Location de matériel : 24 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/01198

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Location de matériel : 24 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/01198
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24 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/01198

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 6

ARRET DU 24 JUIN 2022

(n° /2022, 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01198 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJT3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 18/23133

APPELANTE

SASU EIFFAGE CONSTRUCTION MATERIEL Agissant poursuites et diligences en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Julien VERNET, avocat au barreau de PARIS.

INTIMEE

SA ALFACOUSTIC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Myriam BROUILLARD DE VRESSE, avocat au barreau de l’Aude.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président

Mme Valérie GEORGET, Conseillère

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Alexandra PELIER-TETREAU dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour,délibéré initialement prévu au 17 Juin 2022 et prorogé au 24 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Valérie GUILLAUDIER, Conseillère et par Suzanne HAKOUN, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La société Eiffage Construction Matériel, qui a pour activité la location de matériel pour la construction exploitée dans des locaux à [Localité 4] (77), a confié à la société Saretec, filiale de la société Alfacoustic, spécialiste d’acoustique industrielle, la réalisation de travaux de traitement acoustique dans ses locaux en 2009.

En 2016, ces locaux ont subi divers dégâts en raison de la grêle, détériorant les équipements acoustiques précédemment installés.

La société Eiffage Construction Matériel a demandé à la société Alfacoustic, qui s’est déplacée le 13 janvier 2016 sur les lieux, un devis pour la remise en état de ses installations.

Le 25 février 2016, la société Alfacoustic a transmis à la société Eiffage Construction Matériel un devis d’un montant total de 24 130 euros HT. S’agissant de l’atelier coffrage, le montant du devis était de 10 310 euros HT.

Le 15 mars 2016, la société Eiffage Construction Matériel a validé le devis de réfection et a émis le bon de commande correspondant à cette prestation.

La société Alfacoustic a accusé réception de cette commande le 18 mars 2016.

Les travaux devaient commencer le 18 avril 2016.

Après une nouvelle visite sur place le 6 avril 2016, la société Alfacoustic a indiqué qu’elle avait sous-estimé l’ampleur des travaux qu’elle devait réaliser. Le même jour, elle a envoyé un nouveau devis à la société Eiffage Construction Matériel prévoyant un surcoût pour le renouvellement de la moitié des baffles et de toute la structure dans l’atelier coffrage, soit 9 530 euros HT supplémentaires.

Ce devis a été refusé par la société Eiffage Construction Matériel.

La société Alfacoustic a pris acte de ce refus et a proposé deux options alternatives à la société Eiffage Construction Matériel :

– la réalisation de la ‘fourniture de 80 baffles + 80 baffles récupérés’ et de les installer ‘soit sur 4 boxes ou bien sur les 8 boxes avec une densité moindre’ ; ou

– la facturation de la somme de 18 330 euros HT correspondant aux approvisionnements effectués, aux heures de bureau d’étude, aux déplacements et à la marge commerciale.

La société Eiffage Construction Matériel a refusé ces deux propositions alternatives.

Par acte du 11 avril 2018, la société Alfacoustic a fait assigner la société Eiffage Construction Matériel devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 21 996 euros TTC au titre de la facture du 19 septembre 2016, majorée des intérêts de retard au taux légal, et ce, à compter de la mise en demeure du 30 juin 2017.

Par jugement du 18 octobre 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

– débouté la SAS Eiffage Construction Matériel de sa demande, comme mal fondée et inopérante, de résiliation du ‘contrat’ au motif d’une modification du prix invoquée par la SA Alfacoustic,

– condamné la SAS Eiffage Construction Matériel à payer à la SA Alfacoustic la somme de 21 966 euros TTC majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2017,

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

– condamné la SAS Eiffage Construction Matériel à payer à la SA Alfacoustic la somme de 1500 euros au titre de l’articIe 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– condamné la SAS Eiffage Construction Matériel aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 € dont 12,85 € de TVA.

Par déclaration du 8 janvier 2020, la société Eiffage Construction Matériel a interjeté appel du jugement, intimant la société Alfacoustic devant la cour d’appel de Paris.

