Location de matériel : 12 février 2015 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 14/07872

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Location de matériel : 12 février 2015 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 14/07872
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12 février 2015
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
14/07872

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 12 FEVRIER 2015

DD

N° 2015/74

Rôle N° 14/07872

[Q] [Z]

ETUDE NOTARIALE [K]

C/

[O] [M]

SARL AUFA

Grosse délivrée

le :

à :

Me Philippe MAGNAN

SCP ERMENEUX LEVAIQUE ARNAUD & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 18 Mars 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 09/00201.

APPELANTS

Maître [Q] [Z]

notaire honoraire

né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 3]

représenté et assisté par Me Philippe MAGNAN de la SCP MAGNAN ANTIQ, avocat plaidant au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE.

ETUDE NOTARIALE [K],

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représenté et assisté par Me Philippe MAGNAN de la SCP MAGNAN ANTIQ, avocat plaidant au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE.

INTIMES

Monsieur [O] [M]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX LEVAIQUE ARNAUD & ASSOCIES , avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Magalie ABENZA, avocat plaidant au barreau d’AIX-EN-PROVENCE.

SARL AUFA

dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège social.

représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX LEVAIQUE ARNAUD & ASSOCIES , avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Magalie ABENZA, avocat plaidant au barreau d’AIX-EN-PROVENCE.

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 15 Janvier 2015 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Danielle DEMONT, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Février 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Février 2015,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS

M. [O] [M] commerçant à [Localité 3] exerçait une activité commerciale de location et vente de matériel de ski et accessoires.

Il expose qu’il avait chargé maître [Z], notaire à Barcelonnette, de réaliser des actes d’opérations immobilières complexes .

Premièrement acquérir un appartement en rez de chaussée côté nord dans une copropriété dénommée Le Miraval

Deuxièmement acquérir par le biais d’une SARL AUFA, qui devait être créée à cette fin, le droit au bail du local immédiatement contigu de cet appartement situé directement sur la galerie commerciale et enfin établir un bail commercial entre M. [M] et la SARL AUFA sur le local nord acquis, afin de permettre à la société d’exploiter ces deux locaux dans le cadre de l’activité de location de matériel de ski et de vente d’accessoires.

Les loyers commerciaux devaient permettre le remboursement du crédit réalisé pour l’acquisition immobilière.

Quatrièmement une ouverture entre les deux locaux devait créer la plus grande surface du magasin de sport de la station positionnée en première place à l’entrée de la galerie commerciale ce qui supposait une autorisation de travaux du propriétaire bailleur.

Cinquièmement cette opération devait permettre de reconvertir le magasin préexistant en magasin de vêtements de sport soit une activité complémentaire à celle déjà exercée.

Le notaire a été mandaté pour établir quatre actes : la création de la SARL, l’acquisition de l’appartement Nord, la cession du droit au bail sur le local sud, et le bail commercial du tout entre le requérante et la SARL AUFA.

Le 1er octobre 2004 le notaire recevait le premier acte, soit l’acquisition du local nord personnellement par M. [O] [M].

Le 15 décembre 2004 le notaire a rédigé et fait signer une promesse de cession du droit au bail commercial sur le local commercial Sud contigu entre la SARL l’Agneau et le loup, cédant, précédent locataire, et M. [O] [M] ou une société AUFA à le substituer, promesse comportant un certain nombre de conditions suspensives : bail cédé pour la durée restant à courir

, cession tout commerce, prix de 91’470 € à payer comptant, délai de réalisation des conditions suspensives au plus tard le 30 avril 2005 avec régularisation dans le mois avant le 30 mai 2005, acompte de 9747 € versé entre les mains du notaire.

À partir de cet acte, le dossier connaissait des difficultés d’avancement. Ce n’est que le 11 juin 2005 que le notaire adressait un projet d’acte de cession à la SARL cédante l’ agneau et le loup.

Le 5 juillet 2005 le notaire adressait une lettre recommandée avec accusé de réception au cédant du droit au bail afin de fixer la date de réitération de l’acte.

Le 19 juillet 2005 le notaire faisait délivrer une sommation interpellative par huissier de justice à l’encontre du cédant. Ce dernier lui répondait qu’il n’était plus lié avec l’acquéreur depuis le 30 avril 2005, date-butoir insérée à l’acte par le notaire lui-même.

Par lettre du 22 juillet 2005 le cédant reprochait à la partie adverse de ne pas avoir respecté le délai imparti sur la promesse est sollicité le règlement de la clause de dédit.

Le 29 juillet 2005 le requérant recherchait la responsabilité du notaire et le mettait en demeure d’opérer une déclaration de sinistre auprès de son assureur.

Le 2 août 2005 le notaire établissait en faveur du cédant une attestation au terme de laquelle, la cession devant avoir lieu au plus tard le 30 avril 2005, la promesse de cession était devenue caduque et de nul effet.

La Sarl Aufa a fait assigner M. [Q] [Z] et la société étude notariale [K] en responsabilité délictuelle .

Par jugement en date du 15 mars 2011, le tribunal de grande instance de Digne a retenu la responsabilité du notaire et l’a condamné solidairement avec l’étude [K] à réparer l’intégralité des préjudice subis par M. [M] et par la SARL AUFA et avant dire droit ordonné une expertise pour chiffrer le préjudice.

Le tribunal retient ses motifs :

Sur la faute

– que le notaire est intervenu non pas pour la réalisation de simples actes authentiques isolés mais au titre de la conception et la réalisation d’un montage juridique complexe dont il devait assurer l’efficacité, montage dont la finalité était la constitution d’une grande surface commerciale dont il était escompté une exploitation commerciale avantageuse ; qu’il a fait échouer l’un de ses actes en manquant aux diligences de réunion des éléments nécessaires à la levée intégrale des conditions suspensives ce qui a entraîné une prétention à la caducité de la promesse par le cédant du fonds de commerce ; qu’il a ensuite précipitamment établi le 2 août 2005 en faveur de ce cédant une attestation erronée, ce qui a permis au cédant de vendre ailleurs son droit au bail ; que par sa faute il a donc fait avorter l’ensemble de l’opération commerciale projetée et généré une perte de chance évidente ;

alors que le requérant prouve que le prix avait été obtenu dans les délais, que les avis des personnes compétentes sur la faisabilité des travaux avaient été recueillis, que l’accord du syndicat de l’assemblée générale des copropriétaires pour les travaux sollicités était acquis et que la SCI l’Agneau et le loup avait autorisé les travaux de démolition des murs permettant la liaison entre les locaux dès le 17 novembre 2004, de sorte que la condition suspensive n° 6 en tout état de cause était acquise ;

– que dans ces conditions la caducité de la promesse invoquée par le cédant n’était pas sérieusement soutenable ; que M. [O] [M] a été privé d’une chance de voir prospérer une action juridique pour contraindre le cédant de pouvoir introduire une action juridique afin de contraindre le cédant ,le cas échéant sous astreinte, à satisfaire à la promesse de cession du droit au bail ;

– que le notaire a manqué à son devoir de diligence, et qu’il a manqué à son devoir d’information en s’abstenant de l’informer des possibilités juridiques de contraindre le cédant à s’exécuter au lieu de délivrer l’attestation précipitée ; qu’il a trahi ainsi les intérêts du cessionnaire, son client ;

Sur les préjudices du cessionnaire

– que M. [M] s’est porté acquéreur d’un appartement dont la finalité immobilière actuelle ne correspond pas la finalité commerciale projetée qu’il a été privé de la possibilité de réaliser l’opération commerciale envisagée et subi la perte d’une chance commerciale manifeste ; que le notaire et l’étude notariale devront réparer l’intégralité du préjudice supporté par le requérant ;

que l’acquisition de l’appartement est intervenue et qu’elle ouvrent droit des loyers alors que dans le cadre du montage d’origine l’acquisition immobilière aurait pu obtenir une valorisation commerciale plus intéressante ;

– que le préjudice doit donc s’apprécier de la différence entre les revenus immobiliers actuels et certains, et les revenus locatifs commerciaux dont M. [M] a été privé ;

– que pour évaluer le préjudice commercial résultant de la perte de chance liée à la mise à néant du projet commercial envisagé, il convient d’apprécier les diverses pertes de marges et diverses pertes d’exploitation qui ont résulté de l’échec de cette opération d’agrandissement de surface d’extension d’activité et de l’existence d’une concurrence dans les locaux convoités et ce, à l’échéance de chacune des périodes de 3 ans, 6 ans et 9 ans du bail commercial projeté

– et qu’il convient enfin de vérifier les éléments constitutifs des autres préjudices invoqués et d’ordonner une expertise à cette fin.

Ce jugement a été confirmé en appel par un arrêt de la présente chambre en date du 2 février 2012, lequel énonce en substance en ses motifs que la promesse synallagmatique de cession comportait la clause insérée par le notaire rédacteur selon laquelle, une fois les conditions réalisées, le consentement du cédant était subordonné à la condition de la signature de l’acte authentique avec le paiement du prix fixé et des frais dans le délai indiqué, soit au plus tard un mois après la levée de la dernière des conditions suspensives, lesquelles en tout état de cause devaient être levées au plus tard le 30 avril 2005, soit un ultime délai au 30 mai 2005 pour la signature de l’acte.

Le fait pour Me [Z] d’avoir invité la gérante de la SARL L’Agneau et le loup par lettre du 5 juillet 2005 seulement à venir signer l’acte authentique au risque de voir la cédante se prévaloir de la clause qui lui donnait la possibilité de se désister si les délais étaient dépassés, même si les conditions suspensives étaient levées (alors qu’usuellement il est prévu qu’une fois les conditions suspensives levées chacune des parties puisse obliger l’autre à signer), est le résultat d’un manque de diligence de sa part.

Par jugement contradictoire en date du 18 mars 2014, le tribunal de grande instance de Digne- les-Bains a :

– condamné Me [Q] [Z] et la société étude notariale [K] à payer à la Sarl Aufa les sommes de :

– 299.667 € au titre du préjudice lié. à la non-réalisation d’un local commercial,

– 617.000 € au titre de la perte subie par le commerce de M. [O] [M] tenant l’installation d’un concurrent en lieu et place du commerce qui devait échoir aux demandeurs et à la non-obtention de l’enseigne Intersport,

– 212.925 € au titre de l’évaluation d’un fonds de commerce de 170 m²,

– 129.850,58 € au titre de l’évaluation du droit au bail,

– 35.983 € au titre de la perte de valeur du fonds .de commerce de la Sarl Aufa,

– condamné Me [Q] [Z] et la société étude notariale [K] à payer à M. [O] [M] la somme de 10.984 € au titre de la perte de loyers commerciaux,

– condamné Me [Z] et la société étude notariale [K] à payer à la Sarl Aufa et à M. [O] [M] la somme de 1.500 € sur la base de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens

– et débouté les parties de leurs autres demandes.

Le tribunal énonce en ses motifs :

– que l’expert retient justement que l’accroissement de la surface commerciale de l’intéressé passant de 60 m² à 170 m² aurait permis d’éviter l’installation d’un concurrent dans une partie de la surface commerciale en ses lieu et place, partie commerciale qui se trouve en amont de son exploitation actuelle et d’obtenir l’enseigne Intersport qui est refusée en dessous d’un certain nombre de mètres carrés ;

Sur le préjudice lié à la non réalisation de local commercial

– que l’expert a justement évalué le résultat net escompté de l’ouverture de la surface en cause sur la base de celui réalisé par les deux magasins de l’enseigne Inter sport qui sont exploités par M. [M] rapportée à la surface du projet en cause ;

que l’expert a pu s’expliquer à une audience de réouverture des débats où il a comparu sur l’absence d’impact du maintien du fonds de commerce historique sur l’activité du fonds de commerce envisagé en expliquant que M. [M] entendait dédier l’ancien fonds de commerce à la vente de textile en donnant au seul fonds de commerce la vente et la location de skis ;

– en second lieu, que si la projection faite par l’expert du chiffre réalisé dans une surface de 60 m² sur une surface de 170 m² peut paraître très arithmétique, il n’en demeure pas moins que la juridiction évalue la perte d’une chance de réaliser un résultat d’exploitation pour une telle surface commerciale, de sorte que sa méthode est fondée ; qu’en effet l’expert note que l’augmentation du résultat pourrait être tout autant supérieure ou inférieure à ce ratio, ce dont il ressort qu’il s’agit là d’une méthode de calcul d’une moyenne, plutôt que d’un rapport entre deux surfaces ;

– que les défendeurs n’apportent pas ici, mais de manière générale, quelque élément technique conduisant à une évaluation différente, alors que le rapport SARETEC qu’ils invoquent se borne à critiquer les évaluations faites par l’expert judiciaire, sans apporter de meilleur moyen d’appréciation ; qu’ainsi, sur la base des chiffres d’affaires réalisés par les fonds de commerce appartenant à M. [M] sur les périodes antérieures à la vente projetée et pour la période de neuf années du bail commercial espéré, le préjudice s’établit à la somme de 299’607 € (…).

Par déclaration du 17 avril 2014, M. [Q] [Z] et la société étude notariale [K] ont relevé appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 10 décembre2014 ils demandent à la cour au visa de l’article 1382 du code civil :

– débouter M. [M] et la SARL AUFA de l’intégralité de leurs demandes,

– confirmer le jugement entrepris :

* en ce qu’il a débouté M. [M] et la Sarl Aufa de leurs demandes indemnitaires formées au titre de la revente du local appartenant à Monsieur [M] en local commercial et sur les travaux réalisés par lui, et de leurs demandes indemnitaires formées au titre de la perte de jouissance des fruits espérés du commerce ou préjudice financier,

*en ce qu’il a fixé l’indemnité due au titre du préjudice lié à la non-réalisation d’un local commercial à la somme de 299.667 €,

*en ce qu’il a alloué à M. [M] et la Sarl Aufa la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– réformer le jugement entrepris dans ses autres dispositions.

Sur la perte subie par l’actuel magasin Intersport exploité par M. [M] du fait de la concurrence des établissements GODILLE et de la non-obtention immédiate de l’enseigne INTERSPORT,

– constater que le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains a commis une erreur dans l’appréciation des conclusions de l’expert judiciaire en octroyant une indemnité de 617.000€ au titre de la perte subie par le commerce de M. [O] [M] du fait de l’installation d’un concurrent et de la non-obtention immédiate de l’enseigne Intersport en lieu et place de celle de 345.000 € retenue par l’expert,

– prendre acte que M. [M] et la Sarl Aufa reconnaissent que le tribunal a fixé par erreur à la somme de 617.000 € la perte subie par le commerce existant au lieu de 345.000€ tel que retenu par l’expert,

– à titre principal, fixer l’indemnisation due au titre de la perte subie par le commerce de M. [O] [M] du fait de l’installation d’un concurrent et de la non-obtention immédiate de l’enseigne Intersport à la somme de 174.000 €,

– subsidiairement, fixer l’indemnisation allouée au titre de la perte subie par le commerce de M. [O] [M] du fait de l’installation d’un concurrent et de la non-obtention immédiate de l’enseigne Intersport à la somme de 345.000 € après rectification de l’erreur commise par le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains,

Sur la plus-value en cas de revente d’un fonds de commerce de 170 m²,

– à titre principal, rejeter toute prétention indemnitaire formée par M. [M] et la Sarl Aufa au titre de la plus-value en cas de revente d’un fonds de commerce de 170 m² dés lors qu’une telle demande tend à indemniser un préjudice virtuel et éventuel non indemnisable sur le fondement de la perte de chance,

Subsidiairement, fixer l’indemnité allouée au titre de la plus-value en cas de revente d’un fonds de commerce de 170 m² à la somme de 90.036 €,

– sur la perte de valeur du fonds de commerce de la Sarl Aufa,

– fixer l’indemnité allouée au titre de la perte de valeur du fonds de commerce de la Sarl Aufa à la somme de 22.270 €,

– sur l’évaluation du droit au bail,

– à titre principal, rejeter toute prétention indemnitaire formée par M. [M] et la Sarl Aufa au titre de l’évaluation du droit au bail dés lors qu’une telle demande tend à indemniser un préjudice virtuel et hypothétique non indemnisable sur le fondement de la perte de chance,

– subsidiairement si la demande formée au titre de la plus-value en cas de revente d’un fonds de commerce de 170 m² devait être accueillie, rejeter toute prétention indemnitaire formée par M. [M] et la Sarl Aufa au titre de l’évaluation du droit au bail, lequel a déjà été indemnisé au titre de la plus-value en cas de revente d’un fonds de commerce de 170 m²,

– à titre infiniment subsidiaire, fixer l’indemnité allouée au titre de l’évaluation du droit au bail à la somme de 114.194 €,

– sur la valeur locative de l’appartement de M. [M] transformé en local commercial et la perte de loyers commerciaux,

– rejeter toute demande indemnitaire formée par M. [M] et la Sarl Aufa au titre de la valeur locative de l’appartement de M. [O] [M] transformé en local commercial et de la perte de loyers commerciaux faute de justifier d’un préjudice locatif actuel ou futur lié à la non-transformation en local commercial,

– sur le préjudice fiscal et social,

– déclarer irrecevables et mal fondées les demandes formées par M. [M] et la Sarl Aufa au titre du préjudice fiscal’ et du préjudice social,

– débouter M. [M] et la Sarl Aufa de leurs demandes indemnitaires formulées au titre du préjudice fiscal et du préjudice social,

– condamner M. [M] et la Sarl Aufa à payer solidairement aux concluants la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 18 décembre 2014, M. [M] et la Sarl Aufa demandent à la cour de:

– débouter les appelants de leurs demandes,

– confirmer le jugement déféré à la cour en ce qu’il a condamné Me [Z] et 1’étude notariale à payer à la Sarl Aufa les sommes suivantes :

* 299.667 € au titre du préjudice lié à la non réalisation du local commercial,

* 129.850,58€ au titre de l’évaluation du droit au bail dudit local perdu,

– réformer le montant des condamnations dues par les appelants au titre de la perte subie par le commerce existant fixée par erreur à 617.000 € par le jugement déféré à la cour,

– juger que ce préjudice est fixé à 345.000 € au titre de la perte subie par le commerce existant de la Sarl Aufa tenant à l’installation d’un concurrent aux lieu et place du projet avorté et du fait de la non obtention de l’enseigne Intersport et non 617.000 € indiqués par erreur par le tribunal,

– réformer le jugement déféré en portant la somme due au titre de la valeur du fonds de commerce perdu sur un local d’une surface 170 m² de 212.925 € à 266.156€ et y condamner les appelants,

– réformer le jugement et de condamner les appelants au paiement d’une somme de 20 000€ au titre du préjudice de perte de marge sur commandes groupées auprès de l’enseigne,

subsidiairement

– ordonner une expertise sur ce préjudice complémentaire omis,

– réformer en ce que le jugement de a fixé sur un taux de 80% à 35.983 € le préjudice au titre de la perte de valeur du fonds de commerce existant de la Sarl Aufa,

