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26 juin 2014
Cour d’appel de Versailles
RG n°
12/03392
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53E
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 JUIN 2014
R.G. N° 12/03392
AFFAIRE :
SAS AZELIS FRANCE
C/
SA CIC
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Avril 2012 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° chambre :
N° Section :
N° RG :
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 26.06.2014
à :
Me Véronique
BUQUET-ROUSSEL,
Me Pascale
REGRETTIER-GERMAIN
Me Patricia MINAULT,
TC de NANTERRE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT SIX JUIN DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SAS AZELIS FRANCE Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
Représentée par Maître Véronique BUQUET-ROUSSEL, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 – N° du dossier 23112 et par Maître G. JOURDE, avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
SA CIC
N° SIRET : 542 016 381
[Adresse 4]
Représentée par Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE et Associés, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 – N° du dossier 1201041 et par Maître F. MOCCAFICO, avocat plaidant au barreau de PARIS
– SA TRADER’S
N° SIRET : 388 506 446
[Adresse 1]
– Société LEASE EXPANSION Société Anonyme à Conseil d’Administration – anciennement dénommée BAIL EXPANSION au capital de 580 000 €, immatriculée au RCS de Paris sous le nr 352 613 103agissant poursuites et diligences de ses représentantslégaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 352 61 3 1 03
[Adresse 3]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentées par Maître Patricia MINAULT, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20120379 et par Maître LACOEUILHE, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Avril 2014, Madame Marie-Laure BELAVAL, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,
Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,
Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER
De 1995 à 2000, la société Ets. A. [J], devenue ensuite le Groupe [J] (la société
[J]), aux droits de laquelle vient la société Azelis France (la société Azelis), a conclu avec la société Trader’s des contrats de location de matériels informatiques fournis par la société IBM France . Les matériels et les contrats ont été cédés à des établissements financiers : la société Bail expansion devenue la société Lease expansion, la société ING lease, et la société UFB Locabail, devenue la société BNP Paribas lease group (la société BNP Lease).
Courant 2001, la société [J] a été cédée et les nouveaux actionnaires se sont inquiétés du coût des locations avoisinant 500 000 francs par mois. Une plainte contre X avec constitution de partie civile pour escroquerie et vol a été déposée.
La société [J] a cessé de régler les loyers à compter du mois d’octobre 2001 puis elle a saisi le tribunal de commerce de Nanterre d’une action en nullité des contrats contre la société Trader’s, la société IBM, et les établissements financiers.
Par arrêt de la cour de céans en date du 11 février 2004, un sursis à statuer a été prononcé sur l’instance civile dans l’attente de la solution donnée à l’instance pénale.
Au cours de l’information, un expert, M. [C], a été nommé . Il a déposé son rapport le 5 septembre 2005.
Par arrêt irrévocable en date du 16 novembre 2010, la cour d’appel de Paris a déclaré coupables de corruption M. [Y], président de la société Trader’s, et M. [L], salarié de la société IBM, et sur l’action civile les a condamnés à payer à la société Azelis la somme de 418 624 euros en réparation de son préjudice.
Par jugement en date du 4 avril 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– débouté la société Azelis de sa demande d’irrecevabilité à l’encontre de la société BNP lease,
– débouté la société Azelis de sa demande de nullité des conventions de location et donc de toutes les conséquences qu’elle tirait de cette nullité,
– débouté la société Azelis de sa demande d’inopposabilité des conventions de location et donc de toutes les conséquences qu’elle tirait de cette inopposabilité,
– dit que les établissements financiers n’ont pas commis de faute envers la société Azelis dans le cadre de leurs relations au titre des conventions de location,
– condamné la société Azelis à payer : à la société BNP lease la somme de 85 804,59 euros outre les intérêts au taux légal à compter de l’exigibilité de chacun des loyers mensuels correspondants jusqu’à complet paiement, à la société Lease expansion au titre du contrat n° 017658 la somme de 424 243,06 euros et au titre du contrat n° 016412 la somme de 82 688,81 euros outre les intérêts au taux de 1,5% par mois à compter de l’exigibilité de chacun des loyers mensuels correspondants jusqu’à complet paiement, à la société ING lease au titre du contrat n° 99/04/07 la somme de 241 804,72 euros et au titre du contrat n° 99/08.10A la somme de 173 212,61 euros outre les intérêts au taux de 1,5% par mois à compter de l’exigibilité de chacun des loyers mensuels correspondants jusqu’à complet paiement et capitalisation des intérêts conformément à l’article 1154 du code civil
– débouté pour le surplus des demandes,
– condamné la société Trader’s solidairement avec M. [Y] à payer à la société Azelis la somme de 119 624 euros,
– mis la société IBM hors de cause,
– condamné la société Azelis à payer au Crédit industriel et commercial la somme de 12 726,56 euros
– débouté la société Lease expansion de sa demande au titre de la procédure abusive,
– au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamné la société Azelis à payer à la société BNP lease, la société ING lease, et la société Lease expansion chacune la somme de 15 000 euros, et à la société IBM la somme de 5 000 euros, condamné la société Trader’s à payer à la société Azelis la somme de 5 000 euros et débouté pour le surplus,
– ordonné l’exécution provisoire,
– condamné la société Azelis aux dépens.
La société Azelis a fait appel du jugement du 4 avril 2012 en intimant le Crédit industriel et commercial (le CIC), la société BNP lease, la société Trader’s, la société ING lease, et la société Lease expansion.
