, un bureau, une local de club house, deux terrasses et une cour situé à [Adresse 17], pour une durée de 9 ans commençant le 1er juin 2007 pour se terminer le 31 mai 2016 pour l’activité d’école de parapente, boutique et accessoires, bar de première catégorie et petite restauration à emporter, moyennant un loyer HT de 1.100 euros, soit 1.193,50 euros TTC.

Par acte sous signature privée du 18 septembre 2008 dénommé « BAIL COMMERCIAL », M. [N] a loué à la SARL Chokdee un local à usage commercial comprenant une terrasse et une salle d’eau situé à [Adresse 16], pour une durée de 9 ans commençant le 1er octobre 2008 pour se terminer le 30 septembre 2017 pour « les activités de la Sarl chokdee » moyennant un loyer HT de 1.106 euros, soit 1.200,01 euros TTC.

La cour relève que :

-le rapport d’expertise amiable n’a pas pour finalité d’établir l’appropriation illégale par la commune de [Localité 11] d’une partie de l’espace locatif initial de M. [N] mais uniquement de « déterminer la valeur locative de l’immeuble dans l’hypothèse d’un renouvellement du bail par la commune de [Localité 11]. » ;

-il ressort de la description du bien donné à bail à M. [N] dans le bail initial du 2 juillet 1986 que celui-ci ne porte que sur une partie de la parcelle cadastrée [Adresse 9], étant remarqué que la surface du bien loué n’est pas indiquée : en effet, deux pièces de la « grande maison » (non déterminées) et une petite maison (sans précision sur l’endroit où ce bien se trouve ni son emprise) sont données en location à M. [Y] ;

-l’avenant du 31 mars 1987 n’est pas davantage explicite ;

-la référence cadastrale a changé : il ne s’agit plus de la parcelle n° [Cadastre 8] situé à [Adresse 19] mais de la parcelle section AV n° [Cadastre 2] [Adresse 4], étant précisé que le plan cadastral figurant à l’expertise ne mentionne aucune « [Adresse 15] » mais uniquement un « boulevard » et la « [Adresse 13] »

-le plan d’état des lieux réalisé par le géomètre expert concerne la parcelle AV [Cadastre 2], n’y figure aucune « [Adresse 15] » ; il mentionne les « surfaces occupées par la mairie » ;

-aucune des 20 photographies (qui ne comporte aucune indication) figurant dans le rapport d’expertise ne concerne les « surfaces occupées par la mairie », à savoir le parking public, la voirie publique, le snack « La Banane » et le gymnase ;

-le rapport liste sommairement les aménagements réalisés par M. [N] et les sous-locataires, selon les seules déclarations de M. [N], aucune photographie ni facture ne venant étayer lesdites déclarations.

Il s’en déduit que le rapport d’expertise amiable, certes débattu contradictoirement, est insuffisant à établir la réalité de l’appropriation illégale par la commune de [Localité 11] d’une partie de l’espace locatif initial de M. [N], faute d’être corroboré par d’autres éléments probants et c’est donc à bon droit que les premiers juges ne l’ont pas pris en considération.

2°) l’indemnisation des travaux effectués par M. [N] sur le bien loué

Pour rappel, M. [N] demande à la cour de :

-dire et juger que l’appel limité de M. [N] est recevable et bien fondé ;

-dire et juger que le rapport d’expertise de la société TARDEX prise en la personne de M. [B], expert, est contradictoire car versé aux débats de première instance, et soumis à discussion ;

-dire et juger que le rapport de M. [B] n’est pas fondé uniquement sur les « seules affirmations » de M. [N] et qu’au contraire, il est fondé sur des éléments objectifs, concrets et non unilatéraux ;

-constater la réalité des travaux effectués par M. [N] ;

-condamner la commune de [Localité 11] au règlement de la somme de 250.000 euros au titre des travaux effectués sur la parcelle par M. [N].

M. [N] soutient en substance que, d’une part, le rapport de M. [B] est explicite sur ce point et que, d’autre part, il produit les factures desdits travaux.

M. [N] rappelle que le bail initial l’autorisait à réaliser des travaux et sollicite un complément d’expertise afin d’en déterminer la réalité et les chiffrer.

La commune de [Localité 11] fait valoir que M. [N], qui se base sur le même rapport d’expertise, n’apporte aucune preuve de telles dépenses. Elle considère qu’en procédant de la sorte, M. [N] ne fait que confirmer qu’il ne dispose d’aucune preuve de paiement des travaux.

Sur quoi,

Pour rappel, il résulte des dispositions des articles 552 et 553 du code civil que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous et que toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l’intérieur, sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n’est prouvé. Il s’agit d’une présomption simple.

L’article 555 est applicable aux rapports entre propriétaire et locataires.

Pour autant, les objets appartenant au preneur et qu’il place dans l’immeuble loué ne deviennent propriété du bailleur par accession, que s’ils sont incorporés dans l’immeuble au point d’en devenir une partie intégrante. Sinon, ils conservent leur caractère mobilier et peuvent, sauf convention expresse contraire, être emportés en fin de bail.

L’autorisation du bailleur d’effectuer des travaux n’est pas de nature à écarter l’application de l’article 555, à défaut d’une convention réglant le sort des constructions réalisées par le locataire.

Le propriétaire dispose d’un choix ; exiger la remise en état des lieux, ce qui est toujours possible même si le bailleur avait autorisé les travaux ou conserver à son profit les améliorations réalisées avec ou sans indemnisation selon les cas. L’accord exprès du bailleur de conserver les travaux effectués est nécessaire pour éviter la remise en état.

Le locataire ne peut pas se prévaloir de l’article 555 du Code civil pour éviter la remise en état des lieux et contraindre le bailleur à le dédommager des constructions édifiées sur son terrain

Lorsque soit par le bail, soit par un accord postérieur, le bailleur a autorisé les constructions et s’est même entendu avec le preneur sur leur sort, il convient d’appliquer la convention qui fait la loi des parties.

En l’espèce et pour rappel, il ressort des « CLAUSES PARTICULIERES » du bail initial que le bailleur a autorisé M. [N] à effectuer tous travaux d’aménagements et de constructions tels que chambres ‘ cuisine ‘ salles d’eau ‘ espaces verts ‘ terrasses ‘ salles à manger ‘ restaurants ‘ bungalow ‘ etc… et précisé que lesdites constructions resteront en fin de bail la propriété du bailleur.

Il en résulte que, nonobstant toute preuve établissant tant la réalité que le montant des travaux effectués par M. [N], étant observé que celui-ci ne produit aucune facture et que le rapport d’expertise amiable n’apporte aucun élément probant à ce titre, M. [N] ne peut, en tout état de cause, prétendre à aucune indemnisation.

3°) le paiement d’une indemnité d’éviction et une mission complémentaire d’expertise pour tenir compte des indemnisations au titre de l’appropriation illégale et les travaux

Pour rappel, M. [N] demande à la cour de :

-dire et juger que la partie appropriée illégalement par la commune de [Localité 11] soit prise en compte pour le calcul de l’indemnité d’éviction sollicité par M. [N] et pour laquelle une mesure d’expertise a été ordonnée par le jugement entrepris ;

-ordonner un complément de mission de l’expertise judiciaire ordonnée par le jugement du 31 janvier 2020, comme suit :

. Ordonne une expertise et désigne M. [H] pour y procéder avec pour mission de :

. Déterminer en la justifiant l’indemnité d’éviction dû à M. [N] par la commune de [Localité 11], à la suite du congé avec refus de renouvellement à effet du 30/06/2013, en prenant en considération la partie de 1.421 m2 appropriée illégalement par la commune de [Localité 11] à ce jour,

. Déterminer en les justifiant les travaux effectivement réalisés par M. [N] sur la parcelle entre le jour de la prise d’effet du bail commercial de 1986 et sa date d’éviction, et de les chiffrer ;

M. [N] soutient en substance que son droit à l’indemnité d’éviction est indiscutable pour avoir été reconnu par un arrêt de la cour d’appel de Saint Denis de la Réunion du 31 mars 2017 ayant autorité de la chose jugée rendant toutes contestations de la commune de [Localité 11] irrecevables, de même que le litige afférent à son exploitation personnelle des lieux et des sous-locations qui a également été définitivement tranché par un arrêt du 6 octobre 2006.

M. [N] fait encore valoir que dès lors que la sous-location a été autorisée dès le bail initial et qu’il ressort que la commune intention des parties qu’elles ont entendu soumettre volontairement le bail au statut des baux commerciaux, malgré cette autorisation de sous-location, la commune de [Localité 11] ne peut invoquer l’absence d’exploitation du fonds de commerce pour lui dénier le droit à une indemnité d’éviction.

M. [N] argue également qu’en application du principe de l’immutabilité des motifs du congé, la commune de [Localité 11] ne peut, pour justifier de son refus de paiement de l’indemnité d’éviction, invoquer une prétendue irrégularité des sous-location dès lors qu’elle ne l’a pas invoquée dans son congé.

M. [N] soutient enfin que l’assiette de calcul de l’indemnité d’éviction doit intégrer la partie de terrain amputée illégalement par la commune de [Localité 11] ainsi que les travaux qu’il a effectués sur le bien.

La commune de [Localité 11] fait valoir que M. [N] ne justifie pas à titre personnel d’un droit à indemnité d’éviction. Elle soutient que le droit à une indemnité d’éviction découle directement du droit au renouvellement du bail commercial qui selon l’article L145-8 du code de commerce ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux et qu’ainsi, en cas de sous-location totale des locaux commerciaux, le bailleur est en droit de refuser au preneur le bénéfice du statut des baux commerciaux et le paiement d’une indemnité d’éviction, même si cette circonstance était connue au moment de la délivrance du congé avec offre d’indemnité. Elle précise que la dénégation du statut des baux commerciaux peut intervenir même pendant le cours de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction. Elle considère que les premiers juges ont fait un amalgame entre le régime de la location-gérance, non soumise au statut des baux commerciaux mais à une réglementation spécifique, et le régime de la sous-location. Or, M. [N] n’a pas la qualité de bailleur de fonds mais uniquement de locataire principal ; il n’exploite personnellement aucune activité commerciale. Elle argue qu’en cas de sous-location totale, il n’a pas de droit au renouvellement du loyer, et, partant, au droit à une indemnité d’éviction. Elle en déduit qu’à défaut de prouver une exploitation personnelle et conforme au bail commercial, la propriété d’une clientèle propre, M. [N] n’est propriétaire d’aucun fonds de commerce et ne justifie pas bénéficier du droit au renouvellement de celui-ci, et, partant, du droit à une indemnité d’éviction.

La commune de [Localité 11] fait encore valoir que M. [N] ne justifie pas, au titre des sous-location, d’un droit à indemnité d’éviction : le locataire principal n’est pas recevable à exercer l’action éventuelle appartenant aux sous-locataires en vue d’obtenir une indemnité d’éviction au titre des sous-location au regard des dispositions des articles 31 et 32 du code de procédure civile. Elle ajoute la sous-location est irrégulière lorsque le propriétaire n’a pas été appelé au contrat de sous-location, que l’existence d’une autorisation de principe d’une sous-location et la simple connaissance du bailleur ne peuvent être assimilés au concours à l’acte ou à l’agrément par celui-ci et qu’en tout état de cause, en cas de résiliation du bail principal et en application de l’article L145-32 et L145-60 du code de commerce, le sous-locataire ne dispose que d’un délai de deux ans à compter du moment où la résiliation a été portée à sa connaissance pour demander le renouvellement de son bail directement auprès du bailleur propriétaire, étant précisé que l’existence d’une action en cours dans le but de contester le congé est sans conséquence sur le cours de la prescription. En l’espèce, M. [N] ne prouve pas qu’elle a agréé les sous-locations ou a été appelée à le faire, étant précisé que la connaissance ou la tolérance de la sous-location ne vaut pas agrément de celle-ci. Elle en déduit que les conditions fixées par l’article L145-32 du code de commerce pour ouvrir à M. [N] ou à ses sous-locataires un droit à indemnité d’éviction auprès d’elle ne sont pas remplies et que les demandes du locataire principal à ce titre ne sont pas fondées, ce d’autant que dans le cas d’une cession des locaux en cours de bail, l’autorisation de sous-location par l’ancien bailleur n’est opposable à l’acquéreur qu’à la condition que l’accord ait date certaine ou soit connu du nouveau propriétaire avant la vente, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Elle soutient qu’au regard des articles 31 et 32 du code de procédure civile, M. [N] est irrecevable à agir au nom et pour le compte des sociétés Chokdee et Bourbon Concept qui ne sont, elles-mêmes plus recevable à agir en application des articles L145-60 et L145-32 du code de commerce pour n’avoir pas émis de demande de renouvellement auprès du bailleur principal dans le délai de deux ans à compter du moment où la résiliation a été portée à leur connaissance.

Enfin, la commune de [Localité 11] fait valoir que contrairement aux affirmations de M. [N], aucune juridiction n’a reconnu « définitivement » son droit à éviction : l’autorité de la chose jugée est limitée à ce qui a été tranché dans le dispositif de celui-ci de façon explicite, Elle ajoute que l’autorité de la chose jugée n’est pas étendue à ce qui a été implicitement jugée et les motifs de la décision ne bénéficient pas de cette autorité, y compris lorsqu’ils sont décisoires ou décisifs. Or, le dispositif de l’arrêt de la cour d’appel est très clair, il confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Saint Pierre de la Réunion du 5 juin 2015 qui n’a pas reconnu le droit à indemnité d’éviction de M. [N].

Sur quoi,

D’une part,

Aux termes de l’article 480 du code de procédure civile :

« Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche.

Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4. »

L’autorité de la chose jugée est acquise dès le prononcé du jugement, sans qu’il soit nécessaire de le signifier. Elle s’apprécie à la date où le juge statue.

L’autorité de la chose jugée s’attache au seul dispositif du jugement.

Les motifs d’un jugement sur le fond n’ont pas en principe autorité de la chose jugée. Pour autant, il n’est pas interdit d’éclairer la portée de ce dispositif par les motifs de la décision.

D’autre part,

A titre liminaire, il convient de rappeler que le bail initial date du 2 juillet 1986, donc soumis au décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, qui a fait l’objet d’une codification à droit constant par l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 dans le chapitre V, du titre IV, du livre 1er du code de commerce sous les articles L145-1 à L145-60, et les articles R145-1 à R145-33 pour la partie réglementaire. Il y a donc lieu de se référer aux articles du code de commerce dans leur version applicable au litige.

Aux termes de l’article L145-1 du code de commerce :

« I. – Les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d’une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce, et en outre :

1° Aux baux de locaux ou d’immeubles accessoires à l’exploitation d’un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l’exploitation du fonds et qu’ils appartiennent au propriétaire du local ou de l’immeuble où est situé l’établissement principal. En cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires doivent avoir été loués au vu et au su du bailleur en vue de l’utilisation jointe ;

2° Aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées – soit avant, soit après le bail – des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire.

II. – Si le fonds est exploité sous forme de location-gérance en application du chapitre IV du présent titre, le propriétaire du fonds bénéficie néanmoins des présentes dispositions sans avoir à justifier de l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.

III. – Si le bail est consenti à plusieurs preneurs ou indivisaires, l’exploitant du fonds de commerce ou du fonds artisanal bénéficie des dispositions du présent chapitre, même en l’absence d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers de ses Co preneurs ou coindivisaires non exploitants du fonds.

En cas de décès du titulaire du bail, ces mêmes dispositions s’appliquent à ses héritiers ou ayants droit qui, bien que n’exploitant pas de fonds de commerce ou de fonds artisanal, demandent le maintien de l’immatriculation de leur ayant cause pour les besoins de sa succession. »

Outre le respect des règles du droit commun relatives à la validité des contrats, la première condition afin de bénéficier du statut des baux commerciaux est d’avoir conclu un contrat qui est un bail au sens de l’article 1709 du code civil, à savoir un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige à lui payer.

Aux termes de l’article L145-4 du code de commerce, la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.

S’agissant de l’objet du bail, l’article L145-1 exige qu’il s’agisse d’un immeuble ou d’un local.

Le locataire doit exercer une activité commerciale, industrielle ou artisanale pour pouvoir bénéficier du statut. Il faut, en outre, que le locataire soit propriétaire du fonds de commerce qu’il exploite, ce qui suppose, notamment, l’existence d’une clientèle qui lui est propre. Si le fonds de commerce est mis en location-gérance, il est possible pour le propriétaire du fonds de commerce, de bénéficier du statut des baux commerciaux, sans pour autant remplir la condition relative à la nécessité d’une immatriculation.

L’article L145-8 du code de commerce confère au preneur un droit au renouvellement de son contrat.

Il impose que le fonds ait fait l’objet d’une exploitation effective au cours de trois années qui ont précédé l’expiration du bail ou de sa prolongation. Ce texte impose l’existence d’un fonds de commerce. C’est ainsi que certaines activités sont écartées : sous-location de bureaux, sous-location totale, exploitation d’une résidence de tourisme sans fourniture de prestations de service.

