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19 juillet 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/04624
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 34C
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 JUILLET 2022
N° RG 21/04624
N° Portalis DBV3-V-B7F-UUZV
AFFAIRE :
[V] [O]
…
C/
[G] [F]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juillet 2021 par le Tribunal de Commerce de Versailles
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2012F00552
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Magali ROCHEFORT
Me Antoine DE LA FERTE
TC VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [V] [O]
[Adresse 6]
[Localité 5]
S.A.R.L. WORLD PEOPLE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Magali ROCHEFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 566
Représentant : Me Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J076
APPELANTS
****************
Madame [G] [F] veuve [O]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Madame [U] [O]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Monsieur [D] [O]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Monsieur [X] [O]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentant : Me Antoine DE LA FERTE de la SELARL LEPORT & Associés, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 283
Représentant : Maître Olivia CLOTTES-GERMAIN, Plaidant, avocat au barreau de ALBI
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Delphine BONNET, Conseiller chargé du rapport et Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,
La société World people a été fondée en 1999 par MM. [Z] [O] et [N] [S], détenteurs chacun de 250 parts sur les 500 parts composant le capital social. Elle a une activité de vente à distance par internet et dans la pratique opère dans le secteur de la voyance par thème astral.
M. [Z] [O] est décédé le [Date décès 3] 2001, laissant pour héritiers deux enfants d’une première union, MM. [E] et [V] [O], ainsi que sa seconde épouse Mme [G] [F] épouse [O] et les trois enfants nés de cette seconde union, [U], [D] et [X].
M. [N] [S] est décédé le [Date décès 2] 2008, léguant ses parts par testament aux enfants de [V] [O], à savoir Mme [C] [O] et M. [W] [O]. A cette même date, M. [V] [O] a repris la gérance de la société World people auparavant assurée par M. [N] [S], décision prise lors de l’assemblée générale du 30 juillet 2008.
A ce jour, la répartition des parts sociales de la société World people est la suivante :
– Mme [G] [F], épouse [O] : usufruitière de 250 parts
– M. [D] [O] : nu-propriétaire 50 parts
– Mme [U] [O] : nue-propriétaire de 50 parts
– M. [X] [O] : nu-propriétaire de 50 parts
– M. [E] [O] : nu-propriétaire de 50 parts
– M. [V] [O] : nu-propriétaire de 50 parts
– Mme [C] [O] : propriétaire de 125 parts
– M. [W] [O] : propriétaire de 125 parts.
Le 2 octobre 2000, la société World people, représentée par son gérant M. [S], a conclu avec M. [V] [O], exploitant individuel de l’entreprise Le Web, une convention de collaboration prévoyant des prestations croisées entre les deux sociétés. Cette convention a fait l’objet de d’avenants, conclus les 23 mai 2001, 4 décembre 2006, 20 novembre 2008 et 13 juin 2011 redéfinissant les modalités de refacturation entre les deux entités.
La société Le Web, fondée le 15 novembre 2002 par M. [V] [O], détenteur de 999 parts et M. [N] [S], détenteur d’une part sociale, a repris la convention du 2 octobre 2000.
Arguant de l’opacité de la gestion de la société World people, de l’absence d’information sur ses comptes et de la multiplicité des transactions avec la société Le Web, dont M. [V] [O] est le gérant, Mme [G] [F], épouse [O], Mme [U] [O], M.
[D] [O] et M. [X] [O] (les consorts [O]) ont assigné par acte du 7 août 2012 la société World people et M. [V] [O] devant le tribunal de commerce de Versailles sollicitant l’annulation des assemblées générales auxquelles ils n’ont pas été convoqués, la désignation d’un expert pour évaluer leur préjudice, la révocation de M. [V] [O] pour ses fautes de gestion, la mise en cause de sa responsabilité personnelle et la désignation d’un administrateur provisoire.
Par jugement du 8 janvier 2014, le tribunal de commerce de Versailles a, pour l’essentiel :
– dit recevables les consorts [O] en leurs demandes ;
– dit que leur demande de voir annuler l’assemblée qui a approuvé les comptes de l’exercice 2000/2001 est prescrite ;
– dit nulles toutes les résolutions concernant les conventions relevant de l’article L.223-19 du code de commerce figurant dans les assemblées ayant approuvé les comptes annuels depuis l’exercice 2001/2002, jusqu’à l’exercice 2011/2012 ;
– sursis à statuer sur la demande de révocation du gérant dans l’attente de l’expertise ;
avant dire droit sur le fond, tous droits et moyens des parties étant reservés,
– nommé M. [K] [A] en qualité d’expert avec la mission suivante :
* établir, depuis le 30 juillet 2008, date de la nomination de M. [V] [O] comme gérant, les flux financiers entre la société World people et la société Le Web, entre la société World people et la SCI VJC et entre la société World people et M. [V] [O] ; dire si ces flux correspondent à des conditions normales comme prévu par l’article L.223-20 du code de commerce; dans le cas contraire, dire quels auraient été les flux correspondant à des conditions normales ;
* établir si le montant de l’investissement de la société World people dans la SCI VJC, le montant de sa cession et le montant des loyers perçus correspondent à des conditions normales ;
* établir si la base de données textuelles de la société World people était toujours mise à disposition de la société Le Web après le 30 juillet 2008 ; dire si la société World people utilisait cette base de données, et l’utilise toujours ; dire qu’elle devrait être l’éventuelle rémunération de sa mise à disposition;
* établir les éventuels flux entre la société World people et M. [V] [O] depuis le 30 juillet 2008 ; dire s’ils sont compatibles avec sa qualité de gérant non rémunéré ; établir le cas échéant le montant des flux qui devrait être à la charge de la société World people pour indemnisation d’éventuels frais ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Saisi de l’appel de la société World people et de M. [V] [O], par arrêt du 19 janvier 2016, la présente cour d’appel a :
– confirmé le jugement en ce qu’il a ,
* dit recevables les consorts [O] en leurs demandes ;
* dit que leur demande de voir annuler l’assemblée qui a approuvé les comptes de l’exercice 2000/2001 est prescrite ;
* dit que leurs demandes d’annulation d’assemblées annuelles ne sont pas prescrites ;
* sursis à statuer sur la demande de révocation du gérant dans l’attente de l’expertise ;
* avant dire droit, ordonné une expertise confiée à M. [K] [A], dans les termes de la mission mentionnée dans le jugement ;
– infirmé le jugement en ce qu’il a dit nulles toutes les résolutions concernant les conventions relevant de l’article L.223-19 du code de commerce figurant dans les assemblées ayant approuvé les comptes annuels depuis l’exercice 2001 /2002, jusqu’à l’exercice 2011/2012 ;
statuant à nouveau :
– prononcé la nullité de toutes les assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la société World people qui se sont tenues entre 2002 et 2010 ;
y ajoutant :
– ordonné le sursis à statuer sur les demandes des parties portant sur la nomination d’un administrateur provisoire et le remboursement des dividendes ;
– rejeté les autres demandes des parties ;
– condamné la société World people et M.[V] [O] aux dépens d’appel.
L’expert désigné par le premier juge a déposé son rapport le 7 juin 2017.