– condamner les appelants au paiement de ce chef de la somme de 44.978 €,

– réformer le jugement déféré à la cour en ce qu’il n’a condamné les appelants à verser à M. [M] qu’une somme de 10.984 € au titre de la perte des loyers commerciaux qu’il aurait pu attendre de la location de l’appartement acquis en déduisant les prétendus loyers d’habitation non perçus,

– juger en effet que l’évaluation de cette perte ne doit pas être réalisée en déduisant les loyers dans le cadre de baux d’habitation que ce local aurait pu produire, s’il avait été loué 10 semaines par an sur 9 ans, puisqu’il n’a pas pu être loué, en particulier à cause de la procédure judiciaire en cours,

– condamner de ce chef conjointement et solidairement les appelants au paiement d’une somme non pas de 10.984 € mais de 20.995 €,

– réformer le jugement déféré à la cour en ce qu’il a débouté M. [M] du préjudice causé par la perte de plus-value sur la revente de l’appartement en local commercial et sur les travaux par lui déjà réalisés,

– condamner les appelants à payer à M. [M] une somme qui ne saurait être inférieure à 32.697 € au titre de la perte de plus value sur revente de cet appartement,

– condamner les appelants à payer à M. [M] au titre des dépenses faites pour les travaux réalisés la somme de 37.000 €,

– réformer le jugement déféré à la cour en ce qu’il a débouté les concluants de leur demande d’indemnisation du préjudice financier résultant de l’impossibilité de placer toutes ces sommes,

– condamner les appelants au paiement d’une somme qui ne saurait être inférieure à 126.000 €,

– condamner les appelants à indemniser les concluants au titre des préjudices révélés depuis la première instance,

– au titre du préjudice fiscal la somme de 54.771 €,

– au titre du préjudice social la somme de 50.000 €,

– juger que toutes les condamnations sont prononcées solidairement à l’égard des deux appelants,

– réformer le jugement déféré à la cour en ce qu’il a limité les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile à 1.500 € en première instance,

– condamner de ce chef les appelants au paiement de 10.000 € pour la 1ère instance,

– condamner les appelants au paiement de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel, outre les entiers dépens de première instance et d’appel, ceux d’appel distraits.

L’ordonnance de clôture est datée du 11 décembre 2014.

MOTIFS

Attendu qu’en dépit de l’appel général formé par déclaration, les appelants demandent la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a fixé l’indemnité due au titre du préjudice lié à la non-réalisation d’un local commercial à la somme de 299.667 € ; que faute d’appel incident sur ce point, il n’y a pas lieu d’examiner à nouveau de ce chef de préjudice ; que les écritures des parties limitent l’appel en réalité aux points ci-après ;

Attendu, sur la perte subie par l’actuel magasin Intersport exploité par M. [M] du fait de la concurrence des établissements GODILLE et de la non-obtention immédiate de l’enseigne INTER SPORT, que les parties sont toutes deux convenues de réformation du montant des condamnations dues par les appelants au titre de la perte subie par le commerce existant fixée par erreur à 617.000 € par le jugement déféré à la cour ;

Attendu qu’en effet les parties font justement observer que le tribunal s’était à juste titre approprié les motifs de l’expert qui conduisent à un préjudice de ce chef de 345.000 € au titre de la perte subie par le commerce existant de la Sarl Aufa tenant à l’installation d’un concurrent aux lieu et place du projet avorté et du fait de la non obtention de l’enseigne Intersport, et non à 617.000 € comme jugé à tort ;

Mais attendu que compte tenu de l’aléa affectant toute vente d’immeuble, la survenance d’événement imprévus, entre le moment de la signature de la promesse de vente et la signature de l’acte authentique, pouvant empêcher totalement la vente, ne pouvant jamais être écartée, la faute du notaire n’a fait perdre aux appelants qu’une chance d’avoir pu signer l’acte, de n’avoir pas eu de concurrent et de pouvoir obtenir rapidement l’enseigne Intersport ;

Attendu que cette perte de chance ne peut pas être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ;