Par conclusions signifiées le 6 août 2013, la société Azelis a déclaré se désister de son instance et de son action à l’égard de la société ING lease, et de la société BNP lease.
Le désistement a été accepté par la société ING Lease et par la société BNP Lease.
Le désistement partiel et le dessaisissement partiel de la cour ont été constatés par le conseiller de la mise en état le 26 septembre 2013 . L’instance s’est donc poursuivie à l’égard de la société Lease expansion, de la société Trader’s et du CIC.
Prétentions et moyens de la société Azelis :
Par conclusions signifiées le 6 août 2013, la société Azelis demande à la cour de :
– annuler le jugement déféré,
-en tout état de cause et après avoir évoqué, le réformer et, statuant à nouveau, débouter les sociétés Trader’s et Lease expansion de leurs demandes,
– à titre principal
– déclarer inopposables les deux contrats, objets de la demande de la société Lease expansion,
– subsidiairement prononcer la nullité des contrats de location conclus avec la société Trader’s et la nullité des conventions ayant assuré le transfert des contrats au bénéfice de la société Lease expansion à savoir ‘l’acte d’acceptation de contrat’ de location non daté et ‘l’acte d’acceptation de contrat’ de location du 7 décembre 1999.
– condamner la société Lease expansion solidairement avec la société Trader’s à lui restituer l’intégralité des sommes encaissées au titre des deux contrats annulés, soit la somme de 767 336 euros HT,
– lui donner acte de son offre de payer la valeur résiduelle des matériels aux lieu et place de la restitution de ceux-ci à échéance des deux contrats financés par la société Lease expansion à savoir 7 622,40 euros,
– fixer l’indemnité d’utilisation des matériels financés à la moitié des loyers contractuels acquittés, soit à la somme de 383 668 euros HT,
– ordonner la compensation entre les restitutions de loyers dues par la société Lease expansion et l’indemnité d’utilisation qu’elle doit,
– désigner éventuellement un expert avec pour mission de faire les comptes entre les parties afin de déterminer les créances réciproques de restitution en fixant d’ores et déjà à la moitié du loyer l’indemnité d’utilisation qu’elle doit,
– subsidiairement, dire qu’elle conservera les matériels obsolètes et que la société Lease expansion conservera les loyers déjà encaissés tant au titre des deux contrats en vigueur qu’à celui de l’ensemble des contrats antérieurs.
– à titre subsidiaire
– condamner la société Trader’s à lui payer la somme de 861 000 euros augmentée de l’intérêt légal à compter de l’assignation avec capitalisation,
– condamner en tout état de cause la société Trader’s à la relever et garantir de toutes sommes résiduelles, après compensation, auxquelles elle sera condamnée au profit de la société Lease expansion en principal et intérêts et leur faire produire les mêmes intérêts que ceux alloués à la société Lease expansion et dans les mêmes conditions.
– sur la demande de la société Lease expansion
– fixer les sommes en principal restant dues au titre des deux contrats litigieux à hauteur de 424 243,06 euros et de 82 688,81 euros TTC,
– déclarer la clause pénale moratoire applicable à la société Lease expansion,
– plus subsidiairement encore, écarter l’application de la clause pénale durant le sursis à statuer ordonné,
– et si la clause pénale devait être appliquée, la réduire durant la période d’application quelle qu’elle soit à l’intérêt légal,
– écarter la capitalisation des intérêts au profit de la société Lease expansion à raison de ses fautes et subsidiairement, la faire courir à compter de l’année qui suit la demande en justice qui en a été faite.
– sur la responsabilité de la société Lease expansion
– condamner la société Lease expansion à lui payer à titre de dommages-intérêts un montant égal au tiers du montant des sommes réclamées en principal et intérêts le cas échéant dû,
– ordonner la compensation entre les sommes dues par la société Lease expansion en principal et intérêts avec celles que la cour lui allouera.
– en tout état de cause
– condamner la société Trader’s à lui payer la somme de 50 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Lease expansion à lui payer la somme de 30 000 euros sur le même fondement,
– les condamner aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Les moyens développés par la société Azelis sont pour l’essentiel les suivants :
– la société Azelis procède à une description des circonstances ayant entouré la signature des contrats de location successifs à partir des conclusions de l’expertise pénale et de l’analyse qu’elle a confiée à un cabinet d’expertise comptable, la Sefirco ; le matériel objet de la location était choisi par la société [J] parmi les matériels proposés par la société IBM par l’entremise de M. [L], ingénieur salarié d’IBM, il était vendu par la société IBM à un intermédiaire commercial le plus souvent la société C&SI qui le revendait à la société Trader’s laquelle le donnait en location à la société [J] pour une durée de 36 mois ; la société Trader’s cédait immédiatement le matériel et le contrat de location aux établissements financiers dont la société Lease expansion avec une clause de rachat du matériel à l’expiration de la location ; avant l’arrivée du terme contractuel, la société Trader’s rachetait le matériel auprès de l’établissement financier pour un prix correspondant à l’actualisation des loyers restant à courir et concluait avec la société [J] un nouveau contrat de location portant sur les mêmes matériels en y intégrant en quantités variables du matériel neuf moyennant les mêmes loyers ;la société Trader’s cédait de nouveau l’ensemble à l’établissement financier de sorte qu’elle réalisait une marge sur le matériel neuf et une seconde marge sur le matériel ancien ; l’opération pouvait être répétée plusieurs fois pour le même matériel ; la société [J] supportait une série de surcoûts en refinançant sur de longues durées du matériel devenu obsolète, et en payant directement des commissions pour rémunérer des intermédiaires, les sociétés écran Iliade ou Keops, masquant la perception par M. [L] de commissions occultes.
– le jugement doit être annulé pour avoir condamné la société Trader’s solidairement avec M. [Y] alors que celui-ci n’était pas dans la cause, et pour avoir omis de statuer sur la demande d’inapplication de la clause pénale moratoire, sur la demande de garantie dirigée contre la société Trader’s et sur la demande d’intérêts devant assortir la condamnation de la société Trader’s.
– la cession des contrats à la société Lease expansion a été approuvée par le directeur financier de la société [J], M. [V], sans que celui-ci ait reçu le pouvoir d’engager la société, ce que la société Trader’s et la société Lease expansion ne pouvaient ignorer ou devaient vérifier ; la société Lease expansion qui est un professionnel invoque vainement l’existence d’un mandat apparent ; les contrats sont inopposables à la société Azelis.
– la morale et la prophylaxie judiciaire militent pour la nullité des contrats de location et des contrats de cession des contrats de location du seul fait de l’existence d’un pacte de corruption qui a engendré pour la société [J] des surcoûts induits par les pots de vin versés à son insu ; l’action en nullité des contrats n’est pas prescrite car les manoeuvres ont été mises à jour par le rapport d’expertise déposé en septembre 2005 puis par les décisions des juridictions répressives en 2009 et 2010 et en raison de l’interruption de la prescription par la délivrance de l’assignation introductive d’instance et par le sursis à statuer ;
– le consentement de la société [J] a été vicié par un acte de corruption de sorte que les contrats de location doivent être annulés par application de la Convention civile sur la corruption signée par la France du 4 novembre 1999 prévoyant la faculté pour chaque contractant dont le consentement a été vicié par un tel acte de solliciter du juge l’annulation du contrat ; le dol résulte des informations qui ont été cachées à la société [J] qui n’aurait pas contracté si elle les avait connues, à savoir l’existence du pacte corruptif, l’engagement ferme de rachat du matériel par la société Trader’s aux établissements financiers et ses modalités, et l’intermédiaire entre IBM et la société Trader’s qui versait également des pots de vin à M. [L] ; la réticence dolosive rend toujours excusable l’erreur provoquée ;
– les contrats de location sont nuls pour cause illicite, l’intervention de la société Trader’s n’étant d’aucune utilité et n’ayant servi qu’à organiser et nourrir la corruption ; sans l’existence de la corruption, les contrats de location n’auraient jamais existé ;
– l’inopposabilité des contrats de location entraîne l’inopposabilité des contrats de transfert des contrats de location de même que la nullité des contrats de location entraîne celle des contrats de cession ; le transfert d’un contrat nul ne peut donner plus de droits au cessionnaire qu’au cédant ; à la suite des transferts, les établissements financiers sont devenus loueurs puisqu’ils ont acquis les matériels loués de sorte que la jurisprudence relative à la divisibilité des contrats de fourniture et des contrats de location financière ne trouve pas à s’appliquer ;
– à la suite de l’annulation, il n’y pas lieu d’indemniser un préjudice mais de remettre les parties en l’état en organisant les restitutions ; la société Lease expansion doit restituer les loyers encaissés tandis que la société Azelis doit restituer la valeur résiduelle à échéance des contrats assortie d’une indemnité d’utilisation égale à la moitié des loyers sur la période contractuelle, le tout avec compensation ; subsidiairement, la société Lease expansion conserve les loyers déjà encaissés et la société Azelis conserve les matériels ;
– si la cour n’annule pas les contrats, elle retiendra que la société Trader’s a commis à l’égard de son cocontractant des fautes lourdes dans l’exécution des contrats : manquements à son obligation de conseil en engageant son client dans des opérations contraires à son intérêt, à son obligation de loyauté contractuelle ; ces fautes civiles n’ont pas été écartées par le juge pénal, lequel n’en a pas indemnisé les conséquences ;
– la clause pénale moratoire de 1,5% par mois de retard de paiement pour chaque loyer constitue une clause pénale ; aucun intérêt de retard ne saurait courir pendant le temps du sursis à statuer puisque pendant ce temps-là l’inexécution n’était pas fautive ; les fautes de la société Lease expansion excluent une application de la clause car le bénéficiaire d’une telle clause doit mériter la protection qu’il a su se ménager ; elle est susceptible de réduction car manifestement excessive ;
– la société Lease expansion a commis une faute caractérisée par un manquement à son obligation d’information et de conseil au moment de la conclusion du contrat de transfert ; elle n’a d’ailleurs pas rencontré le représentant légal de la société [J] ni même M. [V], son directeur financier; elle a fait preuve de complaisance lorsqu’elle a acheté les matériels et les contrats de location à la société Trader’s sans procéder à la moindre vérification sur la nature et la valeur des matériels qu’elle achetait et en cachant à la société [J] le prix qu’elle payait ; le même jour elle vendait à la société Trader’s le matériel à sa valeur résiduelle financière et le rachetait au prix fort sans vérifier les listes de matériels qui lui étaient transmises sans aucune facture ; elle n’a pas vérifié les pouvoirs de M. [V].
