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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRÊT DU 19 Septembre 2018
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 16/12483
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Septembre 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY RG n° F 15/03271
APPELANTE
SAS LE PARISIEN LIBERE
[…]
N° SIRET : 332 89 0 3 59
représentée par Me Arnaud X…, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substitué par Me Boris Y…, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
INTIME
Monsieur Mathieu Z…
[…]
représenté par Me Arnaud A… de la SELARL LAFARGE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : T10
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Véronique PAMS-TATU, Président de Chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller
Madame Florence B…, Vice Président placé faisant fonction de Conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 10 avril 2018
Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats
ARRET :
– Contradictoire
– par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Mathieu Z… a collaboré avec la société Le Parisien libéré, à compter du 1er août 2009, en qualité de journaliste pigiste ainsi que l’indiquent ses bulletins de salaire. Par lettre du 18 avril 2015, il a sollicité « une rupture amiable » en se plaignant l’absence d’un contrat écrit formalisant concrètement sa collaboration régulière, voire exclusive, avec le groupe.
Le 15 juillet 2015, il a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny lequel, par jugement du 27 septembre 2016, a:
-requalifié le statut de pigiste de Monsieur Z… en contrat à durée indéterminée,
-dit la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur,
-condamné la société Le Parisien libéré Saint-Ouen à lui payer :
5828 € à titre d’indemnité de préavis
582 € à titre de congés payés afférents
12077,76 euros au titre de la prime de week-end
3448,20 euros à titre d’indemnité de licenciement
3000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la requalification
20000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
-ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes au jugement,
-débouté Monsieur Z… du surplus de ses demandes.
La société Le Parisien libéré a interjeté appel par voie électronique le 4 octobre 2010.
Par des écritures remises par voie électronique auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens invoqués, elle sollicite de voir:
-à titre principal,
réformer le jugement, juger que Monsieur Z… ne peut prétendre à l’existence d’un contrat de travail, et le débouter de ses demandes,
-à titre subsidiaire, réformer le jugement en ce qu’il a considéré que la non reconnaissance d’un contrat de travail par la société lui avait causé un préjudice, juger que Monsieur Z… ne justifie pas d’un préjudice lié à son statut de pigiste, et qu’il ne démontre pas qu’il était en situation de bénéficier de la prime de samedi des journalistes du Parisien, débouter Monsieur Z… de ses demandes et le condamner au paiement d’une somme de 2585,43 euros correspondant un mois de salaire pour non-exécution du préavis consécutif à sa démission,
-en tout état de cause, réformer le jugement en ce qu’il a considéré que la rupture de la relation de travail était aux torts de la société, juger que Monsieur Z… a cessé de collaborer avec le Parisien de sa propre initiative, juger que le grief selon lequel la société a refusé de reconnaître un contrat à durée indéterminée n’est pas de nature à justifier la rupture de la relation de la société, débouter Monsieur Z… de ses demandes relatives aux indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le condamner à lui payer 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par des écritures remises par voie électronique auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens invoqués, l’intimé sollicite de voir:
-confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié le statut de pigiste en contrat à durée indéterminée, dit la rupture aux torts de l’employeur et l’a qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société lui payer une indemnité de préavis, et congés payés afférents, une prime de week-end et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-l’infirmer sur le montant de l’indemnité de licenciement et condamner la société à lui payer la somme de 14286 € à ce titre, à titre subsidiaire, confirmer le jugement sur ce point,
-infirmer le jugement sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à lui verser 50000 € à ce titre, à titre subsidiaire, confirmer le jugement,
-sur les dommages-intérêts au titre de la requalification, condamner la société à lui verser la somme de 8000 € à ce titre, à titre subsidiaire confirmer le jugement,
-y ajoutant, condamner l’employeur au paiement des intérêts légaux au jour de la saisine avec capitalisation des intérêts, le condamner à lui payer 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée
Selon l’article L. 7112’1 du code du travail, toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.
Il résulte des pièces versées aux débats que pendant près de 6 ans, de 2009 à 2015, Monsieur Z… a été le correspondant du Parisien libéré chargé du suivi quotidien de l’Olympique de Marseille et du Racing club de Toulon, la fréquence des matchs, étant d’environ une à trois fois par semaine tous les mois de l’année, à l’exception du mois de juin, traité au titre du marché des transferts. Les bulletins de salaire révèlent le caractère permanent de travail.