Attendu que le préjudice issu de la perte certaine de cette chance que la cour estime importante sera réparé par l’octroi de la somme de 170’000 € à titre de dommages intérêts ;

Sur la plus-value en cas de revente d’un fonds de commerce de 170 m²,

Attendu que cette prétention indemnitaire formée par M. [M] et la Sarl Aufa au titre de la perte de plus-value en cas de revente d’un fonds de commerce de 170 m² tend en réalité à voir indemniser un préjudice futur mais hypothétique, dans la mesure où l’acquisition n’étant point, à titre d’exemple, le fait d’un professionnel de l’achat pour revente, la volonté des appelants de céder in futurum le grand fonds de commerce obtenu à l’aide de l’opération immobilière projetée n’est en rien démontrée ;

Attendu qu’a fortiori la date de cette revente putative ne pourrait nullement être précisée ; que les motifs pourraient, en ce temps-là, être des plus variés, tels par exemple des difficultés financières ; qu’il est impossible de prédire qu’elle pourrait bien être alors la valeur du grand fonds de commerce ;

Attendu que le jugement doit donc être réformé en ce qu’il a fait droit à cette demande de réparation d’un dommage incertain, purement virtuel ;

Sur la perte de valeur du fonds de commerce de la Sarl Aufa,

Attendu que les appelants sollicitent que l’indemnité allouée au titre de la perte de valeur du fonds de commerce de la Sarl Aufa à la somme de 22.270 € ;

Attendu que le tribunal a évalué ce préjudice , sur la base des chiffres d’affaires réalisées par la SARL et en l’état de la concurrence faite par le commerce exploité dans le local espéré, à la somme de 35’983 €, la perte s’évaluant au jour de l’expiration du contrat de bail et non par périodes triennales, lesquelles ne s’ajoutent pas ;

Mais attendu que compte tenu de l’aléa affectant toute vente d’immeuble, la survenance, entre le moment de la signature de la promesse de vente et la signature de l’acte authentique, d’événements imprévus de nature à empêcher totalement la vente, ne pouvant jamais être écartée, la faute du notaire n’a fait perdre à la SARL AUFA qu’une chance ne pas avoir subi une dépréciation de son fonds de commerce ;

Attendu que cette perte de chance ne peut pas être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ;

Attendu que le préjudice issu de la perte certaine de cette chance importante sera réparé par l’octroi de la somme de 18’000 € à titre de dommages intérêts ;

Sur l’évaluation du droit au bail

Attendu que le tribunal relève en ses motifs qu’ils s’agit là d’indemniser la perte de chance ressortant du projet avorté et par suite, le droit au bail étant un élément économique essentiel du fonds de commerce, et il a fait droit à cette demande qui ne pouvait être écartée au motif avancé sans preuve que la cession du droit au bail ne se pratiquerait pas à PraLoup ;

Attendu que les appelants soutiennent à titre principal qu’il s’agit là d’un préjudice virtuel, hypothétique ;

Mais attendu si que la valeur du droit au bail constitue un élément économique actuel, s’agissant du droit de bénéficier d’un contrat de location pour exercer une activité dans un local déterminé; que la SARL Le loup et l’agneau exploitait une boucherie, que le droit au bail devait être cédé à M. [M] pour l’exploitation d’un commerce de vente et location de ski ; que la promesse litigieuse de cession du droit au bail du 15 décembre 2004 fixait une valeur du droit au bail au prix de 91470€, soit pour l’expert, sur la base d’un prix au mètre carré d’un montant de 126 €,une actualisation du droit au bail portant le préjudice à la somme de 129’850,58 euros ;

Attendu qu’il convient de déduire de cette dernière somme le montant le prix d’acquisition du droit au bail que les appelants auraient du d’abord acquitter, avant de pouvoir prétendre à une plus-value sur le droit au bail ;

Et attendu que la faute du notaire, compte tenu de l’aléa affectant toute vente d’immeuble jusqu’à sa réalisation, n’a fait perdre aux appelants qu’une chance d’acquérir le droit au bail et de pouvoir prétendre à une plus-value sur celui-ci ; que cette perte de chance de ne pas être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ;