Prétentions et moyens de la société Trader’s :
Par conclusions en date du 29 août 2013, la société Trader’s demande à la cour de :
– déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande de la société Azelis aux fins d’obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 861 000 euros,
– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes d’inopposabilité et de nullité des contrats
– infirmer le jugement en ce qu’il a retenu sa responsabilité et dire qu’elle n’a commis aucune faute ouvrant droit à indemnisation de la société Azelis, débouter celle-ci de toutes ses demandes,
– débouter la société Lease expansion de sa demande de garantie formulée à son encontre,
– condamner la société Azelis à lui payer la somme de 30 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
– subsidiairement
– confirmer le jugement en ce qu’il a limité à la somme de 119 624 euros son éventuelle condamnation au profit de la société Azelis,
– débouter la société Azelis de toutes ses autres demandes et débouter la société Lease expansion de sa demande de garantie formulée à son encontre.
La société Trader’s développe essentiellement les moyens suivants :
– la demande de dommages-intérêts n’a jamais été formulée en première instance alors qu’il ne s’agit pas de la révélation d’un préjudice qui serait né après l’audience du 15 novembre 2011 ;
– la cour d’appel de Paris, statuant sur le volet pénal, a consacré la régularité du montage de location financière entre les parties et rappelé qu’il était réalisé à la demande de la société [J] pour des raisons de trésorerie ; les contrats sur lesquels le directeur financier de la société Azelis a apposé sa signature sont opposables à la société Azelis dès lors que M. [V] bénéficiait d’un incontestable mandat apparent ;
– la cour d’appel de Paris l’a définitivement relaxée des faits qui lui étaient reprochés en écartant tout dol et en l’exonérant de toute responsabilité civile ; le consentement de la société [J] n’a pas été vicié ;
– la location financière présentait plusieurs avantages pour la société [J], elle évitait l’immobilisation des fonds propres et l’alourdissement du budget d’investissement, elle permettait la déductibilité de l’assiette des résultats des loyers et des frais d’entretien, le rendement du matériel contribuait au prorata des charges qu’il générait, à la rentabilité de l’entreprise, les modifications des dates d’échéance des contrats en cours permettaient à la société [J] de ne pas augmenter les budgets de fonctionnement ;
– le fait que les équipements loués constituent du matériel informatique risquant de se déprécier rapidement justifie amplement un amortissement accéléré ; le montant de la location peut être élevé car il concerne un matériel spécifique, spécialement acquis pour les besoins du locataire ; la marge réalisée par la société Trader’s n’a rien d’exceptionnel dans le commerce de gros de matériels informatiques ;
– le rapport d’expertise comporte de graves carences notamment sur la prétendue existence de matériel fictif, l’absence de caractère systématique de la reprise anticipée, l’absence de surcoût litigieux pour la société Azelis.
Prétentions et moyens de la société Lease expansion :
Par ses dernières conclusions signifiées le 12 décembre 2013, qui ont fait suite à un arrêt avant dire droit en date du 28 novembre 2013 ayant invité la société Lease Expansion à signifier ses conclusions sous la nouvelle constitution de son avocat, la société Lease Expansion demande à la cour de :
– à titre principal
– confirmer le jugement du 4 avril 2012 en ce qu’il a débouté la société Azelis de sa demande de nullité des conventions de location et donc de toutes les conséquences qu’elle tirait de cette nullité, débouté la société Azelis de sa demande d’inopposabilité des conventions de location et donc de toutes les conséquences qu’elle tirait de cette inopposabilité, dit que les établissements financiers n’ont pas commis de faute envers la société Azelis dans le cadre de leurs relations au titre des conventions de location, condamné la société Azelis à lui payer au titre du contrat n° 017658 la somme de 424 243,06 euros et au titre du contrat n° 016412 la somme de 82 688,81 euros outre les intérêts au taux de 1,5% par mois à compter de l’exigibilité de chacun des loyers mensuels correspondants jusqu’à complet paiement, et au titre de l’article 700 du code de procédure civile condamné la société Azelis à payer à lui payer la somme de 15 000 euros ;
– y ajoutant, condamner la société Azelis à lui payer la somme complémentaire de 1 000 euros TTC concernant le contrat n° 016412, le tribunal de commerce ayant limité la condamnation à la somme de 82 688,81 euros à la suite d’une erreur matérielle,
– ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 17 octobre 2002,
– condamner la société Azelis à restituer les matériels en sa possession,
– condamner en outre la société Azelis à lui payer une indemnité mensuelle de 25 337 euros pour le matériel objet du contrat n° 017658 du 1er janvier 2003 jusqu’à la restitution effective du matériel, et une indemnité mensuelle de 7 774,89 euros pour le matériel objet du contrat n° 016412 du 1er août 2002 jusqu’à la restitution effective du matériel.
– à titre subsidiaire, s’il était fait droit à la demande de nullité des conventions
– juger que la société Azelis est responsable à son égard des agissements fautifs de son préposé, M. [V],
– débouter la société Azelis de ses demandes formulés contre elle,
– condamner la société Azelis à lui payer une indemnité d’utilisation des matériels de 507 931,87 euros TTC outre intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter de l’exigibilité de chacun des loyers mensuels correspondant jusqu’à parfait paiement, se décomposant en 424 243,06 euros d’indemnités d’utilisation des matériels objets du contrat n° 017658 pour la période du 1er novembre 2001 au 31 décembre 2002 et 83 688,81 euros d’indemnité d’utilisation des matériels objets du contrat n° 016412 pour la période du 1er novembre 2001 au 31 juillet 2002,
– condamner la société Azelis à lui payer une indemnité d’utilisation complémentaire mensuelle de 25 337 euros pour le matériel objet du contrat n° 017658 du 1er janvier 2003 jusqu’à la restitution effective du matériel, et une indemnité mensuelle de 7 774,89 euros pour le matériel objet du contrat n° 016412 du 1er août 2002 jusqu’à la restitution effective du matériel,
– ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 17 octobre 2002,
– condamner la société Azelis à restituer les matériels en sa possession objets des contrats n° 017658 et 016412,
– condamner la société Azelis à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de la résistance abusive dont elle fait preuve en l’espèce.
– à titre infiniment subsidiaire
– condamner la société Trader’s à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,
– en toute hypothèse
– condamner la société Azelis à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de la résistance abusive dont elle fait preuve en l’espèce,
– débouter la société Azelis de l’ensemble de ses prétentions,
– condamner la société Azeli à lui payer la somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Azelis aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Les moyens de la société Lease Expansion sont en substance les suivants :
– les erreurs matérielles ou omissions de statuer éventuelles du premier juge ne sauraient entacher le jugement de nullité, il appartiendra à la cour d’y remédier,
– M. [V] en sa qualité de directeur financier de la société [J] devenue Azelis disposait d’un mandat tacite voire apparent pour engager la société [J] ; la société [J] qui a reçu livraison des matériels et exécuté sans contestation les contrats pendant près de deux ans a ratifié les contrats litigieux,
– la société Azelis cherche à obtenir la réparation du préjudice qu’elle a subi du fait des actes commis par M. [V] et M. [L] dont elle a déjà été indemnisée,
– afin de mettre en oeuvre l’article 8 de la Convention de Strasbourg du 4 novembre 1999 ratifiée le 11 février 2005, la France dispose des articles 1109 et 1116 du code civil relatif au dol de sorte qu’elle n’a pris aucune mesure de transposition de la Convention ; il y a donc lieu de se référer au droit positif français en général et à l’interprétation qui en est donnée par les juridictions,
– l’action en nullité des contrats pour dol est prescrite, que ce soit en application de l’article 7 de la Convention de Strasbourg ou de l’article 1316 du code civil, car ce fondement a été soulevé pour la première fois le 18 mars 2011 alors que les faits de corruption ont été commis pour les derniers en 1999 et ont été révélés par l’expert judiciaire, M. [C], le 5 septembre 2005 à l’occasion du dépôt de son rapport,
– aucune manoeuvre lors de la conclusion des contrats ou réticence dolosive relative à des éléments essentiels des contrats ayant poussé la société [J] devenue Azelis à contracter n’est démontrée; c’est d’ailleurs ce qu’a retenu le juge pénal dont les constatations certaines et nécessaires ont autorité de chose jugée ; la société [J] devenue Azelis est responsable des agissements de son préposé, M. [V], lequel avait connaissance du pacte corruptif et des modalités de rachat des matériels et y a même participé, même s’il a été relaxé par le juge pénal ; par l’intermédiaire de son préposé, la société [J] a participé elle-même activement aux manoeuvres dolosives de sorte qu’elle ne peut prétendre que son consentement aurait été vicié,
– le dol invoqué par la société Azelis n’émane pas de la partie envers laquelle l’obligation est contractée, soit la société Lease expansion, qui a été elle-même victime des agissements de la société Trader’s et de MM. [Y] et [L],
– l’intervention d’un intermédiaire spécialisé dans la vente de matériels notamment informatiques, comme la société Trader’s, dans les contrats de financement de ces matériels est une nécessité et une réalité économique,
– les contrats de location possèdent une cause parfaitement licite à savoir la mise à disposition de la société Azelis de matériels choisis par elle en contre partie de laquelle la société Lease Expansion perçoit des loyers mensuels ; le pacte corruptif qui constitue la cause illicite invoquée par la société Azelis n’est le mobile déterminant ni de la société Azelis ni de la société Lease Expansion puisque ni l’une ni l’autre n’étaient informées de ces faits,
– l’éventuelle nullité des contrats de location conclus entre la société Azelis et la société Trader’s ne saurait être opposée à la société Lease expansion en raison de la divisibilité des obligations souscrites par les parties expressément stipulée à l’article 5.6 des conditions générales des contrats de location,
– elle n’a commis aucune faute ; M. [V], directeur financier de la société [J] devenue Azelis a signé les procès-verbaux de réception des matériels loués ; elle ne disposait d’aucune possibilité de détecter le caractère fictif des commandes et des livraisons dans la mesure où M. [V] attestait l’exactitude des matériels livrés,
– les loyers sont dus jusqu’aux termes des contrats ; la société Azelis a d’ailleurs utilisé les matériels au-delà de ces termes puisqu’ils n’ont pas été restitués ; des indemnités contractuelles d’utilisation sont dues faute de restitution des matériels dont elle est propriétaire ; à défaut de restitution ou de justification d’un empêchement de restituer, les contrats se sont trouvés reconduits tacitement pour une durée indéterminée,
– une décision de sursis à statuer est sans incidence sur l’exigibilité des intérêts moratoires de sorte qu’il n’y a pas lieu de réduire la clause pénale ; la capitalisation des intérêts est de droit lorsqu’elle est sollicitée comme cela a été fait devant le premier juge,
– la société Azelis n’a eu comme seul objectif que de s’opposer au bon déroulement du procès en modifiant plusieurs fois ses écritures de sorte qu’une indemnité pour résistance abusive est justifiée,
– subsidiairement, l’article 1384 alinéa 5 du code civil rend la société Azelis responsable des faits fautifs que son préposé, M. [V], a commis en rapport avec ses fonctions en attestant de l’exactitude des livraisons alors qu’elles incluaient des matériels fictifs, en participant au montage litigieux ou à tout le moins en manquant de vigilance et de contrôle,
– la société Lease Expansion conteste le préjudice allégué par la société Azelis ; en cas d’anéantissement du contrat, la rétroactivité de la nullité suppose que les choses soient remises en l’état antérieur lorsque cette remise en état est possible ; la société Azelis a utilisé les matériels sans les restituer de sorte que l’annulation des contrats ne dispense pas la société Azelis du paiement d’une indemnité d’utilisation d’un montant équivalent au montant des loyers contractuels,
– elle détient ses droits de la société Trader’s qui lui a cédé les contrats litigieux ; la société Trader’s doit en conséquence la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle.