Monsieur Z… recevait des instructions de la société et devait :
-chaque début de semaine, envoyer un courriel contenant une liste de propositions, le courriel devant être doublé d’un échange téléphonique dans la journée du lendemain afin de permettre un suivi et effectuer d’éventuels ajustements,
-prévenir les encadrants de ses absences ou indisponibilités suffisamment à l’avance (au minimum 15 jours),
-communiquer et s’adresser à l’ensemble des encadrants sans exception,
-assurer une présence et un véritable suivi quotidien sur l’Olympique de Marseille, le suivi du Racing club de Toulon faisant également partie de ses prérogatives,
-n’effectuer aucune collaboration sur le football avec un média de presse écrite autre que Le Parisien/Aujourd’hui en France,
-tenir des propos mesurés sur les réseaux sociaux,
-un point d’étape étant fait sur les sujets traités.
Monsieur Z… a adressé des notes de frais tous les mois d’un montant de 600 € en moyenne de septembre 2013 à février 2015.
Il lui était demandé d’organiser ses congés et RTT au même titre que l’ensemble du personnel.
Lorsqu’il était à l’étranger, il bénéficiait d’une lettre de mission et d’une assistance médicale de rapatriement.
En juin 2012, Monsieur Z… a appelé l’attention du journal sur sa situation et l’absence de contrat et il lui a été répondu : « il y aura toujours (beaucoup) de place pour le club préféré des Français ».
Ses déclarations de revenus révèlent que ses revenus provenaient uniquement du Parisien libéré et et qu’ils présentaient un caractère stable compris entre 31834 € et environ 23000 €.
Il résulte ces constatations que la société Le Parisien libéré a régulièrement versé, pendant près de six ans, des piges à Monsieur Z… et la régularité de ces paiements sur cette longue période atteste du caractère constant du concours qu’il a apporté à l’entreprise de presse. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée.
La société avait ainsi l’obligation de demander à Monsieur Z… de manière constante et régulière une prestation de travail. Il s’ensuit que l’interruption de cette relation, intervenue en juin 2015 faute de fourniture de travail, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a:
requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée et sur le montant de l’indemnité de requalification,
requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que sur le montant des indemnités de préavis, congés payés afférents et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette dernière indemnité correspondant à une juste appréciation du préjudice de Monsieur Z… eu égard à son ancienneté, à sa rémunération et aux circonstances de la rupture.
Le jugement sera en revanche infirmé sur le montant de l’indemnité de licenciement. En effet, il y a lieu de faire application de l’article L. 7112’3 du code du travail selon lequel si l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié a droit une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’années de collaboration, des derniers appointements. Il convient de faire droit la demande en paiement d’une somme de 14286 € à ce titre.
Sur les primes de week-end
Tous les journalistes du Parisien libéré ont droit à une prime de week-end (pièce 8). Or, Monsieur Z… justifie avoir rédigé de nombreux articles le samedi et publiés le dimanche dans la mesure où la plupart des matchs de football avec l’OM et de rugby avec Toulon se déroulent soit le samedi soit le dimanche. Le nombre de semaines travaillées par an étant de 46 et le montant de la prime de week-end s’élevant à 87,52 euros,il convient de condamner la société à lui payer la somme de 12077,76 euros.
La société sera tenue de lui remettre ses documents de fin de contrat: attestation pôle emploi, certificat de travail et reçu pour solde de tout conformes.
Il est équitable d’accorder en appel à Monsieur Z… une indemnité de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré sauf sur le montant de l’indemnité de licenciement;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Le Parisien libéré à payer à Monsieur Z… la somme de 14286 € à titre d’indemnité de licenciement ;
Y ajoutant,
Condamne la société Le Parisien libéré à payer à Monsieur Z… une somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Ordonne à la société Le Parisien libéré de remettre à Monsieur Z… une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes;
Ordonne le remboursement par la société Le Parisien libéré aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié depuis son licenciement jusqu’à la date de l’arrêt dans la limite de deux mois;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343’2 du Code civil ;
Déboute Monsieur Z… du surplus de ses demandes ;
Condamne la société Le Parisien libéré aux dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE