Location de matériel : 3 mai 2012 Cour d’appel de Paris RG n° 11/22829

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Location de matériel : 3 mai 2012 Cour d’appel de Paris RG n° 11/22829
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3 mai 2012
Cour d’appel de Paris
RG n°
11/22829

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9

ARRET DU 03 MAI 2012

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/22829

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Octobre 2011 -Tribunal paritaire des baux ruraux de [Localité 9] – RG n° 54-10-0014

APPELANTE

Madame [C] [G] épouse [S]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par la SCP De LANGLADE en la personne de Me Caroline LOMBARDO (avocat au barreau de COMPIEGNE)

INTIME

Monsieur [V] [G]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Anne-marie ROUSSEAU substitué par Me Alexis GINHOLX, (avocat au barreau de Paris Toque C0323)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 Mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Alain SADOT, Président

Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère

Madame Sabine LEBLANC, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Florence DESTRADE

ARRÊT CONTRADICTOIRE:

-prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Alain SADOT, président et par Mme Léna ETIENNE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire..

******

Par acte notarié du 25 avril 1963, les époux [W] [G] et [Z] [I] ont donné à bail pour une durée de 40 ans à M. [K] [G] aux droits duquel se trouve désormais son fils [V], diverses parcelles situées sur les communes de [Localité 7] et [Localité 10] pour une contenance totale de 81 hectares, 29 ares et 78 centiares.

Par acte notarié du 9 janvier 1976, contenant tirage au sort des lots dépendant de la succession de M. [W] [G], Mme [C] [G]-[S] est devenue attributaire de la parcelle ZA n°[Cadastre 4]0, d’une superficie de 13 ha 33a 94ca.

Par acte d’huissier du 27 avril 2009, Mme [S] a signifié à M. [V] [G] un congé à effet du 10 novembre 2011 pour reprise aux fins d’exploitation par son fils, M. [B] [S].

Par jugement du 10 octobre 2011, le tribunal paritaire des baux ruraux de Meaux a annulé ce congé en retenant que le bénéficiaire de la reprise ne justifie pas de ce qu’il remplit effectivement la condition de disposer des moyens nécessaires pour acquérir le matériel nécessaire à l’exploitation.

Par déclaration du 10 novembre 2011, Mme [S] a fait appel de cette décision. Représentée par son conseil, elle a repris les prétentions et moyens développés dans ses conclusions déposées à l’audience.

Elle soutient d’abord que M. [B] [S] possède les capacités financières pour exploiter les parcelles en cause, puisqu’il dispose de revenus d’autres activités et de revenus fonciers, et qu’il a le projet d’y cultiver des céréales afin de permettre aux producteurs de lait locaux, clients de la laiterie dont il est le gérant et le salarié, de disposer d’une alternative économique pour la nourriture des bêtes pendant les périodes où les pâturages sont pauvres et insuffisants. Elle fait valoir qu’il n’est pas nécessaire que M. [S] fasse l’acquisition du matériel agricole, et qu’il pourra avoir recours aux prestations d’une entreprise de location, dont le coût sera certainement couvert par le produit de cette exploitation, dont la viabilité est ainsi incontestable.

Elle fait valoir ensuite que M. [B] [S] présente les capacités personnelles indispensables pour assurer l’exploitation des parcelles(compétences professionnelles et pas de nécessité d’autorisation ou même de déclaration eu égard à la faible surface exploitée, proximité géographique), et que ses deux activités professionnelles sont complémentaires, et pourront être conduites concomitamment.

Elle soutient par ailleurs qu’avec la division du bail intervenue en conséquence du partage, chacun des nouveaux propriétaires est titulaire d’un bail dont le régime est autonome, et qu’en conséquence, elle exerce la totalité de la reprise des biens loués ce qui exclut l’application de l’article L.411-62 du code rural. En outre, elle soutient que M. [G] ne peut solliciter la prolongation du bail jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de la retraite, puisque celle-ci ne peut plus être obtenue qu’à 62 ans en application de la loi du 9 novembre 2010, et que le preneur était donc à plus de cinq ans de la date de son droit à la retraite au moment de délivrance du congé.

