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28 septembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/21551
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 5
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022
(n° /2022, 27 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/21551 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBBF6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° J201900049
APPELANTE
SA 3F SEINE-ET-MARNE anciennement dénommée la RESIDENCE URBAINE DE FRANCE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 14]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Assistée de Me Frédéric COPPINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P53
INTIMES
Monsieur [S] [W]
[Adresse 6]
[Localité 16]
Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Assisté de Me Pierre ELMALIH, avocat au barreau de PARIS, toque : G006
S.A.R.L. SERBOIS
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentée par Me Magali GREINER, avocat au barreau de PARIS
SAS DECORATION DE SOUSA FRERES
[Adresse 21]
[Adresse 22]
[Localité 18]
Représentée par Me Gilbert SAUVAGE de l’ASSOCIATION CHEDOT SAUVAGE SAUVAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : R089
Assistée de Me Catherine CHEDOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R89
SA RIDORET MENUISERIE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 11]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie-Dominique GAUVRIT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0642
Assistée de Me Catherine CIBOT-DEGOMMIER, avocat du barreau la Rochelle Rochefort
SAS ALFORT CHAUFFAGE PLOMBERIE COUVERTURE Représentée par son Président.
[Adresse 8]
[Localité 15]
Représentée par Me Cécile GONTHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0170
Assistée de Me Judith ARAUJO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0170
SAS COMPAGNIE DE BATIMENT ET DE MAÇONNERIE (C.M.B) Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 7]
[Localité 12]
Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
Assistée de Me Anne HAUPTMAN, avocat au barreau de PARIS, toque C1651
SAS METAFAC, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 19]
Non assistée, non représentée
SAS PLI ISOLATION, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 17]
Non assistée, non représentée
SARL HENEAU MICHEL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 13]
Non assistée, non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre
Mme Valérie MORLET, Conseillère
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par MadameValérie MORLET dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN
ARRET :
– par défaut
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre et par Suzanne HAKOUN, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS et PROCEDURE
La SA d’HLM de la RESIDENCE URBAINE de FRANCE (RUF, aujourd’hui dénommée SA 3F SEINE et MARNE), a courant 2010 entrepris la construction d’un ensemble immobilier à usage d’habitation comprenant 15 logements collectifs et 5 maisons individuelles sur un terrain lui appartenant à la [Adresse 20].
La maîtrise d”uvre de l’opération a été confiée à un groupement composé de Messieurs [X] [Y] et [S] [W], architectes exerçant sous l’enseigne “Agence [Y] et [W]”, d’une part, et de la société BETEREM INGENIERIE, d’autre part.
Les travaux ont été confiés à dix entreprises, selon douze lots séparés :
– la SAS COMPAGNIE de BATIMENT et de MACONNERIE (CBM), chargée des lots n°1 voies et réseaux divers (VRD) et aménagements extérieurs et n°2 gros-‘uvre et terrassement,
– la SARL GME ETANCHE (placée en liquidation judiciaire par jugement du 2 juin 2014 tribunal de commerce d’Evry), chargée du lot n°3 étanchéité,
– la SARL DECO FAÇADE (placée en liquidation judiciaire par jugement 30 juillet 2015 du tribunal de commerce d’Evreux), chargée du lot n°4 revêtement de façades,
– la SARL SERBOIS, chargée du lot n°5 menuiseries extérieures,
– la SA RIDORET MENUISERIE, chargée du lot n°6 menuiseries intérieures,
– la SARL METAFAC, chargée du lot n°7 serrurerie,
– la SARL PLI ISOLATION, chargée du lot n°8 cloisons, doublages et faux plafonds,
– la société DECORATION de SOUSA Frères, chargées des lots n°9 revêtements de sols souples, carrelages, faïences et n°10 peinture,
– la SARL Michel HENEAU, chargée du lot n°11 électricité, courants forts et faibles,
– la SAS ALFORT CHAUFFAGE PLOMBERIE COUVERTURE (ACPC), chargée du lot n°12 plomberie, chauffage, ventilation.
La société CBM a également été chargée de la gestion du compte prorata et du compte inter-entreprises sur le chantier.
Les travaux ont été réalisés et réceptionnés à la date du 26 mars 2012 (selon procès-verbal dressé le 29 mars 2012).
La société CBM a le 15 juillet 2013 transmis à l’agence [Y] et [W], maître d”uvre, son décompte général définitif pour vérification et sa facture au titre du compte prorata, dont elle était le gestionnaire. Un litige est né entre les parties, relatif à ce dernier compte.
Faute d’accord entre les parties, la société CBM a par acte du 24 mars 2015 assigné la société IMMOBILIERE 3F en paiement devant le tribunal de commerce de Paris. Le dossier a été enrôlé sous le n°2015019712.
La société RESIDENCE URBAINE de FRANCE (RUF) est volontairement intervenue à l’instance.
La société RESIDENCE URBAINE de FRANCE (RUF) a par actes des 19, 20, 21, 22 et 25 janvier 2016 assigné Messieurs [Y] et [W], les sociétés RIDORET MENUISERIE METAFAC, PLI ISOLATION, HENEAU, ACPC, SERBOIS et DECORATION de SOUSA Frères. Le dossier a été enregistré sous le n°2016007040.
*
Le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 18 octobre 2019 :
– a dit recevable l’intervention volontaire de la société RUF et ordonné la mise hors de cause la société IMMOBILIERE 3F,
– a ordonné la jonction des instances n°2015019712 et 2016007040 sous le numéro d’instance J2019000490,
– a débouté la société RUF de sa demande, recevable mais mal fondée, de sursis à statuer,
En statuant par deux dispositions distinctes,
Premièrement,
– a dit recevable l’exception d’incompétence soulevée par Monsieur [Y],
– s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris et a renvoyé la société RUF à mieux se pourvoir contre Monsieur [Y] devant ce tribunal,
– s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris et a renvoyé :
. Monsieur [Y] à mieux se pourvoir contre les sociétés RIDORET MENUISERIE, METAFAC, PLI ISOLATION, HENEAU, ACPC, SERBOIS et DECORATION de SOUSA Frères devant le tribunal de grande instance de Paris, au titre de son appel en garantie contre elles,
. Monsieur [Y] à mieux se pourvoir contre la société CBM devant le tribunal de grande instance de Paris,
. la société ACPC à mieux se pourvoir contre Monsieur [Y] devant le tribunal de grande instance de Paris, au titre de son appel en garantie contre lui,
– a dit que le greffe procédera à la notification de la présente décision par lettre recommandée avec accusé de réception adressée exclusivement aux parties,
– a dit qu’en application de l’article 84 du code de procédure civile, la voie de l’appel est ouverte contre la décision dans le délai de 15 jours à compter de ladite notification et qu’à défaut d’appel dans ce délai, le dossier sera transmis à la juridiction susvisée dans les conditions de l’article 82 du code de procédure civile,
Deuxièmement,
– a dit recevable la fin de non-recevoir soulevée par Messieurs [Y] et [W],
– a débouté la société RUF de sa demande en intervention forcée et en garantie à l’encontre de Monsieur [W],
– a en outre débouté :
. Monsieur [W] de sa demande, au titre de son appel en garantie à l’encontre des sociétés RIDORET MENUISERIE, METAFAC, PLI ISOLATION, HENEAU, ACPC, SERBOIS et DECORATION de SOUSA Frères,
. Monsieur [W] de sa demande à l’encontre de la société CBM,
. la société ACPC de sa demande, au titre de son appel en garantie à l’encontre de Monsieur [W],
– a débouté la société ACPC de sa fin de non- recevoir au titre de la prescription de l’assignation de la société RUF en intervention forcée et en garantie du 19 janvier 2018 à son encontre,
– a débouté, comme mal fondée et inopérante, la fin de non-recevoir des sociétés RUF et RIDORET MENUISERIE, au titre de la prescription de l’action en paiement du solde du compte prorata,
– a débouté la société RUF de sa demande, comme mal fondée et inopérante, d’irrecevabilité de l’action en paiement de la société CBM du 24 mars 2015,
– a dit les demandes de la société RUF mal fondées et inopérantes, et a dit la demande de la société CBM bien fondée,
– a condamné la société RUF à payer à la société CBM la somme de 34.013,94 euros TTC au titre du compte prorata, majorée des intérêts au taux d’une fois et demi le taux d’intérêts légal, à compter du 11 septembre 2013 avec capitalisation, déboutant la société CBM pour le surplus,
– a condamné à payer à la société RUF au titre de son appel en garantie :
. la société SERBOIS : la somme de 560,15 euros TTC,
. la société RIDORET MENUISERIE : la somme de 579,37 euros TTC,
. la société METAFAC : la somme de 1.076,68 euros TTC,
. la PLI ISOLATION : la somme de 538,60 euros TTC,
. la société DECORATION de SOUSA Frères : la somme de 748,37 euros TTC,
. la société HENEAU : la somme de 806,43 euros TTC,
. la société ACPC : la somme de 2.287,51 euros TTC,
déboutant la société RUF pour le surplus, et sans que ladite société puisse faire appel d’une quelconque garantie solidaire entre les entreprises intervenantes, pour quelque motif que ce soit,
– a dit que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a engagés,
– a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
– a ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– a condamné la société RUF aux dépens, la déboutant de son appel en garantie au titre des dépens.
La société 3F SEINE et MARNE (anciennement dénommée RESIDENCE URBAINE de FRANCE, RUF) a par acte du 22 novembre 2019 interjeté appel de ce jugement, intimant les sociétés DECORATION de SOUSA Frères, RIDORET MENUISERIE, ACPC, CMB, METAFAC, PLI ISOLATION, HENEAU et SERBOIS et Monsieur [W] devant la Cour.
