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SOC.
OR
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 avril 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 459 F-D
Pourvoi n° C 21-22.833
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 AVRIL 2023
M. [H] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-22.833 contre l’arrêt rendu le 16 juin 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l’opposant à la société Agence Reuter, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Agence Reuter a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [G], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Agence Reuter, après débats en l’audience publique du 15 mars 2023 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2021), M. [G] a été engagé par l’Agence Reuter (l’agence de presse) en qualité de reporter pigiste à compter du mois d’août 1991.
2. Par lettre du 31 juillet 2014, l’agence de presse, l’a informé de la cessation des piges au 1er septembre 2014.
3. M. [G] a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de qualification de la relation contractuelle en contrat de travail et de demandes se rapportant à l’exécution et la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi incident de l’agence de presse, dont l’examen est préalable
Enoncé du moyen
4. L’agence de presse fait grief à l’arrêt de retenir l’existence d’une relation de travail salariée, de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de la condamner au paiement d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que la qualité de journaliste professionnel, dont dépend la présomption de contrat de travail prévue par l’article L. 7112-1 du même code, est réservée aux personnes qui ont pour activité principale l’exercice de la profession de journaliste et qui en tirent le principal de leurs ressources ; que ces deux conditions sont cumulatives ; qu’en conséquence, pour retenir l’existence d’un contrat de travail depuis le début d’une collaboration entre un pigiste et une entreprise de presse, les juges doivent constater que, depuis le début de cette collaboration, le pigiste réunit les deux conditions précitées ; qu’en l’espèce, la société Agence Reuter soulignait qu’au cours des premières années de leur collaboration, la majeure partie des ressources de M. [G] ne résultait pas des piges qu’elle lui versait, visant par exemple les années 1993 et 1999 au cours desquelles les piges représentaient, selon le relevé de carrière produit par M. [G], respectivement, 22 et 38 % de ses ressources annuelles ; qu’en se fondant sur la part des piges versées par la société Agence Reuter dans les ressources totales du salarié à compter de l’année 2008, pour affirmer que ‘’la rémunération versée chaque année par la société Agence Reuter a toujours constitué la plus grande partie des ressources perçues par M. [G]’‘ et retenir l’existence d’un contrat de travail depuis l’année 1991, sans vérifier si les revenus tirés d’une activité journalistique représentaient depuis le début de sa collaboration avec la société Agence Reuter la part principale de ses ressources, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7111-3, L. 7111-4 et L. 7112-1 du code du travail ;
2°/ que la qualité de journaliste professionnel, dont dépend la présomption de contrat de travail prévue par l’article L. 7112-1 du même code, est réservée aux personnes qui ont pour activité principale l’exercice de la profession de journaliste et qui en tirent le principal de leurs ressources ; que ces deux conditions sont cumulatives ; qu’en se bornant à relever, pour retenir que M. [G] avait la qualité de journaliste professionnel, qu’il tirait le principal de ses ressources de son activité exercée pour le compte de la société Agence Reuter, sans rechercher comme elle y était invitée s’il s’agissait de son activité principale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7111-3, L. 7111-4 et L. 7112-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 7111-3, L. 7111-4 et L. 7112-1 du code du travail :
5. En application du premier de ces textes, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
6. Aux termes du deuxième de ces textes, sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle.
7. Aux termes du dernier de ces textes, toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.
8. Pour retenir l’existence d’un contrat de travail, l’arrêt après avoir constaté que M. [G] invoquait la présomption légale de salariat prévue par l’article L. 7112-1 du code du travail, retient que, pour justifier de sa qualité de journaliste professionnel, l’intéressé produit la copie de cartes de presse de 1999 à 2013, les bulletins de salaire édictés par la société du mois de septembre 1991 au mois d’août 2014 qui indiquent la qualité de reporter, ses avis d’imposition des années 2009 à 2014 en sorte qu’il justifie ainsi d’une activité continue en qualité de reporter, au profit d’une entreprise de presse, pendant de très nombreuses années. L’arrêt ajoute que la société fait valoir que les montants annuels de rémunération indiqués sur le relevé de carrière de l’assurance vieillesse édité le 15 mars 2012 ne correspondent pas aux autres justificatifs, sont de montants supérieurs à ceux des avis d’imposition, ce qui indique que des ressources d’autre nature sont perçues par M. [G]. L’arrêt retient que, pour autant, la rémunération versée chaque année par l’agence de presse a toujours constitué la plus grande partie des ressources perçues par M. [G]. L’arrêt précise que, sur l’avis d’imposition le montant annuel perçu pour l’année 2008 est de 9 852 euros, pour un montant total de 15 010 euros sur le relevé de carrière, de 12 750 euros en 2009 sur l’avis d’imposition pour un montant de 18 356 euros sur le relevé de carrière, de 12 759 euros en 2010 sur l’avis d’imposition, pour un montant de 15 530 euros sur le relevé de carrière, de 9 129 euros en 2011 pour un montant de 4 508 euros pour les deux premiers trimestres. Il relève enfin que le cumul de rémunération imposable mentionné est de 10 437 euros sur le bulletin de paie de novembre 2008, de 9 884 euros sur le bulletin de paie de novembre 2009, de 11 579 euros pour le mois de décembre 2010 et de 13 051 euros pour le mois de décembre 2011.
9. Il en conclut que M. [G] tirait le principal de ses ressources de son activité exercée pour le compte de l’agence de presse bénéficiant ainsi de la présomption d’existence d’un contrat de travail de l’article L. 7112-1 du code du travail et que l’agence de presse, qui conteste l’existence du contrat de travail, sans produire d’élément renversant cette présomption, la relation contractuelle doit être qualifiée de contrat de travail.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’il le lui était demandé, si l’activité journalistique de M. [G] constituait son activité principale et si les revenus qu’il en tirait constituaient le principal de ses ressources au titre de la période pour laquelle il sollicitait le bénéfice de la présomption légale, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif rejetant la demande en paiement d’un rappel de salaires ainsi que des chefs de dispositifs qui condamnent l’agence Reuter à rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [G], à verser une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des entiers dépens, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il dit que la juridiction est compétente pour connaître du litige et dit que l’action est recevable, l’arrêt rendu le 16 juin 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [G] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille vingt-trois.