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10 avril 2013
Cour d’appel de Paris
RG n°
10/23038
Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRÊT DU 10 AVRIL 2013
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 10/23038
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2010 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY – RG n° 09/08955
APPELANTE
La SCI JEROMI DE STAINS, prise en la personne de ses représentants légaux,
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Marie-Hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, avocat postulant
assistée de Me Olivier MORET de la SCP MORET VATEL, avocats au barreau de PARIS, toque : P0330, avocat plaidant
INTIMÉE
La SARL M.G.R.A. DE AZEVEDO ET FILS, prise en la personne de ses représentants légaux,
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079, avocat postulant
assistée de Me Olivier BEJAT de la SELARL ATTIQUE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, toque : C0301, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Mars 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle REGHI, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Madame Isabelle REGHI a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente
Madame Odile BLUM, Conseillère
Madame Isabelle REGHI, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Alexia LUBRANO.
ARRÊT :
– contradictoire.
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, greffière.
* * * * * *
EXPOSE DES FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant acte sous seing privé du 8 septembre 2004, la société Acieries Thome Cromback, aux droits de laquelle est venue, par vente du 22 juillet 2008, la société Jeromi de Stains, a donné en location à la société MGRA de Azevedo des locaux à destination d”entreposage de matériel de démolition , de terrassement, location de matériel TP, location de bennes, le tout en respectant les normes anti-pollution en vigueur’, situés [Adresse 3].
Par arrêté préfectoral du 7 août 2008, la société MGRA de Azevedo a été autorisée à exploiter dans les lieux des installations classables sous la rubrique 322A ‘stockage et traitement des ordures ménagères et autres résidus urbains, station de transit, à l’exclusion des déchetteries mentionnées à la rubrique 2710 ‘.
Par acte du 13 novembre 2008, la société Jeromi de Stains a fait délivrer à la société MGRA de Azevedo un commandement visant la clause résolutoire pour exercice d’une activité non autorisée, soit l’entreposage de gravats sur le terrain loué et demande de permis de construire sans autorisation préalable du bailleur.
Saisie par la société Jeromi de Stains en acquisition de la clause résolutoire, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny l’a, par décision du 18 mars 2009, déboutée de sa demande.
Par acte du 11 mai 2009, la société Jeromi de Stains a fait assigner la société MGRA de Azevedo en acquisition de la clause résolutoire et expulsion devant le tribunal de grande instance de Bobigny qui, par jugement du 27 octobre 2010, a :
– dit n’y avoir lieu d’écarter les pièces n° 13 à 19 et 23 communiqués par la société MGRA de Azevedo,
– débouté la société Jeromi de Stains de sa demande de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et des réclamations accessoires,
– débouté la société MGRA de Azevedo de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– condamné la société Jeromi de Stains au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par déclaration du 29 novembre 2010, la société Jeromi de Stains a fait appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions, du 8 janvier 2013, la société Jeromi de Stains demande :
– l’infirmation du jugement,
– de dire irrecevables les demandes de la société MGRA de Azevedo,
– d’écarter des débats la pièce n°23 comme constituant un moyen de preuve illicite,
– la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire,
– l’expulsion de la société MGRA de Azevedo,
– sa condamnation à procéder à l’enlèvement des déchets et gravats des lieux loués, sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte,
– la condamnation de la société MGRA de Azevedo au paiement de la somme de 7 500 €, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.
Dans ses dernières conclusions, du 12 février 2013, la société MGRA de Azevedo demande :
– la confirmation du jugement,
– le débouté des demandes de la société Jeromi de Stains,
y ajoutant :
– de dire que l’activité autorisée inclut nécessairement l’entreposage de gravats sur le terrain loué,
– de dire que l’entreposage de gravats est nécessairement inclus dans l’activité contractuelle,
subsidiairement :
– la suspension des effets de la clause résolutoire pendant 24 mois,
y ajoutant :
– de dire nul le refus d’autorisation des travaux prescrits par l’administration, d’autoriser en tant que de besoin la société Jeromi de Stains à réaliser à ses frais les travaux,
– la condamnation de la société Jeromi de Stains au paiement de la somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts pour mauvaise foi et comportement abusif,
– sa condamnation au paiement de la somme de 11 500 €, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.
CELA EXPOSE,
Considérant que la société Jeromi de Stains expose que la société MGRA de Azevedo reconnaît elle-même que son activité unique sur le site est l’entreposage de gravats et déchets, de sorte qu’elle n’a aucun lien avec une activité principale de location de matériel, seule autorisée par le bail ; que le site loué est devenu une véritable décharge ; que, d’ailleurs, les services de la préfecture ont dû mettre la société MGRA de Azevedo en demeure de réaliser des travaux de conformité ; que l’arrêté du 7 août 2008, confirmant l’activité réelle de la société, ne lui a jamais été communiqué et il n’en a pas été fait état en première instance ; qu’elle n’a donc pu que refuser l’autorisation de travaux ; que l’activité exclusivement autorisée est celle d’entreposage de matériel de démolition et de terrassement et non le stockage, le tri et le traitement de matériaux de démolition, tels les gravats et déchets de chantier ; que le matériel s’entend des instruments, machines et outillage utilisés pour un service ou une exploitation alors que les matériaux s’entendent des diverses matières nécessaires à la construction d’un ouvrage ou issus de sa démolition, aucune confusion n’étant possible entre les termes ; que l’activité de la société MGRA de Azevedo est une pure activité de stockage et de recyclage, ce qui ne correspond en rien au modèle économique d’un loueur de matériel ; que l’activité de tri de déchets n’est pas, contrairement à ce que soutient la société MGRA de Azevedo, nécessairement liée à celle de location de bennes ; que le tribunal a, à tort, considéré qu’il y avait assimilation entre les notions de matériel et de matériaux de démolition ; que, par ailleurs, la société MGRA de Azevedo, pour prétendre que le stockage et le traitement des déchets ne constitueraient pas son activité exclusive, aurait dû, ce qu’elle n’a pas fait, fournir des bilans, des factures ou autres pièces ; que le seul caractère public de l’enquête administrative ne peut justifier la violation de la destination des lieux loués ; que, contrairement à l’activité de location de matériel de bâtiments et travaux publics, le tri et le recyclage de déchets font l’objet d’un droit et d’un contrôle administratif particuliers ; que l’absence de réaction du précédent bailleur ne justifie pas la violation de la destination et que la prétendue autorisation qu’il aurait donnée pour le permis de construire ne répond pas aux dispositions contractuelles ; que l’accusation adverse, quant aux prétendues motivations à l’origine de la demande de résiliation, selon laquelle elle n’aurait dénoncé l’activité de la société MGRA de Azevedo que pour récupérer le terrain et permettre à un opérateur du recyclage, le groupe Paprec, de s’y implanter, est fausse et étrangère à l’objet du litige ; que, notamment, la pièce adverse n° 23 qui est un enregistrement effectué à leur insu d’une conversation entre les membres du groupe Paprec doit être écartée ; qu’en outre, la demande de la société MGRA de Azevedo de dire nul le refus d’autorisation de travaux et de l’autoriser à les réaliser et la demande de dommages et intérêts sont des demandes nouvelles ; que sa demande de délais doit être rejetée car elle aurait pour effet de faire perdurer une situation illicite ;
Considérant que la société MGRA de Azevedo réplique que, dès le 4 février 2005, elle a demandé l’autorisation d’exercer le tri de gravats de démolition, en précisant souhaiter effectuer sur place ce tri pour des gravats qui ne sont polluants ni pour l’air ni pour le sol et ne devant rester sur place que le temps du tri, avant d’être dirigés vers des décharges appropriés ; qu’une enquête publique a été menée, aux termes de laquelle l’autorisation a été donnée ; que la société Jeromi de Stains ne peut donc pas soutenir qu’elle n’aurait découvert cette activité qu’après achat des lieux, d’autant que l’ancien bailleur a, par lettre du 8 février 2008, autorisé le dépôt du permis de construire mentionnant la construction d’un auvent pour le tri des déchets ; que cette autorisation est nécessairement