Location de matériel : 8 novembre 2016 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/04669

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Location de matériel : 8 novembre 2016 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/04669
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8 novembre 2016
Cour d’appel de Versailles
RG n°
15/04669

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

SM

Code nac : 39H

12e chambre section 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 NOVEMBRE 2016

R.G. N° 15/04669

AFFAIRE :

[I] [Z]

C/

[Y] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 26 Mai 2015 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 05

N° Section :

N° RG : 2011F03075

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Karine LEVESQUE

Me Elisabeth BRICARD DE LA FOREST DIVONNE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [I] [Z]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]- BELGIQUE

Représentant : Me Karine LEVESQUE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 488

Représentant : Me Véronique WEISBERG, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 289

Madame [V] [U]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]-BELGIQUE

Représentant : Me Karine LEVESQUE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 488

Représentant : Me Véronique WEISBERG, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 289

SARL LABORATOIRE EASY MEDICAL SOLUTIONS EMS RCS de Nanterre

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 507 880 292

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Karine LEVESQUE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 488

Représentant : Me Véronique WEISBERG, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 289

APPELANTS

****************

Monsieur [Y] [P]

né le [Date naissance 3] 1940 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Elisabeth BRICARD DE LA FOREST DIVONNE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 121

Représentant : Me Jean-paul LANCIAN de la SELARL LANCIAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0072

SA REGIMEDIA

N° SIRET : 333 07 5 7 522

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : Me Elisabeth BRICARD DE LA FOREST DIVONNE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 121

Représentant : Me Jean-paul LANCIAN de la SELARL LANCIAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0072

SELARL FHB mission conduite par Madame [N] [E], ès-qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société REGIMEDIA

N° SIRET : 491 97 5 0 411

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentant : Me Elisabeth BRICARD DE LA FOREST DIVONNE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 121

Représentant : Me Jean-paul LANCIAN de la SELARL LANCIAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0072

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Septembre 2016 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MESLIN, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie MESLIN, Président,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Greffier f.f., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,

Vu l’appel déclaré le 26 juin 2015 par M. [I] [Z], Mme [V] [U] ainsi que par la société à responsabilité limitée Laboratoire Easy Medical Solutions EMS (société EMS.), contre le jugement prononcé le 26 mai 2015 par le tribunal de commerce de Nanterre dans l’affaire qui l’oppose, à M. [Y] [P], à la société anonyme Regimedia ainsi qu’à la Selarl FHB prise en la personne de Maître [N] [E] désignée commissaire à l’exécution du plan de la société anonyme Regimedia (Selarl FHB ès qualités.) ;

Vu le jugement entrepris ;

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes conclusions notifiées par le Réseau privé virtuel des avocats et présentées le :

– 24 novembre 2015 par la société Regimedia, M. [Y] [P] et la Selarl FHB ès qualités, intimés,

– 22 janvier 2016 par la société EMS, M. [I] [Z] ainsi que Mme [V] [U], appelants ;

Vu l’ensemble des actes de procédure ainsi que les pièces et éléments du dossier présentés par chacune des parties.

SUR CE,

La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions de chacune des parties. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d’appel.

1. données analytiques, factuelles et procédurales, du litige

La société anonyme Groupement Européen d’Applications Télémédicales (société GEAT.), détenue par la société Regimedia (31%) ainsi que par Mme [V] [U] (58 %.), M. [Y] [P] (8%) et son président directeur général, M. [I] [Z] (2%), a pour activité, « la prestation de services sous toutes ses formes dans le domaine médical, l’exploitation de centres de location de matériel médical, l’exploitation de stations de télésurveillances ». L’ex-ANVAR ou Agence Nationale de Valorisation de la Recherche, devenue Oseo Innovation aujourd’hui fusionnée au sein de la Banque Publique d’Investissement (Bpifrance.), a le 21 janvier 2000, expressément reconnu cette activité comme innovante après avis de la Commission Territoriale d’Attribution des Aides à l’Innovation du 19 janvier précédent.

En pratique, la société GEAT fournit à ses clients, médecins, une prestation de télémesure médicale par le biais de son centre de lecture d’électrocardiogrammes. Elle intervient également comme grossiste dans la chaine de distribution, en fournissant à son distributeur la société Laboratoire Cardio Contact ou LCC, société filiale crééé en 2007, les appareils d’électrocardiogrammes portatifs produits par la société Aerotel. Les médecins ayant recours aux services de cette société, sont détenteurs d’un appareil de ce type, dénommé « Cardio Contact Heart View ».

Mme [V] [U] et M. [I] [Z] ont le 6 août 2008, créé la société EMS dans laquelle, ils détiennent respectivement 51 et 49 % des parts sociales. Cette société dont M. [I] [Z] est gérant, a notamment pour activité, la vente et la location d’appareils médicaux de spirométrie, acquis auprès de la société GEAT et axés sur la mesure de la respiration du souffle liée aux problèmes d’asthme et de tabagisme.

Ayant constaté que dès son premier exercice d’activité et sans investissement, la société EMS avait réalisé un chiffre d’affaires et un résultat conséquents et estimant que cette société avait, pour les besoins de son activité, détourné le savoir-faire innovant et le réseau commercial de la société GEAT dont le chiffre d’affaires avait au titre de la même période, subi une baisse sensiblement équivalente au bénéfice réalisé par cette société, M. [Y] [P] et la société Regimedia ont par actes d’huissier des 3 août et 26 juillet 2011 ainsi que 14 septembre 2012, fait assigner cette société outre, Mme [V] [U] et M. [I] [Z] devant le tribunal de commerce de Nanterre, à l’effet de les entendre solidairement condamner à les indemniser et à indemniser la société GEAT, de leurs préjudices respectifs corrélatifs.

Acquise par la société GEAT courant 2008, la société LCC a le 23 juillet 2013, fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine en faveur de cette dernière.

Par jugement du 26 mai 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a tranché le litige qui lui était soumis comme suit :

– déboute Monsieur [Y] [P] et la SA Regimedia de leur demande d’indemnisation de la société Groupement Européen d’Applications Télémédicales par Monsieur [I] [Z], Madame [V] [U] et la SARL Laboratoire Easy Medical Solutions.

– condamne solidairement Monsieur [I] [Z], Madame [V] [U] et la Sarl Laboratoire Easy Medical Solutions à payer :

– à la SA Régimédia une indemnité de 225 201 €,

– à Monsieur [Y] [P] une indemnité de 58 116 €.

– condamne solidairement Monsieur [I] [Z], Madame [V] [U] et la SARL Laboratoire Easy Medical Solutions à payer à Monsieur [Y] [P] et à la SA Régimédia chacun la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant du surplus.

– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.

– condamne solidairement Monsieur [I] [Z], Madame [V] [U] et la SARL Laboratoire Easy Médical Solutions aux dépens.

Pour statuer ainsi, les premiers juges, après avoir rappelé que le principe de la liberté du commerce autorise à démarcher la clientèle d’autrui dès lors que ce démarchage ne s’accompagne pas d’un acte déloyal, ont retenu que dans les circonstances de cette espèce, si la société EMS avait été créée au vu et au su de la société GEAT, il ne peut être considéré que l’ensemble des actionnaires de cette dernière ont été informés de cette création, de ses finalités et de ses conséquences possibles au titre de son activité ; que la société EMS a tant au titre des annonces de recrutement que du site internet de la société GEAT, volontairement entretenu une confusion entre elles alors même qu’aucun lien capitalistique n’est établi ; que le fait de s’approvisionner auprès de la société GEAT n’autorise pas la société EMS à se prévaloir dans son activité commerciale, de l’expertise de cette société, d’autant que le fait que son siège social soit installé à la même adresse, ne peut qu’accroître le risque de confusion ; que l’entretien d’une telle confusion entre une société créée en 1993 ayant une activité commerciale et une notoriété sur le marché, reconnue par les fondateurs de la société EMS eux-mêmes, et une société créée en 2008 sans antécédents, ni expérience, ne peut avoir pour finalité que de valoriser la seconde au détriment de la première ; que cette pratique constitutive d’un parasitisme fautif a provoqué un détournement substantiel d’activité au profit de la société EMS, au préjudice de la société GEAT qui cependant, n’est pas partie à l’instance ; que M. [Y] [P] et la société Régimedia doivent donc être déboutés de leurs demandes la concernant, faute de pouvoir justifier, de quel que mandat que ce soit de cette société pour agir en son nom.

M. [I] [Z], Mme [V] [U] ainsi que la société EMS ont déclaré appel de cette décision.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 12 avril 2016 et l’affaire, renvoyée à l’audience de plaidoiries tenue en formation de juge rapporteur du 20 septembre 2016.

A cette date, les débats ont été ouverts et l’affaire, mise en délibéré à ce jour.

2. dispositifs des conclusions des parties

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

La société EMS, M. [I] [Z] ainsi que Mme [V] [U] demandent à la Cour de :

– déclarer recevable et bien fondé la SARL Laboratoires Easy Medical Solutions (EMS), Monsieur [I] [Z] et Madame [V] [U] en leur appel.

– infirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 26 mai 2015.

– débouter la SA Régimédia, Monsieur [Y] [P] et la Selarl FHB en la personne de Maître [E] de l’ensemble de leurs demandes.

– condamner solidairement Monsieur [P] et la société Regimedia au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction à Maître Levesque sur le fondement de l’article 699 du CPC [code de procédure civile].

La société Regimedia, M. [Y] [P] et la Selarl FHB ès qualités, prient la Cour de :

– vu l’article L.225-251 du code de commerce.

– vu les articles 1382 et 1845 du code civil.

– vu les pièces versées aux débats.

– prononcer la mise hors de cause de la Selarl FHB prise en la personne de Maître [N] [E], dont la mission en qualité de commissaire au plan de la SA Regimedia a pris fin le 17 décembre 2014.

– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a établi que les agissements de Monsieur [I] [Z], Madame [V] [U] et la SARL Easy Medical Solutions sont constitutifs d’un acte de parasitisme et constituent une faute au titre de l’article 1382 du code civil.

– condamner solidairement la SARL Easy Medical Solutions, Madame [V] [U] et Monsieur [I] [Z] à payer à Monsieur [Y] [P] une indemnité égale aux bénéfices dégagés par la SARL EMS depuis sa création jusqu’au 30 septembre 2011 proratés en fonction de la participation de Monsieur [Y] [P] au capital de la SA GEAT, soit une indemnité de 72 700 euros.

– condamner solidairement la SARL Easy Medical Solutions, Madame [V] [U] et Monsieur [I] [Z] à payer à la SA Regimedia une indemnité égale aux bénéfices dégagés par la SARL EMS depuis sa création jusqu’au 30 septembre 2011 proratés en fonction de la participation de la SA Regimedia au capital de la SA GEAT, soit une indemnité de 290 801 euros.

– condamner solidairement la SARL EMS, Madame [V] [U] et Monsieur [I] [Z] au paiement de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Bricard de la Forest Divonne, selon les dispositions de l’article 699 du CPC.

La Cour renvoie à la synthèse argumentative de chacune de ses écritures pour un exposé complet des prétentions de chaque partie dont l’essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

La Cour statue, sur le seul bien-fondé d’actions indemnitaires engagées par les actionnaires minoritaires de la société GEAT contre le distributeur de cette dernière, la société EMS, ainsi que contre les gérant et associée de ce distributeur, par ailleurs actionnaires majoritaires de la première, à qui sont reprochés l’adoption de comportements parasitaires fautifs.

Aucun appel incident n’a été formé du chef de l’action sociale ut singuli, engagée par ces mêmes associés devant les premiers juges.

Sur la mise hors de cause de la Selarl FHB ès qualités

Il ressort du dossier, que la mission de commissaire à l’exécution du plan confiée à la Selarl FHB agissant sous le ministère de Maître [N] [E], a pris fin suivant jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 17 décembre 2014 dès lors, que ce dernier a constaté la clôture du plan de continuation de la société Regimedia.

Sa mise hors de cause sera donc ordonnée.

Sur la matérialité des agissements parasitaires fautifs

Les appelants soutiennent : – que la société EMS s’est constituée, non seulement au vu et au su de la société GEAT mais encore, avec son aval ainsi qu’en attestent les échanges de courriels qu’ils versent aux débats ; – que la société GEAT intervient dans le secteur de la spirométrie en qualité de distributeur de spiromètres fabriqués par la société MIR, la société EMS en étant le revendeur final ; – qu’appliquant aux produits vendus à la société EMS un coefficient de 2,85, identique à celui appliqué sur les reventes de matériels faites à la société LCC, elle a ainsi pu bénéficier du développement de l’activité de ce revendeur final ; – que ses actionnaires ne pouvaient ignorer l’activité de la société EMS, les comptes sociaux comprenant le chiffre d’affaires résultant de la vente par la société GEAT des appareils Easy Spiro, ayant été approuvés d’exercice en exercice ; – que ces actionnaires avaient ainsi, dans le cadre de leur droit d’information, accès aux documents sociaux afférents ; – que l’existence de relations contractuelles entre la société EMS et la société GEAT est au demeurant, formalisée dans le rapport du commissaire aux comptes portant sur les conventions réglementées et mentionnant les contrats passés entre les deux sociétés ainsi que leur approbation par la collectivité des actionnaires de la société GEAT ; – que la réputation et la notoriété de cette société n’ont cessé de se dégrader aux yeux des médecins généralistes, à telle enseigne qu’une plainte avec constitution de partie civile a été déposée courant 2008, pour des agissements d’exercice illégal de la médecine ; – qu’en écho à cette plainte pénale, le chiffre d’affaires de la société GEAT dans le domaine de la télémédecine a baissé ; – que les ventes réalisées par la société LCC en ont été affectées et ont provoqué, une baisse des facturations émises par la société GEAT sur ces ventes ; – que la société GEAT ne disposant plus à l’évidence, d’une notoriété suffisamment favorable pour prospecter ce nouveau marché de la spirométrie directement auprès des médecins généralistes, il a pour cette raison, été décidé que cette société participerait à la commercialisation des appareils de spirométrie, en qualité d’intermédiaire entre le fabricant du produit et son revendeur final, la société EMS ; – qu’aucun acte de détournement de clientèle de la société LCC n’apparaît pouvoir être établi, dès lors que la société EMS revendique dans le cadre d’annonces de recrutement, un rôle de distributeur des produits de la société GEAT en s’adressant à une clientèle potentielle et non pas, à de potentielles recrues ; – qu’au demeurant, la société EMS ne fait que décrire sur sa page internet, les mérites des produits dont elle assure la distribution.

La société Regimedia et M. [Y] [P] répondent : – que leurs adversaires ne sauraient sérieusement soutenir que les sociétés GEAT et EMS ont des activités de nature différente ; – que celle-là, a été précurseur d’un modèle économique portant sur la vente à des médecins, d’appareils de télémesure dans le cadre d’un contrat de crédit-bail financé par la société Locam et partant, à l’origine du développement de relations suivies avec les médecins après avoir investi, dans la création et la consolidation de cette clientèle ; – que la principale activité de la société GEAT est bien une activité d’achat-revente de matériel ainsi que le démontrent les bilans fournis, activité que cette société finance et maîtrise en totalité, soit directement, soit par l’intermédiaire de sa filiale ; – que les appelants reconnaissent au demeurant clairement, par une définition et une description dénuées de cohérence que la société EMS a dès sa création, détourné à son seul profit, la crédibilité et la trésorerie de la société GEAT à fin, d’acquérir et de financer des matériels qu’elle distribue ; – qu’ayant revendu la société LCC à la société GEAT, Mme [V] [U] et M. [I] [Z] n’ont fait que copier à l’identique, le fonctionnement de ces deux sociétés pour effectuer à leur seul profit, les opérations confiées à la société EMS ; – qu’ils ont ainsi créé la société de droit belge LCC Benelux qui dans sa communication, revendique son appartenance au groupe GEAT alors qu’aucun lien n’existe avec cette société ; – qu’il est établi, notamment par un constat d’huissier du 17 novembre 2015, que l’usage soutenu de la marque GEAT s’est, nonobstant une image prétendument négative, poursuivi et même accentué jusqu’à une période récente ; – que la participation de la société Regimédia dans la société GEAT est importante et stratégique à telle enseigne que cette participation a constitué un des éléments essentiels du plan de continuation accordé le 17 juillet 1997 à cette société, peu avant la création de la société EMS ; – que la valeur de la marque GEAT ne saurait être contestée, ainsi que l’établit, l’intervention faite par le commissaire à l’exécution du plan devant les premiers juges.

Ils ajoutent : – que la société LCC, détenue en totalité par la société GEAT, bénéficiait d’un réel savoir-faire commercial et d’un fichier de prospects et avait ainsi, naturellement vocation à distribuer les produits et services de cette société et partant, les produits de spirométrie acquis auprès des fournisseurs ; – que rien ne justifiait donc de confier à la société EMS la distribution de ces produits sinon, le désir manifeste de transférer à ses seuls associés, également associés majoritaires de la société GEAT, la marge réalisée sur leurs ventes ; – qu’en agissant ainsi, la société EMS et ses associés ont détourné à leur seul profit, une part des actifs de la société GEAT ; – qu’ils ont, également utilisé à leur seul bénéfice, le crédit commercial et financier de la société GEAT à fins de négocier et de financer l’achat de produits de spirométrie et se sont enfin, appropriés une marge commerciale qui aurait du revenir à la société GEAT ; – que les parties adverses, tentent de se soustraire à leur responsabilité, en affirmant faussement, ainsi que le démontre une lecture attentive des mails produits aux débats, que la création de la société EMS serait intervenue avec l’aval de la société GEAT ; – qu’associés minoritaires, ils n’ont jamais été informés de la création de la société EMS par M. [I] [Z] et Mme [V] [U] ; – qu’il est par surcroît parfaitement faux, au vu des énonciations des procès-verbaux d’assemblées générales, d’affirmer qu’ils approuvaient et continuent d’approuver « des comptes sociaux faisant apparaître un chiffre d’affaires résultant de la vente par la SA GEAT, des appareils easy spiro à la société EMS » ; – que les associés de la société EMS entretiennent ouvertement une confusion sur les liens supposés et les rôles respectifs de la société GEAT et des sociétés Easy Medical Solutions et LCC Benelux ; – que la communication de ces sociétés, est ainsi regroupée sur un site internet unique, dont la page d’accueil ne fait référence qu’à la marque GEAT alors que les sociétés Easy Medical Solutions et LCC Benelux y revendiquent clairement pour leurs recrutements, des liens avec la société GEAT ne correspondant à aucune réalité juridique ; – que la société EMS et ses dirigeants, n’ont pas hésité pour leurs recrutements, à se référer à la société GEAT et à son agrément ANVAR ; – que par ailleurs le site internet de la société GEAT intègre clairement sur sa page d’accueil, les activités de la spirométrie ; – qu’un simple clic sur l’onglet « spirométrie » de cette page, renvoie sur une page dont le titre est, de manière surprenante « Easy Médical Solution » ; – que cette présentation a pour but manifeste, de faire faussement croire aux visiteurs du site, que la société EMS appartiendrait au groupe GEAT qui n’existe pas et ainsi, de faire illégalement bénéficier la société EMS du crédit et de la clientèle de la société GEAT.

Ils soulignent : – qu’il est acquis, que la société GEAT a développé un système de vente novateur sur les produits de nature strictement similaire à ceux que vend la société EMS ; – que la vente de spiromètres a dès 2007 été étudiée par la société GEAT et plus particulièrement, par M. [I] [Z] qui finalement, a développé cette activité dans la société EMS dont il est gérant ; – que des contacts avancés étaient pris en janvier 2008, entre la SA GEAT (marque Cardiatel) et le fabricant MIR, alors que la société EMS n’a été créée qu’en août 2008 ; – que ce libellé explicite est particulièrement révélateur de la volonté de cette dernière société, de s’approprier frauduleusement la notoriété et la clientèle développées par la société GEAT ; – que c’est, pour bénéficier du crédit de cette dernière, que la société EMS a été contrainte de lui confier l’achat des matériels qu’elle distribue ; – que la société EMS dénuée de toute antériorité financière, n’aurait en effet jamais eu le crédit nécessaire à l’achat des matériels nécessaires à son activité, ni les moyens financiers indispensables à leur paiement ; – que rien ne justifie la création de la société EMS qui a le même dirigeant que la société GEAT, exerce la même activité et vend un produit que la société GEAT avait prévu de distribuer ; – que la création de la société EMS a en réalité eu pour seul but, de détourner au profit de ses associés, également associés de la société GEAT, une part importante de la marge qui aurait du être dégagée par cette dernière société, au détriment de celle-ci et de ses associés minoritaires.

Vu les articles L. 225-251 du code de commerce et 1843-5 du code civil ainsi que, dans leur rédaction applicable aux circonstances de la cause et donc antérieure au 1er octobre 2016, les articles 1382 et 1383 du même code dont il ressort d’une part, que les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société, des fautes commises dans leur gestion précision étant faite que si, plusieurs administrateurs et le directeur général ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage et d’autre part, que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Le parasitisme économique se définit comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.

En l’espèce, les appelants dénient à raison tout parasitisme fautif susceptible de leur être imputé dès lors que la création en août 2008 de la société EMS chargée de revendre des spiromètres fournis par la société GEAT, est intervenue à une période où la notoriété de cette dernière société était à l’évidence particulièrement dégradée dans l’esprit du monde médical constituant sa clientèle naturelle, à telle enseigne que l’Ordre national des médecins et les syndicats professionnels alertaient par bulletins leurs membres, sur les difficultés rencontrées dans l’exécution des contrats souscrits auprès d’elle pour la prestation de lecture d’électrocardiogramme mais également, sur les risques médico-légal présentés par cette forme de « cardiologie low cost » ne pouvant équivaloir, aussi sérieuse soit-elle, à la prise en charge du patient par un cardiologue.

La réalité de ces circonstances est amplement établie par les documents que les appelants versent aux débats et qu’ils citent de manière aussi précise qu’exhaustive en p. 8 de leurs écritures.

Ces documents comprennent notamment, une lettre du 12 décembre 2007 établie par le conseil départemental des Pyrénées Orientales de l’Ordre des médecins adressée à des praticiens à fin de les inciter, à une extrême prudence envers les prestations offertes par la société Cardiatel, enseigne commerciale de la société GEAT, dès lors que les prestations de lecture offertes par celle-ci pourraient ne pas être assurées par des spécialistes en cardiologie comme indiqué ‘ voir pièce 9 ; une lettre de l’Ordre National des Médecins adressée à des médecins exerçant à la Rochelle et datée du 1er avril 2015, précisant « Le Conseil National avait, depuis 2008, sensibilisé le corps médical sur les pratiques de la société GEAT SA, mieux connue sous le nom commercial CARDIATEL (sic) » – voir pièce 14 et encore, une lette datée du 10 octobre 2007, faisant au demeurant état de la plainte déposée par le Conseil National de l’Ordre des Médecins contre cette société pour exercice illégal de la médecine et précise : « En l’état actuel, le service juridique du Conseil National déconseille aux professionnels de santé de signer tout contrat de prestations de service avec cette société » – voir pièce 10.

Ces preuves écrites attestent de manière significative d’une forte dégradation de l’image de la société GEAT au sein du monde médical lors de la création de la société EMS et des premières années d’exercice de celle-ci.

La lecture du constat d’huissier du 17 novembre 2015 dont se prévalent les intimés, ne saurait contredire sérieusement cette analyse dès lors que ce document ne tend qu’à, et ne fait que, constater de manière statique l’architecture des pages du site internet de la société GEAT.

Les appelants n’ont pas davantage, ainsi que le soutiennent les intimés par une interprétation grammaticale inexacte et incomplète des écritures de leurs adversaires, fait l’aveu d’un comportement parasitaire.

Ils n’y admettent en effet nullement de manière claire, que « la société EMS a dès sa création, détourné à son seul profit, la crédibilité et la trésorerie de la société GEAT à fin, d’acquérir et de financer des matériels qu’elle distribue ». En soulignant en p. 2 de leurs écritures que « la SA GEAT n’a donc jamais ni conçu, ni commercialisé de matériel médical directement auprès des clients finaux » [souligné par la Cour], les appelants faisaient d’évidence référence aux appareils d’électrocardiogramme et non pas aux spiromètres revendus par la société EMS et ne pouvaient donc en rien, se contredire en p.7 des mêmes écritures, en affirmant que la société GEAT intervenait dans la commercialisation des spiromètres en qualité de fournisseur de son distributeur, la société EMS, et non pas de fournisseur des clients finaux.

– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.

– condamne solidairement Monsieur [I] [Z], Madame [V] [U] et la SARL Laboratoire Easy Médical Solutions aux dépens.

Pour statuer ainsi, les premiers juges, après avoir rappelé que le principe de la liberté du commerce autorise à démarcher la clientèle d’autrui dès lors que ce démarchage ne s’accompagne pas d’un acte déloyal, ont retenu que dans les circonstances de cette espèce, si la société EMS avait été créée au vu et au su de la société GEAT, il ne peut être considéré que l’ensemble des actionnaires de cette dernière ont été informés de cette création, de ses finalités et de ses conséquences possibles au titre de son activité ; que la société EMS a tant au titre des annonces de recrutement que du site internet de la société GEAT, volontairement entretenu une confusion entre elles alors même qu’aucun lien capitalistique n’est établi ; que le fait de s’approvisionner auprès de la société GEAT n’autorise pas la société EMS à se prévaloir dans son activité commerciale, de l’expertise de cette société, d’autant que le fait que son siège social soit installé à la même adresse, ne peut qu’accroître le risque de confusion ; que l’entretien d’une telle confusion entre une société créée en 1993 ayant une activité commerciale et une notoriété sur le marché, reconnue par les fondateurs de la société EMS eux-mêmes, et une société créée en 2008 sans antécédents, ni expérience, ne peut avoir pour finalité que de valoriser la seconde au détriment de la première ; que cette pratique constitutive d’un parasitisme fautif a provoqué un détournement substantiel d’activité au profit de la société EMS, au préjudice de la société GEAT qui cependant, n’est pas partie à l’instance ; que M. [Y] [P] et la société Régimedia doivent donc être déboutés de leurs demandes la concernant, faute de pouvoir justifier, de quel que mandat que ce soit de cette société pour agir en son nom.

M. [I] [Z], Mme [V] [U] ainsi que la société EMS ont déclaré appel de cette décision.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 12 avril 2016 et l’affaire, renvoyée à l’audience de plaidoiries tenue en formation de juge rapporteur du 20 septembre 2016.

A cette date, les débats ont été ouverts et l’affaire, mise en délibéré à ce jour.

2. dispositifs des conclusions des parties

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

La société EMS, M. [I] [Z] ainsi que Mme [V] [U] demandent à la Cour de :

– déclarer recevable et bien fondé la SARL Laboratoires Easy Medical Solutions (EMS), Monsieur [I] [Z] et Madame [V] [U] en leur appel.

– infirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 26 mai 2015.

– débouter la SA Régimédia, Monsieur [Y] [P] et la Selarl FHB en la personne de Maître [E] de l’ensemble de leurs demandes.

– condamner solidairement Monsieur [P] et la société Regimedia au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction à Maître Levesque sur le fondement de l’article 699 du CPC [code de procédure civile].

La société Regimedia, M. [Y] [P] et la Selarl FHB ès qualités, prient la Cour de :

– vu l’article L.225-251 du code de commerce.

– vu les articles 1382 et 1845 du code civil.

– vu les pièces versées aux débats.

– prononcer la mise hors de cause de la Selarl FHB prise en la personne de Maître [N] [E], dont la mission en qualité de commissaire au plan de la SA Regimedia a pris fin le 17 décembre 2014.

– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a établi que les agissements de Monsieur [I] [Z], Madame [V] [U] et la SARL Easy Medical Solutions sont constitutifs d’un acte de parasitisme et constituent une faute au titre de l’article 1382 du code civil.

