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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
DU 23 MAI 2018
N° RG 15/05913
AFFAIRE :
[K] [N] épouse [F]
C/
SA MOTORSPORT TV FRANCE, en plan de sauvegarde
Me [I] [C], ès qualités
Me [X] [O], ès qualités
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 08 décembre 2015 par le conseil de prud’hommes – formation paritaire – de Boulogne-Billancourt
Section : activités diverses
N° RG : 13/00711
Copies exécutoires délivrées à :
Me Jean-luc PICARD
Me Jean-marie GUILLOUX
Copies certifiées conformes délivrées à :
[K] [N] épouse [F]
Me [I] [C]
Me [X] [O]
SA MOTORSPORT TV FRANCE
POLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant, fixé au 07 mars 2018 puis prorogé au 23 mai 2018, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Madame [K] [N] épouse [F]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparante en personne, assistée de Me Jean-luc PICARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1577
APPELANTE
****************
SA MOTORSPORT TV FRANCE, en plan de sauvegarde
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Jean-Marie GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0818, substitué par Me Philippe GUESNIER, avocat au barreau de PARIS,
Me [I] [C], de la SELARL [C], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SA MOTORSPORT TV FRANCE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Jean-Marie GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0818, substitué par Me Philippe GUESNIER, avocat au barreau de PARIS,
Me [X] [O], en qualité de mandataire judiciaire de la SA MOTORSPORT TV FRANCE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
non comparant – non représenté
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er décembre 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monique CHAULET, Conseiller, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,
Madame Monique CHAULET, Conseiller,
Madame Elisabeth ALLANNIC, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU,
Par jugement du 8 décembre 2015, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section activités diverses) a :
– dit que le licenciement de Mme [F] a une cause réelle et sérieuse économique,
– débouté Mme [F] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la SA Motors TV de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les éventuels dépens à la charge de Mme [F].
Par déclaration adressée au greffe le 30 décembre 2015, Mme [F] a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, elle demande à la cour de :
– infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
– dire nulle la clause du contrat instaurant un paiement forfaitaire pour toutes les heures effectuées,
– dire que le salaire mentionné dans le contrat ne peut l’être que pour les heures normales savoir 35 heures par semaine ,
– la dire bien fondée à obtenir le paiement des heures effectuées au delà de la 35ème ,
– dire son licenciement sans motifs réel et sérieux,
en conséquence,
– condamner la société Motorsport TV France à lui payer les sommes suivantes :
. 15 775,30 euros au titre des heures supplémentaires au delà de la 35ème heure,
. 1 314,58 euros au titre du 13ème mois,
. 1 708 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente,
. 27 177 euros au titre du licenciement sans motif réel et sérieux,
. 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner la remise de bulletin de salaires conformes à la décision à intervenir,
– ordonner à la société Motorsport TV France de régulariser sa situation à l’égard des organismes sociaux auxquelles elle est rattachée,
– dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal, pour celles salariales à compter de l’introduction de la demande et pour les autres à compter du prononcé de la décision,
– condamner Motorsport TV aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, la SA Motorsport TV France, et Me [C] ès qualités de commissaire à l’exécution du plan, demandent à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt,
– débouter Mme [F] de l’ensemble de ses demandes,
à titre reconventionnel,
– condamner Mme [F] au paiement de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
SUR CE LA COUR,
La SA Motorsport TV France a pour activité principale l’édition d’une chaîne de télévision consacrée aux sports mécaniques.
Mme [K] [F] a été engagée par la SA Motorsport TV France, en qualité de responsable des archives, par contrat à durée déterminée en date du 9 juillet 2007 qui s’est transformé en contrat à durée indéterminée à l’échéance du terme.
L’article 4 du contrat de travail prévoit, au titre de la rémunération, un salaire mensuel fixe de 1 500 euros rémunérant globalement les heures normales et supplémentaires que le salarié pourrait être appelé à effectuer en cas de nécessité de service.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des chaînes thématiques.