Cependant, si le bailleur a autorisé le preneur à ne pas exploiter personnellement le fonds de commerce, celui-ci ne peut pas dénier au preneur le droit au renouvellement en arguant d’un défaut d’exploitation.

Conformément aux dispositions des articles L145-14 à L145-30 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, il doit, sauf exceptions (motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant, immeuble devant être totalement ou partiellement démoli) payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Le préjudice étant lié à l’éviction, il doit être évalué au jour de l’éviction, c’est-à-dire au jour où le locataire quitte les lieux. En pratique, c’est au jour où le juge statue lorsque l’éviction n’est pas encore réalisée. Le juge prend en compte l’évolution éventuelle du préjudice en cours d’instance (réinstallation du locataire, accroissement ou baisse du chiffre d’affaires, etc…). En revanche, la consistance du fonds doit s’apprécier à l’époque du refus de renouvellement, il n’y a pas à prendre en compte les activités nouvelles que le preneur aurait développé depuis cette date. Lorsque le locataire a quitté les lieux, l’indemnité doit être calculée au jour de l’éviction et ne peut pas être réévaluée à la date de la décision qui l’octroie.

Par ailleurs, l’article L145-26 stipule que « Le renouvellement des baux concernant des immeubles appartenant à l’État, aux collectivités territoriales et aux établissements publics ne peut être refusé sans que la collectivité propriétaire soit tenue au paiement de l’indemnité d’éviction prévue à l’article L145-14, même si son refus est justifié par une raison d’utilité publique. »

Et l’article L145-28 précise qu’aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue, à moins qu’il n’ait reçu une indemnité provisionnelle fixée par le président du tribunal de grande instance statuant au vu d’une expertise préalablement ordonnée. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.

En l’espèce,

Il résulte des éléments du dossier que suivant acte sous signature privée dénommé «Bail commercial » du 2 juillet 1986, M. [K] a donné à bail M. [N] l’ensemble d’une grande maison et terrain situé à [Adresse 19], sauf deux pièces et une petite maison données en location à M. [Y], pour une durée de 9 ans, à compter du 1er juillet 1986 pour se terminer le 30 juin 1995, moyennant un loyer annuel de 24.000 francs, ledit bail comprenant des « clauses particulières » prévoyant expressément l’autorisation donnée par le bailleur au Preneur d’effectuer tous travaux d’aménagements et de constructions et de les louer en partie ou en totalité.

Par avenant du 31 mars 1987, il a notamment été convenu entre les parties que la sous-location partielle ou totale du bail est autorisée, une « Autorisation de sous-location » signée des parties, M. [K] autorisant M. [N] à sous-louer partiellement ou totalement le bail commercial établi le 2 juillet 1986 étant annexée audit avenant.

Par acte notarié des 5, 6, 7 et 9 septembre 1991, les consorts [K] ont vendu à la commune de [Localité 11] une parcelle de terrain située à [Adresse 18] d’une superficie de 29 ares et 14 centiares ainsi que les constructions édifiées sur ledit terrain, étant précis que sont compris dans la vente « toutes les attenances, appartenances et dépendances de l’immeuble vendu, droits et facultés quelconques y attachés, sans aucune exception ni réserve » au prix de 1.200.000 francs

Aux termes du paragraphe « PROPRIETE – JOUISSANCE » :

« L’acquéreur aura la propriété de l’immeuble vendu à compter de ce jour, et il en aura la jouissance à compter également de ce jour, par la perception des loyers ou indemnités d’occupation qui courront à son profit, l’immeuble étant loué à Monsieur [N] [A] [Z] [V] suivant bail commercial sous seing privé en date du 2 juillet 1986, lequel a commencé à courir le 1er juillet 1986.

L’acquéreur déclare être parfaitement au courant de cette situation locative, dont il devra faire son affaire personnelle, comme de toute prorogation légales auxquelles tout locataire pourrait avoir droit, de toute demande en réduction auxquelles ce dernier pourrait prétendre en vertu des lois en vigueur et des réclamations d’objets qu’il prétendrait lui appartenir (…) »

Suivant courrier du 3 octobre 1991, la ville de [Localité 11] a informé M. [N] de sa qualité de nouveau propriétaire du terrain cadastré section AV n° [Cadastre 5] et lui a demandé s’il était titulaire d’un contrat de location avec la succession [K] [E]. Dans l’affirmative, elle en a demandé copie à M. [N], celui-ci devant lui indiquer l’existence éventuelle d’un sous-locataire et lui transmettre toutes pièces à ce sujet.

En retour, (date non indiquée), M. [N] a adressé à la mairie de [Localité 11] :

« 1. Copie du bail commercial du 02 juillet 1986 conclu avec Monsieur [K] [E], comportant autorisation de sous-louer

2. Autorisation de sous-location donnée à nouveau par Monsieur [K] [E] le 31 mars 1987

3. Copie du bail commercial en date du 20 Septembre 1989 donnant en sous-location la villa dont s’agit à Monsieur [D] [F]. »

Suivant « CONTRAT DE LOCATION -GERANCE » du 30 septembre 2002 M. [N] a donné en location-gérance à M. [I] [M] un fonds de commerce sous l’enseigne « la Gâterie » pour 3 ans à compter du 1er octobre 2002 moyennant une redevance mensuelle de 992,78 euros, ledit contrat faisant référence au « bail commercial » du 2 juillet 1986.

Par acte sous seing privé dénommé « BAIL COMMERCIAL » du 3 janvier 2007 M. [N] a donné à bail un local à usage commercial 1 terrasse 1 salle d’eau situé [Adresse 16] à [Localité 11] à la SARL Namaste pour 9 ans à compter du 1er février 2007, avec pour date d’échéance « celle du locataire principal » moyennant un loyer HT de 1.106 euros par mois, soit 1.200,01€ TTC pour les activités du preneur.