À titre subsidiaire, dans l’hypothèse d’un renouvellement du bail, elle sollicite que soit ordonné l’insertion d’une clause de reprise à la fin de la sixième année du bail renouvelé, et soutient aussi que le fermage actuellement payé par M. [G] se trouvant inférieur au minimum fixé par les arrêtés préfectoraux, il y a lieu à régularisation des fermages illicites, et à la condamnation du preneur au paiement de la somme de 7321,31 euros avant déduction des fermages déjà acquittés. Enfin, elle sollicite la condamnation de M. [G] au paiement du cinquième des taxes foncières à échoir, et des taxes échues pour les cinq dernières années.

Egalement représenté à l’audience par son conseil, M. [G] a repris les prétentions et moyens développés dans ses conclusions déposées à l’ouverture des débats.

Il soutient d’abord que le congé délivré le 27 avril 2009 doit être considéré comme tardif, puisque la date d’expiration du bail renouvelé pour 9 ans, le 11 novembre 2010, est postérieure de moins de 18 mois.

Il prétend ensuite que le bénéficiaire de la reprise ne justifie pas d’une autorisation administrative d’exploiter, ni même d’avoir présenté une demande en ce sens, ce qui exclut tout sursis à statuer, alors pourtant que selon l’article L331-2 du code rural, les installations sont soumises à une telle autorisation, quelle que soit la superficie en cause, lorsque, comme en l’espèce, l’exploitant pluriactif bénéficie de revenus nets imposables extra agricoles supérieurs à 3120 fois le SMIC horaire.

Il soutient en outre que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a justement retenu que la bailleresse n’établit pas que le bénéficiaire de la reprise dispose des moyens matériels nécessaires pour remplir ses engagements, dès lors, notamment, que les matériels faisant l’objet des devis de location sont insuffisants pour assurer l’exploitation personnelle et autonome de la parcelle. Il ajoute qu’en outre, il n’est pas suffisamment justifié de la disponibilité réelle de M. [S], gérant d’une laiterie industrielle.

Par ailleurs, il soutient que Mme [S] opère bien une reprise partielle, puisqu’elle lui loue également, suivant bail verbal, une parcelle cadastrée [Cadastre 6] de la commune de [Adresse 8], et que cette reprise est de nature à porter gravement atteinte à l’équilibre économique de son exploitation.

Sur les demandes reconventionnelles et subsidiaires, il fait valoir que les terres louées sont de mauvaise qualité ce qui explique la modicité du fermage, et subsidiairement que le montant du loyer ne pourra être supérieur au minimum de l’arrêté préfectoral du 28 septembre 2011. Il prétend ensuite qu’il appartient à la bailleresse de fournir un compte, lui-même justifiant de s’être régulièrement acquitté des fermages. Enfin, il fait valoir que l’exonération de la taxe foncière, à concurrence de [Cadastre 1] %, doit être rétrocédée au preneur, ce qui exclut la revendication de Mme [S] au titre du paiement du cinquième de cette taxe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité du congé délivré :

Attendu qu’en application des articles L411-47 et L411-58 du code rural, le bailleur qui entend exercer son droit de reprise doit signifier congé au preneur par acte extrajudiciaire, 18 mois au moins avant la date d’expiration du bail ;

Attendu que le bail du 25 avril 1963 à été conclu « pour une durée de 40 années entières et consécutives qui ont commencé à courir le 11 novembre 1962… » ; que le notaire rédacteur a indiqué que le bail devait alors expirer « à pareille époque de l’année 2001 » ; qu’il s’agit là d’une erreur matérielle, puisque selon la volonté des parties, l’expiration du bail devait se produire 40 ans plus tard, le 11 novembre 2002 ; qu’après renouvellement intervenu à cette date pour une durée de 9 ans, la date d’expiration du bail renouvelé était le 11 novembre 2011 ; qu’il s’ensuit que le congé, délivré par Mme [S] le 27 avril 2009, à été opéré dans le respect du délai de 18 mois précité ;

Sur le bien-fondé du congé :

Attendu que M. [G] prétend que M. [S] ne peut reprendre l’exploitation de la parcelle appartenant à sa mère, en ce qu’il ne répond pas aux exigences de l’article L331-2 du code rural, puisqu’il bénéficie de revenus extra agricoles supérieurs au montant fixé par cette disposition ; que cependant, Mme [G]-[S] détient le bien litigieux depuis plus de 9 ans, ce qui implique que la reprise de ce bien familial par son fils n’est pas soumise à la législation sur le contrôle des structures ci-dessus évoquée, en application du paragraphe II de ce même article ;

