Location de matériel : 26 avril 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/03814

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Location de matériel : 26 avril 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/03814
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26 avril 2022
Cour d’appel de Rennes
RG n°
19/03814

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°239

N° RG 19/03814 – N° Portalis DBVL-V-B7D-P22A

M. [N] [Z]

C/

SASU EUROMOTORS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me DEMIDOFF

Me RENAUDIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 AVRIL 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Mars 2022 devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Avril 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [N] [Z] exerçant les activités de taxi, ambulance, vente et location de matériel médical , pompes funèbres

né le 29 Août 1964 à [Localité 6] (22)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Henri GRAIC de la SELARL GRAIC – QUINTARD-PLAYE – JUILLAN, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

Représenté par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

SASU EURO MOTORS, immatriculée au RCS de Colmar sous le N° 808 304 778, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Selon commande en ligne en date du 10 août 2017, Monsieur [Z] a acheté auprès de la Société EUROMOTORS, spécialiste des moteurs d’occasion,un moteur présentant les caractéristiques suivantes :

– Marque : HYUNDAI,

– Type : D4FD,

– Culasse et bloc moteur nus,

– Pièces fournies avec : pompes, injecteur, turbo,

– Kilométrage du véhicule d’origine (accident arrière) : 35 000 km.

Cet achat ayant pour objet de permettre la réparation d’un véhicule en panne, à usage d’ambulance-taxi, déposé au Garage DB Auto, route de [Localité 3] à [Localité 4]. Celui-ci a procédé au montage du moteur sur le véhicule de Monsieur [Z], mais a rencontré plusieurs problèmes dont il a fait part à la Société EUROMOTORS par un mail du 21 Septembre 2017 à 10h59:

– Problème de capteur PMI-I,

– Fuite d’huile sur le cache culbuteurs et problème de joints,

– Chaîne de distribution trop tendue,

– Dilution de gas-oil dans l’huile très importante.

La Société EUROMOTORS lui a répondu le même jour à 12h14 dans un mail qui était en réalité destiné à Monsieur [Z] en l’invitant à voir si les désordres étaient réparables par son garagiste et en proposant une remise commerciale. Le garage DB AUTO a adressé un devis à 14h35.

Le 22 septembre 2017 à 17h 09, la Société EUROMOTORS a répondu au garagiste en indiquant : «Le montant pour la réparation étant trop cher, nous allons procéder à l’échange du moteur, en voici la procédure… ”. Le moteur a donc été récupéré par la Société EUROMOTORS.

Le 4 octobre, la Société EUROMOTORS a adressé un mail à Monsieur [Z] lui indiquant : «Notre chef d’ateIier nous informe que le moteur est fonctionnel à l’exception d’un injecteur et que les autres injecteurs étaient mal vissés. Nous allons donc réparer le moteur et vous le renvoyer ”.

Le 5 octobre, le Garage DB AUTO a informé la Société EUROMOTORS qu’i1 ne remonterait pas le même moteur, car il l’avait fait examiner par quatre mécaniciens spécialisés dont un chef d’atelier de chez HYUNDAI et qu’il ne serait pas bon. Le même jour, Monsieur [Z] a attiré l’attention de la Sociéte EUROMOTORS sur les conséquences de la situation, si celle-ci persistait à vouloir livrer un moteur que DB AUTO ne remonterait pas. A 11h20, la Société EUROMOTORS a indiqué qu’elle n’échangerait pas le moteur.

Divers échanges techniques ont lieu entre DB AUTO et EUROMOTORS les 5 et 6 octobre. Le moteur a ensuité été renvoyé à [Localité 4] et remonté par DB AUTO le 24 octobre.

Les problèmes n’ont pas été résolus :

– Dilution de gasoil dans l’huile,

– Fuite d’huile cache-culbuteur cylindre 1 et 2 toujours pas de joints,

– Défaut de synchronisation entre vilebrequin et arbre à cames.

Un échange d’informations a eu lieu entre DB AUTO et EUROMOTORS, sans pour autant qu’une solution soit trouvée permettant à Monsieur [Z] de disposer d’un véhicule en état de marche.

Monsieur [Z] a saisi le Tribunal de Commerce d’une demande d’expertise judiciaire qui a été ordonnée par décision du 5 février 2018, avec désignation de M. [D], qui a conclu à l’existence d’un vice caché du moteur.

Par acte du 19 novembre 2018, M. [Z] a assigné la société EURO MOTORS aux fins de la voir condamner à lui payer les frais de réparation du moteur et des dommages et intérêts réparant le préjudice consécutif à l’immobilisation de son VSL.

Par jugement réputé contradictoire du 15 avril 2019, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a:

– dit que le moteur d’occasion de marque HYUNDAI, type D4FD vendu par la Société EUROMOTORS à Monsieur [N] [Z] est affecté d’un vice caché,

– décerné acte à Monsieur [N] [Z] de ce qu’il choisit de conserver le moteur vendu,

– dit que le moteur défectueux acheté par Monsieur [N] [Z] a bien fait l’objet d’une garantie contractuelle par la Société EUROMOTORS,

– constaté que la Société EUROMOTORS a payé à Monsieur [N] [Z] le 12 Septembre 2018 la somme de 1.883,29 euros,

– dit que le préjudice de Monsieur [Z], s’il existe, ne peut être valorisé correctement par l’estimation qu’il a déclarée,

– dit que Monsieur [N] [Z], en signant le 16 août 2017, les Conditions Générales de Vente de la Société EUROMOTORS a accepté formellement le fait que la garantie proposée par la Société EUROMOTORS excluait toute indemnisation de préjudice éventuel,

– débouté Monsieur [Z] de sa demande de voir condamner la Société EUROMOTORS à lui payer à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice économique résultant de l’immobilisation de son véhicule, la somme mensuelle de 2.979 euros à compter du 21 Septembre 2017 jusqu’au 12 Septembre 2018, soit 33.960,60 €,

– condamné Monsieur [N] [Z] aux entiers dépens,

– débouté M. [Z] de sa demande au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– rejeté le surplus des demandes.

Appelant de ce jugement, M. [Z], par conclusions du 26 janvier 2021, a demandé que la Cour:

– confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé que le moteur d’occasion HYUNDAI, type D4FD vendu par la société EUROMOTORS à Monsieur [N] [Z] est affecté d’un vice caché et constaté que la société EUROMOTORS a payé à Monsieur [Z] la somme de 1.883,29 € au titre de la remise en état du moteur.

Reformant pour le surplus.

1. Dise la société EUROMOTORS tenue de réparer le préjudice économique et financier subi par Monsieur [Z] du fait de l’immobilisation du véhicule en cause du 21 septembre 2017 au 12 septembre 2018.

2. En conséquence, la condamne à titre principal à payer à Monsieur [N] [Z] à cet effet la somme de 41.153 € outre les intérêts aux taux légal à compter de la signification.

3. A titre subsidiaire, dise la société EUROMOTORS responsable à l’égard de Monsieur [Z] d’une perte de chance réparable et la condamner à payer à ce dernier à titre de dommage-intérêts la somme qu’elle jugera conforme à l’indemnisation de ce préjudice.

4. Condamne la société EUROMOTORS à payer à Monsieur [Z] une somme de 4.500 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

5. La condamne aux entiers dépens.

Par conclusions du 12 novembre 2019, la SASU EUROMOTORS a demandé que la Cour:

– déboute M. [Z] de ses demandes,

– confirme le jugement déféré,

– condamne M. [Z] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamne aux dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION:

A titre liminaire, la Cour relève que ne font l’objet d’aucune critique les dispositions par lesquelles le jugement déféré a:

– dit que le moteur d’occasion de marque HYUNDAI, type D4FD vendu par la Société EUROMOTORS à Monsieur [N] [Z] est affecté d’un vice caché,

– décerné acte à Monsieur [N] [Z] de ce qu’il choisit de conserver le moteur vendu,

– dit que le moteur défectueux acheté par Monsieur [N] [Z] a bien fait l’objet d’une garantie contractuelle par la Société EUROMOTORS,

– constaté que la Société EUROMOTORS a payé à Monsieur [N] [Z] le 12 Septembre 2018 la somme de 1.883,29 euros,

Devant la Cour, le litige porte sur les préjudices annexes de M. [Z], consécutifs à l’immobilisation de son véhicule durant une année.

M. [Z] exploite en nom personnel une activité d’ambulances, taxis, pompes funèbres à [Localité 4].

Le moteur acquis auprès de la société EURO MOTORS devait être installé sur un VSL de marque HUNDAY, au kilométrage d’environ 400.000 kilomètres.

Lorsqu’il a commandé son moteur sur le site de la société EUROMOTORS, il a signé les conditions générales de vente en ligne EUROMOTORS pour ‘professionnels’ (le site comprenant aussi des conditions générales de vente spécifiques aux particuliers et contenant des clauses différentes).

Les conditions générales de vente en ligne EUROMOTORS pour professionnels contiennent différentes mises en garde relatives aux aléas des moteurs d’occasion, indiquent qu’ils sont garantis six mois sous réserve d’une procédure de montage par un professionnel (respectée dans le cas d’espèce) et précisent que ‘s’agissant de pièce d’occasion, aucun frais de gardiennage ou d’indemnisation de préjudice ne peut être réclamé à EUROMOTORS’.

Le moteur vendu était atteint d’un vice caché affectant la pompe d’injection, conduisant à la présence de carburant dans le carter d’huile.

Le vice n’était décelable qu’après montage du moteur sur le véhicule et mise en route. Il a été décelé par le garage DB AUTO, chargé de ce montage, immédiatement après le montage, avant même la remise du véhicule à M. [Z], mais nécessairement après la vente.

M. [Z], qui exerce donc la profession de taxi, ambulancier, transporteur de pompes funèbres, n’exerce pas une activité professionnelle similaire à celle de garagiste.

Au surplus, le vice affectant la pompe, quoique présent antérieurement à la vente, ne pouvait être décelé en examinant le moteur avant l’achat.

Dès lors, la clause limitant la garantie de la société EUROMOTORS est inopposable à M. [Z].

D’autre part, la longueur de l’immobilisation du véhicule, du 21 septembre 2017 au 12 septembre 2018 (un peu moins de onze mois) est imputable à la seule société EUROMOTORS, qui a refusé de procéder à un échange du moteur et d’indemniser M. [Z] avant que ce dernier n’obtienne la désignation d’un expert judiciaire et que celui-ci dépose son rapport.

M. [Z] a produit un document établi par son expert-comptable dont il résulte:

– que M. [Z] exploite deux VSL et qu’en considérant sur la période considérée le chiffre d’affaire de l’autre véhicule, la perte de chiffre d’affaires pour le véhicule manquant serait de 4.690 euros HT par mois,

– qu’il doit en être déduit 925 euros de charges non exposés (essence, assurance, frais d’entretien), ainsi que 941 euros mensuels d’économie de cotisation RSI due à la perte de chiffre d’affaires

– que l’intégralité des effectifs et notamment deux d’entre eux ayant la qualification VSL a été maintenue sur la période,

– qu’ainsi le préjudice serait de:

– perte mensuelle de résultat (perte de chiffre d’affaire dont à déduire charges non exposées et économies RSI): 2.824 x (10 mois et 2/3 mois) = 32.928 euros,

– coût du personnel sous employé: 8.225 euros.

Pour autant, cette analyse n’est qu’une déduction à partir du chiffre d’affaire réalisé sur un autre véhicule.

Elle n’est pas appuyée sur les états comptables de M. [Z], et il ne peut donc être vérifié s’il a réellement subi une perte de chiffre d’affaire et n’aurait pas mis en oeuvre une solution de remplacement (achat d’un nouveau véhicule, location d’un véhicule) alors même qu’il soutient n’avoir procédé à aucune réduction d’effectif sur la période.

A cet égard, l’importance du nombre de salariés, soit sept, permet difficilement d’envisager qu’un seul véhicule ait circulé sur la période.

Cette carence était déjà relevée par le premier juge et n’a donné lieu à aucun complément de justificatif du préjudice allégué devant la Cour.

Dès lors, le jugement déféré ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande d’indemnisation du préjudice économique consécutif à l’immobilisation du véhicule.

M. [Z], qui succombe dans son recours, supportera la charge des dépens d’appel.

Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a dit que Monsieur [N] [Z], en signant le 16 août 2017, les Conditions Générales de Vente de la Société EUROMOTORS a accepté formellement le fait que la garantie proposée par la Société EUROMOTORS excluait toute indemnisation de préjudice éventuel.

Statuant à nouveau:

Dit que la clause limitative de garantie incluse dans le contrat est inopposable à M. [Z].

Confirme pour le solde le jugement déféré.

Condamne M. [Z] aux dépens d’appel.

Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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