Par conclusions du 30 mars 2022, la société Eiffage Construction Matériel, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1109 ancien et suivants et 1134 ancien du code civil, de :

– infirmer le jugement du 18 octobre 2019 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau, et à titre principal,

– dire et juger qu’il n’existe aucun contrat entre elle et la société Alfacoustic faute d’accord de volonté sur le périmètre et le coût de l’intervention de la société Alfacoustic ;

A titre subsidiaire,

– dire et juger que son consentement a été vicié à raison de l’erreur provoquée par la société Alfacoustic ;

A titre infiniment subsidiaire,

– dire et juger que la société Alfacoustic ayant manqué à son devoir de conseil sur l’étendue de sa prestation, le contrat a été résolu à ses torts ;

En tout état de cause sur le préjudice invoqué par la société Alfacoustic,

– dire et juger que la société Alfacoustic ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice se contentant de solliciter le paiement d’une facture sans lien avec les engagements contractuels ;

En conséquence,

– débouter Alfacoustic de l’ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause,

– condamner la société Alfacoustic à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Alfacoustic aux entiers dépens.

Par conclusions du 30 mars 2022, la société Alfacoustic, intimée, demande à la cour, au visa des anciens articles 1134, 1135 et 1152 du code civil, des articles 1231-1 et 1231-2 du code civil, et des articles 42, 48, 515, 696 et 700 du code de procédure civile, de :

– la juger recevable et bien fondée en ses demandes ;

En conséquence,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce du 18 octobre 2019 ;

– débouter l’appelante de ses demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant :

– condamner la société Eiffage Construction Matériel à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Eiffage Construction Matériel aux entiers dépens.

***

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 31 mars 2022.

MOTIFS

La société Eiffage Construction Matériel soutient, à titre principal, qu’aucun contrat n’a été régularisé entre elle et la société Alfacoustic en ce que le périmètre de la prestation à réaliser n’a pas convenablement été déterminé et qu’une incertitude demeure eu égard à son prix, et à titre subsidiaire, que le contrat régularisé est entaché d’un vice de consentement du fait de l’erreur de la société Alfacoustic sur l’évaluation du nombre de baffles. A titre infiniment subsidiaire, elle expose que la société Alfacoustic a failli à son obligation de conseil et, enfin, que sa condamnation au paiement de la somme de 21 996 euros est injustifiée.

En réplique, la société Alfacoustic indique qu’elle a établi un devis, qui a été accepté et signé par la société Eiffage Construction Matériel, de même que le bon de commande du matériel pour un montant de 24 130 euros HT. Elle précise que le second devis qu’elle a émis n’a pas pour objet la même prestation, dès lors que seul le nombre de baffles a été ajusté à la hausse puisque l’accès à l’intégralité des bâtiments avait été impossible. Elle conclut que ce devis a été proposé en complément du premier et non en substitution. Elle ajoute que le consentement de la société Eiffage Construction Matériel n’a pas été vicié puisque le devis a été établi sur la base des seuls ouvrages auxquels elle avait accès et, enfin, qu’elle n’avait pas d’obligation de conseil envers son acheteur qui était également un professionnel.

***

Sur l’existence d’un contrat entre les parties

Il résulte de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Enfin, elles doivent être exécutées de bonne foi.

L’ancien article 1135 du code civil dispose en outre que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature.

En l’espèce, la société Alfacoustic a établi un devis le 25 février 2016, qui a été accepté par la société Eiffage Construction Matériel et a donné lieu à l’émission d’un bon de commande du 15 mars 2016 validé sans réserve.

Ce devis mentionnait expressément que, pour l’atelier de coffrage, la société Alfacoustic assurerait le remplacement de la moitié des baffles, soit 85 baffles et des tés afférents à la structure, pour un montant de 24 130 euros HT.

Le devis ne précisait pas qu’il couvrait la réfection de l’ensemble des baffles endommagées, ce que la société Eiffage Construction Matériel ne pouvait ignorer puisqu’elle n’avait pas été en mesure de faire visiter à la société Alfacoustic l’intégralité de ses ateliers, certains étant en cours de travaux de désamiantage et inaccessibles de ce fait.

Il s’en déduit que tant la définition de la prestation que le prix, pour lesquels la société Alfacoustic devait intervenir, étaient déterminés.

Le grief tiré de l’absence d’accord sur les éléments essentiels du contrat entre les parties sera dès lors rejeté.

En outre, le 23 mars 2016, la société Eiffage Construction Matériel a demandé à la société Alfacoustic de programmer l’intervention rapidement. Celle-ci a été fixée au 18 avril 2016.

Or, après une nouvelle visite sur place le 6 avril 2016 lors de laquelle elle a pu pénétrer dans l’atelier de coffrage, la société Alfacoustic a indiqué qu’elle n’avait pas correctement évalué le nombre de baffles à remplacer lors de l’établissement de son devis en sous-estimant l’ampleur des travaux à réaliser, expliquant que ce décalage tenait à l’impossibilité, lors de sa première visite, de pénétrer dans ledit atelier.

La société Eiffage Construction Matériel ne conteste pas que l’atelier de coffrage était interdit d’accès pour cause de désamiantage, alors qu’une visite des lieux aurait permis à la société Alfacoustic d’apprécier plus exactement les dégâts et d’en chiffrer le coût pour une réfection totale.

La société Alfacoustic a établi un nouveau devis prévoyant un surcoût pour le renouvellement de la moitié des baffles et de toute la structure dans l’atelier coffrage, soit 9 530 euros HT supplémentaires.

Le 14 avril 2016, la société Eiffage Construction Matériel a annulé l’intervention et a refusé les propositions alternatives présentées par son cocontractant, soutenant que sa commande du 15 mars 2016 englobait la réfection de la totalité des baffles de l’atelier.

La cour retient que la société Alfacoustic a valablement estimé le nombre de baffles à changer en fonction de ce qui lui avait été indiqué et des lieux qui lui avaient été rendus accessibles, étant observé que le second devis n’avait pas pour objet la même prestation et qu’il correspondait ainsi à un complément de prestation.

Par conséquent, le contrat a valablement été formé par la rencontre des volontés intervenue le 25 février 2016, sa caducité au motif que l’acceptation n’aurait pas été conforme à l’offre devant être rejetée.

Sur l’absence de vice du consentement

L’article 1109 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016, dispose qu’il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

En outre, l’erreur portant non sur les qualités substantielles de l’objet du contrat, mais seulement sur sa valeur, ne constitue pas une cause de nullité du contrat.

En l’espèce, il est constant que les éléments essentiels du contrat, qu’il s’agisse du périmètre de la prestation et du prix, étaient déterminés à la date d’établissement du premier devis : la société Alfacoustic devait assurer le remplacement de 85 baffles, outre les tés afférents à la structure, pour un montant de 24 130 euros HT fixé au regard des éléments techniques mis à sa disposition et des ouvrages auxquels elle a eu accès.

La concluante a ainsi établi un devis sur la base des ouvrages auxquels elle avait accès.

Par conséquent, c’est par une exacte appréciation des faits que le tribunal a considéré que la proposition d’un devis complémentaire avait pour seule finalité de remédier à la carence de la société Eiffage Construction Matériel qui ne lui avait pas présenté le nombre exact de baffles à remplacer.

En conséquence, il sera confirmé que le consentement de la société Eiffage Construction Matériel n’a pas été vicié et sa demande de nullité sur ce fondement sera rejetée.

Sur l’obligation de conseil

Le vendeur est tenu d’une obligation de conseil avant la formation du contrat, en ce sens qu’il doit informer son cocontractant afin d’éclairer son consentement.

En l’espèce, la société Alfacoustic, en ayant été privée d’apprécier l’intégralité des lieux endommagés, a émis un premier devis conforme aux informations mises à sa disposition.

Force est ainsi de constater qu’elle n’était pas en mesure de délivrer un conseil éclairé sur des locaux auxquels elle ne pouvait avoir accès du seul fait de la société Eiffage Construction Matériel.

Ce faisant, la cour retient que la société Alfacoustic n’a pas manqué à son devoir de conseil.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de résolution du contrat de ce chef.

Sur l’évaluation du préjudice

L’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l’espèce, il est constant que la société Eiffage Construction Matériel a refusé d’exécuter le contrat dûment régularisé, cette inexécution contractuelle préjudiciant nécessairement à l’intimée.

Elle établit à ce titre qu’elle a engagé des frais d’analyses et d’études, a passé une commande de matériel pour satisfaire à son contrat, et a été privée de la marge brute représentant la différence hors taxes entre le prix de vente et le coût de revient total des biens et services vendus évaluant ainsi le gain manqué, préjudice qu’elle justifie à concurrence de 18 330 euros HT, soit 21 996 euros TTC.

Par conséquent, c’est à bon droit que le tribunal a retenu ce montant de préjudice, prenant soin de défalquer le coût de la prestation d’installation.

Il convient ainsi de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Eiffage Construction Matériel à payer à la société Alfacoustic une somme de 21 966 euros TTC, à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l’application qui y a été équitablement faite des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Eiffage Construction Matériel, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la société Alfacoustic la somme supplémentaire de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Les autres demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

– condamne la société Eiffage Construction Matériel aux dépens d’appel et à payer la somme de 2 000 euros à la société Alfacoustic sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejette toutes les autres demandes sur le fondement de l’article 700 du même code.

La greffière, La Conseillère faisant fonction de Président,

 


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