Que Mme [F] a été et convoquée, par lettre du 26 mars 2013 remise en main propre, à un entretien préalable fixé au 4 avril 2013 et a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 avril 2013 ainsi libellée :
« (…) les très graves difficultés économiques auxquelles est confrontée la société MOTORS TV depuis de nombreuses années l’ont contrainte à prendre des mesures de réorganisation dans l’unique perspective de sauvegarder sa compétitivité, et donc à terme, sa pérennité.
Un tel projet de réorganisation nous a conduit, ainsi que nous vous le rappelions lors de notre entretien du 4 avril 2013, à mettre en place un projet de licenciement collectif pour motif économique, qui a fait l’objet d’une procédure d’information et de consultation des délégués du personnel, qui rendu leur avis sur ce projet ainsi que les mesures d’accompagnement proposées, au cours de la réunion du 22 mars 2013.
(…)
Historiquement la société MOTORS TV a toujours été déficitaire. La poursuite de son exploitation n’a été possible que grâce au soutien indéfectible d’un de ses actionnaires fondateurs.
Les difficultés économiques se sont accentuées courant 2009 (…) la société s’est alors engagée dans un premier plan d’économies drastiques.
Les économies réalisées depuis quatre ans ont concerné les différents postes de coût : programmes, production, rédaction, promotion, direction, technique, mais aussi les déplacements (…) les coursiers, les prestations techniques diverses, les sous-traitants, le personnel pigiste et intermittent etc… Aucun poste de dépenses n’a été épargné par ces restrictions budgétaires.
La direction, soutenue par l’actionnaire principal de Motors TV a fait en sorte que ces économies soient réalisées sans affecter la rémunération du personnel, en accompagnant les départs volontaires et en ne licenciant qu’un seul salarié pour motif économique en mars 2012.
( …) la société demeure toujours structurellement déficitaire, la société ayant perdu plus de 20M au cours des exercices 2006 à 2012.
(…) force est de constater que le modèle économique – en conséquence l’organisation de MOTORS TV- doit être remis en cause car il ne permet pas en l’état à l’entreprise d’atteindre ne serait-ce que l’équilibre d’exploitation.
Le refus de notre actionnaire de poursuivre le financement de l’exploitation l’année dernière a nécessité le placement de MOTORS TV sous administration provisoire le 23 mai 2012.
La présente réorganisation de la société, et les importantes économies supplémentaires subséquentes ont été imposées par le Tribunal de commerce de Nanterre (…).
Sans ces engagements pris devant le Président du Tribunal de Commerce de Nanterre, la société MOTORS TV aurait été placée en redressement judiciaire en février 2013.
Vous appartenez à l’une des catégories professionnelles concernées par les suppressions de postes et l’application de l’ordre des licenciements, le cas échéant, ainsi en tout état de cause que l’absence de solutions de reclassement tant au sein de l’entreprise qu’auprès de l’ensemble des entités extérieures que nous avons sollicitées, nous conduisent à devoir procéder à la rupture de votre contrat de travail. (…) ».
Le tribunal de commerce de Nanterre, par jugement du 31 mai 2016, a prononcé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde et a désigné Me [C] administrateur judiciaire et Me [O], mandataire judiciaire.
Par jugement du 30 septembre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté le plan de sauvegarde pour une durée de 10 ans, a nommé Me [C] commissaire à l’exécution du plan et a maintenu Me [O] mandataire judiciaire.
Par ordonnance du 17 octobre 2017 le tribunal de commerce de Nanterre a mis fin à la mission de Me [O] ès qualités de mandataire judiciaire.
Sur les heures supplémentaires :
Mme [F] soutient que la rémunération globale des heures de travail comprenant des heures supplémentaires n’est licite que si une convention de forfait a été conclue, laquelle doit comporter le nombre d’heures supplémentaires comprises dans le forfait.
Elle affirme qu’aucune mention dans le contrat de travail ne vient démontrer qu’elle aurait pu, antérieurement ou concomitamment à la signature du contrat prendre connaissance des horaires hebdomadaires qu’elle aurait à effectuer, pratique qui a perduré jusqu’à la mise en place des 35 heures par la direction à partir de février 2013, et qu’elle travaillait au minimum 39 heures par semaine soit quatre heures supplémentaires par semaine ainsi que cela résulte de ses bulletins de paie qui ne peuvent servir à régulariser a posteriori une convention de forfait nulle.
La SA Motorsport TV France réplique qu’elle applique un horaire collectif de 39 heures par semaine et que les salariés effectuent donc 4 heures supplémentaires toutes les semaines, heures rémunérées de « façon lissée » et qui figurent sur les bulletins de paie.
Lorsque l’horaire de travail comporte l’accomplissement régulier d’heures supplémentaires, l’employeur et le salarié peuvent convenir d’une rémunération forfaitaire incluant dans la rémunération mensuelle un nombre déterminé d’heures supplémentaires, seules les heures supplémentaires effectuées au-delà de ce nombre étant alors rémunérées en sus de ce forfait. Pour être valable, une telle convention, dite convention de forfait, doit résulter d’un accord particulier entre l’employeur et le salarié qui doit l’avoir acceptée, être passée par écrit et mentionner le nombre d’heures supplémentaires inclues dans le forfait.
Dès lors que le contrat de travail stipule une « rémunération globale », l’entreprise ne peut utilement, pour conclure au rejet des demandes du salarié sur le fondement du salaire contractuel, invoquer au principal la seule régularité du calcul des heures supplémentaires au regard des dispositions de l’article L.3121-23 du code du travail.
En l’espèce, le contrat de travail ne précise ni le nombre d’heures « normales » ni le nombre d’heures supplémentaires prévues dans le forfait.
Mme [F] est donc fondée à solliciter le paiement des heures supplémentaires.
Elle calcule sa demande sur un horaire collectif de 39 heures, ce nombre d’heures n’étant pas discuté par l’employeur qui se prévaut d’un horaire collectif dans l’entreprise de 39 heures jusqu’en février 2013.
Au vu de ces éléments il convient de dire que l’horaire collectif était de 39 heures et que la convention de forfait étant nulle, la salariée a droit au paiement de 4 heures supplémentaires par semaine.
Il sera donc fait droit à sa demande au titre des heures supplémentaires dont le montant n’est pas discuté, des congés payés afférents et de l’incidence sur le 13ème mois, et le jugement infirmé de ce chef.
Sur la rupture :
Aux termes de l’article L. 1232-6 du même code, l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement.
S’agissant d’un licenciement pour motif économique, il doit en conséquence énoncer la cause économique du licenciement et ses conséquences sur l’emploi du salarié concerné.
En l’espèce il ne peut qu’être constaté que dans la lettre de licenciement la société se borne à indiquer qu’elle doit réduire ses effectifs et que la salariée appartient à l’une des catégories professionnelles concernées par les suppressions de postes et l’application de l’ordre des licenciements, sans préciser ces catégories professionnelles ni dire expressément que le poste occupé par Mme [F] est supprimé.
Elle n’énonce donc pas les conséquences des difficultés économiques sur l’emploi de Mme [F].
Il convient donc de dire la lettre de licenciement insuffisamment motivée et, en conséquence, infirmant le jugement, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Mme [F] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.
Au regard de son âge au moment du licenciement, 46 ans, de son ancienneté d’environ 6 ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle et de ce qu’elle ne donne aucun élément sur sa situation professionnelle depuis la rupture, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi, la somme de 13 000 euros.
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la SA Motorsport TV France à payer à Mme [K] [F] les sommes suivantes :
. 13 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
. 15 775,30 euros au titre des heures supplémentaires,
. 1 314,58 euros au titre du 13ème mois,
. 1 708 euros au titre des congés payés afférents,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
Dit que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière,
Ordonne d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités,
Ordonne à la SA Motorsport TV France de remettre à Mme [F] un bulletin de salaire récapitulatif,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Condamne la SA Motorsport TV France à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SA Motorsport TV France de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA Motorsport TV France aux dépens.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame Marine Gandreau, greffier.
Le greffier,Le président,