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1 septembre 2022
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/02149
N° RG 21/02149 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K3X7
C8
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL CABINET ALMODOVAR
la SELARL ARMAJURIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 01 SEPTEMBRE 2022
Appel d’une décision (N° RG 2019J148)
rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE
en date du 03 mars 2021
suivant déclaration d’appel du 07 Mai 2021
APPELANTE :
S.A. TCM, société anonyme à directoire immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 457 208 155, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Serge ALMODOVAR de la SELARL CABINET ALMODOVAR, avocat au barreau de la DROME, postulant et Me Clément GERMAIN, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIM ÉE :
S.A.S. COX BENNES au capital de 300 000 euros, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée et plaidant par Me Benoit BERNARD de la SELARL ARMAJURIS, avocat au barreau de la DROME,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 mai 2022, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, qui a fait rapport assistée de Mme Sarah DJABLI, a entendu les avocats en leurs conclusions et Me BERNARD en sa plaidoirie, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Tolerie Chaudronnerie Mécanique (TCM) qui exerce l’activité de carrossier installe aussi des bennes sur des châssis de camions pour être ensuite livrées à ses clients.
La société Cox Bennes vend des bennes destinées aux transports de matériaux.
Ces deux sociétés sont en relation d’affaires depuis une dizaine d’années.
Fin 2016 et courant 2017, la société TCM a commandé à la société Cox Bennes plusieurs bennes.
Dans plusieurs SMS et courriels, la société TCM alertait la société Cox Bennes sur le non respect des délais de livraison.
Après livraison des bennes, la société Cox Bennes sollicitait le règlement de ses factures.
Par courrier recommandé du 15 mars reçue le 23 mars 2018, la société Cox Bennes a mis en demeure la société TCM de lui régler la somme de 201.420 € TTC.
Par acte d’huissier du 28 mai 2019, la société Cox Bennes a assigné la société TCM devant le tribunal de commerce de Romans sur Isère en paiement de la somme de 201.420 €, outre 20.000 € de dommages et intérêts.
Par jugement du 3 mars 2021, le tribunal de commerce de Romans sur Isère :
– s’est déclaré compétent territorialement en application de la clause attributive de compétence territoriale prévue dans les conditions générales de vente acceptées et signées par la société TCM,
– a condamné la société TCM à payer à la société Cox Bennes la somme de 241.420 € TTC, assortie des intéréts légaux à partir de la réccption de la mise en demeure de régler datée du mois de mars 2018,
– a débouté la société TCM de la somme de 20.000 € en réparation du préjudice financier de la société Cox Bennes pour ne pas avoir été réglée de l’ensemble de ses factures,
– a débouté la société TCM de sa demande de mise à la charge des prétendus frais de location de benne,
– a débouté la société TCM de sa demande formulée par la société TCM à titre de dommages et intérêts en réparation de son prétendu préjudice,
– a dit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
– a ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– a rejeté toutes autres demandes,
– a liquidé les dépens pour les mettre à la charge de la société TCM.
Par déclaration du 7 mai 2021, la société TCM a interjeté appel du jugement en ce qu’il a :
– condamné la société TCM à payer à la société Cox Bennes la somme de 241.420 € TTC, assortie des intéréts légaux à partir de la réccption de la mise en demeure de régler datée du mois de mars 2018,
– débouté la société TCM de la somme de 20.000 € en réparation du préjudice financier de la société Cox Bennes pour ne pas avoir été réglée de l’ensemble de ses factures,
– débouté la société TCM de sa demande de mise à la charge des prétendus frais de location de benne,
– débouté la société TCM de sa demande formulée par la société TCM à titre de dommages et intérêts en réparation de son prétendu préjudice,
– dit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– rejeté toutes autres demandes,
– liquidé les dépens pour les mettre à la charge de la société TCM.
Prétentions et moyens de la société TCM :
Dans ses dernières conclusions notifiées et remises le 13 avril 2022, la société Tolerie Chaudronnerie Mécanique (TCM) demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1610, 1217 et suivants et 1231-1 et suivants du code civil, de :
– déclarer l’appel recevable et bien fondé,
– infirmer le jugernent dont appel,
Statuant à nouveau,
– dire et juger que la société Cox Bennes a exécuté sa prestation avec un retard considérable envers la société Tolerie Chaudronnerie Mécanique,
– dire et juger que ce retard est exclusivement irnputable à la société Cox Bennes,
– condamner la société Cox Bennes à payer à la société Tolerie Chaudronnerie Mécanique le somme de 109.692,00 € TTC au titre de la location de bennes supportée par elle en raison desdits retards,
– condamner la société Cox Bennes à payer à la société Tolerie Chaudronnerie Mécanique la somme de 80.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice économique,
– ordonner la compensation entre les créances réciproques des sociétés TOLERIE CHAUDRONNERIE MECANIQUE (à hauteur de 189.692 €) et Cox Bennes (à hauteur de 201.420 €),
– condamner la société Cox Bennes à payer à la société Tolerie Chaudronnerie Mécanique la somme de 4.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir que la société Cox Bennes n’a pas respecté les délais de livraison demandés par la société TCM; que les délais figurant sur les commandes constituent un engagement ferme de la société Cox Bennes et non des délais envisagés à titre indicatif; que la société TCM en passant commande confirmait les délais de livraison stipulés sur les devis acceptés qui constituaient ainsi le socle contractuel de la relation des parties ; que la société TCM a insisté par mail sur l’importance des délais; que travaillant depuis plusieurs années avec la société TCM, la société Cox Bennes connaissait l’importance du respect de ces délais et le besoin pour la société TCM de livrer ses clients dans les temps afin qu’ils poursuivent leur activité. En tout état de cause, elle relève que le tribunal aurait dû rechercher si les délais de livraison étaient raisonnables ce qui n’était pas le cas, certains retards s’élevant à plus de 85 jours.
Elle souligne que la société Cox Bennes ne saurait se réfugier derrière l’argument tiré d’une absence de mise en demeure alors même qu’elle ne conteste pas avoir manqué à son obligation contractuelle et n’invoque pas de force majeure comme cause de ces retards.
Elle conclut donc que la société Cox Bennes a bien manqué à son obligation et a engagé sa responsabilité envers la société TCM lui ouvrant droit à réparation.
Elle relève aussi que les retards ne résultant pas des modifications qu’elle a demandées, celles-ci ayant été formées entre 6 et 8 semaines après la date de livraison convenue et ne concernant au surplus que trois bennes.
Elle fait remarquer que le tribunal a injustement retenu que le retard était imputable à la société Cox Bennes pour ne pas avoir transmis les éléments nécessaires à la réalisation des bennes alors que la société Cox Bennes ne justifie en rien de ce défaut de communication ; qu’il est au contraire coché
la case “dossier de commande complet”; que les quelques demandes d’information de la société Cox Bennes ont été immédiatement suivies d’effet.
Elle observe qu’en raison de la désinvolture de la société Cox Bennes à qui elle a fait part à maintes reprises de son mécontentement, les clients de la société TCM n’ont eu d’autre choix que de louer eux-même le matériel dont ils avaient besoin et elle a ainsi dû leur régler la somme de 109.692 € afin de ne pas perdre ses clients.
Elle indique que les factures de matériel sont postérieures à l’expiration des délais de livraison et aux avertissements qu’elle a adressées à la société Cox Bennes.
Sur sa demande d’allocation de la somme de 80.000 € à titre de dommages et intérêts, elle expose qu’elle a été contrainte d’utiliser sa trésorerie afin de payer les locations de bennes et que deux de ses plus gros clients sont partis à la concurrence.
Prétentions et moyens de la société Cox Bennes :
Dans ses conclusions notifiées et remises le 29 octobre 2021, elle demande à la cour de :
– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère en ce qu’il a condamné la société à régler les factures dues à la société Cox Bennes à hauteur de 201.420 € TTC assortis des intérêts légaux à compter du 23 mars 2018, date de réception de la mise en demeure de régler les factures,
– infirmer le chef de jugement en ce qu’il a debouté la société COX BENNES de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 20.000 € en réparation de ses préjudices consécutifs au non réglement des factures dues à la société Cox Bennes,
– condamner la société TCM à régler la somme de 20.000 € a titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices consécutifs au non réglement des factures dues à la société Cox Bennes,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère en ce qu’il a débouté la société TCM de sa demande de réglement de la somme de 109.692 € TTC au titre de la location de bennes,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a débouté la société TCM de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 80.000 € pour préjudice économique,
– rejeter la demande de compensation de la société TCM,
– débouter la société de l’intégralité de ses demandes,
– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère en ce qu’il a débouté la société Cox Bennes de sa demande de la somme de 4.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais liés à sa défense en première instance,
– condamner la société TCM à régler à la société Cox Bennes la somme de 4500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais orchestrés par la société Cox Bennes pour la défense de ses intérêts en première instance,
– condamner la société TCM à verser la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais orchestrés en cause d’appel,
– condamner la société TCM aux entiers dépens de première instance ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Elle expose que la société TCM ne conteste pas avoir réceptionné les bennes commandées, ni même leur valeur et le montant des différentes factures de la société Cox Bennes ; que le jugement ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a condamné la société TCM à payer le montant des factures sauf à limiter la condamnation à la somme de 201.420 euros, la somme de 241.420 € indiquée par le tribunal résultant d’une erreur de plume.
Elle fait observer que :
– ce n’est qu’à compter de la réception des factures que la société TCM a soutenu qu’elle avait été contrainte de louer du matériel pour compenser les retards,
– les délais de livraison sont indiqués comme prévisionnels et ne constituent pas un engagement ferme,
– les explications de la société TCM ne permettent pas de savoir dans quel délai chaque commande a été honorée,
– il n’est pas démontré que les retards subis dépassent la limite admissible,
– avant d’engager des frais de location, il appartenait à la société TCM de la mettre en demeure par lettre recommandée de livrer sous peine de faire appel à un autre professionnel,
– la société TCM a loué du matériel alors même que les délais prévisionnels n’étaient pas expirés,
– la société TCM a sollicité des modifications retardant la fabrication des bennes,
– une partie des retards s’explique par l’incendie de l’usine de fabrication du fournisseur ce qui constitue un cas de force majeure,
– dès le mois d’avril 2017 et le mois de mai 2017, la société Cox Bennes et la société TCM ont convenu d’un nouveau calendrier prévisionnel et toutes les bennes ont été livrées jusqu’en octobre 2017,
– les conditions générales de vente indiquent que le dépassement des délais de livraison prévisionnels ne peut donner lieu à des dommages et intérêts,
– la facture de location de matériel émise par la société TCM est infondée,
– il n’est pas justifié d’un préjudice économique.
Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction est intervenue le 14 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1) Sur le règlement des factures :
Il n’est pas contesté que les bennes ont été livrées. Le montant des factures réclamé à hauteur de 201.420 € n’est pas discuté par les parties sauf à préciser que ce montant s’élève à la somme de 201.420 € et non à celui de 241.420 € comme indiqué en raison d’une erreur matérielle par le tribunal.
En conséquence, il convient de rectifier le jugement du 3 mars 2021 et de condamner la société TCM à payer à la société Cox Bennes la somme de 201.420 € TTC outre intérêts légaux à compter du 23 mars 2018, date de la mise en demeure.
2) Sur les retards de livraison :
En application de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Les conditions générales de ventes acceptées par la société TCM stipulent au titre du paragraphe “Livraison”:
“Modalités: la livraison est effectuée par la remise directe des produits vendus au client. Les livraisons ne sont opérées qu’en fonction des disponibilités et dans l’ordre d’arrivée des commandes. COX est autorisée à procéder à des livraisons de façon globale ou partielle. Les délais de livraison sont indiqués aussi exactement que possible mais sont fonction des disponibilités d’approvisionnement et de transport de COX. Les dépassements de délais de livraison ne peuvent donner lieu à dommages et intérêts, à retenue ni à annulation des commandes en cours. Toutefois, si 15 jours après une mise en demeure du client restée infructueuse, le produit n’a pas été livré, pour toutes autres causes qu’un cas de force majeure, la vente pourra être résolue à la demande de l’une ou l’autre des parties, à l’exclusion de toute indemnité ou dommages et intérêts.”
Ces conditions ne prévoient donc aucun dédommagement en cas de retard de livraison et font seulement état de la possibilité de résilier le contrat après délivrance d’une mise en demeure.
Les accusés de réception des commandes passées par la société TCM mentionnent un délai prévisionnel en indiquant une semaine de livraison. Au regard des conditions générales du contrat, ce délai ne peut être qu’indicatif.
Les plannings dont fait état la société TCM correspondent également à des prévisions.
Au regard des conditions générales du contrat, le dépassement des délais de livraison ne peut être indemnisé.
En conséquence, c’est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de la société TCM au titre des frais résultant des locations de bennes et au titre d’un préjudice économique.
3) Sur la demande d’indemnisation de la société Cox Bennes au titre du non réglement des factures :
En application de l’article L 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Le créancier ne peut obtenir des dommages et intérêts distinct de l’intérêt moratoire à condition de justifier d”un préjudice indépendant de ce retard et de prouver la mauvaise foi de son débiteur.
En l’espèce, la société Cox Bennes allégue des difficultés de trésorerie mais ne produit aucunes pièces pour justifier de telles difficultés.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Cox Bennes de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 20.000 € sauf à rectifier le chef de jugement qui a débouté par erreur matérielle la société TCM au lieu de la société Cox Bennes.
Il convient de confirmer aussi le jugement en qu’il a dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
4) Sur les mesures accessoires :
La société TCM qui succombe en son appel en supportera les dépens. En équité, il n’y a pas lieu d’allouer une somme à la société Cox Bennes au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement rendu le 3 mars 2021 par le tribunal de commerce de Romans sur Isère en toutes ses dispositions sauf à le rectifier de la façon suivante :
“Condamne la société TCM à payer à la société Cox Bennes la somme de 201.420 € TTC outre intérêts légaux à compter du 23 mars 2018, date de la mise en demeure.”
Au lieu de “Condamne la société TCM à payer à la société Cox Bennes la somme de 241.420 € TTC, assortie des intéréts légaux à partir de la réccption de la mise en demeure de régler datée du mois de mars 2018”.
“Déboute la société Cox Bennes de sa demande en paiement de la somme de 20.000 € en réparation du préjudice financier de la société Cox Bennes pour ne pas avoir été réglée de l’ensemble de ses factures.”
Au lieu de ” Déboute la société TCM la somme de 20.000 € en réparation du préjudice financier de la société Cox Bennes pour ne pas avoir été réglée de l’ensemble de ses factures.”
Condamne la société TCM aux dépens d’appel.
Déboute les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente