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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
19e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 07 FEVRIER 2018
N° RG 15/05115
AFFAIRE :
[K] [R]
C/
SASU L’EQUIPE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Octobre 2015 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
N° RG : 13/01070
Copies exécutoires délivrées à :
SELEURL CABINET [O] [D]
SCP SUTRA CORRE ET ASSOCIÉS
Copies certifiées conformes délivrées à :
[K] [R]
SASU L’EQUIPE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT FEVRIER DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [K] [R]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Assisté de Me Rachel SPIRE de la SELEURL CABINET RACHEL SPIRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B335
APPELANT
****************
SASU L’EQUIPE
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représentée par Me Romain SUTRA de la SCP SUTRA CORRE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0171substitué par Me Sophie BAILLY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0346
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue le 12 Décembre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Claire GIRARD, Président,
Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [K] [R] a collaboré avec la SASU L’Equipe en qualité de ‘garçon de bureau’ à compter du 1er juillet 1994 sous plusieurs statuts : vacataire jusqu’au 31 mai 2003, puis intérimaire du 2 mai 2003 au 28 mai 2004, puis par contrat à durée déterminée du 1er juin au 30 septembre 2004 et, à nouveau, en qualité d’intérimaire du 8 novembre 2004 au 14 novembre 2008. M. [K] [R] a sa carte de presse depuis 2009 ; il est journaliste pigiste, éditeur rédacteur pour le magazine hebdomadaire de L’Equipe France Football depuis le 1er décembre 1999 et rédacteur pour le site internet francefootball.fr, étant précisé que son seul employeur est la SASU l’Equipe.
Les relations contractuelles entre les parties sont soumises à la convention collective nationale du journalisme.
Demandant la requalification de sa collaboration en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet depuis le 1er décembre 1999 et alléguant un salaire mensuel brut de référence de 7 095,11 euros, M. [K] [R] a saisi le 31 mai 2013 le conseil de prud’hommes de [Localité 1] (section encadrement) qui a, par jugement du 1er octobre 2015 auquel il y a lieu de se reporter pour l’exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties :
– prononcé la jonction des instances,
– débouté les demandeurs de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamné M. [N] [O], M. [M] [P], M. [Z] [C], Mme [F] [Y], M. [S] [L], M. [K] [R], M. [J] [A] et M. [C] [Z] aux dépens.
M. [K] [R] a régulièrement relevé appel de la décision le 19 octobre 2015.
Aux termes de ses conclusions du 22 novembre 2017, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé des moyens, M. [K] [R] demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris,
– requalifier sa collaboration en un seul contrat à durée indéterminée à temps complet depuis le 1er décembre 1999,
– fixer le salaire de référence à la somme de 7 140,44 euros,
– lui attribuer la qualité de cadre,
– condamner la SASU L’Equipe à lui payer les sommes suivantes :
* 494’224,87 euros à titre de salaire de base de mai 2008 à octobre 2017,
* 35’594, 63 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté,
* 52’981,95 euros au titre des congés payés afférents,
* 44’133,96 euros au titre du treizième mois,
* 21’421,32 euros (trois mois) à titre de dommages et intérêts en compensation de la précarité imposée pendant 17 ans sur le fondement de l’article L. 1245’2 du code du travail,
* 8 697 euros à titre de rappel de frais kilométriques de janvier 2008 à décembre 2017 (73 euros par mois),
* 85 685,28 euros (12 mois) à titre de dommages et intérêts pour ne pas avoir exécuté de bonne foi le contrat de travail et pour violation de l’obligation de sécurité de résultat, sur le fondement des articles L. 1222’2 et L. 4121’1 du code du travail,
– ordonner la poursuite de l’exécution du contrat de travail,
– condamner la SASU L’Equipe à lui fournir les bulletins de paie conformes et à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux, en ce qui concerne la retraite de base, la retraite complémentaire et le régime de prévoyance, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard, la cour s’en réservant la liquidation,
– assortir les condamnations de l’intérêt au taux légal avec anatocisme,