Attendu que Mme [S] produit copie du brevet de technicien agricole de M. [B] [S], établissant ainsi suffisamment la capacité technique du candidat à la reprise ; qu’elle prouve aussi que M. [S] réside actuellement à une distance d’à peine plus de 10 km de la parcelle litigieuse, ce qui constitue une proximité suffisante du fonds, permettant son exploitation directe, au sens de l’article L411-59 du code précité ;

Attendu que Mme [G]-[S] produit aussi divers devis émanant d’une entreprise de location de matériel agricole, et établissant que le prix de mise à la disposition de M. [S] des instruments nécessaires pour assurer cette exploitation peut être supporté par ce dernier, sur le produit de cette exploitation et a fortiori sur ses ressources globales, eu égard au montant non négligeable de ses revenus actuels provenant de son activité au sein de la société LAITERIE DES BAS VIGNONS ;

Attendu toutefois qu’il ressort des pièces produites par Mme [G]-[S] pour décrire cette activité, que M. [S] est le responsable de la production, donc l’un des cadres essentiels de l’activité quotidienne de cette laiterie industrielle ; qu’il ressort en outre d’une fiche constituant un extrait du registre du commerce et des sociétés, produit par M. [G], que M. [B] [S] est aussi l’un des cogérants de cette société ; qu’il apparaît ainsi qu’il cumule une activité de cadre et de dirigeant social, ce qui implique certainement un temps d’occupation bien supérieur à celle d’un salarié ordinaire, qui ne peut se trouver réduite à 35 heures par semaine ;

Attendu que la bailleresse prétend que M. [S] pourra se décharger d’une partie de sa mission sur son adjoint, M. [H] [O] ; que cependant, aucune des pièces produites ne tend à établir que ce technicien de production serait actuellement sous-employé, et pourrait donc dégager une partie de son temps d’activité pour pallier les absences de son supérieur hiérarchique ; que l’appelante ne prétend aucunement que la société LAITERIE DES BAS VIGNONS aurait envisagé de recruter, même à temps partiel, un cadre ou un technicien pouvant supporter les conséquences de cette décharge ;

Attendu qu’en conséquence, il n’est pas établi que M. [B] [S], déjà pleinement occupé par son activité extra agricole, pourrait assurer de façon personnelle, permanente et effective, avec un temps disponible suffisant, l’exploitation de la parcelle dont la reprise est envisagée ; qu’il convient donc, pour ces motifs substitués à ceux du tribunal, de confirmer le jugement déféré ;

Sur le bail renouvelé :

Attendu que Mme [S] sollicite que soit ordonnée l’introduction d’une clause de reprise des terres louées à la fin de la 6ème année suivant le renouvellement du bail, conformément aux dispositions de l’article L411-6 du code rural ; que le preneur ne peut s’opposer à cette faculté ouverte au bailleur ; qu’il convient donc de faire droit sur ce point aux prétentions de Mme [S] ;

Attendu qu’en application de l’article L411-11 du même code, le prix du bail renouvelé doit être fixé en monnaie, par référence au barème fixé par l’autorité administrative ; que Mme [S] ne fournit aucun élément permettant de considérer que les terres louées seraient d’une qualité supérieure, comme elle le prétend, alors qu’au contraire M. [G] énonce qu’un bois d’une superficie de 3000 m² se trouve situé au centre de l’exploitation, ce qui complique la culture de la parcelle et génère d’importants dégâts de gibier ; qu’il convient, dans ces conditions, de retenir le minimum fixé par l’arrêté du préfet de l’Essonne, soit 98,76 euros l’hectare pour l’année 2011 ;

Sur la régularisation des fermages illicites :

Attendu qu’en outre, Mme [S] soutient que le prix actuellement payé par M. [G] se trouve inférieur de 14 dixièmes (140 %) au prix minimum fixé pour la catégorie de parcelle à laquelle appartiennent les terres louées ; qu’elle en déduit qu’il s’agit là d’un fermage illicite, ce qui l’autorise à solliciter la nullité de la clause de fixation des fermages, avec rétroactivité sur une période de 5 ans ;

Attendu qu’il ressort des justificatifs produits, que le fermage fixé au prix de 3,25 q de blé tendre, équivaut à une valeur monétaire de 67,60 euros l’hectare, alors que le prix fixé par l’arrêté préfectoral est de 98,76 euros l’hectare ;

Attendu que les modalités de fixation du prix des fermages prévus par les articles précités du code rural sont d’ordre public ; que la formule de prix convenue entre les parties lors de la conclusion du bail en 1963 aboutit à un loyer qui ne correspond pas aux normes réglementaires ci-dessus précisées ; qu’en conséquence, Mme [S] est bien fondée à solliciter l’annulation de cette clause irrégulière de fixation du prix, avec une rétroactivité de 5 ans, délai de prescription de l’action en nullité absolue ;

Attendu qu’il ressort des arrêtés du préfet de l’Essonne qu’après annulation de la clause du bail, le prix du fermage doit être fixé sur les bases suivantes :

– 2007 : sur la base de l’arrêté pour l’année 2008 qui constate une variation de l’indice 08/07 de 7,84 % : (94,30 (minimum de l’année 2008) / 107,84 x 100) : 87,44 euros l’hectare

– 2008 : 94,30 euros l’hectare

– 2009 : 97,55 euros l’hectare

– 2010 :95,96 euros l’hectare

– 2011 : 98,76 euros l’hectare

Attendu que Mme [S] ne fournit aucun compte ; que M. [G] indique quelles sont les sommes qu’il a payées pour ces années 2006 à 2011, mais précise qu’il s’agit d’un versement global, comprenant également les fermages dus pour la parcelle ZA [Cadastre 1] appartenant à M. [M] [S], époux de l’appelante ; qu’il s’ensuit que les parties n’ont pas fourni à la cour les éléments permettant d’arrêter les comptes entre elles, et devront y procéder elles-mêmes sur les bases ci-dessus arrêtées, reprises au dispositif de la présente décision ;

Sur la taxe foncière :

Attendu que l’article 6 du bail de 1963 prévoit que « le preneur acquittera en sus de son fermage, les contributions et taxes des biens affermés que la loi met à sa charge »; que l’article L415-3 du code rural prévoient qu’il est mis à la charge du preneur une fraction du montant global de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, fixé au 5e à défaut d’accord amiable entre les parties ;

Attendu cependant que le même article prévoit que l’exonération de la taxe foncière prévue à l’article 1394 B bis du code général des impôts doit être intégralement rétrocédée au preneur des terres données à bail ; que cette exonération est fixée à [Cadastre 1] % en application de la disposition citée du code général des impôts ; qu’il s’ensuit que Mme [S] ne peut solliciter de M. [G] le paiement de sa quotité de la taxe foncière, qui correspond précisément au montant de l’exonération ; qu’elle doit donc être déboutée de ce chef de ses prétentions ;

Sur les dépens et autres frais :

Attendu que chacune des parties, succombant partiellement en ses prétentions, devra conserver à sa charge ses dépens et autres frais ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 10 octobre 2011 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Meaux,

Y ajoutant :

Dit que le preneur pourra reprendre les terres louées à la fin de la 6ème année suivant le renouvellement du bail, dans les conditions fixées par l’article L411-6 du code rural,

Dit que le prix du bail renouvelé doit être fixé en monnaie, par référence au barème minimum fixé par l’autorité administrative, soit 98,76 euros l’hectare pour l’année 2011 ;

Constate la nullité de la clause de fixation du prix du fermage du bail de 1963, et fixe ainsi qu’il suit les bases de calcul du prix du bail pour les années 2007 à 2011 :

– 2007 : 87,44 euros l’hectare

– 2008 : 94,30 euros l’hectare

– 2009 : 97,55 euros l’hectare

– 2010 : 95,96 euros l’hectare

– 2011 : 98,76 euros l’hectare,

et dit que les parties devront arrêter leurs comptes sur ces bases,

Déboute Mme [S] de sa demande au titre de la taxe foncière,

Dit que chacune des parties devra conserver sa charge ses dépens et autres frais.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

 


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