Le Crédit industriel et commercial a constitué avocat mais n’a pas conclu.
Par arrêt avant dire droit en date du 28 novembre 2013, la cour a ordonné la réouverture des débats à l’audience du lundi 7 avril 2014 à 14h00 et invité les parties à conclure sur le point de savoir si la société Lease expansion avait signifié des conclusions complètes après sa nouvelle constitution d’ avocat en date du 30 août 2013 et invité la société Lease expansion à signifier ces conclusions par la voie du RPVA avant le 15 janvier 2014, ce qu’elle a fait.
SUR CE,
Considérant que la société Azelis s’étant partiellement désistée de son appel, l’instance n’est poursuivie qu’à l’égard de la société Lease Expansion, de la société Trader’s et du CIC ;
Considérant que les contrats avec la société Trader’s puis cédés avec les matériels à la société Lease Expansion sont au nombre de deux :
– un contrat portant à l’origine le n° 99/08.11A et ensuite le n° 016412 en date du 27 juillet 1999 par lequel la société [J] devenue Azelis a loué une série de matériels informatiques moyennant 36 loyers mensuels de 51 000 francs HT ;
– un contrat portant à l’origine le n° 00/01.08A et ensuite le n° 017658 en date du 7 décembre 1999 par lequel la société [J] devenue Azelis a loué une série de matériels informatiques moyennant 36 loyers mensuels de 166 200 francs HT ;
Sur la nullité du jugement :
Considérant que la société Azelis conclut à la nullité du jugement dont appel aux motifs que le tribunal aurait condamné la société Trader’s solidairement avec M. [Y] alors que celui-ci n’était pas dans la cause, et pour avoir omis de statuer sur la demande d’inapplication de la clause pénale moratoire, sur la demande de garantie dirigée contre la société Trader’s et sur la demande d’intérêts devant assortir la condamnation de la société Trader’s ;
Considérant que ces moyens constituent des moyens de réformation du jugement dont la cour est saisie par l’effet dévolutif de l’appel ou des demandes de rectifications d’omissions de statuer qui lui sont déférées en vertu de l’appel et non des moyens d’annulation, ces critiques ne caractérisant pas à les supposer fondées des excès de pouvoir commis par le premier juge ; que la demande de nullité du jugement sera écartée ;
Sur le moyen de la société Azelis tiré de l’inopposabilité des contrats conclus avec la société Trader’s et cédés à la société Lease Expansion :
Considérant que les contrats litigieux ont été signés les 12 avril et 7 décembre 1999 pour le compte de la société [J] par M. [V], son directeur financier, qui a déclaré avoir tous pouvoirs à cet effet ; que ses fonctions et ses déclarations étaient de nature à créer la croyance légitime de la société Trader’s et de la société Lease expansion dans l’existence d’un mandat de représentation de la société [J] et autorisaient ces sociétés à ne pas vérifier les pouvoirs du signataire ; que la société Azelis est donc tenue d’exécuter les contrats qui ont été signés par son mandataire apparent;
Considérant au surplus qu’en prenant livraison des matériels et en réglant les loyers jusqu’au mois d’octobre 2001 sans émettre la moindre protestation la société [J] devenue Azelis a implicitement mais sans équivoque ratifié les engagements souscrits par son directeur financier ; que les contrats sont opposables à la société Azelis ;
Sur le moyen de la société Azelis tiré de la nullité des mêmes contrats et sur la demande indemnitaire de la société Lease expansion :
Considérant qu’en vertu de l’article 1108 du code civil, le consentement de la partie qui s’oblige est une condition essentielle de la validité d’une convention ; qu’il résulte de l’article 1116 du même code que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ; que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ; qu’il appartient à la société Azelis de démontrer qu’elle a été trompée par les manoeuvres intentionnelles de la société Trader’s ou de ses représentants et que sans ces manoeuvres elle n’aurait à l’évidence pas contracté ;
Considérant que l’action en nullité dure cinq ans ; que les parties conviennent que le point de départ de la prescription de l’action en nullité intentée par la société Azelis est le jour où elle a eu connaissance des manoeuvres qu’elle allègue et que ce jour est constitué par le dépôt du rapport d’expertise de M. [C] le 5 septembre 2005 ; que dès l’assignation introductive de l’instance civile, les 15 et 16 novembre 2001, la société [J] devenue Azelis avait sollicité la nullité des contrats litigieux ; que même si le fondement de l’action était à l’époque celui du défaut d’agrément et du défaut d’inscription de la société Trader’s sur la liste des établissements financiers agréés par le Comité des établissements de crédit et non celui de l’existence d’un vice du consentement dont elle n’a eu la révélation, à le supposer démontré, que près de quatre ans plus tard, il n’en demeure pas moins que l’objet de cette action était bien la nullité des contrats de sorte que l’assignation a interrompu la prescription ;
Considérant qu’après le jugement de sursis à statuer prononcé par le tribunal de commerce le 16 septembre 2003 puis confirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 11 février 2004, l’instance a été reprise le 9 novembre 2009, la société Azelis ayant conclu les 19 juin 2009, 18 septembre 2009 et 14 avril 2010 devant le tribunal de commerce ainsi qu’elle l’affirme sans être contredite à la nullité des contrats pour dol ; qu’en conséquence, moins de cinq ans se sont écoulés entre la découverte du dol et les demandes de nullité sur ce fondement ; que l’action n’est pas prescrite ;
Considérant que par arrêt en date du 16 novembre 2010, la cour d’appel de Paris a déclaré MM. [V], [Y] et la société Trader’s non coupables du délit d’escroquerie et les a relaxés de ce chef, déclaré M. [V] non coupable du délit de corruption passive de salarié et l’a relaxé de ce chef, déclaré M. [Y] non coupable du délit de corruption active de salarié en ce qui concerne M. [V] et l’a relaxé de ce chef, déclaré M. [L] coupable de corruption dans les termes de la prévention, et déclaré M. [Y] coupable du délit de corruption active de salarié en ce qui concerne M. [L], a condamné solidairement MM. [L] et [Y] à payer à la société Azelis la somme de 418 624 euros à titre de dommages-intérêts et a débouté la société Azelis de sa demande dirigée contre la société IBM en qualité de civilement responsable de M. [L] ; que M. [Y] est le dirigeant de la société Trader’s ;
Considérant que l’autorité de chose jugée au pénal sur le civil ne s’applique qu’aux dispositions de la décision relatives à ce qui a été nécessairement et certainement jugé soit quant à l’existence du fait qui forme la base commune de l’action publique et de l’action civile soit quant à la participation du prévenu au même fait ; que les divers moyens frauduleux incriminés par la loi pénale sont des actes positifs tandis que les éléments constitutifs du dol civil comprennent la réticence dolosive ; que rien n’interdit au juge civil de rechercher en conséquence si le dol est constitué par réticence dolosive même lorsque le cocontractant a été relaxé du chef d’escroquerie;
Considérant que la cour d’appel de Paris a expressément écarté toute démonstration de l’existence de manoeuvres, caractérisées par un surcoût indu résultant d’une part de la location de matériel fictif et d’autre part de la reprise systématique d’anciens contrats avant leur terme initial, dont se seraient rendus coupables tant M. [Y] que la société Trader’s elle -même pour convaincre la société Azelis de contracter aux motifs pour l’essentiel que le contrat de location qui était proposé par la société Trader’s ne constituait pas en soi un montage frauduleux et correspondait à un choix de gestion fait par la société Azelis dont le président demandait que les budgets informatiques ne varient pas d’une année sur l’autre et avait souhaité des locations à long terme pour des raisons de trésorerie, que si le refinancement de contrats anciens avant l’arrivée de leur terme initial et l’allongement corrélatif de la durée de remboursement a entraîné un surcoût, la preuve n’est pas rapportée que du matériel fictif avait été intentionnellement inscrit sur les listes de matériels jointes aux contrats de location et que la succession de contrats, certes très rentable pour la société Trader’s, permettait à la société Azelis de disposer de matériel récent ; que la société Azelis se fonde devant la cour expressément sur la dissimulation intentionnelle par la société Trader’s de l’existence du pacte corruptif entre le préposé de la société IBM et M. [Y] et sur la dissimulation des modalités de rachat des matériels consenties par la société Lease Expansion à la société Trader’s à l’échéance des contrats ;
Considérant qu ‘il est établi par le rapport d’expertise de M. [C] que les pratiques mises en place par la société Trader’s caractérisées par le financement systématique à plusieurs reprises des mêmes matériels, dont ceux qui concernent les contrats litigieux, après un rachat des matériels à un prix symbolique aux établissements financiers avant le terme des contrats, lui permettant de réaliser des marges successives, ont engendré des surcoûts pour le locataire qui était intentionnellement tenu dans l’ignorance de cette pratique et des coûts réels des financements ; qu’il en va de même de l’existence de la corruption qui avait un retentissement sur l’équilibre général et économique des contrats ;
Considérant qu’il est certain que si la société [J] devenue Azelis avait eu connaissance des conventions existant entre la société Trader’s et les établissements financiers et des commissions occultes versées au préposé de la société IBM , elle n’aurait à l’évidence pas contracté ; que la réticence dolosive de la société Trader’s a été déterminante du consentement de la société Azelis de sorte que les contrats passés entre la société Azelis et la société Trader’s doivent être annulés ; que cette nullité est opposable à la société Lease expansion dès lors que la cession des matériels et des contrats a emporté substitution de contractant, que le cessionnaire a pris la place du cédant, et qu’ il est titulaire des droits et actions en découlant ; qu’ainsi seront annulés non seulement les contrats initiaux mais aussi les cessions subséquentes de ces contrats entre la société Trader’s et la société Lease expansion appelées ‘acte d’acceptation de contrat’ ;