– condamner la SASU L’Equipe aux entiers dépens,
– condamner la SASU L’Equipe au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions du 12 décembre 2017, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé des moyens, la SASU L’Equipe demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes,
Subsidiairement :
– dire et juger que le salaire moyen de M. [K] [R] au sein de la SASU L’Equipe est de 1 496,24 euros bruts, incluant le treizième mois et les congés payés,
– fixer le montant de l’indemnité de requalification à 1 496,24 euros bruts à la charge de la SASU L’Equipe,
– dire et juger que l’ancienneté de M. [K] [R] est au 1er janvier 1999 pour la SASU L’Equipe,
Si la cour juge que le salarié était journaliste permanent à temps partiel :
– dire et juger que la somme de 6 421,03 euros bruts, incluant congés payés et treizième mois, est due à M. [K] [R] au titre des jours travaillés,
– dire et juger que la somme de 8 473,73 euros bruts est due à M. [K] [R] au titre du rappel de prime d’ancienneté,
– fixer le montant de l’indemnité de transport à la somme de 5 774,30 euros,
– dire et juger que la collaboration de M. [K] [R] avec la SASU L’Equipe est de 105 heures par mois, soit un salaire hors ancienneté de 2 062,30 euros bruts sur treize mois,
A titre infiniment subsidiaire, si la cour juge que le salarié était journaliste permanent à temps plein :
– dire et juger que la somme de 129’240,99 euros bruts est due à M. [K] [R] à titre de rappel de salaire incluant congés payés et 13e mois,
– dire et juger que la somme de 16’975,48 euros bruts est due à M. [K] [R] à titre de rappel de prime d’ancienneté,
– fixer l’indemnité de transport à la somme de 8 249 euros,
– dire et juger que la collaboration de M. [K] [R] avec la SASU L’Equipe est de 151,67 heures par mois, soit 2 979,50 euros bruts hors ancienneté professionnelle sur treize mois,
En tout état de cause :
– sur la demande de remise du bulletin de salaire et de régularisation auprès des organismes sociaux, à titre principal, débouter l’appelant ; à titre subsidiaire lui accorder un délai de trois mois.
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 12 décembre 2017,
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la nature de la collaboration
M. [K] [R] sollicite la requalification de sa collaboration en un contrat à durée indéterminée à temps complet depuis le 1er décembre 1999.
La SASU L’Equipe ne dénie pas l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée, faisant valoir qu’aucun contrat de travail à durée déterminée n’a été conclu entre les parties mais elle conteste la demande de requalification à temps plein eu égard au statut de pigiste du salarié excluant toute référence à une durée de travail.
En application des dispositions de l’article L. 7112’1 du code du travail : « Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail.
Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties. »
Il est constant qu’aucun contrat écrit n’a été conclu à l’origine et que M. [K] [R] a la qualité de journaliste professionnel au sens de l’article L. 7111’3 du code du travail, tout autant que la SASU L’Equipe est une entreprise de presse, de telle sorte que la présomption de contrat de travail s’applique en la circonstance, étant précisé qu’il est par ailleurs établi au vu des pièces produites que le mode de rémunération, en l’espèce, est la pige, ainsi qu’il résulte notamment de l’ensemble des bulletins de salaire mentionnant le statut de pigiste.
Si l’article L. 3123’6 du code du travail institue une présomption de travail à temps complet, l’employeur peut cependant rapporter la preuve contraire, en ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.
S’agissant de la disponibilité du salarié, les pièces communiquées par la SASU L’Equipe établissent que le responsable du planning sollicite par courriel préalable les journalistes pigistes quant à leurs disponibilités pour les semaines à venir afin d’établir les plannings, mois après mois, de sorte que ceux-ci sont libres, ou bien de refuser s’ils ne sont pas disponibles, ou bien d’accepter de se voir attribuer des piges lorsqu’ils sont disponibles. En conséquence, aucune planification n’est imposée aux journalistes pigistes qui n’ont ainsi pas à se tenir à la disposition permanente de l’employeur, étant observé que si l’envoi des plannings a lieu tardivement, ainsi que reproché par les salariés, les disponibilités ont toutefois été sollicitées en amont, et les plannings réalisés en conséquence.
Il sera en outre précisé que le journaliste pigiste bénéficie d’une liberté et d’une souplesse dans son activité professionnelle lui permettant d’avoir plusieurs collaborations extérieures sans avoir à faire de déclaration ni solliciter d’autorisation auprès de son (ses) employeur(s), contrairement aux journalistes professionnels non pigistes, ainsi qu’en dispose l’article 7 de la convention collective des journalistes. La seule obligation du journaliste pigiste est de fournir une production convenue dans les formes et délais prévus par l’employeur, n’étant au surplus pas astreint à une présence régulière dans les locaux de l’entreprise et libre d’organiser son activité sans être soumis à un horaire déterminé.
Ainsi, la SASU L’Equipe qui a régulièrement procuré du travail à M. [K] [R] en le rémunérant à la pige dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée a l’obligation de continuer à lui fournir du travail, sans être toutefois tenue de lui fournir un volume de travail constant, les journalistes pigistes étant payés à la tâche. Il n’est, en l’espèce, pas rapporté la démonstration d’une insuffisance de volume de travail fourni. M. [K] [R] sera dès lors débouté de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée à temps complet, la décision entreprise sera confirmée ; il sera toutefois précisé que la relation de travail doit être qualifiée de contrat de travail à durée indéterminée rémunéré à la pige à compter du 1er décembre 1999.
Sur les demandes pécuniaires
Sur l’indemnité de requalification
M. [K] [R] sollicite l’allocation de la somme de 21’421,32 euros sur le fondement de l’article L. 1245’2 du code du travail en compensation de la précarité imposée pendant 17 ans.
La SASU L’Equipe fait valoir que la collaboration s’inscrivant nécessairement dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en l’absence de contrat écrit, cette demande est en conséquence sans objet.
La relation de travail étant à durée indéterminée depuis l’origine de sa collaboration en qualité de journaliste pigiste avec la SASU L’Equipe le 1er décembre 1999, M. [K] [R] sera en conséquence débouté de sa demande d’indemnité de requalification formée à hauteur de 21’421,32 euros sur le fondement de l’article L. 1245’2 du code du travail, cette disposition n’ayant pas vocation à s’appliquer dans la présente espèce puisqu’il ne s’agit pas de la requalification d’un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.
Sur les autres demandes
La cour ayant retenu le statut de journaliste pigiste de M. [K] [R], celui-ci sera en conséquence débouté de ses demandes de rappel de salaire, prime d’ancienneté, 13e mois et indemnité de transport.
S’agissant de la demande de dommages-intérêts au titre de la déloyauté contractuelle et de la violation de l’obligation de sécurité que M. [K] [R] a formée à hauteur de la somme totale de 85’685,28 euros, en l’absence de justification d’un préjudice personnel conformément aux règles de la responsabilité civile et de manquement avéré de la SASU L’Equipe qui l’a embauché et le rémunère en qualité de journaliste pigiste selon des barèmes de piges régulièrement réévalués, M. [K] [R] sera débouté de sa demande, étant précisé que l’organisation de la santé au travail des journalistes pigistes dans la presse écrite n’a été mise en place que par accord du 7 février 2014, date à partir de laquelle il est établi que le nécessaire a été fait auprès de l’organisme chargé du suivi médical des pigistes.
Sur les demandes complémentaires
Eu égard à la présente décision, M. [K] [R] sera débouté de l’ensemble de ses demandes complémentaires (remise des documents sociaux sous astreinte, condamnation aux intérêts légaux, anatocisme).
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de M. [K] [R] qui sera en outre débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu le 1er octobre 2015 par le conseil de prud’hommes de [Localité 1] (section encadrement) en toutes ses dispositions, en ce qu’il concerne M. [K] [R],
Y ajoutant,
Dit que la relation de travail doit être qualifiée de contrat de travail à durée indéterminée rémunéré à la pige à compter du 1er décembre 1999,
Déboute M. [K] [R] de l’ensemble de ses demandes,
Condamne M. [K] [R] aux dépens d’appel.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Claire GIRARD, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,