Attendu que le préjudice issu de la perte certaine de cette chance importante sera réparé par l’octroi de la somme de 20’000 € à titre de dommages intérêts ;

Et attendu que M. [M] et la Sarl Aufa forment en cause d’appel des demandes complémentaires au titre de préjudices financier,fiscal et social, pour avoir été privés de la possibilité de placer durant neuf ans les sommes auxquelles les intimés sont condamnés, ou pour avoir des droits à régler et pour devoir subir une fiscalité sur indemnités moins favorables;

Mais attendu qu’aucune faute ouvrant droit à réparation et encore moins être imputée au notaire ne saurait résulter du fait que la décision de première instance n’ait pas été assortie de l’exécution provisoire; que la créance indemnitaire n’ouvre droit qu’au versement d’intérêts au taux légal, à compter de la date qui en reconnaît l’existence et le montant; que les demandeurs à l’action ne peuvent pas prétendre au bénéfice de placement ou de régimes fiscaux ou sociaux tant que le principe de leur créance n’est pas définitivement reconnu par la juridiction qui en fixe le montant ; qu’il ne peut davantage être relevé contre le notaire quelque résistance abusive au paiement, faute eu égard au présent arrêt infirmatif ;

Attendu que pour le surplus des prétentions et moyens des parties, et notamment en ce qui concerne la valeur locative de l’appartement de M. [M] transformé en local commercial et la revente du local appartenant à M. [M] en local commercial et les travaux par lui réalisés et sur la perte de jouissance des fruits espérés du commerce, que le tribunal a déjà répondu aux parties par des motifs développés pertinents qui méritent adoption ;

Attendu en définitive qu’il s’ensuit la réformation partielle du jugement déféré ;

Attendu que M. [M] et la SARL AUFA succombant pour plus large part devront supporter la charge des dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– condamné Me [Q] [Z] et la société étude notariale [K] à payer à la Sarl Aufa la somme de 299.667 € au titre du préjudice lié. à la non-réalisation d’un local commercial, et à M. [O] [M] la somme de 10.984 € au titre de la perte de loyers commerciaux,

– condamné Me [Z] et la société étude notariale [K] à payer à la Sarl Aufa et à M. [O] [M] la somme de 1.500 € sur la base de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens

– et débouté les parties de leurs autres demandes,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné Me [Q] [Z] et la société étude notariale [K] à payer à la Sarl Aufa les sommes de :

– 617.000 € au titre de la perte subie par le commerce de M. [O] [M] tenant l’installation d’un concurrent en lieu et place du commerce qui devait échoir aux demandeurs et à la non-obtention de l’enseigne Intersport,

– 212.925 € au titre de l’évaluation d’un fonds de commerce de 170 m²,

– 129.850,58 € au titre de l’évaluation du droit au bail,

– 35.983 € au titre de la perte de valeur du fonds .de commerce de la Sarl Aufa,

statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne Me [Q] [Z] et la société étude notariale [K] à payer à la Sarl Aufa les sommes de :

– 170 000 € au titre la perte subie par l’actuel magasin Intersport exploité par M. [M] du fait de la concurrence des établissements GODILLE et de la non-obtention immédiate de l’enseigne INTER SPORT,

– 18 000€ au titre de l’évaluation du droit au bail,

– 20 000€ au titre de la perte de valeur du fonds de commerce de la Sarl Aufa,

Déboute M. [M] et la SARL AUFA de leur demande tendant au versement de somme au titre de la plus value en cas de revente d’un fonds de commerce de 170 m²,

y ajoutant

Rejette les demandes nouvelles de dommages et intérêts présentées en cause d’appel,

Condamne in solidum M. [M] et la SARL AUFA aux dépens et dit que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ,

Vu l’article 700 code de procédure civile,

Disons n’y avoir lieu de faire application de ce texte.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

 


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