*
Saisi d’un incident d’irrecevabilité, le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 15 décembre 2020 :
– s’est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel en garantie formé par Monsieur [W] pour son propre compte et celui de Monsieur [Y] dans les conclusions signifiées le 30 juillet 2020,
– s’est déclaré irrégulièrement saisi de son désistement d’incident par la société 3F SEINE et MARNE,
– condamné les sociétés DECORATION de SOUSA Frères, RIDORET MENUISERIE, SERBOIS, 3F SEINE et MARNE et ACPC in solidum aux dépens de la procédure sur incident.
*
La société 3F SEINE et MARNE, maître d’ouvrage, dans ses dernières conclusions n°4 signifiées le 1er avril 2022, demande à la Cour de :
Sur la recevabilité de l’action de la société CBM et sa condamnation au paiement du solde du compte prorata,
– infirmer le jugement en ce qu’il :
. a débouté, comme mal fondée et inopérante, la fin de non-recevoir qu’elle a soulevée au titre de la prescription de l’action en paiement du solde du compte prorata,
. a débouté, comme mal fondée et inopérante, sa demande aux fins d’irrecevabilité de l’action en paiement de la société CBM du 24 mars 2015,
. a dit ses demandes mal fondées et inopérantes, et dit la demande de la société CBM bien fondée,
. l’a condamnée à payer à la société CBM la somme de 34.013,94 euros TTC au titre du compte prorata, majorée des intérêts au taux d’une fois et demi le taux d’intérêt légal à compter du 11 septembre 2013 avec capitalisation, déboutant la société CBM pour le surplus,
Statuant à nouveau,
– juger irrecevable, comme prescrite, l’action en paiement de la société CBM engagée par un exploit en date seulement du 24 mars 2015 et de surcroît délivrée à une personne qui n’était pas le maître d’ouvrage, à savoir donc plus d’un an après la reddition des comptes du marché de travaux et leur paiement,
– à défaut, rejeter comme mal fondée l’action en paiement de la société CBM qui, en plus d’être dirigée à tort contre le maître d’ouvrage qui n’est pas le débiteur final du compte prorata et n’a commis aucune faute dans l’exécution de ses obligations à ce titre, n’est pas justifiée dans son principe et son montant,
– dans l’hypothèse d’une confirmation du jugement sur la recevabilité de l’action en paiement de la société CBM, constater que le solde du compte prorata au vu des dépenses justifiées par le gestionnaire et des sommes réglées par le maître d’ouvrage est négatif,
– à défaut rectifier le montant du solde du compte prorata alloué au bénéfice de la société CBM à la somme de 31.112,39 euros TTC correspondant à la somme des dépenses engagées avant la réception des travaux, ou, à défaut, de 33.988,62 euros TTC,
– dans l’hypothèse où il serait fait droit à la demande de condamnation présentée par la société CBM à titre très subsidiaire, rectifier le montant du solde du compte prorata alloué au bénéfice de la société CBM à un montant de 12.439,30 euros TTC.
– débouter la société CBM de toutes prétentions contraires,
Sur la recevabilité de l’appel en garantie de Monsieur [W] et la condamnation des intervenants aux travaux appelés en garantie,
– dans l’hypothèse d’une confirmation du jugement sur la condamnation au paiement du maître d’ouvrage, infirmer le jugement en ce qu’il :
. l’a déboutée de sa demande en intervention forcée et en garantie à l’encontre de Monsieur [W],
. a limité le recours du maître d’ouvrage à l’égard des entreprises en condamnant à lui payer à au titre de son appel en garantie :
. la société SERBOIS la somme de 560,15 euros TTC,
. la société RIDORET MENUISERIE la somme de 579,37 euros TTC,
. la société METAFAC la somme de 1.076,68 euros TTC,
. la société PLI ISOLATION la somme de 538,60 euros TTC,
. la société DECORATION de SOUSA Frères la somme de 748,37 euros TTC,
. la société HENEAU la somme de 806,43 euros TTC,
. la société ACPC la somme de 2.287,51 euros TTC,
déboutant la société RUF pour le surplus, sans qu’elle puisse faire appel d’une quelconque garantie solidaire entre les entreprises intervenantes, pour quelque motif que ce soit
Sur ce, statuant à nouveau,
– déclarer irrecevables les demandes faites par Monsieur [W] pour le compte de Monsieur [Y] qui n’est pas partie à la cause en appel,
– la déclarer recevable en sa demande en intervention forcée et en ses demandes en garantie et l’y déclarer bien fondée,
– condamner in solidum Monsieur [W] ainsi que les sociétés SERBOIS, RIDORET MENUISERIE, METAFAC, PLI ISOLATION, DECORATION de SOUSA Frères, HENEAU et ACPC à la garantir et relever intégralement indemne de toutes les condamnations en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens qui seraient prononcées contre elle au bénéfice de la société CBM, et ce en vertu des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016,
– rejeter toutes demandes contraires des intimés,
– dans l’hypothèse d’une limitation de la garantie sollicitée par la société DECORATION de SOUSA Frères, déclarer que le montant de 622,87 euros sollicité par la celle-ci à titre de limitation de sa garantie est erroné,
– corriger ce montant à la somme de 625,87 euros,
En toutes hypothèses,
– infirmer le jugement en ce qu’il :
. a dit que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a engagés,
. a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
. l’a condamnée aux dépens, la déboutant de son appel en garantie au titre des dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe,
Statuant à nouveau,
– condamner, selon le cas, uniquement la société CBM ou solidairement Monsieur [W] ainsi que les sociétés SERBOIS, RIDORET MENUISERIE, METAFAC, PLI ISOLATION, DECORATION de SOUSA Frères, HENEAU et ACPC à lui verser 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance,
– condamner, selon le cas, uniquement la société CBM ou solidairement Monsieur [W] ainsi que les sociétés SERBOIS, RIDORET MENUISERIE, METAFAC, PLI ISOLATION, DECORATION de SOUSA Frères, HENEAU et ACPC à lui verser 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel,
– rejeter toutes demandes contraires.
La société CBM, entreprise de gros-‘uvre et gestionnaire du compte prorata, dans ses dernières conclusions n°3 signifiées le 31 mars 2022, demande à la Cour de :
A titre principal,
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a limité la condamnation de la société RUF, aux droits de laquelle vient la société 3F SEINE ET MARNE, à son profit à la somme de 34.013,94 euros TTC et l’a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, et, statuant de nouveau,
– condamner la société 3F SEINE ET MARNE venant aux droits de la société RUF à lui payer la somme de 55.034,17 euros TTC,
– condamner la société 3F SEINE ET MARNE venant aux droits de la société RUF au paiement des intérêts au taux d’une fois et demi l’intérêt légal avec capitalisation des intérêts, et ce à compter du 11 septembre 2013,
– condamner la société 3F SEINE ET MARNE venant aux droits de la société RUF à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
– confirmer le jugement dont appel pour le surplus,
Subsidiairement,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et, statuant de nouveau,
– condamner la société 3F SEINE ET MARNE venant aux droits de la société RUF à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
Très subsidiairement,
– condamner la société 3F SEINE ET MARNE à lui payer la somme de 13.439,30 euros TTC,
– dire que ladite somme portera intérêts au taux d’une fois et demie l’intérêt légal à compter du 11 septembre 2013, avec capitalisation des intérêts,
– condamner la société 3F SEINE ET MARNE venant aux droits de la société RUF à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
En tout état de cause,
– débouter les sociétés 3F SEINE ET MARNE venant aux droits de la société RUF, RIDORET MENUISERIE, SERBOIS, DECORATION de SOUSA Frères ainsi que toutes autres parties de leurs demandes à son égard,
– condamner la société 3F SEINE ET MARNE venant aux droits de la société RUF à lui payer la somme de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec distraction au profit de Maître Jean-Claude CHEVILLER.
Monsieur [W], architecte, dans ses dernières conclusions signifiées le 16 novembre 2020, demande à la Cour de :
– déclarer irrecevables les demandes des sociétés 3F SEINE et MARNE, DECORATION de SOUSA Frères, SERBOIS et RIDORET MENUISERIE à son encontre,
Subsidiairement,
– débouter les sociétés 3F SEINE et MARNE, DECORATION de SOUSA Frères, SERBOIS et RIDORET MENUISERIE de toutes leurs demandes,
– condamner les sociétés 3F SEINE et MARNE, DECORATION de SOUSA Frères, SERBOIS et RIDORET MENUISERIE à lui verser, chacune, la somme de 1.000 euros,
– condamner tout succombant aux entiers dépens.
La société DECORATION de SOUSA Frères, dans ses dernières conclusions n°2 signifiées le 3 mai 2021, demande à la Cour de :
– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle l’a condamnée à payer à la société RUF aujourd’hui dénommée 3F SEINE ET MARNE la somme de 748,37 euros TTC,
– dire la créance de la société CMB infondée et réformer la décision entreprise en ce qu’elle a retenu un montant de dépenses au titre du compte prorata à hauteur de 77.461,19 euros HT,
– débouter la société 3F SEINE ET MARNE de toutes ses demandes dirigées à son encontre,
– à titre subsidiaire infirmer la décision sur le quantum auquel elle a été condamnée en faveur de la société RUF aujourd’hui dénommée 3F SEINE ET MARNE et statuant à nouveau dire que la garantie due ne saurait excéder la somme de 625.87 euros TTC,
– débouter Monsieur [W] de ses demandes de condamnations formées à son encontre,
– déclarer la société SERBOIS irrecevable en son appel en garantie et en toute hypothèse l’en débouter,
– condamner la société 3F SEINE ET MARNE et ou tout succombant à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société 3F SEINE ET MARNE et ou tout succombant en tous les dépens avec distraction au profit de Maître Gilbert SAUVAGE.
La société ACPC, dans ses dernières conclusions signifiées le 29 avril 2021, demande à la Cour de :
A titre principal,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à garantir la société RUF devenue 3F SEINE ET MARNE à hauteur de la somme de 2.287,51 euros TTC,
Statuant à nouveau,
– dire la créance de la société CMB prescrite et infondée et réformer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu un montant de dépenses au titre du compte prorata à hauteur de 77.461,19 euros HT,
– dire la demande d’appel en garantie de la société RUF devenue 3F SEINE ET MARNE à son encontre infondée et injustifiée,
– débouter la société RUF devenue 3F SEINE ET MARNE et toute autre partie de l’intégralité de leurs demandes à son encontre,
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse d’une confirmation du jugement sur la recevabilité de la demande d’appel en garantie de la société RUF à son encontre,
– dire que sa garantie, due à la société RUF devenue 3F SEINE ET MARNE, ne saurait excéder la somme de 1.912,63 euros TTC,
– débouter la société RUF devenue 3F SEINE ET MARNE pour le surplus et toute autre partie de l’intégralité de leurs demandes à son encontre,
En tout état de cause,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [W] de son appel en garantie dirigé à son encontre,
– déclarer irrecevable, mal fondée et injustifiée la demande en garantie de la société SERBOIS dirigée à son encontre,
– plus généralement, débouter toute partie de toute demande à son encontre,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que chaque partie conserverait la charge des frais irrépétibles qu’elle a engagés,
– condamner la société RUF devenue 3F SEINE ET MARNE et toute partie succombante à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile (première instance et appel),
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société RUF aux dépens, la déboutant de son appel en garantie au titre des dépens,
– condamner tout succombant aux dépens d’appel.
La société RIDORET MENUISERIE, dans ses dernières conclusions signifiées le 1er mars 2022, demande à la Cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il l’a déboutée et a débouté la société RUF de leur moyen déclarant à voir déclarer prescrite la demande de la société CMB et en conséquence déclarer la demande principale irrecevable et débouter la société RUF devenue 3F SEINE et MARNE de ses demandes en garantie à son encontre,
– réformer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer une somme de 579.37 euros en garantie d’une obligation principale découlant d’un manquement du maître de l’ouvrage vis-à-vis du demandeur principal,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à payer une somme de 579.37 euros en garantie d’une obligation principale sans avoir constaté le bien-fondé de cette obligation,
En toute hypothèse,
– débouter la société 3F SEINE et MARNE de toute demande à son encontre sur le fondement de l’article 1269 du code de procédure civile,
– débouter la société 3F SEINE et MARNE de toutes demandes contraires aux présentes qui seraient formulés à son encontre,
– déclarer irrecevables par application de l’article 564 du code de procédure civile et subsidiairement mal fondées les demandes de la société SERBOIS à son encontre et l’en débouter,
– lui allouer une indemnité de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile qui sera mise à la charge de la partie succombant,
– condamner la partie succombante aux entiers dépens de la procédure.
La société SERBOIS, dans ses dernières conclusions signifiées le 1er février 2022, demande à la Cour de :
– la dire aussi recevable que bien fondée en ses conclusions,
– déclarer recevable et bien fondé son appel incident,
A titre principal,
– confirmer le jugement en ce qu’il :
. a jugé que les entreprises intervenantes n’étaient pas en défaut de paiement quant à leurs obligations au titre du compte prorata selon les dispositions de l’article X.5.2 du compte prorata,
. a jugé que les entreprises intervenantes n’ont pu être confrontées à la société CMB sur les dépenses du compte prorata en excès des sommes collectées par le maître d’ouvrage, la société 3F SEINE et MARNE, sur la base du taux conventionnel,
. ce faisant, a jugé que les entreprises n’ont commis aucune faute dans l’exécution des dispositions de l’article X.5.2 leur incombant,
. a débouté la société 3F SEINE et MARNE de son appel en garantie auprès des entreprises intervenantes au titre du montant réclamé par la société CMB au-delà du montant collecté par le maitre d’ouvrage sur la base du taux conventionnel,
. l’a mise hors de cause au titre de cet appel en garantie,
– en outre, infirmer le jugement en ce qu’il :
. a jugé que les entreprises intervenantes se sont rendues responsables d’une négligence et qu’à tout le moins il y a eu une erreur matérielle dans l’élaboration des DGD aux motifs que la convention de compte prorata du 22 novembre 2010 signée par les entreprises intervenantes faisait état d’un taux conventionnel provisoire de 2,5% alors que les situations mensuelles et les DGD faisaient état d’un taux conventionnel de 2%,
. l’a condamnée au paiement de la somme de 560,15 euros au titre de l’appel en garantie de la société 3F SEINE et MARNE auprès de chaque entreprise intervenante à hauteur du montant prévu au titre du taux conventionnel du compte prorata de 2,5% au lieu de 2%, soit 1/4 (0,5% = 2%/4) de la somme déjà collectée,
Et statuant à nouveau,
– juger que les situations mensuelles et les DGD faisant état d’un taux conventionnel de 2% n’ont à aucun moment fait l’objet de contestations, discussions voire d’observations de la part du maître d”uvre ainsi que du maître d’ouvrage,
– en conséquence, débouter la société 3F SEINE et MARNE de son appel en garantie dirigée à l’encontre de chaque entreprise intervenante à hauteur du montant prévu au titre du taux conventionnel du compte prorata de 2,5% au lieu de 2%, soit 1/4 (0,5% = 2%/4) de la somme déjà collectée,
– la mettre hors de cause,
– à tout le moins confirmer le jugement en ce qu’il :
. a fait droit à l’appel en garantie de la société 3F SEINE et MARNE à l’encontre de chaque entreprise intervenante à hauteur uniquement d’un quart de la somme collecté au titre du montant prévu au titre du taux conventionnel du compte prorata de 2,5% au lieu de 2%,
. l’a condamnée au paiement de la somme de 560,15 euros,
. a rejeté toute demande de solidarité entre les entreprises intervenantes pour quelques motifs que ce soit,
A titre subsidiaire, si la Cour devait entrer en voie de condamnation à son encontre,
– infirmer le jugement en ce qu’il a reconnu l’existence d’un solde du compte prorata à hauteur de 28.439,75 euros HT, soit 34.013,94 euros TTC,
Et, statuant à nouveau,
– juger que les factures et pièces produites par la société CMB ne permettent pas de justifier d’un tel montant au titre du solde du compte prorata,
– débouter la société CMB de sa demande faite au titre du compte prorata,
– la mettre hors de cause en l’absence d’appel en garantie recevable,
En tout état de cause,
– condamner les sociétés 3F SEINE et MARNE, CBM, RIDORET, METAFAC, PLI ISOLATION, DECORATION de SOUSA Frères, HENEAU ET ACPC ainsi que Monsieur [W], in solidum, à la relever et garantir indemne de toutes condamnations éventuelles,
– condamner la société 3F SEINE et MARNE et/ou tous succombant aux entiers dépens et à lui payer une somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés.
Les sociétés METAFAC, PLI ISOLATION et HENEAU, régulièrement assignées devant la Cour, n’ont pas constitué avocat.
*
La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 5 avril 2022, l’affaire plaidée le 19 avril 2022 et mise en délibéré au 28 septembre 2022.
MOTIFS
La société 3F SEINE et MARNE affirme qu’elle se dénommait autrefois RESIDENCE URBAINE de FRANCE. Elle ne communique pas son extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés mais aucune partie à l’instance ne conteste sa qualité à agir ni sa position de maître d’ouvrage de l’opération. Il en est pris acte.
Sur la recevabilité des actions
Les premiers juges ont déclaré mal fondées et inopérantes les demandes d’irrecevabilité de l’action de la société CBM soulevée par les sociétés RUF/3F SEINE et MARNE et RIDORET MENUISERIE, considérant que seule l’action en paiement du DGD est soumise à un délai de prescription abrégé, qui ne concerne pas le délai de l’action en paiement du compte prorata, distinct, d’une part, et que les comptes n’ont jamais été définitivement arrêtés, d’autre part. Les premiers juges ont ensuite déclaré recevable et bien fondée la fin de non-recevoir soulevée “par Messieurs [Y] et [W], au titre de Monsieur [W]” mais ont sur ce fondement débouté la société RUF de ses demandes contre ce dernier et débouté l’architecte de ses appels en garantie.
La société 3F SEINE et MARNE, maître d’ouvrage, fait valoir la prescription de l’action en paiement de la société CBM, puis l’irrecevabilité de celle-ci, alors que le montant du compte prorata a été définitivement accepté. Elle estime son recours en garantie contre Monsieur [W] recevable, réfutant l’absence d’intérêt à agir contre lui en raison de l’apparence créée sur son intervention personnelle.
Monsieur [W], architecte, rappelle ne pas exercer à titre individuel mais sous la forme d’une EURL. Il estime que c’est cette dernière qui aurait dû être assignée, et non lui-même, estimant n’avoir pas qualité pour agir.
La société RIDORET MENUISERIE critique également le jugement de ces chefs, affirmant que le compte prorata est inclus dans le décompte général définitif des entreprises et qu’ainsi l’action en paiement de ce compte est soumise au même délai de prescription d’un an, acquis. Elle fait valoir le caractère intangible du décompte général définitif approuvé, sur le fondement de l’article 1269 du code de procédure civile.
La société DECORATION de SOUSA Frères fait également valoir les dispositions de l’article 1269 du code de procédure civile.
La société ACPC rappelle également le caractère intangible du décompte général définitif (qui ne comporte pas d’erreur matérielle)
La société CBM, gestionnaire du compte prorata, affirme que le délai d’un an mentionné au CCAP ne vaut que pour le règlement final du marché (DGD) et n’est pas applicable en l’espèce au titre du compte prorata. Subsidiairement, elle considère que le délai d’un an n’a pas commencé à courir, faute pour le maître d’ouvrage d’avoir régulièrement notifié le DGD. Elle estime ensuite que la société 3F SEINE et MARNE ne peut se prévaloir de l’irrecevabilité de sa demande, qui n’est pas une demande en révision de compte, mais d’une demande en paiement. Elle ne présente aucune demande contre Monsieur [W].
Sur ce,
L’irrecevabilité est une fin de non-recevoir qui sanctionne, sans examen au fond, un défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée (article 122 du code de procédure civile).
1. sur la prescription de l’action en paiement de la société CBM
L’article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer et l’article 2254 du même code précise que la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties, sans toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans.
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi (article 1134 du code civil en sa version applicable en l’espèce, antérieure au 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations).
Le compte prorata du chantier en cause est régi par les dispositions de l’article X.5.2 du CCAP. Aux termes de ces dispositions, le maître d’ouvrage n’intervient pas dans l’établissement ou la gestion de ce compte, et paie à son gestionnaire (ici la société CBM) les sommes dues aux entreprises au vu de leurs situations mensuelles. Dans les dix jours qui suivent la réception des travaux, le gestionnaire du compte adresse au maître d”uvre de l’opération une attestation laissant apparaître la situation des entrepreneurs vis-à-vis de ce compte, attestation que le maître d”uvre joint au décompte définitif adressé au maître d’ouvrage, qui alors déduit du solde dû à l’entreprise la somme indiquée sur l’attestation.
Il apparaît ainsi que si le compte prorata est joint au décompte général définitif (et peut être mentionné sur ce décompte), il doit être traité préalablement à l’établissement du décompte définitif. La convention de compte prorata signée par les entreprises prévoit en effet que le maître d’ouvrage ne peut solder le décompte définitif qu’après avoir reçu de l’entreprise gestionnaire du compte prorata, quitus attestant que les entreprises ont bien soldé leur compte prorata. Le paiement du décompte définitif ne peut intervenir qu’alors que le compte prorata a été validé.
Les deux comptes sont donc bien distincts et ne suivent pas la même procédure de paiement.
Aussi, lorsque l’article X.7 du CCAP, relatif au décompte général définitif prévoit que “l’action en paiement de l’entrepreneur se prescrit en un an à compter de la notification par le maître d’ouvrage du décompte vérifié”, ces dispositions, dérogatoires du droit commun, ne concernent pas le compte prorata. Quand bien même les sommes appelées au titre du décompte général définitif et du compte prorata le sont dans le même temps, voire par le même document, ceci ne vaut pas assimilation du second compte au premier et le compte prorata ne peut jamais être soumis à la prescription conventionnelle d’un an précitée.
La société 3F SEINE et MARNE, maître d’ouvrage, est mal venue de se prévaloir d’une prescription de l’action en paiement engagée par la société CBM au titre du compte prorata, alors qu’elle-même ne justifie pas avoir respecté strictement les termes du CCAP concernant la procédure de paiement des décomptes généraux définitifs des entreprises et notamment avoir notifié ces décomptes aux entreprises dans le délai de 30 jours de leur réception par le maître d”uvre après leur validation par celui-ci. Il n’est ainsi pas établi que la prescription de l’action en paiement des décomptes généraux définitifs ait commencé à courir.
Aucune des dispositions relatives au compte prorata ne prévoit de délai spécifique pour l’action en paiement de celui-ci, de sorte que cette action s’inscrit dans le délai de droit commun de cinq ans, ainsi que l’ont retenu les premiers juges.
La société CBM a établi la facture n°FA00147 relative au compte prorata du chantier le 10 septembre 2013 et l’a adressée à la société RUF (aujourd’hui 3F SEINE et MARNE) par courrier recommandé du 11 septembre 2013.
La société CBM ayant assigné le maître d’ouvrage en paiement de ce compte par acte du 24 mars 2015, moins de cinq ans après lui avoir adressé sa facture, celle-ci n’est pas prescrite en son action, recevable.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de la société CBM, soulevée par les sociétés 3F SEINE et MARNE et RIDORET MENUISERIE.
2. sur la recevabilité de la demande de la société CBM au regard du caractère définitif de l’arrêté des comptes
La société 3F SEINE et MARNE, maître d’ouvrage, Monsieur [W], maître d”uvre, les sociétés RIDORET MENUISERIE et DECORATION de SOUSA Frères se prévalent des dispositions de l’article 1269 du code de procédure civile selon lesquelles aucune demande en révision de compte n’est recevable, sauf si elle est présentée en vue d’un redressement en cas d’erreur, d’omission ou de présentation inexacte.
Ces dispositions, insérées au Livre troisième, titre II du code de procédure civile, concernant les dispositions particulières aux biens, sont cependant applicables dans le cadre d’une action d’un propriétaire contre le comptable gestionnaire de ses comptes, et non dans le cas d’espèce, au titre d’une action en paiement de sommes dues au titre d’un marché de travaux.
La société CBM présente en outre non une action en révision de comptes, mais une action en paiement et remet en cause l’établissement même des comptes et leur présentation inexacte. L’entreprise, enfin, a présenté sa facture à la société RUF/3F SEINE et MARNE en l’absence de communication par celle-ci de l’ensemble des informations permettant d’en établir le solde, de sorte qu’il ne peut être argué d’aucun accord définitif concernant le compte prorata.
Les premiers juges ont donc à juste titre rejeté ce moyen d’irrecevabilité.
3. sur le recours de la société 3F SEINE et MARNE contre Monsieur [W]
Il ressort des termes de l’article 31 du code de procédure civile que l’action est ouverte à toute personne qui y a un intérêt, ayant qualité pour agir. Cette qualité est une condition d’existence de l’action et est exigée tant en demande qu’en défense.
La société RUF/3F SEINE et MARNE a le 12 octobre 2009 conclu un contrat de maîtrise d”uvre (cahier des clauses administratives particulières, CCAP) avec l’”Agence [Y] ET [W]”, mentionnée comme étant “le maître d”uvre (mandataire)”. Ce contrat fait état d’une “équipe de maîtrise d”uvre” sans citer le bureau d’études techniques BETEREM, lequel a cependant bien signé l’acte, avec l’agence d’architecture.
Le CCAP énumère, au titre des pièces particulières, l’acte d’engagement et ses annexes. L’acte d’engagement de l’agence [Y] et [W] n’est pas produit aux débats, mais l’annexe n°1 à cet acte est communiqué. Elle présente la décomposition de la rémunération par élément de mission entre l’architecte Monsieur [Y], le bureau d’études techniques BETEREM et le “co-traitant n°1″ Monsieur [W].
Le répertoire SIRENE de l’INSEE laisse apparaître que Monsieur [X] [Y] exerce une activité d’architecte à titre individuel. Les premiers juges ont accueilli l’exception d’incompétence soulevée par celui-ci et renvoyé la société RUF/3F SEINE et MARNE à mieux se pourvoir, contre lui, devant le tribunal de grande instance de Paris.
Monsieur [S] [W] est de son côté gérant de l’EURL d’architecture [S] [W]. Les éléments du dossier, précités, laissent cependant apparaître que Messieurs [Y] et [W] exerçaient ensemble leurs activités d’architecte, sous l’enseigne de l’agence [Y] et [W]. Or dans ce cadre, aucun élément n’établit que Monsieur [W] ait exécuté ses prestations sous le couvert de l’EURL dont il est le gérant et c’est donc à juste titre que Monsieur [W], exerçant à titre individuel avec Monsieur [Y] sous l’enseigne de l’agence [Y] et [W], a été attrait à la présente instance et que des demandes sont présentées contre lui, recevables.
Les premiers juges ont confondus la fin de non-recevoir, sanctionnée par l’irrecevabilité, et le caractère non-fondé d’une demande, sanctionnée par son rejet (débouté du demandeur).
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a dit recevable la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [W].
Statuant à nouveau, la Cour écartera la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [W], dira les demandes présentées contre celui-ci recevables et les examinera au fond. Il examinera également les recours en garantie présentés par l’architecte.
Il est précisé que Monsieur [W] ne présente de demandes que pour son compte, et non pour le compte de Monsieur [Y]. Il n’y a donc pas lieu, ainsi que le demande la société 3F SEINE et MARNE, de déclarer irrecevables les demandes faites par Monsieur [W] pour le compte de Monsieur [Y] qui n’est pas partie à la cause en appel,
Au fond, sur la demande en paiement de la société CBM
Les premiers juges, après avoir examiné l’article X.5.2 du CCAP, la convention de compte prorata et le montant total du marché, ont constaté les carences de la société RUF/3F SEINE et MARNE, maître d’ouvrage, pour fournir à la société CBM les informations nécessaires dans le cadre de la gestion du compte prorata et ont dit la demande en paiement de celle-ci bien fondée, justifiée à hauteur de 34.013,94 euros TTC (au regard notamment de la propre quote-part de la société CBM de 47,5%) à l’encontre du maître d’ouvrage. Les juges ont ensuite statué sur les recours en garantie de ce dernier. Ils ont retenu sa négligence – avec le maître d”uvre – ayant empêché les entreprises d’être confrontées à la société CBM sur les dépenses du compte prorata, ainsi que la négligence des entreprises, qui n’ont pas réagi face à la différence du taux provisoire pratiqué de 2,5%, et du taux conventionnel de 2%. Ils ont donc fait droit aux recours de la société RUF/3F SEINE et MARNE sur la base d’un taux de 2,5%.
La société 3F SEINE et MARNE, maître d’ouvrage, critique le jugement ainsi rendu. Elle reproche à la société CBM de ne pas justifier des sommes demandées au titre du compte prorata et soutient n’avoir commis aucune faute. Le montant réclamé pas la société CBM est selon elle injustifié.
La société CBM, sur le fondement des dispositions de l’article X.5.2 du CCAP opposables à la société 3F SEINE et MARNE, reproche à celle-ci d’avoir débloqué les décomptes définitifs sans avoir reçu son quitus. Elle rappelle le rôle du maître d’ouvrage dans le cadre du compte prorata, les rapports entre le gestionnaire du compte et les autres entreprises (et l’absence de justificatifs à fournir), les rapports entre le gestionnaire du compte et le maître d’ouvrage (et le rôle actif de celui-ci) et soutient que la société 3F SEINE et MARNE a commis des fautes dans la gestion de ce compte, ayant retenu un taux de 2% sur les situations mensuelles des entreprises et non un taux de 2,5% et ne lui ayant pas adressé les informations réclamées et nécessaires, de sorte qu’elle-même se trouve confrontée à un refus de remboursement de frais dont elle a assumé l’avance.
Si leur garantie devait être retenue :
– la société SERBOIS conteste le montant des réclamations de la société CBM alors qu’au vu des éléments du débat le solde du compte prorata apparaît, selon elle, négatif,
– la société RIDORET MENUISERIE rappelle les termes des conventions de compte prorata et soutient que la demande principale de la société CBM n’est pas justifiée,
– la société DECORATION de SOUSA Frères conteste le jugement quant au montant des condamnations retenues.
Sur ce,
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, doivent être exécutées de bonne foi et se résolvent en dommages et intérêts à raison de l’inexécution ou de la mauvaise exécution par le débiteur de son obligation (article 1134 du code civil, en sa version applicable en l’espèce, antérieure au 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations).
En outre, l’article 1382 ancien (1240 nouveau) du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
1. sur les fautes et manquements de la société RUF/3F SEINE et MARNE, maître d’ouvrage
Le compte prorata, sur un chantier, comporte l’ensemble des dépenses engagées durant l’opération en vue d’assurer les services ou d’installer les équipements présentant un caractère d’intérêts général.
Sur les termes du CCAP concernant le compte prorata et la connaissance par le maître d’ouvrage des conventions prorata conclues avec les entreprises
Le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) est un document de nature contractuelle, liant la société RUF/3F SEINE et MARNE, maître d’ouvrage, et les entreprises intervenant sur le chantier et fixant les dispositions administratives applicables à celui-ci.
L’article X.5.2 du CCAP du marché de travaux, signé au mois de janvier 2010 par le maître d’ouvrage et les entreprises intervenant sur le chantier, relatif au compte prorata, énonce qu’”en aucun cas, le maître d’ouvrage n’a à intervenir dans l’établissement ou la gestion de ce compte” (article X.5.2 alinéa 2), celui-ci étant établi et géré par l’entreprise de gros-‘uvre (et, en l’espèce, la société CBM). Ainsi, aucun débours ne peut être mis à la charge du maître d’ouvrage, qui n’est en outre tenu d’aucune participation auprès du gestionnaire du compte.
Signant le CCAP, la société 3F SEINE et MARNE, maître d’ouvrage, a reconnu avoir reçu communication par la société CBM gestionnaire du compte prorata d’”une copie de la convention de compte prorata signée par l’entrepreneur” (article X.5.2 alinéa 3 du CCAP). La société CBM justifie en tout état de cause avoir, par courrier recommandé du 22 novembre 2010, transmis à la société RUF/3F SEINE et MARNE les conventions signées le 18 novembre 2018 avec les entreprises, bien relatives au chantier de la Ferté-sous-Jouarre, et non d’un chantier à Bondy comme l’affirme la société 3F SEINE et MARNE. Cette dernière n’est en conséquence pas “légitime à ignorer les conditions que la Société CBM avait pu convenir avec [les entreprises]”.
Si le maître d’ouvrage n’a pas la mainmise sur l’établissement du compte prorata et sa gestion, il n’est cependant pas exclu de celle-ci, alors que l’article X.5.2 alinéa 4 du CCAP précise que “les sommes dont l’entrepreneur est redevable au titre du compte prorata sont payées par le maître d’ouvrage, au nom et pour le compte de l’entrepreneur, au gestionnaire du compte prorata, à hauteur du taux conventionnel de la participation de l’entrepreneur à ce compte”. Ici, le CCAP fait directement référence aux conventions de compte et le maître d’ouvrage, pour respecter cette disposition, doit tenir compte du taux convenu entre les parties aux conventions de compte prorata. Les sommes ainsi payées sont ensuite “déduites par le maître d’ouvrage du ou des acomptes à verser à l’entrepreneur par le maître d’ouvrage”. Ainsi, les entreprises payent leur participation au compte prorata par le biais d’un prélèvement provisionnel, par le maître d’ouvrage, sur leurs situations mensuelles : pour l’alimentation du compte prorata, la société CBM, son gestionnaire, n’est donc pas en relation avec les entreprises, mais avec le maître d’ouvrage.
La société 3F SEINE et MARNE reconnaît d’ailleurs dans ses écritures que sa seule obligation au titre du compte prorata “consistait à retenir sur les situations de travaux des entreprises 2% du montant HT des travaux”, ajoutant avoir respecté cette obligation.
Les conventions de compte prorata ne lient que la société CBM, en sa qualité de gestionnaire dudit compte, et les entreprises qui les ont signées. La société RUF/3F SEINE et MARNE, maître d’ouvrage, n’est pas partie à ces conventions. Au titre du chapitre 3 de convention de prorata, contenant diverses clauses, il est ainsi indiqué que “la présente convention inter-entreprises régit les seuls rapports des entreprises signataires”, rappelant le principe de la relativité des contrats, posée par l’article 1165 ancien du code civil.
Sur la retenue par le maître d’ouvrage au titre du compte prorata
La convention de compte prorata signée par les entreprises et dont la société RUF/3F SEINE et MARNE a reçu communication, prévoit, en son chapitre 2, que “l’appel de fonds du compte prorata sera de 2,5% (à titre provisoire) du montant HT du TTC global des travaux de chaque entreprise et versé à l’entreprise CBM”.
La société RUF/3F SEINE et MARNE ne peut se voir reprocher de ne pas avoir vérifié le caractère suffisant ou non des retenues qu’elle devait pratiquer sur les situations des entreprises au regard des dépenses effectivement engagées au titre du compte prorata, sur lesquelles elle n’avait aucun contrôle, seule la société CBM étant habilitée pour un tel contrôle.
La société 3F SEINE et MARNE reconnaît cependant dans ses écritures qu’elle “n’a retenu que les sommes résultant de l’application sur [les situations et décomptes des entreprises] d’un taux de participation du compte prorata de 2%”, ce qui caractérise une méconnaissance des conventions de compte prorata, certes signées entre le gestionnaire du compte et les entreprises, mais bien transmises à la société RUF/3F SEINE et MARNE maître d’ouvrage, conformément aux termes du CCAP, et donc opposables à celle-ci.
Ce taux de 2% était prévu au devis du 8 février 2010 de la SARL DECO FACADE, sur les actes d’engagement du 28 mai 2010 de la société DECORATION de SOUSA Frères (lots n°9 et n°10) et sur l’acte d’engagement du 21 avril 2010 de la SARL SERBOIS. Ces devis et actes d’engagement ont été établis antérieurement à la signature, le 18 novembre 2010, des conventions de compte prorata. Cependant, la société CBM n’est pas signataire des devis, marchés et actes d’engagement des autres entreprises. Il n’est pas établi qu’elle ait été destinataire de ces pièces. La société RUF/3F SEINE et MARNE, maître d’ouvrage, n’a pas signalé la contrariété entre les taux de 2% proposés par trois des dix entreprises intervenant sur le chantier et le taux de 2,5 accepté par celles-ci lors de la signature des conventions de comptes prorata plus tard. Cette erreur des entreprises ne peut être opposée à la société CBM, gestionnaire du compte prorata.
Le prélèvement par la société RUF/3F SEINE et MARNE d’un taux de 2% du montant des situations mensuelles des entreprises, réglé ensuite entre les mains de la société CBM gestionnaire du compte prorata, entraîne pour celle-ci un préjudice dans la gestion du compte, basé sur un taux de 2,5% lui permettant d’envisager les dépenses comprises dans le compte prorata (cantonnement, consommations d’eau, d’électricité, de téléphone, etc., frais d’entretien, etc.) à cette hauteur.
Sur la révision du taux de participation au compte prorata
Les conventions de compte prorata signées avec les entreprises prévoient, si le taux de participation au compte de 2,5% s’avérait insuffisant, que la société CBM “devra en aviser le Maître d”uvre et les autres entreprises et provoquer une réunion”.
Or, alors que le montant total des marchés initiaux des entreprises intervenant sur le chantier s’élevait à hauteur de la somme totale de 341.976 + 637.093 + 94.364 + 115.602 + 85.000 + 68.437 + 150.804 + 75.000 + 50.000 + 52.000 + 106.349 + 308.500 = 2.085.125 euros HT, la société CBM pouvait prétendre à la collecte, au titre du compte prorata et sur la base d’un taux de participation de 2,5% du montant HT des marchés, de la somme totale de 52.128,12 euros HT.
Alors que le montant total des travaux s’est finalement élevé à la somme de 2.549.384,25 euros HT (somme retenue par les premiers juges, contestée d’aucune part), la participation des entreprises au compte prorata, sur la base de ce taux de 2,5%, pouvait permettre de collecter 63.734,61 euros HT.
Faisant état, au titre du compte prorata, d’une somme totale de 77.461,19 euros HT, incluant sa propre quote-part, la société CBM admet que le taux de participation de 2,5% était insuffisant. Elle ne justifie cependant à aucun moment en avoir alerté le maître d”uvre et provoqué une réunion pour la révision de ce taux.
La société CBM ne peut reprocher à la société RUF/3F SEINE et MARNE, maître d’ouvrage, de ne pas lui avoir adressé d’informations en cours de chantier, communication non prévue par le CCAP et qu’il appartenait au gestionnaire du compte prorata de réclamer, notamment au regard du montant des dépenses inscrites à ce compte dont lui seul avait connaissance. Seule la société CBM était à même de remarquer, en cours de chantier, le dépassement des dépenses effectives par rapport à la participation contractuelle des entreprises, de faire le point sur la situation, de vérifier l’adéquation du taux de participation de 2,5% du montant HT des travaux à la réalité des dépenses.
Ainsi, à ce titre, la société CBM engage seule sa responsabilité pour n’avoir pas cherché à réévaluer le taux de participation des entreprises au compte prorata.
Sur les demandes de renseignements de la société CBM
La convention de compte prorata précise, en son chapitre 2, que “le montant [selon le taux précité de 2,5% du montant appelé au titre des situations] sera retenu par le Maître d’ouvrage à chaque situation et versé à CBM sur présentation de factures”.
C’est ainsi que la société CBM a le 8 février 2012 adressé à la société RUF/3F SEINE et MARNE sa première “facture de prorata N°FA00027 datée du 08/02/2012 s’élevant au montant de 14 649.26 € TTC” (caractères gras du document), soit 12.248,55 euros HT, somme qui a été réglée.
Ni le CCAP ni les conventions de compte prorata ne prévoient de contrôle ou de procédure de vérification des comptes pendant le cours du chantier. En fin de chantier, la société CBM, en sa qualité de gestionnaire du compte prorata, devait pour établir la facture finale prendre connaissance de l’ensemble des retenues opérées par la société 3F SEINE et MARNE sur les situations des entreprises.
La société CBM a adressé au maître d’ouvrage, par courrier du 15 juillet 2013, son décompte général définitif pour le chantier, ainsi que “la facture prorata émise le 07 Février 2012 pour 14 649,26 euros selon l’état du compte prorata au 07 Février 2013 non réglée ce jour”.
Elle justifie ensuite avoir, le lendemain par courriel du 16 juillet 2013, demandé à la société 3F SEINE et MARNE un “état à jour” (des montants déduits sur les situations des entreprises au titre du compte prorata), afin de pouvoir établir la facture du solde dû au titre de ce compte (et ventiler les sommes dues par chacune des entreprises). Une nouvelle demande en ce sens a été présentée au maître d’ouvrage par courriel du 26 août 2013, la société CBM souhaitant alors obtenir la communication du tableau dressé par le maître d’ouvrage relatif aux montants retenus sur les acomptes payés aux entreprises au titre du compte prorata.
La société RUF/3F SEINE et MARNE ne justifie d’aucune réponse, d’aucune information donnée à la société CBM, contribuant ainsi à une collecte insuffisante au titre du compte prorata et laissant à la charge de la société CBM des dépenses supérieures aux sommes effectivement collectées, sur la base d’un taux de participation de 2%, lui-même insuffisant alors que le taux de 2,5% s’est également avéré tel.
Sur l’absence de quitus
Au chapitre 3 des conventions de compte prorata, au paragraphe intitulé “QUITUS”, il est mentionné que “le Maître D’ouvrage ne pourra « débloquer » le décompte définitif d’une entreprise, que lorsqu’elle sera en possession d’un quitus de l’entreprise gestionnaire attestant que l’entreprise concernée à solder [sic, a soldé] son COMPTE PRORATA”.
Ainsi, si des prélèvements de 2,5% devaient être opérés par la société RUF/3F SEINE et MARNE tout au long du chantier, sur présentation par les entreprises de leurs situations et sans validation ou quitus du gestionnaire du compte prorata, le maître d’ouvrage ne pouvait en fin de chantier et après réception solder le compte des entreprises qu’au vu du quitus donné par la société CBM quant au compte prorata. Le quitus de la société CBM, gestionnaire du compte, devait intervenir en fin de chantier, lors des opérations de liquidation des soldes dus aux entreprises.
Aucune faute du maître d’ouvrage ne sera cependant retenue pour avoir réglé les sommes dues au titre des décomptes définitifs sans avoir attendu ni réclamé le quitus du gestionnaire du compte prorata, au regard de la rédaction confuse de la clause précitée, prévoyant ce quitus mais mentionnant pourtant, immédiatement ensuite, entre parenthèses “Sans objet règlement effectué par le Maître d’ouvrage”.
***
Il apparaît au vu de l’ensemble de ces développements que la société RUF/3F SEINE et MARNE a manqué à ses obligations contractuelles d’information de la société CBM, en sa qualité de gestionnaire du compte prorata, en méconnaissance des dispositions du CCAP, d’une part, et a commis une faute en n’opérant qu’une retenue de 2% sur les situations des entreprises au titre de leur participation au compte prorata. Ce manquement et cette faute ont empêché l’exécution par la société CBM de ses propres obligations. L’absence de mise en place, par la société CBM; de la procédure de réévaluation du taux de participation des entreprises au compte prorata est sans incidence sur la responsabilité du maître d’ouvrage.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu les manquements et faute de la société RUF/3F SEINE et MARNE.
2. sur le montant des sommes dues par la société 3F SEINE et MARNE
La société CBM a le 11 septembre 2013 adressé à la société RUF/3F SEINE et MARNE sa facture n°FA00147, datée du 10 septembre 2013. Le tableau joint à la facture, mis à jour le 11 septembre 2013, présente un décompte total des dépenses au titre du compte prorata (consommations d’électricité, eau, télécom, locations de cantonnements, photographies, bennes et installations des grues) s’élevant à la somme de 77.461,19 euros HT, diminuée de la somme de 19.197,45 euros HT correspondant à la part de la société CBM, entreprise de gros-‘uvre, laissant un solde dû par le maître d’ouvrage au titre du compte prorata de 58.263,74 euros HT. La facture n°FA00147 reprend cette somme de 58.263,74 euros HT, diminuée de 12.248,55 euros (correspondant à la somme déjà réglée au titre du compte prorata par la société RUF/3F SEINE et MARNE selon la facture précédente, précitée), laissant un solde dû de 46.015,19 euros HT, soit 55.034,17 euros TTC.
Sur le montant du compte prorata
Le chapitre 3 des conventions de compte prorata conclues entre la société CBM, gestionnaire du compte, et les entreprises, stipule que “la présente convention deviendra de fait de son objet [sic, lire : “deviendra de fait sans objet”] à la date de réception de l’ouvrage”, ajoutant qu’”à cette date, plus aucun frais ne pourra être engagé ou accepté par le compte prorata”. La facturation tardive, après réception, n’établit pas que les dépenses en cause aient été engagées postérieurement à la réception et la société 3F SEINE et MARNE ne démontre pas la prise en compte par la société CBM de frais exposés après la réception des ouvrages, le 26 mars 2012.
La société CBM justifie de factures de la SAS YVELINOISE de MATERIEL, de la SAS IMAGE CONTEMPORAINE (IC), de la SAS GRUTELEC et de la SARL HENEAU. L’ensemble des frais concernés ont été facturés au titre de dépenses entrant bien dans le cadre de frais de cantonnement d’intérêt commun (location de matériel et d’équipements, équipement électrique) ou encore d’entretien (incluant la déshumidification). Les frais de chauffage dont il a été tenu compte concernent bien les installations communes de chantiers, inscrits au compte prorata (article 4/c de la convention), et le préchauffage également inscrit (article 4/v), mais non des frais d’installation, consommation et assurance du préchauffage des bâtiments, exclus du compte prorata (article 5/G de la convention). La société 3F SEINE et MARNE, par ailleurs, ne démontre pas l’existence de “doublons”, produisant elle-même des pièces incomplètes. Ni le CCAP ni les conventions de compte prorata ne prévoient la validation des factures de frais inscrits à ce compte par le maître d”uvre.
Les factures versées aux débats ne correspondent cependant pas à l’intégralité des sommes figurant au tableau joint à la facture n°FA00147 du 10 septembre 2013. Au regard des justificatifs produits, la Cour retiendra en conséquence les seules sommes suivantes :
– au titre des frais de location des cantonnements (factures de la société YVELINOISE de MATERIEL) : (3 X 946,50) + (4 X 978,05) + 2.636,50 + 570,90 = 9.959,10 euros HT,
– au titre des frais de photographie (factures de la société IC) : 13 X 134,75 = 1.751,75 euros HT,
– au titre des frais d’installation électrique (facture de la société GRUTELEC) : (3 X 1.830) + (5 X 485) + (4 X 385) = 9.455 euros HT,
– au titre des frais de chauffage provisoire et de déshumidification (factures de la société HENEAU) : 13.000 + 2.365,78 = 15.365,78 euros HT,
soit une somme totale de 36.531,63 euros HT.
Les dépenses d’électricité, d’eau et de téléphone ont bénéficié à l’ensemble des entreprises sur le chantier et constituent bien des frais inscrits au compte prorata. Il n’en est cependant pas justifié et la Cour ne peut les prendre en considération.
Au regard des seules dépenses dont il est justifié, les premiers juges ont à tort tenu compte de la somme totale réclamée par la société CBM au titre du compte prorata à hauteur de 77.461,19 euros HT. La Cour tiendra compte de la seule somme de 36.531,63 euros HT.
Sur la quote-part de la société CBM, entreprise de gros-‘uvre
La société CBM, entreprise titulaire de deux lots importants sur le chantier (VRD et gros-‘uvre), ne peut affirmer, au seul vu de sa propre facture, représenter une quote-part au titre du compte prorata de (19.197,45 ÷ 77.461,19) X 100 = 24,78%, ce qui ne résulte d’aucun accord entre les parties et ne correspond en outre pas à la réalité du chantier en cause.
Les premiers juges ont à juste titre calculé la quote-part de la société CBM au titre de ce compte au regard du montant total du marché et du montant des deux lots confiés à l’entreprise. Aussi, sur un marché total de 2.549.384,25 euros HT, tel que présenté par la société RUF/3F SEINE et MARNE et contesté d’aucune part, les deux marchés de la société CBM qui s’élèvent à la somme totale de 1.210.260,57 euros HT représentent bien une quote-part de 47,5% telle que justement retenue par les premiers juges.
Sur la somme due à la société CBM
En raison d’une collecte de la participation des entreprises au compte prorata à un taux de 2% du montant de leurs marchés en lieu et place d’un taux de 2,5%, d’une part, et de l’absence de réponse à la demande d’information présentée par la société CBM en fin de chantier concernant les retenues opérées sur les situations des entreprises, la société RUF/3F SEINE et MARNE a manqué à ses obligations et commis des fautes, causant un préjudice à la société CBM qui n’a pu recueillir la somme suffisante pour couvrir l’ensemble des frais inscrits au compte prorata.
La société CBM est en conséquence en droit, en réparation, de réclamer à la société 3F SEINE et MARNE l’intégralité des dépenses associées à ce compte prorata et justifiées, diminuées de sa propre contribution en sa qualité d’entreprise titulaire des lots VRD et gros-‘uvre, restant à sa charge.
Sur le montant total du compte prorata justifié retenu par la Cour de 36.531,63 euros HT, la société CBM doit participer à hauteur de sa quote-part de 47,5%, soit 17.352,52 euros HT. Le montant qu’elle pouvait facturer, hors sa propre quote-part, était donc de 36.531,63 – 17.352,52 = 19.179,11 euros HT, somme de laquelle il convient de déduire la somme de 12.248,55 euros HT que l’entreprise reconnaît avoir reçu de la part du maître d’ouvrage en paiement de sa facture n°FA0027 du 8 février 2012, précitée, laissant un solde dû de 6.930,56 euros HT, soit 8.288,95 euros TTC (avec un taux de TVA à 19,6%, tel qu’applicable en 2013).
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a retenu un solde dû au profit de la société CBM de 34.013,94 euros TTC.
Le jugement sera également infirmé en ce qu’il a augmenté cette somme d’intérêts à un taux de 1,5 fois le taux légal, lequel n’est prévu par aucun texte ni aucun contrat (ni le CCAP, ni les conventions de compte prorata), d’une part, et a fait courir ces intérêts à compter du 11 septembre 2013, date de la présentation de la facture au maître d’ouvrage alors que le paiement n’est pas demandé en application d’une clause contractuelle, mais en indemnisation des préjudices résultant de fautes de la société RUF/3F SEINE et MARNE.
Statuant à nouveau compte tenu des éléments qui précèdent, en réparation du préjudice subi du fait de l’impossibilité d’établir un compte prorata exact, la Cour condamnera la société 3F SEINE et MARNE à payer à la société CBM la somme de 8.288,95 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 18 octobre 2019, conformément aux dispositions de l’article 1153-1 ancien (1231-7 nouveau) du code civil.
Les intérêts dus pour une année entière au mois porteront eux-mêmes intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1154 ancien (1343-2 nouveau) du code civil.
Sur les recours de la société 3F SEINE et MARNE
Les premiers juges, rappelant que le maître d’ouvrage ne peut être tenu d’aucun débours au titre du compte prorata, ont reçu la société RUF/3F SEINE et MARNE en ses recours en garantie contre les entreprises intervenues sur le chantier (étant rappelé que les demandes présentées contre Monsieur [W] ont été écartées). Ils ont relevé qu’aucune faute ne pouvait être reprochée aux entreprises dans l’exécution des dispositions des conventions de compte prorata, sauf leur négligence au constat d’une contradiction entre le taux de participation au compte de 2% prévu à leurs marchés et situations alors que la convention de compte prorata posait un taux de 2,5%. Le recours du maître d’ouvrage n’a pas prospéré, contre ces entreprises, au-delà du montant collecté par le maître d’ouvrage sur la base du taux conventionnel.
La société RUF/3F SEINE et MARNE présente un recours contre Monsieur [W], qui a selon elle manqué à sa mission et son obligation de conseil. Elle formule également des recours contre les locateurs d’ouvrage, les sociétés RIDORET MENUISERIE, SERBOIS, DECORATION de SOUSA Frères et ACPC, qui se sont montrées négligentes ou ont à tout le moins commis une erreur matérielle quant au taux de leur participation au compte prorata et qui ont gravement manqué aux dispositions de l’article X.5.2 du CCAP. Ne jouant qu’un rôle d’intermédiaire et ne devant donc garder aucune charge au titre du compte prorata, elle sollicite la garantie pleine et entière, in solidum, du maître d”uvre et des entreprises.
Monsieur [W], architecte, fait valoir les fautes conjuguées des sociétés CBM et RUF/3F SEINE et MARNE à l’origine du litige (au titre du délai de transmission du décompte définitif, du non-respect du CCAG en cas de défaillance de l’entrepreneur) et l’absence de tout manquement de sa part à son obligation de conseil. A titre subsidiaire, il appelle la garantie pleine et entière des entreprises.
La société SERBOIS estime mal fondé l’appel en garantie de la société 3F SEINE et MARNE au titre des réclamations de la société CBM, à hauteur du solde restant au titre du taux conventionnel de 2,5% et au titre du montant réclamé au-delà du montant collecté sur la base du taux conventionnel. Elle affirme avoir exécuté de bonne foi ses obligations contractuelles.
La société RIDORET MENUISERIE reproche au tribunal de ne pas avoir expliqué pour quelle raison les entreprises, qui ont respecté leurs obligations contractuelles, seraient tenues de garantir la responsabilité de la société 3F SEINE et MARNE au titre des fautes commises dans ses seuls rapports avec la société CBM, gestionnaire du compte prorata.
La société DECORATION de SOUSA Frères observe que la société 3F SEINE et MARNE n’invoque à son encontre aucun manquement à ses obligations contractuelles. Elle soutient avoir intégralement et correctement exécuté la convention de compte prorata. Elle s’oppose à toute condamnation in solidum avec les autres entreprises.
La société ACPC considère également infondé l’appel en garantie de la société 3F SEINE et MARNE à son encontre, affirmant avoir respecté ses obligations contractuelles (exécution loyale du contrat, absence de faute), rappelant le caractère intangible du décompte général définitif (qui ne comporte pas d’erreur matérielle). Elle considère l’appel en garantie de la société 3F SEINE et MARNE à son encontre injustifié, tant au titre de sa réclamation principale, qu’au titre du montant et du taux. Elle conteste enfin toute solidarité entre les entreprises au titre du paiement du compte prorata.
Il est rappelé que les sociétés GME ETANCHEITE et DECO FACADES en liquidation judiciaire n’ont pas été assignées en première instance et ne sont pas parties en cause d’appel, que les sociétés METAFAC et PLI ISOLATION n’ont constitué avocat ni en première instance ni à hauteur d’appel et, enfin, que la société HENEAU, constituée en première instance, n’a pas constitué avocat devant la Cour.
Sur ce,
Il est rappelé qu’aucun débours ne peut être mis à la charge définitive du maître d’ouvrage (article X.5.2 alinéa 2 du CCAP). C’est ainsi que la société 3F SEINE et MARNE exerce des recours contre le maître d”uvre de l’opération, puis contre les entreprises seules tenues de participer au compte prorata.
1. sur le recours du maître d’ouvrage contre Monsieur [W]
Monsieur [W] était maître d”uvre de l’opération en cause aux côtés de Monsieur [Y], exerçant avec lui sous l’enseigne de l’Agence [Y] et [W]. Il n’était investi d’aucune mission relative à la gestion du compte prorata.
Mais s’il n’a pas été signataire des conventions de compte prorata conclues entre la société CBM et les entreprises et s’il n’est pas établi que ces conventions lui aient été adressées, le maître d”uvre avait nécessairement connaissance des clauses du CCAP, dont il est le rédacteur, relatives au compte prorata et renvoyant, au titre du taux de participation des entreprises, à un “taux conventionnel”. Il lui appartenait donc de prendre connaissance des conventions de compte prorata et, dans le cadre de son obligation de conseil, de signaler au maître d’ouvrage lors de la validation des situations des entreprises la différence entre le taux de participation au compte prorata initialement prévu dans les devis et actes d’engagement de trois des dix entreprises intervenant sur le chantier de 2%, d’une part, et le taux ensuite convenu dans les conventions de compte prorata à hauteur de 2,5%, d’autre part.
Il est ensuite rappelé qu’aux termes de l’article X.5.2 alinéa 6 du CCAP, le gestionnaire du compte prorata est tenu d’adresser au maître d”uvre, dans les 90 jours de la réception des travaux, “une attestation faisant apparaître la situation de l’entrepreneur vis-à-vis du compte prorata”, attestation “que le maître d”uvre joint au décompte définitif adressé au maître d’ouvrage”. Or si la société CBM ne justifie pas avoir adressé les attestations concernant les entreprises intervenues sur le chantier au maître d”uvre, celui-ci ne justifie pas les avoir réclamées ni, en conséquence, les avoir jointes au décompte définitif adressé à la société RUF/3F SEINE et MARNE.
Il apparaît ainsi que Monsieur [W], maître d”uvre, a manqué à ses obligations et, surtout, à son devoir de conseil vis-à-vis du maître d’ouvrage, fautes à l’origine du litige opposant la société CBM à la société RUF/3F SEINE et MARNE.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a débouté la société RUF/3F SEINE et MARNE de sa demande de garantie à l’encontre de Monsieur [W]. Statuant à nouveau, la Cour condamnera le maître d”uvre à relever et garantir le maître d’ouvrage de la condamnation prononcée contre lui.
2. sur le recours du maître d’ouvrage et du maître d”uvre contre les locateurs d’ouvrage
Seule en l’espèce la société PLI ISOLATION justifie de la présentation le 27 mai 2010 à la société RUF/3F SEINE et MARNE d’un devis prévoyant des frais de prorata prévisionnels à hauteur de 2,5%. Les devis et actes d’engagement des autres entreprises font état d’un taux de participation au compte prorata de 2%.
Les sociétés GME ETANCHEITE, DECO FACADES, SERBOIS, RIDORET MENUISERIE, METAFAC, PLI ISOLATION, DECORATION de SOUSA Frères, HENEAU et ACPC ont ensuite signé le 18 novembre 2010 une convention de compte prorata avec la société CBM, prévoyant un “appel de fonds (‘) de 2,5% (à titre provisoire) du montant HT du TTC global des travaux”, acceptant ainsi un taux de participation différent.
L’article IV.1 du CCAP, relatif aux pièces contractuelles du marché, énumère au premier rang de celles-ci l’acte d’engagement, mais il n’inclut pas les conventions de comptes prorata. Celles-ci sont prévues par ledit CCAP, qui figure au troisième rang des pièces contractuelles.
Si, ainsi, il peut être argué de la supériorité des actes d’engagement sur les conventions de compte prorata, il peut être reproché aux entreprises, qui y avaient toutes intérêt, de ne pas avoir, au moment de la conclusion des secondes, signalé au maître d”uvre ou au maître d’ouvrage la différence de taux de participation posés par celles-ci et le taux prévu à leur marché. Les décomptes présentés par les entreprises tiennent compte d’un taux de participation de 2%, certes conforme (sauf pour la société PLI ISOLATION) aux termes de leurs marchés respectifs, mais en méconnaissance des conventions de compte prorata dont elles étaient également parties.
Ni les actes d’engagement de la société CBM, en sa qualité d’entreprise titulaire des lots VRD et gros-‘uvre, ni ses décomptes ne font état du taux de participation au compte prorata.
Aucune autre faute des entreprises que celle de ne pas avoir signalé la différence des taux de participation figurant à leurs marchés (et sur leurs factures) et dans les conventions de compte prorata ne saurait être retenue, ainsi que l’ont observé les premiers juges, aucune n’ayant été en défaut de paiement de leur participation au compte prorata, d’une part, et aucune information n’ayant été donnée aux entreprises laissant apparaître l’insuffisance du taux prélevé au regard des sommes effectivement dépenses au titre du compte prorata, d’autre part.
Les premiers juges ont en conséquence à juste titre, au regard de la seule faute imputable aux entreprises, fait droit aux appels en garantie de la société RUF/3F SEINE et MARNE auprès de chaque entreprise, les limitant sur la base du taux conventionnel de participation de 2,5% en lieu et place du taux de 2% effectivement prélevé, soit à hauteur de 0,5% des sommes collectées. Les premiers juges ont également à bon droit écarté toute solidarité entre les entreprises, non prévue par les textes ni les pièces contractuelles, et alors que leur négligence n’est pas à l’origine d’un seul et même dommage, étant rappelé qu’elles n’ont jamais été tenues de participer au compte prorata que proportionnellement à leurs quotes-parts respectives du montant global des marchés.
Au regard des certificats de paiement de chacune des entreprises et étant rappelé qu’aucune condamnation ne peut intervenir à l’encontre des sociétés GME ETANCHEITE et DECO FACADES en liquidation judiciaire et non parties à l’instance, les premiers juges ont ainsi à bon droit condamné les entreprises à relever et garantir la société RUF/3F SEINE et MARNE à hauteur des seules sommes suivantes :
– pour la société SERBOIS : [(1.873,41 ÷ 2) X 0,5] X 19,6% = 580,15 euros TTC,
– pour la société RIDORET : [(1.937,69 ÷ 2) X 0,5] X 19,6% = 579,37 euros TTC,
– pour la société METAFAC : [(3.600,92 ÷ 2) X 0,5] X 19,6% = 1.076,68 euros TTC,
– pour la société PLI ISOLATION : [(1.801,34 ÷ 2) X 0,5] X 19,6% = 538,60 euros TTC,
– pour la société de SOUSA Frères : [(1.231,77 + 1.271,73) ÷ 2 X 0,5] X 19,6% = 748,37 euros TTC,
– pour la société HENEAU : [(2.697,10 ÷ 2) X 0,5] X 19,6% = 806,43 euros TTC,
– pour la société ACPC : [(7.650,53 ÷ 2) X 0,5] X 19,6% = 2.287,51 euros TTC.
Ainsi, les entreprises seront condamnées à relever et garantir Monsieur [W] et/ou la société 3F SEINE et MARNE, selon les paiements opérés en exécution des condamnations précédentes, à hauteur desdites sommes.
Les entreprises n’étant tenues qu’à hauteur de leur part de responsabilité au vu de leurs seuls marchés, les recours qu’elles exercent entre elles sont sans objet.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le sens de l’arrêt conduit à l’infirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens de première instance mis à la charge de la seule société RUF/3F SEINE et MARNE, mais à sa confirmation en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles, laissés à la charge de chacune des parties.
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement, alors que les sociétés 3F SEINE et MARNE et CBM et Monsieur [W] succombent pour le principal de leurs prétentions, la Cour fera masse des dépens et diront qu’ils seront pris en charge par chacune de ces parties à hauteur d’un tiers, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. Il n’y a donc pas lieu à distraction.
Tenues aux dépens, les sociétés 3F SEINE et MARNE et CBM et Monsieur [W] seront déboutés de toute demande d’indemnisation des frais exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur ce même fondement et pour des raisons d’équité, chacune des autres parties conservera également la charge de ses propres frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La COUR,
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 10 octobre 2019 (RG n°J2019000490),
Vu l’article 122 du code de procédure civile,
Vu les articles 1134 et 1147 anciens du code civil,
Vu l’article 1382 ancien (1240 nouveau) du code civil,
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement en ce qu’il a :
– écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de la SAS COMPAGNIE de BATIMENT et de MACONNERIE (CBM),
– écarté la fin de non-recevoir tirée des dispositions de l’article 1269 du code de procédure civile,
– retenu la responsabilité de la SA RESIDENCE URBAINE de FRANCE (RUF), désormais dénommée SA 3F SEINE et MARNE,
– dit que chacune des parties conserve la charge de ses propres frais irrépétibles de première instance,
INFIRME le jugement en ses autres dispositions,
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,
DIT recevables les demandes présentées contre Monsieur [S] [W], architecte,
CONDAMNE la SA 3F SEINE et MARNE à payer à la SAS COMPAGNIE de BATIMENT et de MACONNERIE (CBM) la somme de 8.288,95 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2019 et capitalisation desdits intérêts,
CONDAMNE Monsieur [S] [W] à relever et garantir la SAS 3F SEINE et MARNE de la condamnation ainsi prononcée,
CONDAMNE les entreprises à relever et garantir Monsieur [S] [W] et/ou la SA 3F SEINE et MARNE des condamnations prononcées contre eux, à hauteur des sommes suivantes :
– pour la SARL SERBOIS : 580,15 euros TTC,
– pour la SA RIDORET MENUISERIE : 579,37 euros TTC,
– pour la SAS METAFAC : 1.076,68 euros TTC,
– pour la SAS PLI ISOLATION : 538,60 euros TTC,
– pour la société DECORATION de SOUSA Frères : 748,37 euros TTC,
– pour la SARL HENEAU : 806,43 euros TTC,
– pour la SAS ALFORT CHAUFFAGE PLOMBERIE COUVERTURE (ACPC) : 2.287,51 euros TTC,
FAIT MASSE des dépens et DIT qu’ils seront pris en charge, par tiers, par la SA 3F SEINE et MARNE, la SAS COMPAGNIE de BATIMENT et de MACONNERIE (CBM) et Monsieur [S] [W],
DIT que chacune des parties gardera la charge de ses propres frais irrépétibles d’appel.
La greffière, La Présidente,