Par acte sous seing privé du 21 mai 2007 dénommé « BAIL COMMERCIAL », M. [N] a loué à la SARL Bourbon Concept un local commercial comprenant deux vitrines, une porte à rideaux métalliques, un WC, un lavabo avec douche, un bureau, une local de club house, deux terrasses et une cour situé à [Adresse 17], pour une durée de 9 ans commençant le 1er juin 2007 pour se terminer le 31 mai 2016 pour l’activité d’école de parapente, boutique et accessoires, bar de première catégorie et petite restauration à emporter, moyennant un loyer HT de 1.100 euros, soit 1.193,50 euros TTC.

Suivant courrier du 24 juillet 2008, la commune de [Localité 11] a indiqué au gérant de la SARL Namaste avoir pris bonne note de sa lettre du 4 juin l’informant de la reprise du fonds de commerce de la SARL Namaste par la SARL Chokdeee aux fins d’autorisation et lui a indiqué : « A cet effet, je ne formule aucune opposition à cette reprise. »

Par acte sous signature privée dénommé « BAIL COMMERCIAL » du 18 septembre 2008, M. [N] a donné à bail à la SARL Chokdee un local à usage commercial, une terrasse, une salle d’eau situé [Adresse 17] à [Localité 11] moyennant une loyer HT de 1.106 euros , soit 1.200,01 euros TTC à compter du 1er octobre 2008 jusqu’au 30 septembre 2017 pour les activités du preneur (vente, achat, revente de bijoux en argent et e or, confection de tous textiles, de tous meubles et objet meublant, import et export e autres objets de décoration ainsi que tous objets d’artisanat, restauration rapide, débit de boisson et cyber café).

Par acte sous seing privé daté du 13 septembre 2011 dénommé « CONVENTION DE LOCATION D’EMPLACEMENT PUBLICITAIRE » M. [N] a donné à bail à l’EURL Réunion Affichage Permanent un droit de passage et implantation d’un panneau sur une bande de terrain prise en bordure de la parcelle cadastrée section AV n° [Cadastre 2] [Adresse 10] à [Localité 11] moyennant un loyer de 2.000 euros par an.

Suivant courrier en date du 23 janvier 2012 mentionnant en objet « Bail commercial du terrain cadastré AV [Cadastre 2] ‘ déplafonnement du loyer », la commune de [Localité 11] a informé M. [N] qu’elle entendait se prévaloir des dispositions des articles L145-54, L145-38 et L145-38 du code de commerce pour bénéficier d’une révision de loyer par le biais d’un déplafonnement et de faire fixer à la somme de 3.500 euros TTC à compter du mois suivant la réception du courrier, indiquant qu’à défaut, elle se réservait le droit de justifier le montant du loyer sans préjudice des intérêts de retard, la demande valant mise en demeure pour le cours des intérêt au taux légal.

Par lettre du 29 mars 2012, M. [N] a annoncé à la Mairie de [Localité 11] l’ouverture du restaurant Leu Pitaya.

Aux termes d’un courrier de la commune de [Localité 11] à Mme [R] Leu Mélanzé du 10 septembre 2012 portant en objet « ouverture du restaurant « Leu Mélanzé » :

« J’ai pris connaissance de l’ouverture prochaine du restaurant « Leu Mélanzé » dont vous êtes la propriétaire, ce qui est situé au [Adresse 10] à [Localité 11].

A toutes fins utiles, je vous informe que le terrain et bâtiment que vous occupez est une propriété communale sur laquelle le bail commercial qui a été concédé à Monsieur [N] [A], le locataire des lieux, arrivera à échéance le 30 juin 2013.

Je vous précise que la commune n’envisage pas de le renouveler et que cette décision a déjà été notifiée à Monsieur [N] [A]. Aussi, le contrat que vous avez passé avec l’actuel locataire devra prendre fin en même temps que son bail commercial.

Par ailleurs, n’étant pas lié contractuellement avec votre société la collectivité ne sera tenue, en aucun cas, d’une quelconque obligation envers vous.

En effet, vous en ferez votre affaire avec bailleur initial, afin de faire respecter les clauses de votre contrat ou formuler une éventuelle demande d’indemnités. »

Suivant courrier du 19 novembre 2012 de la commune de [Localité 11] à M. [N], portant en objet : « Bail commercial du terrain cadastré AV [Cadastre 2] – Non renouvellement du bail-2ème AVIS », la commune de [Localité 11] a appelé que par lettre du 23 janvier 2012, elle avait notifié à M. [N] sa décision de non renouvellement du bail commercial, que M. [N] a accusé réception de la signification par voie d’huissier le 27 janvier 2012 et qu’à ce jour, elle n’a pas eu connaissance de sa position. Elle a confirmé à M. [N] sa décision du 16 janvier 2012 de non renouvellement du bail commercial à la date du 30 juin 2013.

Suivant courrier du 4 février 2013, portant en objet : « Bail commercial du terrain cadastré AV [Cadastre 2]-Indemnité d’éviction » le maire de [Localité 11] a demandé à M. [N] de lui communiquer « dans les plus brefs délais et au plus tard le 1er mars 2013 tous les éléments nécessaires au calcul » de l’indemnité d’éviction « et notamment, toutes les pièces fiscales justifiant de votre chiffre d’affaires sur le local objet du bail commercial. »

Suivant courrier du 24 mai 2013, portant en objet : « Bail commercial du terrain cadastré AV [Cadastre 2]-Fin du bail et indemnité d’éviction », en l’absence de toute manifestation de M. [N], le maire de [Localité 11] a proposé à ce dernier une indemnité d’éviction de 40.000 euros correspondant aux indemnités principales et accessoires, et lui indiquant que la collectivité comptait prendre possession de son bien au 1er juillet (illisible).

Un « BAIL COMMERCIAL DE SOUS-LOCATION » a été conclu le 28 octobre 2013 entre M. [N] et la SARL Bourbon Concept concernant un local commercial comprenant deux vitrines une porte à rideaux métalliques un WC un lavabo avec douche + cuisine aménagée deux terrasses dans la cour, avec effet au 1er novembre 2013, pour une durée similaire au bail principal du bailleur, moyennant un loyer HT de 800 euros (868€ TTC) pour les activités de bar et petite restauration (snack bar) d’après licence obtenue.

Un second « BAIL COMMERCIAL DE SOUS-LOCATION » a été conclu le 28 octobre 2013 entre M. [N] et la SARL Bourbon Concept, concernant un local pour l’exploitation des activités de vol libre, un kiosque d’accueil, un local de stockage, l’ensemble est servi pour l’activité de vol libre, [Adresse 17] 500 euros HT, 542,50 euros TTC, à compter du 1er novembre 2013, pour une durée similaire au bail principal du bailleur

Un « AVENANT AU BAIL COMMERCIAL DE SOUS LOCATION DU 21 MAI 2007 » a été signé le 28 octobre 2013 entre M. [N] et Bourbon Concept.

Il a été convenu ce qui suit :

« La gérance de BOURBON CONCEPT préfère avoir DEUX BAUX DE SOUS LOCATION pour séparer les deux activités en remplacement de leur commercial de sous location du 21 mai 2007.

A savoir:

BAR ET PETITE RESTAURATION (SNAK BAR) D’APR7S LICENCE OBTENUE

ECOLE DE PARAPENTE ‘ EXPLOITATION DE VOL LBRE ‘ VENTE ET PRPDUITS DERIVES.

Les deux gérants demandent aussi une autorisation de pouvoir donner en gérance libre leurs activités de BAR ET PETITE RESTAURATION (SNAK BAR) D’APRES LICENCE OBTENUE

Ils seront solidaires du paiement de loyer de la sous-location pour les deux baux.

Le locataire principal Monsieur [N] [A] (le bailleur) accepte leurs demandes.

NB : les locaux sanitaires seront servis par les deux baux de sous location. »

Aux termes de deux courriers datés du 7 octobre 2014 adressés à M. [G] [W] NAMASTE (SARL Chokdee) et à M. [U] [C] Bourbon Parapente TY KRAMPOUZ CREOLE (SARL Bourbon Concept) la commune de [Localité 11], portant en objet « votre occupation de l’immeuble sis [Adresse 14] » :

« Comme vous le savez déjà, le bail commercial conclu entre la commune de [Localité 11] et Monsieur [N] [A] a pris fin le 30 juin 2013.

La décision de non renouvellement du bail a été régulièrement notifiée à Monsieur [N] [A] par acte d’huissier les 23 janvier 2012 et 19 novembre 2012 ;

Aussi, depuis le 1er juillet 2013, Monsieur [N] [A] ne peut plus prétendre au titre de locataire de l’immeuble sis [Adresse 14] et appartenant à la commune.

Ce qui entraîne par conséquence votre état d’occupant sans titre de ces mêmes locaux.

Aussi, dans la mesure où des procédures judiciaires sont encore en cour, je vous invite à consigner les loyers à verser à Monsieur [N] [A] et vous rapprocher de mon service juridique pour faire connaître votre situation exacte, à ce jour. »

Arguant de sa décision de ne pas renouveler le bail commercial conclu au profit de M. [N] restée sans réponse et sollicitant la fixation des indemnités d’éviction et d’occupation, la commune de [Localité 11] a saisi le tribunal de grande instance de Saint Pierre de Réunion, qui, par jugement du 5 juin 2015 a, notamment :

-rejeté la demande de M. [N] en annulation du congé portant refus de renouvellement signifié le 27 janvier 2012 (selon M. [N] les congés ne comportaient aucun motif et étaient donc nuls) ;

-constaté que le bail commercial du 2 juillet 1986 liant les parties a pris fin le 30 juin 2013 ;

-invité M. [N] à préciser s’il sous-loue tout ou partie des locaux qu’il a pris à bail et/ou s’il y exploite personnellement un fonds de commerce.

Sur appel de M. [N], par arrêt du 31 mars 2017, la cour d’appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.

Sur pourvoi de M. [N], celui-ci reprochant à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande en nullité du congé, par arrêt du 25 octobre 2018, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en statuant en ces termes : « Mais attendu qu’ayant retenu, bon droit, que le bailleur est toujours en droit de refuser le renouvellement d’un bail venu à expiration en payant une indemnité d’éviction et que le défaut de mention du délai légal dans lequel le congé peut être contesté constitue un vice de forme n’affectant pas la validité de l’acte que s’il fait grief à celui qui l’invoque, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui ne s’est pas contredite en a exactement déduit que le congé n’avait pas à être spécialement motivé et que la demande en nullité du congé devait être rejetée en l’absence de preuve d’un grief. »

M. [N] verse aux débats, notamment, outre des avis de taxe professionnelle couvrant les années 2005, 2006, 2007 et 2008, un extrait K bis de son entreprise établi le 10 août 2011 dont il ressort qu’il est immatriculé depuis le 9 juin 1977, que son activité d’origine est la suivante : tous commerces, marchand de biens, location, sous location, gérance, consultant, formation, commerce sur internet, aménagement finition réparation de matériels divers, marchand ambulant, organisation et vente de voyages et de séjours et tout ce qui se rapporte au tourisme, travaux de charpente, que son nom commercial est MAF Location-Vente [A] Voyages et Tourisme ‘ Euro Renov Building.

