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30 juin 2011
Cour d’appel de Paris
RG n°
10/03091
Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 5
ARRET DU 30 JUIN 2011
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 10/03091
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 15 décembre 2009 emportant cassation d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris (5ème chambre A) le 12 novembre 2008, sur appel d’un jugement rendu le 19 décembre 2006 par le tribunal de commerce de Paris,
APPELANTE
S.A.S XEROX
ayant son siège : [Adresse 2]
représentée par la SCP MIRA-BETTAN, avoués à la Cour
assistée de Me Anne-Sophie SABATIER plaidant pour le cabinet d’avocats LELOUP, avocat au barreau de PARIS, toque : K0159,
INTIMEE
S.A.R.L. SUN 7 anciennement dénommée GVB – GEORGES VIE BUREAUTIQUE
ayant son siège : [Adresse 1]
représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour
assistée de Me Zouhir CHABIL, avocat au barreau de LYON, plaidant pour la société d’avocats CHABIL,
COMPOSITION DE LA COUR :
Après le rapport oral de Madame Patricia POMONTI, Conseillère et conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Mai 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente
Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Conseillère
Madame Patricia POMONTI, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD
ARRET :
– contradictoire
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Colette PERRIN, présidente et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
La SARL Georges Vie Bureautique, désormais dénommée Sun 7, achète et revend les copieurs de la SAS Xerox depuis 1987.
Le dernier contrat de concession en date du 1er janvier 2002, a été conclu pour une durée de 5 ans et expirait donc le 31 décembre 2005.
Invoquant des pratiques commerciales anormales et contraires à son réseau ainsi qu’aux pratiques de la profession, la SAS Xerox a résilié immédiatement et unilatéralement ce contrat par lettre du 21 avril 2005.
La SAS Xerox reproche à la SARL Georges Vie Bureautique d’avoir pris des engagements au nom et pour le compte de clients Xerox sans leur consentement, avec la mise en place de montages financiers auprès de la filiale de financement de Xerox, Xerox Financial Services, sans contrepartie contractuelle avérée auprès des clients finaux concernés.
La SARL Georges Vie Bureautique, contestant la réalité des reproches adressés par la société Xerox, invoquant la brutalité de la rupture et le non paiement de plusieurs factures au titre du financement locatif, a mis en demeure la SAS Xerox de lui payer la somme de 346.510,38 € puis a saisi le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 19 décembre 2006, assorti de l’exécution provisoire avec constitution par la SARL Georges Vie Bureautique d’une caution bancaire, le tribunal de commerce de Paris a :
– dit la résiliation pour faute grave du contrat de concession à l’initiative de la SAS Xerox brutale et abusive,
– donné acte à la SAS Xerox de ce qu’elle se désistait de l’instance sur sa demande en arriéré de factures,
-interdit la SARL Georges Vie Bureautique en tant que de besoin d’utiliser la marque Xerox ou la qualité de concessionnaire Xerox sous toute forme et tout support que ce soit,
– condamné la SAS Xerox à payer à la SARL Georges Vie Bureautique la somme de 161 525 euros au titre du préjudice financier résultant de la résiliation et celle de 346 510,38 euros au titre de factures impayées avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
– condamné la SAS Xerox à payer à la SARL Georges Vie Bureautique la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La SAS Xerox ayant interjeté appel de ce jugement le 30 septembre 2008, la Cour d’Appel de Paris, par un arrêt du 12 novembre 2006 a :
-confirmé le jugement en toutes ses dispositions, dont celle condamnant Xerox à payer à la SARL Georges Vie Bureautique la somme de 346 510,38 euros au titre de factures impayées,
-mais réduit le montant de la somme allouée à la SARL Georges Vie Bureautique au titre du préjudice résultant de la résiliation du contrat la liant à la SAS Xerox à 80 000 euros.
Xerox s’étant pourvue en cassation, la Cour de Cassation, par un arrêt du 15 décembre 2009 a :
– cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a confirmé le jugement condamnant la société Xerox à payer à la SARL Georges Vie Bureautique la somme de 346 510, 38 euros au titre des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, l’arrêt rendu entre les parties par la Cour d’Appel de Paris,
– remis en conséquence sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt.
La cassation est intervenue, au visa de l’article 455 du code de procédure civile, au motif que l’arrêt a retenu que la société Xerox ne justifiait pas, par les pièces produites, d’une éventuelle irrégularité commise par la SARL Georges Vie Bureautique au regard des obligations imposées par le contrat de concession et qu’à l’inverse celle-ci versait aux débats l’ensemble des documents nécessaires attestant de la réalité des ventes contestées et, par la suite, du bien-fondé des facturations émises, sans répondre aux conclusions de la société Xerox qui soutenait que la SARL Georges Vie Bureautique avait elle-même, à la suite de la plainte de l’établissement l’Imprévu, écrit à ce client que son contrat était annulé et que, partant, la SARL Georges Vie Bureautique demandait le paiement d’une facture relative à un contrat de location non signé et annulé par elle-même.
Vu les dernières conclusions signifiées le 3 février 2011 par lesquelles la SAS Xerox demande à la Cour :
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Xerox à payer à la société Sun 7, la somme de 346 510,38 euros au titre des factures impayées avec intérêt légal à compter de l’assignation,
Et statuant à nouveau de :
– débouter la société Sun 7 de toutes ses demandes,
– de constater la nullité des quatre factures, émises par la société Sun 7 à l’ordre de la société Xerox, pour un total de 346 510,38 euros TTC. Soit dans le détail, de :
-la facture n°504094 du 15 avril 2005 pour un montant de 122 425, 19 euros toutes taxes comprises, émise dans le cadre de location de copieurs avec Atac Lyon,
-la facture n°504095 du 15 avril 2005 pour un montant de 62 192 euros toutes taxes comprises, émise dans le cadre de location de copieurs avec Atac Grenoble,
-la facture n°504096 du 15 avril 2005 pour un montant de 122 425 ,19 euros toutes taxes comprises, émise dans le cadre de location de copieurs avec Atac Aubenas,
-la facture n°504097 du 15 avril 2005 pour un montant de 39 468 euros toutes taxes comprises, émise dans le cadre de location de copieurs avec l’Imprévu,
– ordonner la restitution par la société Sun 7 à la société Xerox des sommes, versées par cette dernière au titre de l’exécution provisoire, soit 346 510,38 euros en principal et 12 923,56 euros intérêts sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
– condamner la société Sun 7 à payer à la société Xerox la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon Xerox, les quatre factures émises par Georges Vie Bureautique sont sans causes et doivent être annulées conformément à l’article 1131 du Code civil.
Elle explique que la société Xerox Financial Services, ci après XFS, est une filiale de Xerox spécialisée dans le financement. Lorsque Georges Vie Bureautique identifie un client souhaitant utiliser une machine sans en acquérir la propriété, elle donne un dossier de financement à XFS. Si cette dernière l’approuve, elle conclut un contrat de location avec le client. Ce n’est qu’alors que Georges Vie Bureautique vend le matériel à XFS et adresse la facture à Xerox qui s’acquitte du paiement pour XFS. Le contrat d’achat de matériel tient sa cause dans le contrat de location.
Elle soutient qu’en l’espèce, les plaintes de clients de Georges Vie Bureautique qui affirmaient n’avoir accepté que le test gratuit des photocopieurs pendant un mois et non leur location longue durée, ont fait douter XFS de la viabilité de ces quatre projets de financement. Usant de sa liberté contractuelle, XFS a décidé de ne pas y donner suite et de ne pas conclure de contrats de location. Par conséquent, les factures émises par Sun 7 à l’ordre de Xerox sont sans cause.
Xerox affirme que la seule production de factures ne saurait suffire à prouver l’existence d’une obligation. De plus XFS n’a jamais signé les quatre contrats de location litigieux.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 4 février 2011, par lesquelles la SARL Sun 7 demande à la Cour de :
-confirmer le jugement entrepris,
-condamner Xerox à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon la SARL Sun 7, c’est à tort que Xerox invoque une tromperie par Georges Vie Bureautique de ses clients, consistant à les forcer à louer des machines en leur faisant croire à un prêt gratuit à titre de test.
Les contrats de location, présentés par Georges Vie Bureautique aux clients, ont été construis par Xerox et contiennent un avenant prévoyant la non continuation de la location si un certain nombre de photocopies n’est pas effectué au cours du premier mois. De plus, la juridiction pénale n’ayant pas été saisie de ces faits prétendument constitutifs de tromperie, ils ne peuvent être efficacement invoqués devant la Cour.
Sun 7 prétend avoir été la victime de man’uvres d’un salarié de Xerox M [Z] qui aurait volontairement exercé des pressions sur elle pour réduire sa marge commerciale. Ainsi, Sun 7 qui avait accepté de renoncer au contrat avec l’enseigne l’Imprévu, s’est aperçue que les plaintes de l’Imprévu étaient dues aux manoeuvres de M. [Z].
La SAS Xerox a déposé le 3 février 2011 des conclusions d’incident, reprises dans ces dernières conclusions signifiées le même jour, demandant que soient écartées des débats les pièces listées dans le bordereau de la société Sun 7 sous les numéros 23-5 (justifiant la facture n° 504097 du 15 avril 2005 d’un montant de 39 468 € TTC, l’Imprévu) et 41 (exemplaire en original du contrat de location).
MOTIFS
-Sur la demande tendant à écarter des pièces des débats :
La société Xerox fait valoir à juste titre que les pièces listées dans le bordereau de la société Sun 7 sous les numéros 23-5 (justifiant la facture n° 504097 du 15 avril 2005 d’un montant de 39 468 € TTC, l’Imprévu) et 41 (exemplaire en original du contrat de location) ne lui ont jamais été transmises malgré deux sommations de communiquer respectivement en date des 4 janvier et 17 janvier 2011.
Ces pièces doivent donc être écartées des débats.
-Sur le fond :
A titre préliminaire, il convient de rappeler que la question de la résiliation du contrat de concession du 1er janvier 2002 a été définitivement tranchée par l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 novembre 2008 et que la Cour n’est saisie que de la seule question relative à la demande en paiement par la société Sun 7 de quatre factures de matériels du 15 avril 2005.
Il est constant qu’aux termes du contrat de concession du 1er janvier 2002 qui liait les parties, le concessionnaire, la société Georges Vie Bureautique devenue Sun 7, intervient en tant qu’acheteur-revendeur, c’est à dire qu’il achète les produits contractuels auprès de grossistes agréés puis les revend, soit à un client utilisateur de l’équipement, soit à une société de financement qui donne en location l’équipement au client utilisateur.
En cas de financement locatif, le client loue le matériel à une société de financement, de sorte qu’il a la jouissance du matériel mais n’en est pas propriétaire.
La société de financement, qui n’achète pas un matériel pour le revendre mais finance un matériel par la conclusion d’un contrat de location, n’achète jamais un équipement sans qu’un contrat de location dudit équipement soit préalablement conclu avec le client utilisateur.
L’opération de financement locatif nécessite donc la conclusion de deux contrats : un contrat de location de matériel entre l’établissement financier et le client et un contrat de vente de matériel entre le concessionnaire et l’établissement financier.
S’agissant des photocopieurs Xerox, les financements se faisaient par l’intermédiaire de sociétés de financement appartenant au groupe Xerox, Xerobail ou Xerox Financial Services (XFS), les dossiers litigieux ayant été traités avec cette dernière.
La particularité du financement Xerox est que le concessionnaire (GVB) émet sa facture de matériel non pas à l’ordre de la société XFS mais à celui de la société Xerox qui achète pour le compte de la société XFS.
La société Xerox soutient que le contrat de location conclu entre la société XFS et le client est la cause du contrat de vente entre la société Sun 7 et la société Xerox, intervenant pour le compte de la société XFS et qu’en l’espèce, les quatre factures de matériels litigieuses seraient dépourvues de causes dès lors que la société XFS n’a pas signé les quatre contrats de location y afférents et qu’aucun bon de commande des matériels n’est produit.
Il apparaît effectivement que la production des factures ne suffit pas à prouver l’obligation de paiement de la société Xerox, pour le compte de la société XFS, et que la société Sun 7 supporte la charge de la preuve de la signature par la société XFS des contrats de location afférents aux matériels, objets des factures litigieuses, et de l’existence d’une commande faite par la société Xerox qui achète pour le compte la société XFS.
La cause du contrat de vente entre la société Sun 7 et la société Xerox, intervenant pour le compte de la société XFS ne peut en effet être que le contrat de location conclu entre la société XFS et le client.
Or, la preuve de l’existence de ce contrat de location ne peut être rapportée par la seule signature par le client des conditions particulières du contrat de location, ce contrat devant également nécessairement être signé par la société de financement pour engager cette dernière, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
L’absence de contrat de location est confortée par l’absence de toute preuve d’une commande à la société GBV par la société Xerox pour le compte la société XFS.
Il résulte d’ailleurs des propres explications de la société Sun 7 quant au processus de mise en oeuvre du contrat de concession, en page 2 de ses conclusions, que ce n’est qu’une fois l’accord de financement obtenu de l’établissement financier qu’elle achète le produit à un grossiste, fait livrer le client qui doit payer les loyers convenus à cet établissement et qu’elle lui transmet la facture.
Or, la preuve de l’accord de financement de l’établissement financier ne peut résulter que de la signature du contrat de location, signature qui n’existe pas en l’espèce.
A défaut d’accord de financement de la société XFS, il appartenait à la société GBV d’obtenir un financement auprès d’une autre société ou de ne pas livrer le client en cause.
Le motif pour lequel la société XFS a refusé de financer les matériels objets des quatre factures litigieuses importe peu, cette société étant libre de contracter ou non avec les clients de son choix.
Les quatre factures émises par la société GBV à l’ordre de la société Xerox sur la base de quatre contrats de location non signés par la société XFS et sans bons de commande, sont donc sans causes et doivent donc être déclarées nulles.
Le jugement dont appel doit en conséquence être infirmé en ce qu’il a condamné la SAS Xerox à payer à la SARL Georges Vie Bureautique la somme de 346 510,38 € au titre des factures impayées avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
Le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées au titre de l’exécution de la décision, lesdites sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la notification de l’arrêt, valant mise en demeure. Il convient donc de rejeter la demande de restitution sous astreinte présentée par la SAS Xerox.
L’équité commande d’allouer à la société Xerox une indemnité de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
ORDONNE que soit écartées des débats les pièces listées dans le bordereau de la société Sun 7 sous les numéros 23-5 (justifiant la facture n° 504097 du 15 avril 2005 d’un montant de 39 468 € TTC, l’Imprévu) et 41 (exemplaire en original du contrat de location),
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SAS Xerox à payer à la SARL Georges Vie Bureautique la somme de 346 510,38 € au titre des factures impayées avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
Statuant à nouveau,
CONSTATE la nullité des quatre factures, émises par la société Sun 7 à l’ordre de la société Xerox, pour un total de 346 510,38 euros TTC. Soit dans le détail, de :
-la facture n°504094 du 15 avril 2005 pour un montant de 122 425, 19 euros toutes taxes comprises, émise dans le cadre de location de copieurs avec Atac Lyon
-la facture n°504095 du 15 avril 2005 pour un montant de 62 192 euros toutes taxes comprises, émise dans le cadre de location de copieurs avec Atac Grenoble
-la facture n°504096 du 15 avril 2005 pour un montant de 122 425 ,19 euros toutes taxes comprises, émise dans le cadre de location de copieurs avec Atac Aubenas
-la facture n°504097 du 15 avril 2005 pour un montant de 39 468 euros toutes taxes comprises, émise dans le cadre de location de copieurs avec l’Imprévu,
DEBOUTE la SARL Georges Vie Bureautique de sa demande en paiement de la somme de 346 510,38 € au titre de ces factures,
REJETTE la demande de restitution sous astreinte présentée par la SAS Xerox,
CONDAMNE la SARL Sun 7 à payer à la SAS Xerox la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SARL Sun 7 aux dépens d’appel,
AUTORISE la SCP Mire-Betan, avoués, à recouvrer directement les dépens d’appel conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier
A. BOISNARD
La Présidente
C. PERRIN