Suite au pourvoi formé par la société World people et M. [V] [O], la Cour de cassation, par arrêt du 26 septembre 2018, a cassé l’arrêt précité sauf en ce qu’il a confirmé le jugement sur la recevabilité des demandes des consorts [O] et déclaré prescrite leur demande de voir annuler l’assemblée qui a approuvé les comptes de l’exercice 2000/2001. La cour a en conséquence remis, sur les autres points, la cause et les parties devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée pour qu’il soit à nouveau statué.
Suivant arrêt en date du 19 septembre 2019, la présente cour a :
– rejeté la demande en nullité du jugement du tribunal de commerce de Versailles du 8 janvier 2014;
– infirmé le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’action des consorts [O] en nullité des assemblées des années 2001 à 2009, et en ce qu’il a prononcé la nullité des seules résolutions relatives aux conventions réglementées dans les assemblées statuant sur l’approbation des comptes pour les exercices 2001/2002 jusqu’à l’exercice 2011/2012 ;
et statuant à nouveau de ces chefs,
– déclaré prescrite l’action des consorts [O] en nullité des assemblées qui se sont tenues au cours des années 2001 à 2009, et des assemblées qui se sont tenues en 2013 et 2014 ;
– prononcé la nullité de l’assemblée générale de la société World people en date du 20 décembre 2010, des résolutions numéro 1, 3 et 4 de l’assemblée générale du 30 novembre 2012 ;
– rejeté le surplus des demandes en nullité d’assemblée générale ;
– rejeté la demande d’évocation concernant la révocation du gérant, la nomination d’un administrateur provisoire, et les demandes indemnitaires ;
– rejeté le surplus des demandes ;
– condamné la société World people aux dépens d’appel.
Par jugement contradictoire du 7 juillet 2021, le tribunal de commerce de Versailles a :
– dit que l’instance en cours n’est pas périmée ;
– débouté la société World people et M. [V] [O] de leur demande en nullité de l’expertise ;
– débouté les consorts [O] de leur demande de révocation du gérant de la société World people, M. [V] [O], et de nomination d’un administrateur provisoire ;
– débouté les consorts [O] de leur demande de restitution de la base de données textuelles ;
– condamné M. [V] [O] à payer à la société World people la somme de 1 150 723 euros, en sus les intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du jugement ;
– débouté les consorts [O] de leurs demandes au titre du préjudice matériel ;
– condamné M. [V] [O] à payer la somme de 2 000 euros chacun aux consorts [O] au titre du préjudice moral ;
– débouté M. [V] [O] de sa demande reconventionnelle ;
– condamné M. [V] [O] à payer au consorts [O] la somme globale de 7 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [V] [O] aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise.
Par déclaration du 20 juillet 2021, M. [V] [O] et la société World people ont interjeté appel partiel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 18 février 2022, ils demandent à la cour de :
in limine litis,
– infirmer le jugement en ce qu’il les a déboutés de leur demande de voir constater la péremption de l’instance et la nullité du rapport d’expertise judiciaire du 7 juin 2017 ;
statuant à nouveau,
– constater la péremption d’instance ;
– juger par voie de conséquence l’instance éteinte ;
à défaut,
– constater la nullité du rapport d’expertise judiciaire du 7 juin 2017 ;
à titre principal sur le fond,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les consorts [O] :
* de leur demande d’annulation de la convention de collaboration du 2 octobre 2000 conclue entre la société World people et la société le web ainsi que des quatre avenants successifs à cette convention conclus respectivement les 23 mai 2001, 4 décembre 2006, 20 novembre 2008 et 13 juin 2011 ;
* de leur demande de révocation de M. [V] [O] de ses fonctions de gérant de la société World people, et de nomination consécutive d’un administrateur provisoire;
* de leur demande de restitution par la société Le Web de la base de données textuelles;
* de leur demande d’indemnisation formulées au titre de leur préjudice matériel et de la perte de valeur de leurs droits sociaux ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
* omis de statuer sur le caractère définitif pour cause de prescription, et insusceptibles de contestation, de la convention de collaboration du 2 octobre 2000 conclue entre la société World people et la société Le Web ainsi que des quatre avenants successifs à cette convention conclus en date respectivement du 23 mai 2001, du 4 décembre 2006, du 20 novembre 2008 et du 13 juin 2011 ;
* condamné M. [V] [O] à payer à la société World people la somme de 1 150 723 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2021 ;
* condamné M. [V] [O] à payer la somme de 2 000 euros chacun aux consorts [O] au titre de leur préjudice moral ;
* condamné M. [V] [O] à payer aux consorts [O] la somme globale de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* condamné monsieur [V] [O] aux entiers dépens ;
statuant à nouveau,
– constater le caractère définitif de la convention de collaboration du 2 octobre 2000 conclue entre la société World people et la société le web ainsi que de tous ses avenants successifs ;
– débouter par voie de conséquence les consorts [O] de l’intégralité de leurs demandes ;
– condamner in solidum les consorts [O] à leur payer la somme de 12 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;
– condamner in solidum les consorts [O] à leur payer la somme de 12 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
– condamner in solidum les consorts [O] aux dépens de première instance et d’appel ;
à titre subsidiaire sur le fond, dans l’hypothèse où la cour viendrait à allouer des dommages et intérêts à la société World people,
– fixer les éventuels préjudices financiers de la société World people qui viendraient à être retenus comme résultant de fautes de gestion de M. [V] [O] à la perte de marge nette réalisée par cette société sur la somme de 478 494 euros divisée par deux années (les exercices 2009/2010 et 2011/2012) ;
– diminuer le montant total des dommages et intérêts qui seraient alloués à la société World people de la somme de 1 371 248 euros correspondant à la créance non recouvrée de la société Le Web sur la société World people au titre de la convention de collaboration et de ses avenants successifs ;
– débouter les consorts [O] de leur demande de paiement de la somme de 60 158 euros au titre de la cession des parts de la SCI VJC détenues par la société World people ;
– juger qu’en tout état de cause les consorts [O] ont contribué par leur comportement, dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 60 %, à la survenance des préjudices de la société World people et/ou personnels qu’ils allèguent ;
– condamner in solidum les consorts [O] à leur payer la somme de 12 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 12 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
– condamner in solidum les consorts [O] aux dépens de première instance et d’appel.