L’extrait K bis comprend de nombreux événements (16) en annexe s’échelonnant entre le 5 novembre 1997 (l’établissement complémentaire situé [Adresse 7] devient un établissement principal avec changement d’activité et d’enseigne Inter Confort) et le 10 août 2011(modification de l’enseigne, d’activité et de numérotation de l’adresse de l’établissement principal 95 B au lieu de [Adresse 6]) ainsi que la liste des autres établissements dans le ressort, à savoir :

-La Gâterie : création ; snack bar restaurant salle de thé plats à emporter, activités de vol libre, vente d’équipements matériels et accessoires liés à l’activité de vol, souvenirs, mis en location gérance du 1er avril 2004 au 31 mai 2007, reprise du fonds par M. [N] ; [Adresse 19] ;

-MAF Location-Vente : création ; activités tous commerce, marchand de biens, location, sous-location, consultant, formation, commerce sur internet, aménagement et finition, réparation de matériels divers ; [Adresse 6] ;

-Cabane Do Sel : création ; plats à emporter, restauration sur place, petite licence restaurant, spécialités créoles, vente d’articles artisanaux, habitation, bureau, location, sous-location ; début d’exploitation le 16 août 2008 ; [Adresse 3]

Enfin, dans son rapport d’expert judiciaire définitif du 9 février 2021, M. [J], indiquant qu’aucun dire ni aucune pièce ne lui a été communiqué lui permettant d’effectuer sa mission, a déposé son rapport en l’état faisant le constat de son impossibilité d’effectuer sa mission : M. [N], ne lui a pas fourni les documents comptables et fiscaux des cinq dernières années précédant la fin du bail, ne s’est pas expliqué sur l’exploitation du fonds ni indiqué sur quelle base il entendait déterminer l’indemnité d’éviction.

Il résulte de ce qui précède que la cour doit tout d’abord déterminer si le droit à indemnité d’éviction de M. [N] est ou non indiscutable.

En l’espèce, s’agissant du jugement mixte du 5 juin 2015, qui a donné lieu à un appel puis à un pourvoi en cassation, la question de l’indemnité d’éviction n’était pas discutée par la commune de Saint qui sollicitait précisément la fixation de ladite indemnité, se plaignant de ce que M. [N] ne répondait pas à sa décision de ne pas renouveler le bail, la commune de [Localité 11] ayant même proposé la somme de 40.000 euros à M. [N] à titre d’indemnité d’éviction. Cependant, le tribunal invitait également les parties à se prononcer sur les éléments constitutifs de l’indemnité d’éviction en cas de sous-location, relevant que les pièces produites tendait à démontrer que M. [N] n’exploitait aucun fonds de commerce et que les parties s’abstenaient de fournir les données nécessaires à l’estimation du droit au bail, raison pour lesquelles le tribunal estimait ne pas être en mesure de déterminer si une expertise était nécessaire pour fixer le montant de l’indemnité d’éviction et dans l’affirmative quelle mission devait être confiée à l’expert. M. [N] quant à lui soulevait la nullité du congé.

L’appel de M. [N] portait sur la nullité du congé et la commune de [Localité 11] ne formait aucun appel incident.

Il s’ensuit que le droit à indemnité d’éviction de M. [N] n’a pas autorité de chose jugée au sens de l’article 480 du code de procédure civile, le dispositif n’ayant pas tranché ce point.

La cour doit ensuite examiner si le bail du 2 juillet 1986 relève du statut des baux commerciaux.

En l’espèce, le contrat conclu le 2 juillet 1986 entre M. [K] (puis repris par la commune de [Localité 11]) et M. [N] rempli les conditions de l’article L145-1 du code de commerce (il s’agit d’un contrat de bail d’un immeuble dans lequel un fonds est exploité par un commerçant immatriculé au registre du commerce et des sociétés), sa durée est au moins égale à 9 ans

Conformément aux dispositions de l’article L145-8 du code de commerce, M. [N] doit être propriétaire du fonds de commerce, même s’il ne l’exploite pas personnellement.

En l’espèce, le bailleur a, depuis le départ, autorisé expressément M. [N] de sous-louer les locaux, pour partie ou en totalité, ce que M. [N] a fait à plusieurs reprises, ayant même donné en location gérance une partie des locaux loués à M. [M] du 1er avril 2004 au 31 mai 2007.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré :

-que les moyens tirés des articles L145-8 et suivants du code de commerce étaient inopérants pour priver M. [N] de son droit au renouvellement qui découle du statut des baux commerciaux, et ce d’autant que l’immeuble loué appartient à la commune de [Localité 11] qui est, en tout état de cause, tenue au paiement de l’indemnité d’éviction, même si son refus est justifié par une raison d’utilité publique, en vertu des dispositions de l’article L145-26 du code commerce

-et qu’ils ont également exclu la prise en compte de l’appropriation par la commune de [Localité 11] d’une partie de la parcelle donnée initialement à bail à M. [N] et prétendu travaux financés par M. [N], comme vu supra.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a dit que M. [N] a droit à l’indemnité d’éviction consécutive à l’expiration de son bail commercial en date du 30/06/2013 et qu’il convient en outre de débouter M. [N] de sa demande d’expertise complémentaire.

Sur les demandes formées par la commune de [Localité 11] à l’encontre de M. [N]

Pour rappel, la commune de [Localité 11] demande à la cour de :

-condamner M. [N] à payer à la commune de [Localité 11] une indemnité d’occupation de 5.042 euros mensuelle outre les taxes et charges d’occupation prévues au bail du 2 juillet 1986 jusqu’à la libération effective des lieux

-ordonner l’expulsion de M. [N] et de tous occupants de son chef, avec, au besoin l’assistance de la force publique et d’un serrurier ;

-ordonner l’enlèvement des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux en un lieu approprié, aux frais, risques et périls de M. [N] qui disposera d’un délai d’un mois pour les retirer à compter de la sommation qui sera délivrée par l’huissier chargé de l’exécution ;

-assortir l’obligation de quitter les lieux d’une astreinte d’un montant de 500 euros par jour de retard.