– condamner solidairement la SARL Easy Medical Solutions, Madame [V] [U] et Monsieur [I] [Z] à payer à Monsieur [Y] [P] une indemnité égale aux bénéfices dégagés par la SARL EMS depuis sa création jusqu’au 30 septembre 2011 proratés en fonction de la participation de Monsieur [Y] [P] au capital de la SA GEAT, soit une indemnité de 72 700 euros.

– condamner solidairement la SARL Easy Medical Solutions, Madame [V] [U] et Monsieur [I] [Z] à payer à la SA Regimedia une indemnité égale aux bénéfices dégagés par la SARL EMS depuis sa création jusqu’au 30 septembre 2011 proratés en fonction de la participation de la SA Regimedia au capital de la SA GEAT, soit une indemnité de 290 801 euros.

– condamner solidairement la SARL EMS, Madame [V] [U] et Monsieur [I] [Z] au paiement de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Bricard de la Forest Divonne, selon les dispositions de l’article 699 du CPC.

La Cour renvoie à la synthèse argumentative de chacune de ses écritures pour un exposé complet des prétentions de chaque partie dont l’essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

La Cour statue, sur le seul bien-fondé d’actions indemnitaires engagées par les actionnaires minoritaires de la société GEAT contre le distributeur de cette dernière, la société EMS, ainsi que contre les gérant et associée de ce distributeur, par ailleurs actionnaires majoritaires de la première, à qui sont reprochés l’adoption de comportements parasitaires fautifs.

Aucun appel incident n’a été formé du chef de l’action sociale ut singuli, engagée par ces mêmes associés devant les premiers juges.

Sur la mise hors de cause de la Selarl FHB ès qualités

Il ressort du dossier, que la mission de commissaire à l’exécution du plan confiée à la Selarl FHB agissant sous le ministère de Maître [N] [E], a pris fin suivant jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 17 décembre 2014 dès lors, que ce dernier a constaté la clôture du plan de continuation de la société Regimedia.

Sa mise hors de cause sera donc ordonnée.

Sur la matérialité des agissements parasitaires fautifs

Les appelants soutiennent : – que la société EMS s’est constituée, non seulement au vu et au su de la société GEAT mais encore, avec son aval ainsi qu’en attestent les échanges de courriels qu’ils versent aux débats ; – que la société GEAT intervient dans le secteur de la spirométrie en qualité de distributeur de spiromètres fabriqués par la société MIR, la société EMS en étant le revendeur final ; – qu’appliquant aux produits vendus à la société EMS un coefficient de 2,85, identique à celui appliqué sur les reventes de matériels faites à la société LCC, elle a ainsi pu bénéficier du développement de l’activité de ce revendeur final ; – que ses actionnaires ne pouvaient ignorer l’activité de la société EMS, les comptes sociaux comprenant le chiffre d’affaires résultant de la vente par la société GEAT des appareils Easy Spiro, ayant été approuvés d’exercice en exercice ; – que ces actionnaires avaient ainsi, dans le cadre de leur droit d’information, accès aux documents sociaux afférents ; – que l’existence de relations contractuelles entre la société EMS et la société GEAT est au demeurant, formalisée dans le rapport du commissaire aux comptes portant sur les conventions réglementées et mentionnant les contrats passés entre les deux sociétés ainsi que leur approbation par la collectivité des actionnaires de la société GEAT ; – que la réputation et la notoriété de cette société n’ont cessé de se dégrader aux yeux des médecins généralistes, à telle enseigne qu’une plainte avec constitution de partie civile a été déposée courant 2008, pour des agissements d’exercice illégal de la médecine ; – qu’en écho à cette plainte pénale, le chiffre d’affaires de la société GEAT dans le domaine de la télémédecine a baissé ; – que les ventes réalisées par la société LCC en ont été affectées et ont provoqué, une baisse des facturations émises par la société GEAT sur ces ventes ; – que la société GEAT ne disposant plus à l’évidence, d’une notoriété suffisamment favorable pour prospecter ce nouveau marché de la spirométrie directement auprès des médecins généralistes, il a pour cette raison, été décidé que cette société participerait à la commercialisation des appareils de spirométrie, en qualité d’intermédiaire entre le fabricant du produit et son revendeur final, la société EMS ; – qu’aucun acte de détournement de clientèle de la société LCC n’apparaît pouvoir être établi, dès lors que la société EMS revendique dans le cadre d’annonces de recrutement, un rôle de distributeur des produits de la société GEAT en s’adressant à une clientèle potentielle et non pas, à de potentielles recrues ; – qu’au demeurant, la société EMS ne fait que décrire sur sa page internet, les mérites des produits dont elle assure la distribution.

La société Regimedia et M. [Y] [P] répondent : – que leurs adversaires ne sauraient sérieusement soutenir que les sociétés GEAT et EMS ont des activités de nature différente ; – que celle-là, a été précurseur d’un modèle économique portant sur la vente à des médecins, d’appareils de télémesure dans le cadre d’un contrat de crédit-bail financé par la société Locam et partant, à l’origine du développement de relations suivies avec les médecins après avoir investi, dans la création et la consolidation de cette clientèle ; – que la principale activité de la société GEAT est bien une activité d’achat-revente de matériel ainsi que le démontrent les bilans fournis, activité que cette société finance et maîtrise en totalité, soit directement, soit par l’intermédiaire de sa filiale ; – que les appelants reconnaissent au demeurant clairement, par une définition et une description dénuées de cohérence que la société EMS a dès sa création, détourné à son seul profit, la crédibilité et la trésorerie de la société GEAT à fin, d’acquérir et de financer des matériels qu’elle distribue ; – qu’ayant revendu la société LCC à la société GEAT, Mme [V] [U] et M. [I] [Z] n’ont fait que copier à l’identique, le fonctionnement de ces deux sociétés pour effectuer à leur seul profit, les opérations confiées à la société EMS ; – qu’ils ont ainsi créé la société de droit belge LCC Benelux qui dans sa communication, revendique son appartenance au groupe GEAT alors qu’aucun lien n’existe avec cette société ; – qu’il est établi, notamment par un constat d’huissier du 17 novembre 2015, que l’usage soutenu de la marque GEAT s’est, nonobstant une image prétendument négative, poursuivi et même accentué jusqu’à une période récente ; – que la participation de la société Regimédia dans la société GEAT est importante et stratégique à telle enseigne que cette participation a constitué un des éléments essentiels du plan de continuation accordé le 17 juillet 1997 à cette société, peu avant la création de la société EMS ; – que la valeur de la marque GEAT ne saurait être contestée, ainsi que l’établit, l’intervention faite par le commissaire à l’exécution du plan devant les premiers juges.

Ils ajoutent : – que la société LCC, détenue en totalité par la société GEAT, bénéficiait d’un réel savoir-faire commercial et d’un fichier de prospects et avait ainsi, naturellement vocation à distribuer les produits et services de cette société et partant, les produits de spirométrie acquis auprès des fournisseurs ; – que rien ne justifiait donc de confier à la société EMS la distribution de ces produits sinon, le désir manifeste de transférer à ses seuls associés, également associés majoritaires de la société GEAT, la marge réalisée sur leurs ventes ; – qu’en agissant ainsi, la société EMS et ses associés ont détourné à leur seul profit, une part des actifs de la société GEAT ; – qu’ils ont, également utilisé à leur seul bénéfice, le crédit commercial et financier de la société GEAT à fins de négocier et de financer l’achat de produits de spirométrie et se sont enfin, appropriés une marge commerciale qui aurait du revenir à la société GEAT ; – que les parties adverses, tentent de se soustraire à leur responsabilité, en affirmant faussement, ainsi que le démontre une lecture attentive des mails produits aux débats, que la création de la société EMS serait intervenue avec l’aval de la société GEAT ; – qu’associés minoritaires, ils n’ont jamais été informés de la création de la société EMS par M. [I] [Z] et Mme [V] [U] ; – qu’il est par surcroît parfaitement faux, au vu des énonciations des procès-verbaux d’assemblées générales, d’affirmer qu’ils approuvaient et continuent d’approuver « des comptes sociaux faisant apparaître un chiffre d’affaires résultant de la vente par la SA GEAT, des appareils easy spiro à la société EMS » ; – que les associés de la société EMS entretiennent ouvertement une confusion sur les liens supposés et les rôles respectifs de la société GEAT et des sociétés Easy Medical Solutions et LCC Benelux ; – que la communication de ces sociétés, est ainsi regroupée sur un site internet unique, dont la page d’accueil ne fait référence qu’à la marque GEAT alors que les sociétés Easy Medical Solutions et LCC Benelux y revendiquent clairement pour leurs recrutements, des liens avec la société GEAT ne correspondant à aucune réalité juridique ; – que la société EMS et ses dirigeants, n’ont pas hésité pour leurs recrutements, à se référer à la société GEAT et à son agrément ANVAR ; – que par ailleurs le site internet de la société GEAT intègre clairement sur sa page d’accueil, les activités de la spirométrie ; – qu’un simple clic sur l’onglet « spirométrie » de cette page, renvoie sur une page dont le titre est, de manière surprenante « Easy Médical Solution » ; – que cette présentation a pour but manifeste, de faire faussement croire aux visiteurs du site, que la société EMS appartiendrait au groupe GEAT qui n’existe pas et ainsi, de faire illégalement bénéficier la société EMS du crédit et de la clientèle de la société GEAT.

Ils soulignent : – qu’il est acquis, que la société GEAT a développé un système de vente novateur sur les produits de nature strictement similaire à ceux que vend la société EMS ; – que la vente de spiromètres a dès 2007 été étudiée par la société GEAT et plus particulièrement, par M. [I] [Z] qui finalement, a développé cette activité dans la société EMS dont il est gérant ; – que des contacts avancés étaient pris en janvier 2008, entre la SA GEAT (marque Cardiatel) et le fabricant MIR, alors que la société EMS n’a été créée qu’en août 2008 ; – que ce libellé explicite est particulièrement révélateur de la volonté de cette dernière société, de s’approprier frauduleusement la notoriété et la clientèle développées par la société GEAT ; – que c’est, pour bénéficier du crédit de cette dernière, que la société EMS a été contrainte de lui confier l’achat des matériels qu’elle distribue ; – que la société EMS dénuée de toute antériorité financière, n’aurait en effet jamais eu le crédit nécessaire à l’achat des matériels nécessaires à son activité, ni les moyens financiers indispensables à leur paiement ; – que rien ne justifie la création de la société EMS qui a le même dirigeant que la société GEAT, exerce la même activité et vend un produit que la société GEAT avait prévu de distribuer ; – que la création de la société EMS a en réalité eu pour seul but, de détourner au profit de ses associés, également associés de la société GEAT, une part importante de la marge qui aurait du être dégagée par cette dernière société, au détriment de celle-ci et de ses associés minoritaires.

Vu les articles L. 225-251 du code de commerce et 1843-5 du code civil ainsi que, dans leur rédaction applicable aux circonstances de la cause et donc antérieure au 1er octobre 2016, les articles 1382 et 1383 du même code dont il ressort d’une part, que les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société, des fautes commises dans leur gestion précision étant faite que si, plusieurs administrateurs et le directeur général ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage et d’autre part, que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Le parasitisme économique se définit comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.

En l’espèce, les appelants dénient à raison tout parasitisme fautif susceptible de leur être imputé dès lors que la création en août 2008 de la société EMS chargée de revendre des spiromètres fournis par la société GEAT, est intervenue à une période où la notoriété de cette dernière société était à l’évidence particulièrement dégradée dans l’esprit du monde médical constituant sa clientèle naturelle, à telle enseigne que l’Ordre national des médecins et les syndicats professionnels alertaient par bulletins leurs membres, sur les difficultés rencontrées dans l’exécution des contrats souscrits auprès d’elle pour la prestation de lecture d’électrocardiogramme mais également, sur les risques médico-légal présentés par cette forme de « cardiologie low cost » ne pouvant équivaloir, aussi sérieuse soit-elle, à la prise en charge du patient par un cardiologue.

La réalité de ces circonstances est amplement établie par les documents que les appelants versent aux débats et qu’ils citent de manière aussi précise qu’exhaustive en p. 8 de leurs écritures.

Ces documents comprennent notamment, une lettre du 12 décembre 2007 établie par le conseil départemental des Pyrénées Orientales de l’Ordre des médecins adressée à des praticiens à fin de les inciter, à une extrême prudence envers les prestations offertes par la société Cardiatel, enseigne commerciale de la société GEAT, dès lors que les prestations de lecture offertes par celle-ci pourraient ne pas être assurées par des spécialistes en cardiologie comme indiqué ‘ voir pièce 9 ; une lettre de l’Ordre National des Médecins adressée à des médecins exerçant à la Rochelle et datée du 1er avril 2015, précisant « Le Conseil National avait, depuis 2008, sensibilisé le corps médical sur les pratiques de la société GEAT SA, mieux connue sous le nom commercial CARDIATEL (sic) » – voir pièce 14 et encore, une lette datée du 10 octobre 2007, faisant au demeurant état de la plainte déposée par le Conseil National de l’Ordre des Médecins contre cette société pour exercice illégal de la médecine et précise : « En l’état actuel, le service juridique du Conseil National déconseille aux professionnels de santé de signer tout contrat de prestations de service avec cette société » – voir pièce 10.

Ces preuves écrites attestent de manière significative d’une forte dégradation de l’image de la société GEAT au sein du monde médical lors de la création de la société EMS et des premières années d’exercice de celle-ci.

La lecture du constat d’huissier du 17 novembre 2015 dont se prévalent les intimés, ne saurait contredire sérieusement cette analyse dès lors que ce document ne tend qu’à, et ne fait que, constater de manière statique l’architecture des pages du site internet de la société GEAT.

Les appelants n’ont pas davantage, ainsi que le soutiennent les intimés par une interprétation grammaticale inexacte et incomplète des écritures de leurs adversaires, fait l’aveu d’un comportement parasitaire.

Ils n’y admettent en effet nullement de manière claire, que « la société EMS a dès sa création, détourné à son seul profit, la crédibilité et la trésorerie de la société GEAT à fin, d’acquérir et de financer des matériels qu’elle distribue ». En soulignant en p. 2 de leurs écritures que « la SA GEAT n’a donc jamais ni conçu, ni commercialisé de matériel médical directement auprès des clients finaux » [souligné par la Cour], les appelants faisaient d’évidence référence aux appareils d’électrocardiogramme et non pas aux spiromètres revendus par la société EMS et ne pouvaient donc en rien, se contredire en p.7 des mêmes écritures, en affirmant que la société GEAT intervenait dans la commercialisation des spiromètres en qualité de fournisseur de son distributeur, la société EMS, et non pas de fournisseur des clients finaux.

Le fait que les sociétés GEAT et EMS n’aient pas la même position dans le circuit économique n’exclut certes pas d’emblée, qu’une concurrence fautive ne puisse être établie entre elles. En l’absence cependant, eu égard aux circonstances de la présente espèce développées ci-avant et tout particulièrement à la dégradation de la notoriété du producteur dûment constatée, d’un comportement fautif imputable au distributeur, aucun lien de causalité n’apparaît pouvoir être caractérisé de manière certaine entre d’une part, la création de la société EMS et les résultats obtenus par cette société dès sa première année d’exercice et d’autre part, le trouble commercial de la société GEAT sur lequel les intimés fondent leur prétention d’utilisation anormale d’un savoir-faire innovant mis en place par eux et partant, de tout ou partie de leur succès commercial.

Aucun élément du dossier ne permet enfin d’affirmer, que les années suivantes, l’image de la société GEAT a pu s’être trouvée restaurée, à la mesure de la dégradation constatée.

Sur ces constatations et pour l’ensemble de ces raisons, le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

Vu les articles 696 et 699 du code de procédure civile ;

La société Regimedia et M. [Y] [P], parties perdantes au sens de ces dispositions, seront condamnés in solidum aux entiers dépens de première instance et d’appel avec, pour ceux d’appel, faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Karine Levesque, avocat au barreau de Versailles.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.

MET hors de cause la Selarl FHB prise en la personne de Maître [N] [E] désignée commissaire à l’exécution du plan de la société anonyme Regimedia.

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

STATUANT DE NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DEBOUTE la société anonyme Régimédia et M. [Y] [P], de l’ensemble de leur demandes.

CONDAMNE in solidum la société anonyme Régimédia et M. [Y] [P] aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec pour ceux d’appel, faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Karine Levesque, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu l’article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum la société anonyme Régimédia ainsi que M. [Y] [P] à verser à M. [I] [Z], Mme [V] [U] ainsi qu’à la société à responsabilité limitée Laboratoire Easy Medical Solutions – EMS, une indemnité de trois mille euros (3 000 euros.) à titre de frais irrépétibles.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier f.f., Le président,

 


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