Les consorts [O], dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 26 novembre 2021, demandent à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* dit que l’instance en cours n’était pas périmée ;
* débouté la société World people et M. [V] [O] de leur demande en nullité de l’expertise ;
– infirmer le jugement en ce qu’il :
* les a déboutés de leur demande de révocation du gérant de la société World peuple, M. [V] [O], et de nomination d’un administrateur provisoire ;
* les a déboutés de leur demande de restitution de la base de données textuelles ;
en conséquence et statuant à nouveau,
– ordonner la révocation M. [V] [O] et l’enjoindre au besoin sous astreinte d’un montant de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, à restituer l’intégralité de la base de données et de ses mises à jour ;
– désigner un administrateur provisoire ayant notamment pour mission de :
* convoquer une assemblée en vue de désigner un nouveau gérant, engager pour le compte de la société les poursuites à l’encontre de la société Le Web et de toute autre société utilisant la base de données appartenant à la société World people et plus généralement engager toutes poursuites et actions en réparation du préjudice à l’encontre du gérant, y compris au plan pénal ;
* se faire restituer l’intégralité des éléments relevant de cette base de données ;
* dire que les frais résultant de l’administration provisoire seront supportés par la société ;
constatant l’omission de statuer du tribunal de commerce de Versailles,
– statuer et prononcer la nullité des avenants à la convention et ordonner la restitution des fonds dont la société World people a été privée en vertu desdits avenants aux conventions ;
– réformer le jugement en ce qu’il a condamné M. [V] [O] à payer à la société World people la somme de 1 150 723 euros, en sus les intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du présent jugement ;
statuant à nouveau,
– condamner M. [V] [O] à payer à la société World people la somme de 4 506 875 euros au titre du préjudice matériel évalué par l’expert depuis sa prise de gérance, à parfaire des sommes qui continueraient à courir et à majorer des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
– infirmer le jugement en ce qu’il les a déboutés de leur demande au titre du préjudice matériel ;
en conséquence et statuant à nouveau,
– condamner M. [V] [O] à payer à Mme [G] [O] la somme de 119 463,60 euros au titre du préjudice matériel subi ;
– condamner M. [V] [O] à payer à MM. [D] et [X] [O] et Mme [U] [O] la somme de 35 839,20 euros chacun au titre du préjudice matériel subi ;
– réformer le jugement en ce qu’il a condamné M. [V] [O] à leur payer la somme de 2 000 euros chacun au titre du préjudice moral ;
statuant à nouveau,
– condamner M. [V] [O] à leur payer la somme de 10 000 euros chacun pour le préjudice moral subi ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [V] [O] de sa demande reconventionnelle ;
– réformer le jugement en ce qu’il a condamné M. [V] [O] à leur payer la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
statuant à nouveau,
– condamner M. [V] [O] à leur payer la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [V] [O] aux entiers dépens dont les frais de greffe, en ce compris les frais d’expertise ;
y ajoutant,
– condamner M. [V] [O] à leur payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la présente instance ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
1) sur la péremption d’instance
Les appelants rappellent que par jugement du 8 janvier 2014, le tribunal de commerce de Versailles a sursis à statuer sur la demande de révocation du gérant dans l’attente de l’expertise
judiciaire confiée à M. [A] et, rappelant les dispositions de l’article 392 du code de procédure civile, soutiennent que l’événement qui a mis fin au sursis à statuer est le dépôt du rapport d’expertise judiciaire, intervenu le 7 juin 2017, date à laquelle un nouveau délai de péremption de deux ans a recommencé à courir. Ils précisent que le 20 septembre 2017, l’affaire a été radiée du rôle du tribunal de commerce de Versailles, faute de diligence des intimés à l’audience de reprise d’instance et que ce n’est que le 23 septembre 2019, soit plus de deux ans et trois mois après le dépôt du rapport d’expertise judiciaire, qu’ils ont sollicité la réinscription au rôle de l’affaire. Les appelants estiment qu’il n’existe aucun lien de dépendance direct et nécessaire entre la présente instance et celle qui s’est tenue devant la cour d’appel de Versailles ayant donné lieu à l’arrêt précité du 19 septembre 2019, les consorts [O] ayant fait le choix de ne pas interjeter un appel incident qui aurait permis de saisir la cour de l’expertise judiciaire, et des conséquences qu’ils entendaient en tirer le cas échéant sur le terrain de la révocation du gérant ainsi que sur celui des indemnités. Ils ajoutent que le débat devant la cour de céans a donc volontairement été limité par les parties aux questions touchant à la prescription et/ou la validité des assemblées générales de la société World people ainsi que de la convention de collaboration du 2 octobre 2000 et ses avenants successifs conclus entre les sociétés World people et Le Web. Ils affirment que ce qui a été en débat en première instance devant le tribunal de commerce sur ouverture de rapport d’expertise judiciaire est totalement autonome et n’exerce aucune influence sur ce qui était en débat devant la cour d’appel et relèvent que cette dernière a d’ailleurs explicitement fait observer dans son arrêt que les consorts [O] ne pouvaient pas lui demander d’évoquer des demandes en rapport avec la décision du tribunal de commerce de nommer un expert judiciaire, dès lors que cette décision n’avait fait l’objet d’aucun appel, ce qui signifie que c’est le choix des intimés d’avoir segmenté les deux instances en ne soumettant pas l’entièreté du litige à la cour d’appel et en réservant la partie ‘expertise judiciaire et les demandes découlant des conclusions de l’expert’ au tribunal de commerce. Ils estiment qu’il appartenait aux consorts [O] de réinscrire leur instance devant la juridiction consulaire avant l’expiration du délai de péremption.
Les consorts [O] répondent, en citant une jurisprudence de la Cour de cassation du 11 juillet 2013 (n°12-15994), qu’il y avait bien un lien de dépendance direct et nécessaire entre la procédure d’appel et le jugement du tribunal de commerce puisque l’appelant qui soulève la péremption d’instance avait interjeté appel en sollicitant que soit prononcée la nullité dudit jugement. Ils soutiennent que si la cour a estimé qu’elle n’avait pas à évoquer la demande de révocation du gérant pour laquelle le sursis à statuer avait été prononcé en janvier 2014 par le tribunal de commerce de Versailles, il n’en demeure pas moins que la décision de la cour sur la demande de nullité dudit jugement avait un lien de dépendance direct et nécessaire avec la réinscription de l’affaire puisque le tribunal de commerce n’aurait pu se prononcer avant que l’arrêt ne soit rendu. Ils rappellent que l’arrêt ne prononçant pas la nullité dudit jugement et refusant d’évoquer la question de la révocation du gérant a été rendu le 19 septembre 2019 et font valoir que cette demande d’évocation qu’ils ont présentée démontre les diligences accomplies en lien de dépendance direct et nécessaire puisque la cour était saisie de l’appel du jugement prononçant le sursis à statuer dans l’attente du rapport d’expertise. Ils ajoutent que le rapport d’expertise ayant été déposé alors que la procédure d’appel était pendante, la demande d’évocation a été formulée dans un souci d’administration d’une bonne justice alors même que cette demande leur ôtait la possibilité d’un deuxième degré de juridiction si la cour acceptait de se prononcer sur ce point. Enfin, ils soutiennent que la demande de révocation du gérant ne pouvait être faite avant que la cour ne se soit prononcée sur la remise en cause de la nullité des assemblées prononcée par le tribunal de commerce, ce qu’ont retenu les premiers juges dans le jugement déféré pour dire que l’instance n’était pas périmée.
L’article 386 du code de procédure civile dispose que l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
En cas de lien de dépendance directe entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompent la péremption de l’autre instance.
En l’espèce, il existait un lien de dépendance directe entre l’instance pendante devant la cour ayant donné lieu à l’arrêt du 19 septembre 2019 et celle encore pendante devant le tribunal de commerce resté saisi des demandes de révocation du gérant et d’indemnisation ayant fait l’objet du sursis à statuer ordonné dans l’attente du dépôt du rapport de l’expert dès lors que devant la cour, d’une part la société World people et M. [V] [O] ont formé une demande de nullité du jugement du 8 janvier 2014 et d’autre part, les consorts [O] ont sollicité l’annulation des assemblées des années 2002 à 2010, celle du 30 juillet 2008 ayant désigné M. [V] [O] en qualité de gérant de la société World people, en sorte que les premiers juges ne pouvaient statuer sur les demandes dont ils étaient saisis sans attendre l’arrêt à intervenir.