La commune de [Localité 11] soutient que le prix de 5 euros au m² est une évaluation faite et proposée par M. [N] lui-même. Elle ajoute que M. [N] reconnaît percevoir une somme de 5.906 euros par mois au titre des sous-location conclues avec les sociétés Bourbon Concept, Chokdee et Leu Mélanzé alors qu’il ne lui règle qu’une somme de 546,99 euros qui, faute de sous-location régulière opposable à la commune de [Localité 11], n’a jamais été réévaluée dans les conditions de l’article L145-31 du code de commerce

M. [N] ne remet pas en cause le principe du paiement d’une indemnité d’occupation au profit de la commune de [Localité 11], dont le montant est égal au dernier loyer versé.

Conformément aux dispositions de l’article L145-28, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue, à moins qu’il n’ait reçu une indemnité provisionnelle fixée par le président du tribunal de grande instance statuant au vu d’une expertise préalablement ordonnée. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.

En l’espèce, M. [N] n’a reçu aucun paiement au titre de l’indemnité d’éviction, la décision dont appel ayant précisément ordonné une expertise aux fins de la déterminer, ni même une quelconque provision.

Il s’ensuit que, d’une part, il ne peut être expulsé et que, d’autre part, jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré

Le jugement sera par conséquent confirmé, par substitution de motifs, en ce qu’il a condamné M. [N] à payer à la commune de [Localité 11] une indemnité d’occupation à compter du 30/06/2013 dont le montant sera égal à celui du dernier loyer versé par lui et dont il devra justifier à son bailleur.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement d’une indemnité d’éviction formée par les sociétés Chokdee et Bourbon Concept

La commune de [Localité 11] soutient en substance que les sociétés Chokdee et Bourbon Concept ne sont plus recevables à agir en application des articles L145-60 et L145-32 du code de commerce pour n’avoir pas émis de demande de renouvellement auprès du bailleur principal dans le délai de deux ans à compter du moment où la résiliation a été portée à leur connaissance.

Les sociétés Chokdee et Bourbon Concept font valoir pour l’essentiel que la résiliation du bail principal a été contestée en justice et n’a finalement acquis force de chose jugée que le 25 octobre 2018 et en déduisent que le délai de deux ans n’était pas acquis au moment de leurs interventions volontaires. Elles considèrent que le courrier du 7 octobre 2014, retenu à tort par les premiers juges comme point de départ de la prescription, n’a pas date certaine et invite simplement les sous-locataires à séquestrer les loyers sans remettre en question leurs droits.

M. [N] argue principalement que les demandes d’indemnités d’éviction formées par les sociétés Chokdee et Bourbon Concept ne sont pas prescrites car une instance était en cours jusqu’à l’arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 2018.

Conformément aux dispositions de l’article L145-60 du code de commerce, toutes les actions exercées en vertu du chapitre V : « Du bail commercial » comprenant notamment les articles L145-13 à L145-32 traitant du refus de renouvellement et de la sous-location, à L145-60 dont les articles) chapitre se prescrivent par deux ans. ».

En l’espèce, par jugement du 5 juin 2015, le tribunal a constaté que le bail commercial du 2 juillet 1986 liant les deux parties avait pris fin le 30 juin 2013.

Mais c’est dès 7 octobre 2014 que les sociétés Chokdee et Bourbon Concept ont été informées par la commune de [Localité 11] de ce que le bail commercial conclu au profit de M. [N] avait pris fin le 30 juin 2013 et qu’elle devenait par conséquent occupante sans titre des locaux sous-loués.

Or, ce n’est que par conclusions du 19 mai 2019 que les sociétés Chokdee et Bourbon Concept sont intervenues volontairement à l’audience aux fins d’obtenir une indemnité d’éviction.

Dans ces conditions les sociétés Bourbon Concept et Chokdeee avaient deux ans à compter de la date à laquelle elles ont appris que le bail principal était résilié pour agir en vue de l’obtention d’une indemnité d’éviction, soit jusqu’au 7 octobre 2016.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a dit que les demandes principales des sociétés Bourbon Concept et Chokdee sont prescrites ;

Sur la demande subsidiaire des sociétés Chokdee et Bourbon Concept de dommages et intérêts par M. [N] et de mesure d’expertise

A titre subsidiaire, si la cour estimait que la sous-location est irrégulière, la société Chokdee considère qu’elle devient occupante sans droit ni titre des lieux et en déduit qu’elle est alors fondée à sollicite une indemnisation du locataire initial et sollicite également, pour quantifier au plus juste le préjudice, qu’il soit ordonné avant dire droit une mesure expertale.

Or, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que dès lors que le fait qu’elles échouaient dans leurs demandes principales n’était pas dû au ‘caractère irrégulier de leur bail de sous-location’, leurs demandes subsidiaires formée contre M. [N] devaient être rejetées.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a dit que les demandes subsidiaires des sociétés Bourbon Concept et Chokdee sont mal fondées et les déboute en tout.

Sur l’expertise ordonnée en première instance

La commune de [Localité 11] considère que dans la mesure où M. [N] et dépourvu du droit à toute indemnité d’éviction au sens de l’article L145-8 du code de commerce, qu’il n’a pas de clientèle propre, n’exerce aucune activité commerciale et a permis l’exploitation au sein des locaux en cause d’activités différentes de la destination primitive des lieux, à savoir l’hôtellerie, afin de jouir abusivement du statut réservé aux baux commerciaux et de s’enrichir aux dépens du réelle propriétaire, il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné un mesure d’instruction.

En l’espèce, il y a lieu de confirmer la mesure d’expertise ordonnée par les premiers juges, le principe du droit à une indemnité d’éviction étant établi, étant observé que ladite expertise a été rendue.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens doivent rester à la charge de ceux qui les ont engagés.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Saint Pierre de la Réunion ;

Y ajoutant

DEBOUTE M. [A] [Z] [V] [N] de sa demande d’expertise complémentaire ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chaque partie conserve ses dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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