Considérant que la nullité des contrats a pour conséquence de rendre nécessaire une remise en état comme si les contrats n’avaient jamais existé ; que l’allocation de dommages-intérêts par la juridiction pénale à la société Azelis ne lui interdit nullement d’obtenir restitution des sommes versées en exécution des contrats annulés, ces demandes n’ayant pas le même fondement et n’opposant pas les mêmes parties ; que la société Lease expansion n’est fondée en aucune manière à prétendre être créancière de sommes qui seraient dues en exécution des contrats annulés ou de contrats qui pourraient avoir été souscrits tacitement après le terme pour une durée indéterminée ; qu’en revanche, elle est obligée à l’égard de la société Azelis de restituer les loyers perçus pendant la vie des contrats, soit la somme de 767 336 euros HT ainsi que le demande la société Azelis qui produit un décompte de ces loyers qui ne fait l’objet d’aucune critique ; que la société Azelis devra quant à elle restituer à la société Lease expansion les matériels dont cette dernière est propriétaire;
Considérant que pendant la durée des contrats, la société Azelis a utilisé les matériels loués appartenant à la société Lease expansion sans payer les loyers ; que la société Lease expansion est fondée à réclamer le paiement d’une indemnité d’utilisation qui, eu égard aux circonstances de l’espèce et à l’obsolescence rapide des matériels, ne sera due que pour la période contractuelle jusqu’au terme stipulé des contrats et non pour la période postérieure et sera fixée à la moitié du montant des loyers perçus à restituer, soit la somme de 383 668 euros, ces créances réciproques se compensant entre elles dans les rapports entre la société Azelis et la société Lease expansion ; qu’elle ne rapporte pas la preuve d’un autre préjudice ;
Considérant que la demande principale de la société Azelis aux fins d’annulation des contrats étant accueillie, il n’y pas lieu de statuer sur ses demandes subsidiaires relatives à l’engagement de leur responsabilité par la société Trader’s ou par la société Lease expansion ;
Sur la garantie de la société Trader’s :
Considérant que la société Lease expansion demande que la société Trader’s soit condamnée à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle aux motifs qu’elle tient ses droits de la société Trader’s ; qu’il convient de rappeler que les condamnations qui sont prononcées contre la société Lease expansion sont des condamnations à restituer les loyers qu’elle a indûment perçus tandis qu’elle obtient des dommages-intérêts destinés à réparer son préjudice personnel ; que si la société Trader’s n’avait pas commis un dol, les contrats de location n’aurait pas été annulés et la société Lease expansion ne serait pas tenue de restituer les loyers ; que toutefois , la société Trader’s ne pourrait être tenue qu’à payer des dommages-intérêts à la société Lease expansion qui a été la seule bénéficiaire des loyers indûment perçus en exécution des contrats, ce que cette dernière qui n’explicite pas le fondement de sa demande ne sollicite pas ; qu’il convient en conséquence de rejeter la demande de garantie ;
Sur le Crédit industriel et commercial et les demandes accessoires :
Considérant que le Crédit industriel et commercial ne formule aucune demande devant la cour ; que le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Azelis à lui payer la somme de 12 726,56 euros ;
Considérant que la société Lease expansion ne démontre pas le caractère abusif de la procédure intentée contre elle par la société Azelis ; qu’il convient en équité de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une des parties ni en première instance ni en appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Rejette la demande d’annulation du jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 4 avril 2012,
Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau dans la limite de l’appel,
Dit que les contrats litigieux sont opposables à la société Azelis France,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en nullité des contrats de la société Azelis France,
Annule les contrats passés entre la société Azelis France, anciennement société Groupe [J], et la société Trader’s portant les numéros 99/08.11A et 00/01.08A en date des 27 juillet 1999 et 7 décembre 1999 et les conventions de cession de ces contrats passées entre la société Trader’s et la société Lease expansion, anciennement société Bail expansion,
Condamne la société Lease expansion à restituer à la société Azelis France la somme de 767 336 euros HT au titre des loyers payés,
Condamne la société Azelis France à payer à la société Lease expansion la somme de 383 668 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l’utilisation des matériels,
Ordonne la compensation de ces créances réciproques,
Condamne la société Azelis France à restituer à la société Lease expansion dès la signification du présent arrêt les matériels loués en vertu des contrats annulés et dit que pour ce faire, la société Azelis France les tiendra à la disposition de la société Lease expansion dans ses locaux, laquelle viendra les y rechercher après avoir prévenu la société Azelis France par lettre recommandée de la date de sa venue quinze jours au moins à l’avance,
Déboute les parties de toutes autres demandes,
Constate que le Crédit industriel et commercial ne formule aucune demande à l’égard de la société Azelis France,
Fait masse des autres dépens de première instance et d’appel à l’exception des entiers dépens relatifs à l’ action de la société Azelis France contre les sociétés ING lease et BNP lease et dit qu’ils seront supportés pour moitié par la société Azelis France et pour moitié par la société Lease expansion et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,