Ainsi, les actes accomplis par les consorts [O] dans le cadre de l’instance d’appel, notamment leurs dernières conclusions du 16 mai 2019 notifiées moins de deux ans après le dépôt du rapport d’expertise, ont eu un effet interruptif sur l’instance toujours pendante devant le tribunal de commerce, les deux instances se rattachant entre elles par un lien de dépendance direct et nécessaire.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré qu’ils ne pouvaient se prononcer avant que l’arrêt de la cour d’appel soit rendu et par conséquent ont dit que l’instance n’était pas périmée.
2) sur la demande de nullité de l’expertise.
Les appelants soutiennent que l’expert judiciaire n’a pas exécuté sa mission conformément à ce qui lui avait été demandé par le tribunal, rendant de ce fait un rapport totalement inexploitable en raison du nombre très important d’erreurs grossières qui l’affectent. Ils soulignent d’ailleurs que le tribunal lui-même a reconnu les erreurs grossières qu’ils ont relevées mais critiquent sa décision assise sur un document comportant de telles erreurs. Ils affirment que l’expert s’est départi de son devoir d’impartialité, ce qui l’a conduit à commettre ces erreurs grossières. Ils mettent en avant un défaut d’exécution loyale par l’expert judiciaire des chefs de mission 1, 2 et 4, notamment en ce qu’il est parti du principe que l’annulation par le tribunal des assemblées générales de la société World people postérieures à celle statuant sur les comptes de l’exercice clos au 31 mai 2001 avait réduit à néant tous les avenants à la convention de collaboration du 2 octobre 2000, excepté celui du 23 mai 2001 et que ces annulations devaient trouver leur traduction dans le cadre de ses opérations d’expertise alors que ce postulat est juridiquement faux puisqu’aucun des avenants à la convention de collaboration du 2 octobre 2000 n’a été annulé. Soulignant que l’expert s’est appuyé sur le seul avenant du 23 mai 2001 pour effectuer son travail d’analyse en lui faisant produire des effets jusqu’à la date de dépôt de son rapport, ils en concluent que cette façon de procéder n’est évidemment pas acceptable dès lors qu’elle a abouti à un résultat totalement aberrant. Ils prétendent que l’application de cette méthodologie ‘peu orthodoxe’ réside probablement dans le parti pris systématique en faveur des intimés et la volonté que n’a cessée de manifester ostensiblement l’expert judiciaire de parvenir à des conclusions favorisant les intérêts de ces derniers. Ils critiquent également les conclusions de l’expert en ce qui concerne les flux financiers entre les sociétés World people et VJC et l’analyse erronée faite du juste prix de cession de la participation dans la SCI VJC ainsi que celle sur les flux financiers entre les sociétés World people et M. [V] [O] et le refus d’évaluer la juste rémunération à laquelle ce dernier aurait pu légitimement prétendre. S’agissant du chef de la mission n°3, ils arguent d’un défaut d’exécution loyale de l’expert qui a refusé de prendre en considération l’obsolescence de la base de données textuelles détenue par la société World peuple, obsolescence pourtant constatée par l’ancien gérant.
Les consorts [O] répondent que le tribunal a indiqué qu’il n’était pas tenu par le rapport et qu’il était en capacité d’apprécier les dires des parties et d’étudier les arguments relatifs aux prétendues erreurs alléguées. Ils soulignent que la nullité n’a pas été prononcée parce que la preuve de la partialité de l’expert n’est pas rapportée et que les règles applicables au procès permettent aux parties de contester les conclusions expertales et d’apporter à la juridiction tous les éléments permettant de les remettre en question. Ils estiment que l’expert n’a pas fait preuve de partialité, relevant que celui-ci ne connaissait aucune des parties et n’avait aucun parti pris. Ils affirment que l’expert a établi son rapport au vu de la situation au moment où il l’a établi en vertu de la décision qui l’a désigné et au vu de l’arrêt de la cour d’appel rendu en 2016. Ils soutiennent que le fait que la cour d’appel en 2019, après le dépôt du rapport, ait jugé qu’ils étaient prescrits pour solliciter la nullité des assemblées litigieuses, ne justifie pas que le rapport soit frappé de nullité mais aurait pour unique conséquence de laisser la possibilité à M. [V] [O] de solliciter un complément d’expertise prenant en compte les avenants querellés, ce qu’il n’a fait pas. Ils estiment que M. [V] [O] est de mauvaise foi et relèvent qu’il n’a pas fourni les documents sollicités à de multiples reprises par l’expert. Ils concluent que le rapport n’encourt pas la nullité.
L’expert doit accomplir sa mission avec impartialité. Il appartient à cet égard au plaideur qui se plaint d’un défaut d’impartialité d’en rapporter la preuve.
L’expert est également tenu au principe de loyauté, l’article 244 du code de procédure civile précisant, en son troisième alinéa, que le technicien ne peut faire état que des informations légitimement recueillies. Il est par conséquent tenu de recueillir ses informations d’une manière légale et d’éviter tout procédé déloyal ou portant atteinte de façon excessive aux droits des parties.
En l’espèce, le fait que l’expert ait accompli sa mission en tenant compte de la décision du tribunal du 8 janvier 2014 et de l’arrêt de la cour du 19 janvier 2016 qui a prononcé la nullité de toutes les assemblées générales de la société World people qui se sont tenues entre 2002 et 2010 et aurait bâti son analyse sur le seul avenant du 23 mai 2001 pour effectuer son travail ne peut s’analyser comme un manquement de l’expert à son devoir d’impartialité dès lors qu’au moment de l’accomplissement de sa mission l’arrêt de la présente cour en date du 19 septembre 2019 qui a déclaré prescrite l’action des consorts [O] en nullité des assemblées générales des années 2001 à 2009 et 2013 et 2014 n’était pas rendu.
Il en est de même de l’analyse qu’il a faite des autres chefs de sa mission.
Par ailleurs, les appelants ne démontrent nullement que l’expert aurait failli à son devoir de loyauté dans le recueil des informations ou qu’il aurait usé de procédés déloyaux ou portant atteinte à leurs droits.
Il convient ici de rappeler d’une part que le juge n’est pas lié par l’avis de l’expert qui demeure soumis à son appréciation et peut être critiqué et discuté par les parties et d’autre part que l’impartialité de l’expert ne peut être remise en cause au seul motif qu’il n’a pas suivi l’analyse d’une des parties.
C’est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de nullité de l’expertise, étant souligné que, contrairement à ce que prétendent les appelants, le tribunal n’a pas retenu l’existence d’erreurs grossières mais a utilisé cette expression ‘les erreurs grossières relevées par les défendeurs sont directement liées à l’appréciation que le tribunal portera sur les préjudices éventuels soulevés par les consorts [O]’ uniquement pour motiver sa décision de rejet de la demande en nullité de l’expertise.
3) sur la nullité des conventions réglementées conclues entre la société World people et la société Le Web
* sur la prescription de la demande
Les appelants invoquent la prescription de la demande en nullité des conventions réglementées conclues entre les sociétés World people et Le Web et prétendent qu’il n’y a pas eu de dissimulation de la convention de collaboration du 2 octobre 2000 et de ses avenants successifs, relevant que les différentes assemblées générales statuant sur les comptes de chaque exercice ont été publiées chaque
année au greffe du tribunal de commerce avec les comptes sociaux et le rapport de gestion du gérant qui mentionne explicitement l’existence de la convention de collaboration avec la société Le Web, en sorte que les documents publiés et les informations qu’ils contiennent sont opposables erga omnes.
Ils font valoir qu’en tout état de cause, la demande de nullité formulée en première instance par les consorts [O] est prescrite, que l’on retienne une prescription de trois ans (qui est celle applicable en l’absence de dissimulation) ou une prescription de cinq ans, puisque ces documents leur ont été officiellement communiqués le 5 décembre 2012 et que ce n’est qu’en 2019 seulement qu’ils en ont sollicité la nullité.
Les consorts [O] prétendent que leur action est recevable puisque les quatre avenants à la convention du 2 octobre 2000 en date des 23 mai 2001, 4 décembre 2006, 20 novembre 2008 et 3 juin 2011, leur ont été communiqués pour deux d’entre eux le 5 décembre 2012 et dans le cadre des opérations d’expertise qui se sont clôturées le 7 juin 2017 pour les derniers en sorte qu’ils n’ont jamais été en mesure d’en prendre connaissance, si ce n’est dans le cadre de la présente procédure. Ils précisent que la prescription triennale de l’article L. 223-23 du code de commerce doit être écartée puisque les avenants, conclus en fraude de leurs droits, leur ont été sciemment dissimulés par M. [V] [O] et que c’est donc la prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil qui s’applique, le délai ayant commencé à courir le 7 avril 2017.
La prescription triennale de l’action en responsabilité prévue à l’article L. 223-23 du code de commerce ne s’applique pas aux actions tendant à l’annulation, pour violation des lois ou principes régissant la nullité des contrats, d’une convention visée par l’article L. 223-19 du même code.
La prescription de droit commun s’applique donc, à savoir les dispositions de l’article 2224 du code civil qui prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
En l’espèce, les consorts [O] poursuivent l’annulation des avenants à la convention de collaboration, convention réglementée, conclue le 2 octobre 2000 entre la société World people et la société Le Web, en date des 23 mai 2001, 4 décembre 2006, 20 novembre 2008 et 3 juin 2011. Or, les appelants justifient que ces avenants ont été communiqués aux consorts [O] le 5 décembre 2012, au soutien de leurs conclusions pour l’audience devant le tribunal du 12 décembre 2012 devant le tribunal, sous leurs pièces n° 9, 10, 29 et 30, les mails qu’ils communiquent en pièces 34, 35 et 36 le démontrant suffisamment.
C’est donc au plus tard à cette date que les intimés ont été en mesure d’exercer leur action en nullité des avenants ; or, ils n’ont pas formulé une telle demande dans le délai de cinq ans précité en sorte que leur action est prescrite.
Il convient par conséquent, ajoutant au jugement qui a omis de statuer de ce chef, de déclarer irrecevable la demande des consorts [O] de nullité des avenants à la convention ainsi que celle subséquente de restitution des fonds dont la société World people a été privée en vertu desdits avenants aux conventions, cette dernière étant de surcroît irrecevable en l’absence de la société Le Web.
4) sur la responsabilité personnelle du gérant
* sur les fautes de gestion
Les appelants soutiennent que la validation par la cour d’appel de l’assemblée générale ordinaire du 30 juillet 2009 et la prescription de l’action en nullité de cet avenant de 2006, excluent toute possibilité d’action en responsabilité contre M. [V] [O].
Par ailleurs, celui-ci se défend d’avoir commis une quelconque faute de gestion. Il fait valoir qu’aucun des consorts [O] ne s’est jamais déplacé pour assister aux assemblées générales de la société World people, marquant par ce comportement leur total manque d’implication dans le suivi des affaires sociales. Il rappelle que Mme [G] [O], sa belle-mère, était salariée de la société World people et percevait le salaire le plus élevé, précisant que le coût salarial s’élevait à lui seul à 17,64 % du chiffre d’affaires. Il souligne que des dividendes ont été payés aux associés sans discontinuer de 2001 à 2009. Il prétend avoir au contraire privilégié les intérêts de la société World people au détriment de ceux de la société Le Web en s’abstenant de faire procéder au paiement de la somme de 1 371 248 euros au titre de factures. Il soutient que sa gérance bénévole a été exécutée au mieux dans une conjoncture économique défavorable à la société World people. S’agissant de la disparition de la redevance d’utilisation de la base de données textuelles appartenant à la société World people, il affirme ne pas en être responsable n’ayant occupé la gérance de la société qu’à partir du mois de juillet 2008 et l’avenant supprimant cette redevance ayant été signé le 4 décembre 2006.
S’agissant de la rémunération des prestations facturées par la société Le Web à la société World people, il fait valoir qu’elle est régentée par les conventions conclues alors qu’il n’était pas gérant en sorte qu’elle ne peut donner lieu à la mise en jeu de sa responsabilité pour faute de gestion. Il précise qu’il n’a conclu que deux avenants depuis qu’il a pris ses fonctions de gérant, celui du 20 novembre 2008 et celui du 13 juin 2011, et affirme qu’ils sont conformes à l’intérêt de la société World people.
Il ajoute que la prise d’une participation dans la SCI VJC par la société World people ne constitue pas un acte anormal de gestion. S’agissant de la demande au titre de la cession des parts de la SCI VJC, il fait remarquer que cet investissement dans la SCI VJC a été extrêmement rémunérateur pour la société World people et qu’en tout état de cause toute action en indemnisation à raison de la cession de la participation de la société World people dans la SCI VJC se trouve prescrite.
Au visa de l’article L. 223-22 du code de commerce, les consorts [O] reprochent à M. [V] [O] des fautes de gestion faites à son profit en raison du conflit d’intérêts existant entre la société World people et les activités qu’il a développées sur sa société Le Web. Ils prétendent qu’il a détourné le bénéfice de l’activité de la première sur la seconde. Ils mettent en avant, outre l’absence de convocation des associés aux différentes assemblées jusqu’en 2010 inclus, le fait que M. [V] [O] se soit auto-proclamé gérant de la société en juillet 2008, au décès de M. [S], sans en informer aucun des associés, le non-respect des droits d’information et de participation aux assemblées des associés, la poursuite de conventions défavorables à l’intérêt social, la participation de la société World people au financement de la résidence principale de son gérant par la prise de participation dans la société VJC, l’absence de ratification des conventions réglementées, le dévoiement de la base de données, outil principal de l’activité de la société World people, le paiement d’une redevance par la société World people au profit de la société Le Web ainsi que la cession des titres de VJC sans y être autorisé.
L’article L. 223-22 du code de commerce dispose que : ‘Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l’entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués.’
– sur le non respect des droits d’information et de participation aux assemblées des associés
Le reproche formulé par les consorts [O] est général. Leur demande de nullité des assemblées générales qui se sont tenues au cours des années 2001 à 2009 a été déclarée définitivement prescrite par l’arrêt du 19 septembre 2019 en sorte qu’ils ne sont pas fondés à reprocher de nouveau une faute de M. [V] [O] à ce titre.
S’il est vrai que les consorts [O] n’ont pas été convoqués à l’assemblée générale du 20 décembre 2010 laquelle a été annulée pour ce motif par l’arrêt précité, ils l’ont été à l’assemblée du 13 décembre 2011 ainsi qu’à celles qui ont suivi de 2012 à 2019, étant relevé que les consorts [O] ne s’y sont jamais présentés à l’exception de celles de 2018 et 2019.
Il résulte de la lecture des procès-verbaux de ces assemblées générales que les rapports de gestion, les rapports sur les conventions réglementées, les comptes sociaux, les inventaires ont été mis à leur disposition.
Ce grief n’apparaît dès lors pas fondé.
– sur la convention de collaboration et ses avenants
La convention de collaboration en date du 2 octobre 2000 entre la société World people et l’entreprise Le Web, ainsi que ses deux premiers avenants, en date respectivement des 23 mai 2001 et 4 décembre 2006, ont été conclus durant la période de gestion de M. [S].
Selon la convention de collaboration, la société World people et M. [V] [O], aux droits duquel se trouve la société Le Web, ont convenu d’un échange de services et de prestations, la première mettant à disposition du second ‘son savoir-faire publicitaire rédactionnel et commercial’ et le second fournissant ‘tous les moyens techniques, matériels et logistiques de création, d’hébergement et de gestion nécessaires à l’exploitation des différentes activités des deux sociétés’.
L’article 2 de cette convention stipule : ‘il est convenu qu’un examen des comptes trimestriels permette une évaluation de la balance entre les services apportés par chacune des parties pour dégager la facturation d’un reliquat d’honoraires’.
L’expert commente cet article dans son rapport : ‘on le voit, dans l’esprit des rédacteurs, il s’agit d’un échange de bons procédés, aucune des deux entités n’étant censée faire des profits au détriment de l’autre’.
Dans l’avenant du 23 mai 2001, les parties ont convenu que ‘les prestations réciproques mentionnées dans le document établi en date du 2 octobre 2000 feraient l’objet d’une facturation quantifiable et prédéterminée’. Il est ainsi prévu que lesdites prestations sont facturées forfaitairement :
– l’ hébergement est facturé 60 000 euros/an
– la location de matériel : 6 000 euros/an
– la redevance de logiciel : 240 000 euros/an
– les frais de secrétariat : 25 200 euros/an,
outre une facturation variable pour la gestion de la mailing list et la publicité.
L’usage de la banque de données textuelles, prestation de la société World people au bénéfice de la société Le Web, fait quant à elle l’objet d’une facturation directement proportionnelle au chiffre d’affaires. Il est prévu un taux évolutif dans le temps, passant de 40 % à 15 % du chiffre d’affaires, pour tenir compte de l’obsolescence des textes et qu’après six années d’utilisation, à partir du nombre de textes encore en usage, les parties conviendront par avenant d’une révision de la tarification.
Dans l’avenant signé le 4 décembre 2006, toujours sous la gérance de M. [S], les prestations de la société Le Web au bénéfice de la société World people sont facturées forfaitairement par application d’un taux de 30 % sur le chiffre d’affaires réalisé par la société World people et il est convenu que l’usage de la banque de données textuelles sera facturée au taux de 7,5 % l’an à compter du 31 mai 2006 jusqu’au 31 décembre 2007 et qu’aucune facturation ne sera ensuite applicable compte tenu de l’obsolescence de la base de données.
L’avenant à la convention signé le 20 novembre 2008 sous la gérance de M. [V] [O] prévoit que les prestations de la société Le Web au bénéfice de la société World people sont facturées forfaitairement par application d’un taux de 25 % sur le chiffre d’affaires réalisé par la société World people et que par ailleurs, la publicité prise par Le Web pour le compte de la société World people sera refacturée au coût réel, avec application d’un taux de marge de 5 %.
Enfin, l’avenant à la convention signé le 13 juin 2011 toujours sous la gérance de M. [V] [O] prévoit que les prestations de la société Le Web au bénéfice de la société World people sont facturées forfaitairement par application d’un taux de 20 % sur le chiffre d’affaires réalisé par la société World people, sans changement en ce qui concerne la publicité prise par Le Web.
Il est vrai que les deux derniers avenants signés sous la gérance de M. [V] [O] ont eu pour effet de baisser le pourcentage de facturation des prestations de la société Le Web au bénéfice de la société World people ; il n’en demeure pas moins que l’expert a mis en exergue le coût particulièrement élevé des prestations facturées par la société Le Web à la société World people.
Celui-ci souligne que la société Le Web n’a ni rédacteur, ni informaticien et que les prestations ‘sont donc assurées par du personnel sans qualification particulière’. Il estime que la société World people utiliserait 63 % du personnel de la société Le Web. Après avoir examiné les comptes des sociétés entre 2009 et 2013, il conclut que ‘les rapports financiers entre les deux sociétés sont déséquilibrés et ne correspondent pas à des conditions normales prévues par l’article L. 223-20 du code de commerce’.
La lecture du rapport d’expertise et des rapports de la gérance montre en effet que les prestations facturées par la société Le Web à la société World people au titre de la convention de collaboration et de ses avenants se sont élevées à :
– 783 920 euros pour l’exercice 2008/2009 (contre 396 998 euros l’exercice précédent)
– 1 244 514 euros pour l’exercice 2009/2010
– 664 445 euros pour l’exercice 2010/2011
– 375 039 euros pour l’exercice 2011/2012
– 144 528 euros pour l’exercice 2012/2013
alors que le chiffre d’affaires réalisé par la société World people s’est élevé à :
– 1 682 424 euros pour l’exercice 2008/2009
– 1 443 409 pour l’exercice 2009/2010
– 1 137 619 euros pour l’exercice 2010/2011
– 705 867 euros pour l’exercice 2011/2012
– 496 540 euros pour l’exercice 2012/2013.
et que la société accumulait des pertes depuis l’exercice 2009/2010 :
– perte de 208 944 euros en 2010
– perte de 48 935 euros en 2011
– perte de 207 697 euros en 2012
– perte de 143 441 en 2013.
Ces chiffres révèlent que le taux de 25 % puis de 20 % sur le chiffre d’affaires de la société World people n’était en réalité pas appliqué.
S’il est vrai que M. [V] [O] ne peut être responsable des conditions dans lesquelles ont été signés les deux premiers avenants, il l’est en revanche d’avoir poursuivi les relations contractuelles entre la société World people et la société Le Web dont il détenait 999/1000 parts du capital social à des conditions financières totalement défavorables pour la société World people qu’il dirigeait. Il s’agit d’une faute de gestion qui peut être retenue à son encontre, nonobstant le fait que l’action en nullité des avenants soit prescrite, étant observé que M. [V] [O] ne peut s’exonérer de sa responsabilité en raison de l’absence des consorts [O] aux différentes assemblées générales ayant approuvé les comptes.
– sur l’acquisition de la résidence principale de M. [V] [O] et la cession des titres de la société VJC
La SCI VJC dans laquelle la société World people était actionnaire à hauteur de 10 % est propriétaire de la résidence principale de M. [V] [O] et de son épouse. Il est constant qu’une telle participation prise en juin 2004 n’entre pas dans l’objet social de la société World people, étant toutefois observé qu’à cette date M. [V] [O] n’en était pas le gérant. Dans ces conditions aucune faute de gestion ne peut être retenue à son encontre.
S’agissant de la cession le 10 août 2012 des parts sociales de la SCI VJC au profit de M. [V] [O], la demande indemnitaire formulée par les consorts [O] devant le tribunal de commerce par conclusions du 20 mars 2013 n’est pas prescrite.
L’expert, après avoir repris la valorisation de l’actif de la SCI par M. [V] [O] lui-même à hauteur de 1 111 671 euros, conclut que la valeur de la part sociale au 10 août 2012 était de 9 740,88 euros soit pour les dix parts détenues par la société World people une valorisation de 97 409 euros en sorte que la cession à hauteur de 37 251 euros, sans être autorisée par l’assemblée générale de la société World people, ne s’est pas faite dans des conditions normales. Il s’agit également d’une faute de gestion imputable au gérant de la société World people.
– sur l’absence de ratification des conventions réglementées
Ce point ne peut être retenu dès lors que l’action en nullité des conventions litigieuses est prescrite.
– sur la base de données
La base de données textuelles a été valorisée 6 330 000 francs soit 965 000 euros en avril 2001. Elle constitue l’outil principal de l’activité de la société World people. Les appelants n’apportent aucun élément de nature à remettre en cause cette valorisation. L’utilisation de la base de données par la société Le Web a donné lieu, aux termes de la convention de collaboration et de ses avenants, à une rémunération annuelle dégressive pour tenir compte de son obsolescence. Aucune redevance n’était plus due après le 31 décembre 2007.
Il n’est pas contesté que cette base de données est toujours utilisée par la société World people mais également par la société Le Web ainsi que par la société Isabella dont le principal associé et dirigeant est M. [E] [O]. L’expert estime que cette base de données textuelles a toujours de la valeur et qu’elle rapporte du chiffre d’affaires même si celui-ci est en baisse. Il conclut que, sans cette base de données, les sociétés World people et Le Web ne pourraient pas travailler. L’expert évalue à 69 900 euros par an la redevance due en contrepartie de l’utilisation de cette base de données sous sa forme actuelle.
Si M. [V] [O] ne peut être tenu pour responsable des termes de l’avenant de 2006 ayant mis fin à la perception d’une redevance à ce titre à compter du 1er janvier 2008, il a toutefois commis une faute de gestion en continuant, pendant sa période de gérance, à mettre à la disposition de la société Le Web dans laquelle il était intéressé cette base de données textuelles sans contrepartie, responsabilité dont il ne peut s’exonérer du fait de l’absence des consorts [O] aux différentes assemblées générales.
* sur les préjudices et le lien de causalité
– sur les préjudices financiers de la société World people
Les appelants soutiennent qu’il est important pour apprécier les indemnisations sollicitées de rappeler le comportement récent des intimés tant lors de l’assemblée générale du 29 novembre 2013 à laquelle ils ont fait le choix de ne pas assister bien que convoqués et au cours de laquelle a été expressément adoptée une résolution autorisant la convention de collaboration et ses avenants, que lors des assemblées générales des 28 novembre 2014 et 30 novembre 2014 auxquelles ils n’ont pas assisté, ainsi que le caractère familial de la société World people. Ils qualifient de désinvolte leur comportement qui n’est que la manifestation du désintérêt qu’ils portaient tous à la société World people tant que celle-ci payait le salaire de Mme [G] [O] et qu’elle leur servait des dividendes.
Ils soulignent que M. [V] [O] s’est abstenu de faire procéder au recouvrement de factures émises par la société Le Web sur la société World people à hauteur de 1 371 248 euros pour protéger la trésorerie de cette dernière en sorte qu’il a porté préjudice à la première au profit de la seconde et non l’inverse. Ils ajoutent qu’il a également privilégié les intérêts de la société World people au détriment de la société Le Web en sollicitant pour la première un échéancier de dix ans.
Ils mettent en avant le licenciement pour faute grave de Mme [G] [O], précisant que le conseil des prud’hommes d’Albi en a confirmé le bien fondé et a condamné celle-ci à payer à la société World people la somme de 62 987,20 euros.
Puis, les appelants contestent le préjudice réclamé par les consorts [O] pour la société World people, faisant valoir qu’ils ne peuvent rien réclamer pour les années 2000 à 2009, 2011 et 2013 dans la mesure où la cour d’appel a validé toutes les assemblées générales annuelles. Ils estiment que restent seuls en discussion les éventuels préjudices au titre des années 2010 et 2012 et prétendent que le préjudice financier, à supposer que son existence soit admise, ne serait constitué que par la perte de marge nette réalisée par la société sur la somme de 478 494 euros, divisée par deux années, ce qui suppose que soit prise en considération l’incidence de l’impôt sur les sociétés. Ils ajoutent qu’il appartient aux consorts [O] de calculer le taux de marge nette, ce qu’ils ne font pas en sorte que leur demande doit être rejetée.
S’agissant de la période 2014 à 2019, ils relèvent qu’il n’existe aucun élément probatoire de nature à caractériser l’existence d’un préjudice comme l’a souligné le tribunal. Ils estiment qu’en tout état de cause, la cour a validé les assemblées générales d’approbation des comptes de novembre 2014 et novembre 2015 en sorte que les consorts [O] ne peuvent réclamer la moindre somme à ce titre. S’agissant des exercices suivants, ils relèvent que les refacturations des prestations fournies par la société Le Web ont significativement diminué au fil des ans pour des montants très éloignés des prétendus 404 247 euros annuels de ‘trop facturés’ évoqués par les intimés.
A titre subsidiaire, ils prétendent que dans l’hypothèse où la cour viendrait à allouer des dommages et intérêts à la société World people le montant de ceux-ci devra être diminué de la somme de 1 371 248 euros correspondant à la créance non recouvrée de la société Le Web sur la société World people au titre de la convention de collaboration et de ses avenants successifs.
S’agissant de la redevance au titre de la base de données, les appelants rappellent qu’elle n’est plus due depuis le 1er janvier 2008 et qu’en tout état de cause la valeur d’usage de 15 000 euros justement retenue par le tribunal ne peut être multipliée par onze années.
Les intimés invoquent une perte de chiffre d’affaires en raison de l’absence de paiement d’une redevance au titre de l’utilisation par la société Le Web d’une base de données qu’ils estiment à 69 900 euros par an et une augmentation des charges à hauteur de 264 447 euros par an, outre les commissions payées au titre des frais de publicité. Ils sollicitent la fixation de dommages et intérêts, depuis l’année 2008 au cours de laquelle M. [V] [O] a pris la gérance, pour onze années (du [Date décès 2] 2008 au [Date décès 2] 2019) à la somme de 4 446 7174 euros à parfaire ainsi que l’allocation de la somme de 60 158 euros au titre du préjudice résultant de la cession des parts de la SCI VJC.
. sur la perte de chiffre d’affaires en raison de l’absence de paiement d’une redevance au titre de l’utilisation de la base de données
Les consorts [O], exerçant l’action ut singuli, ne sont pas fondés à évaluer le préjudice de la société World people sur la base du chiffre d’affaires, comme le relève justement M. [V] [O]. Le préjudice doit être évalué en fonction de la marge commerciale brute dont la victime du dommage a été privée de sorte que doivent être déduits du chiffre d’affaires qu’elle n’a pas réalisé les coûts variables qu’elle n’a pas eu à exposer.
Or, les consorts [O] se contentent de réclamer le paiement de la somme de 69 900 euros par an au titre de la redevance sans calculer la marge commerciale brute dont la société World people a été privée du fait de la non perception de cette redevance et la cour ne dispose pas des éléments lui permettant de calculer cette marge. Aucune somme ne sera donc retenue à ce titre.
. sur l’augmentation des charges
Le tableau figurant en page 45 du rapport de l’expert montre que pour la période de 2009 à 2013 le total qui aurait pu être facturé par la société Le Web à la société World people dans des conditions normales est de 1 340 090 euros sur la période de 2009 à 2013 alors que les chiffres précités montrent qu’a été facturée par la société Le Web à la société World people pour cette même période une somme totale de 3 212 446 euros, soit un trop facturé de 1 872 356 euros qui constitue le préjudice de la société.
Les consorts [O] n’apportent aucun élément chiffré pour la période postérieure en sorte qu’aucune somme ne peut être allouée à la société World people à ce titre
Le montant du préjudice subi par la société World people dont M. [V] [O] est responsable ne peut être diminué de la somme de 1 371 248 euros correspondant à la créance non recouvrée de la société Le Web, tiers à l’instance, sur la société World people au titre de la convention de collaboration et de ses avenants successifs.
En conclusion de ce qui précède, tenant compte également du préjudice de la société World people résultant de la cession des parts de la SCI VJC, il convient, infirmant le jugement de ce chef, de condamner M. [V] [O] à verser à la société World people la somme totale de 1 932 514 euros (1 872 356 + 60 158 euros) avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
C’est à juste titre que le tribunal a retenu qu’aucune part de responsabilité ne peut être retenue à l’encontre des consorts [O] dans les fautes de gestion commises par M. [V] [O] et qu’il a débouté ce dernier de sa demande de partage de responsabilité.
– sur le préjudice des associés
Les appelants rappellent que toutes les assemblées générales qui se sont tenues depuis 2001 jusqu’en 2015, à l’exception de celles du 20 décembre 2010 et du 30 novembre 2012, ont été validées par la cour d’appel par un arrêt qui a force de chose définitivement jugée en sorte que les consorts [O] sont mal fondés, si ce n’est même irrecevables, à rechercher la responsabilité de M. [V] [O].
Ils estiment que c’est à bon droit que le tribunal a débouté les intimés de leur demande au titre de la privation de leurs droits de vote et de la perte de valeur des droits sociaux.
A l’inverse, ils critiquent le jugement qui a retenu un préjudice moral alors qu’il n’était étayée par aucune pièce.
Les consorts [O] invoquent l’existence d’un préjudice matériel résultant de la privation de leur droit de vote par l’usage frauduleux jusqu’en 2011 d’un mandat donné en 2001 pour autoriser l’acquisition de la base de données par la société World people. Ils prétendent que M. [V] [O] a entériné pour le compte des associés des décisions dont l’objet était de valider des conventions réglementées intervenues entre la société et lui-même dans son intérêt exclusif, au détriment de la société World people et de ses associés. Ils estiment qu’en raison de l’opposition d’intérêts entre sa fonction de mandataire en 2001 et de gérant de la société Le Web, il ne pouvait pas signer les avenants à la convention de collaboration. Ils prétendent qu’il a failli à son mandat de représentation ainsi qu’à son devoir de loyauté envers les associés et engage à ce titre sa responsabilité personnelle. Ils soutiennent que leur préjudice résulte a minima de la diminution du résultat d’exploitation en raison d’une part de la disparition du chiffre d’affaires lié à la prétendue obsolescence de la base de données et d’autre part de l’augmentation des charges liées à la forte hausse de la sous-traitance au profit de la société Le Web, soit un préjudice de 50 % de la diminution du résultat puisqu’ils détiennent 50 % des parts de la société World people.
Ils allèguent également une perte de valeur de leurs droits sociaux, les capitaux propres étant devenus négatifs. Ils affirment que la base de données que M. [V] [O] a dévoyée est un élément fondamental de la valorisation du fonds de commerce et donc de la valorisation de leurs titres.
Enfin, ils prétendent avoir subi un préjudice moral compte tenu de l’importance des faits dont ils ont été victimes.
C’est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a d’une part rejeté les demandes des consorts [O] au titre du préjudice matériel et d’autre part fait droit à leur demande au titre de leur préjudice moral en leur allouant à chacun une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts. Il convient par conséquent de confirmer le jugement de ces chefs.
5) sur la demande de révocation de M. [V] [O]
M. [V] [O] n’a pas présenté d’observation particulière sur ce chef de demande.
Les consorts [O] prétendent qu’au vu des fautes de gestion précitées ayant permis à M. [V] [O] de s’enrichir au détriment de la société World people et de ses associés et ayant entraîné une perte considérable de chiffre d’affaires au profit de sociétés concurrentes, celui-ci doit être révoqué de ses fonctions de gérant, estimant qu’il n’est pas capable de faire passer l’intérêt de la société avant le sien. Ils sollicitent la désignation d’un administrateur provisoire afin notamment de permettre le fonctionnement normal de la société jusqu’à la nomination d’un gérant.
Selon l’article 1851, alinéa 2, du code civil, le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime à la demande de tout associé.
La cause légitime de révocation consiste en tous motifs sérieux tirés de l’intérêt de la société, tels notamment une faute de gestion, une violation de la loi ou des statuts mais également, en l’absence de toute faute, en une attitude ou une circonstance de nature à compromettre l’intérêt social ou le bon fonctionnement de la société. Elle doit être fondée sur des éléments objectifs.
Les fautes de gestion retenues ci-dessus à l’encontre de M. [V] [O] qui montrent que celui-ci a privilégié les intérêts de la société Le Web qu’il détient à hauteur de 999/1000 parts au détriment de la société World people dont il est le gérant justifient sa révocation.
Il convient par conséquent, infirmant le jugement, de révoquer M. [V] [O] et de désigner un administrateur provisoire dont la mission sera délimitée dans le dispositif qui suit, le surplus des demandes des intimées à ce titre étant rejetées.
6) sur la restitution de la base de données
Les appelants n’ont pas présenté d’observation particulière sur cette demande.
Les consorts [O] sollicitent la restitution de la base de données, faisant valoir que la nullité des avenants soit prononcée ou non, il ne peut leur être opposé ni un accord passé en fraude des droits de la société ni l’absence de la société Le Web dans la cause.
C’est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a rejeté cette demande, la cour ajoutant que la convention de collaboration et ses avenants passés entre la société World people et la société Le Web autorise celle-ci à utiliser la base de données litigieuses.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en ce qu’il a dit que l’instance n’est pas périmée, débouté les consorts [O] de leur demande de nullité de l’expertise, débouté les consorts [O] de leur demande de restitution de la base de données textuelles, débouté les consorts [O] de leur demande au titre du préjudice matériel, condamné M. [V] [O] à payer la somme de 2 000 euros chacun aux consorts [O] au titre de leur préjudice moral, débouté M. [V] [O] de sa demande reconventionnelle, ainsi qu’en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Infirme le jugement sur le surplus,
Condamne M. [V] [O] à payer à la société World people la somme de 1 932 514 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Révoque M. [V] [O] de ses fonctions de gérant de la société World people,
Désigne la Selarl [Y] [P], prise en la personne de maître [Y] [P], en qualité d’administrateur provisoire de la société World people avec mission de :
– assurer la gestion courante de la société World people jusqu’à la nomination d’un gérant,
– convoquer une assemblée en vue de la nomination d’un nouveau gérant,
Dit que les frais résultant de l’administration provisoire seront supportés par la société World people,
ajoutant au jugement,
Déclare irrecevables les demandes des consorts [O] de nullité des avenants à la convention et de restitution des fonds dont la société World people a été privée en vertu desdits avenants aux conventions,
Rejette les autres demandes des consorts [O],
Condamne M. [V] [O] aux dépens de la procédure d’appel,
Condamne M. [V] [O] à payer aux consorts [O] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,