opposable au nouveau bailleur ; que le commandement délivré par la société Jeromi de Stains n’avait pour motif que sa volonté d’exercer elle-même l’activité de tri de déchets, qui figure expressément dans son Kbis ; que, compte tenu des procédures engagées par la société Jeromi de Stains, elle n’a pu réaliser la totalité des prescriptions contenues dans l’arrêté préfectoral, ce qui a abouti à une mise en demeure de la préfecture ; que la société Jeromi de Stains a refusé d’autoriser les travaux prescrits ; qu’elle lui a, en outre, signifié un congé avec refus de renouvellement et sans offre de paiement d’une indemnité d’éviction ; que, contrairement à ce que la société Jeromi de Stains soutient, l’activité prévue au bail inclut nécessairement l’entreposage de gravats ;
Considérant que les parties s’opposent sur le sens à donner à la destination des lieux et plus précisément sur la notion d’entreposage de matériel de démolition et de terrassement, au regard de l’activité exercée par la société MGRA de Azevedo consistant, notamment, en tri de gravats de démolition ; que c’est à juste titre que le premier juge a relevé que les notions de ‘matériel’ et de ‘matériau’ étaient des notions distinctes, faisant référence pour la première aux équipements et outillages utilisés dans une exploitation et pour la seconde aux éléments entrant dans la composition d’une chose ; que, cependant, le premier juge a exactement rappelé que, dans le langage courant, les deux notions sont souvent confondues ;
Considérant ainsi que c’est pertinemment que le premier juge a considéré ne pouvoir s’en tenir, comme le fait la société Jeromi de Stains, aux strictes définitions des termes dans leur sens étymologique, dans la mesure où la clause de destination elle-même ajoute une précision qui ne peut être ignorée, selon laquelle l’activité doit être exercée en respectant les normes anti-pollution en vigueur ; qu’ainsi que le rappelle exactement la société Jeromi de Stains, si l’activité de location de matériel de bâtiments et travaux publics ne nécessite aucune autorisation particulière ni aucun respect particulier de normes anti-pollution, en revanche, le tri et le recyclage de déchets font l’objet d’un droit et d’un contrôle administratif particuliers et doivent respecter les normes en vigueur ; que c’est par une interprétation cohérente et conforme à la volonté des parties, que le premier juge a conclu que la destination du bail autorisait non seulement l’activité de location mais également celle de recyclage, sans que l’une ou l’autre soit qualifiée de prépondérante ; qu’au surplus, l’autorisation donnée, le 8 février 2008, par l’ancien bailleur, pour le dépôt d’un permis de construire un auvent industriel pour le tri des déchets, nonobstant la critique par la société Jeromi de Stains de sa régularité qui sera examinée ci-après, confirme l’interprétation donnée à la clause de destination ;
Considérant qu’en ce qui concerne le permis de construire qui a été demandé par la société MGRA de Azevedo le 3 mars 2008, la société Jeromi de Stains relève que n’ont pas été observées les stipulations du bail faisant obligation au locataire de faire signer par le bailleur les permis de construire qui pourraient s’avérer nécessaires et lui soumettre le descriptif des travaux envisagés, la société MGRA de Azevedo ayant seulement sollicité l’autorisation du bailleur de déposer un permis de construire sans lui faire signer la demande et sans lui transmettre le descriptif des travaux envisagés ;
Considérant toutefois que la clause du bail permettant la mise en jeu de la clause résolutoire vise le défaut d’accord préalable du bailleur pour tout ou partie d’aménagements de toute nature ; qu’ainsi que l’a rappelé le premier juge, le permis de construire, dont le dépôt avait été autorisé par le bailleur, a fait l’objet d’un refus et les travaux envisagés n’ont par conséquent pas été réalisés ; qu’il en a justement conclu que l’infraction visée au commandement n’était donc pas caractérisée ;
Considérant que la société MGRA de Azevedo demande, qu’ajoutant au jugement confirmé, il soit dit que l’activité autorisée inclut nécessairement l’entreposage de gravats sur le terrain loué ou que l’entreposage de gravats est nécessairement inclus dans l’activité contractuelle ; qu’au vu de ce qui précède, sa demande est superfétatoire ;
Considérant que la société Jeromi de Stains soutient que les demandes de la société MGRA de Azevedo de dire nul le refus d’autorisation des travaux prescrits par l’administration et de la condamner au paiement de la somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts pour mauvaise foi et comportement abusif, sont nouvelles en cause d’appel ;
Considérant que les demandes de la société MGRA de Avezedo concernant le refus d’autorisation de travaux constituent des demandes reconventionnelles qui sont recevables en cause d’appel en ce qu’elles présentent un lien suffisant avec la demande originaire du bailleur tendant à l’acquisition de la clause résolutoire fondée sur l’exercice d’une activité non autorisée et la demande de permis de construire sans signature du bailleur ; qu’en l’espèce, l’activité exercée étant conforme au bail et l’autorisation du bailleur étant indispensable, aux termes du bail, avant tous travaux, aménagements, installations, la société Jeromi de Stains ne pouvait valablement s’opposer à l’adaptation des lieux à leur destination contractuelle et conformément aux normes prescrites par l’administration et empêcher par là-même la jouissance normale des lieux par la locataire ;
Considérant que la société MGRA de Azevedo a formé devant le premier juge une demande de dommages et intérêts qui a été rejetée ; que sa demande en appel n’est donc pas nouvelle, quand bien même elle en aurait complété les motifs, ayant ajouté à ceux de première instance fondés sur la mauvaise foi et le comportement abusifs, celui fondé sur le préjudice subi par le refus d’autorisation des travaux ; qu’à ce dernier titre, la société MGRA de Azevedo établit l’existence et l’étendue de son préjudice en rappelant que ce refus l’a placée dans une situation irrégulière du point de vue administratif, ne pouvant avoir que des effets négatifs, en terme d’image, auprès de ses clients, ainsi qu’elle en justifie par un courrier que lui a adressé le groupe Vinci, le 4 février 2013, lui indiquant ne pouvoir donner suite à sa demande de référencement compte tenu que son installation ne permet pas de répondre à l’intégralité de ses obligations réglementaires, alors que la société Jeromi de Stains pour refuser l’autorisation, n’a invoqué aucune considération d’ordre technique, ni aucun motif légitime et sérieux ; qu’en conséquence, la société Jeromi de Stains doit être condamnée à verser, à titre de dommages et intérêts, à la société MGRA de Azevedo, la somme de 20 000 € ;
Considérant que la cour ne s’est fondée pour aucune de ses motivations sur la pièce n° 23 de sorte que la demande de la société Jeromi de Stains de l’écarter des débats comme étant un moyen de preuve illicite est sans objet ;
Considérant que la société MGRA de Azevedo demande, enfin, d’autoriser en tant que de besoin la société Jeromi de Stains à réaliser à ses frais les travaux alors que celle-ci n’a besoin d’aucune autorisation à cet égard ; qu’à supposer qu’il s’agisse d’une erreur matérielle, la société MGRA de Azevedo n’a procédé avant tout débat au fond à aucune rectification de ces conclusions qu’il n’appartient pas à la cour de rectifier d’office sans enfreindre le contradictoire ;
Considérant que la société Jeromi de Stains doit être condamnée au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la société Jeromi de Stains doit être condamnée aux dépens de l’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté la société MGRA de Azevedo de sa demande de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant :
Condamne la société Jeromi de Stains à payer à la société MGRA de Azevedo la somme de 20 000€ à titre de dommages et intérêts,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société Jeromi de Stains au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE