Location de matériel : 21 octobre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/18120

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Location de matériel : 21 octobre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/18120
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21 octobre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
18/18120

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 21 OCTOBRE 2022

N° 2022/374

Rôle N° RG 18/18120 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDLEA

[I] [R]

C/

SAS STM

Copie exécutoire délivrée le :

21 OCTOBRE 2022

à :

Me Sébastien ZARAGOCI, avocat au barreau de NICE

Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 27 Avril 2015 enregistré au répertoire général sous le n° F13/00046.

APPELANT

Monsieur [I] [R], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sébastien ZARAGOCI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Alexandra MARY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS Societé de Terrassements Mécaniques (STM), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Solenne RIVAT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [I] [R] a été embauché par la société Societé de Terrassements Mécaniques (STM), par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2009 en qualité de Directeur du développement, catégorie Cadre 1, et percevait un salaire brut annuel de 60.000 euros, versé en douze mensualités de 5.000 euros bruts, en contrepartie d’un forfait annuel de 218 jours de travail. Monsieur [R] percevait en outre une prime de 13ème mois versée au mois de décembre de chaque année. Sa rémunération moyenne mensuelle brute s’élevait ainsi à la somme de 5.500 euros.

La relation contractuelle était régie par les dispositions de la convention collective nationale des Salariés Cadres des Entreprises de Travaux Publics.

Par courrier recommandé avec avis de réception le 8 janvier 2013, la société STM a convoqué Monsieur [R] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 18 janvier 2013, auquel il ne s’est pas présenté.

Par courrier recommandé en date du 25 janvier 2013, la société STM a notifié à Monsieur [R] son licenciement pour faute grave, lui reprochant de graves erreurs dans la gestion de divers dossiers ayant entraîné le déséquilibre de la situation financière de la société.

Monsieur [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Digne les Bains des demandes suivantes :

– Indemnité conventionnelle de licenciement : 4.875 euros,

– Indemnité compensatrice de préavis : 16.250,01 euros,

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 65.000 euros,

– Article 700 CPC : 2.000 euros,

– Exécution provisoire,

– Entiers dépens.

Par jugement rendu le 27 avril 2015, le Conseil de Prud’hommes de Digne les Bains a débouté Monsieur [R] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure pénale.

Suivant déclaration du 27 mai 2015, Monsieur [R] a formé appel de cette décision devant la cour d’appel d’Aix en Provence.

Suivant arrêt du 15 septembre 2017, la cour d’appel a ordonné la radiation de l’affaire, faute de diligences des parties.

Suivant conclusions du 24 octobre 2018, Monsieur [R] a déposé des conclusions sollicitant le réenrôlement de l’affaire.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 23 juin 2022, Monsieur [R] demande à la cour de :

REFORMER le jugement dont appel,

A TITRE PRINCIPAL :

CONSTATER que les griefs fondant la lettre de licenciement datent de plus de 2 mois, à compter de la convocation à l’entretien préalable le 8 janvier 2013,

DIRE que les griefs allégués sont prescrits,

A TITRE SUBSIDIAIRE

CONTATER que le 8 janvier 2013, la société STM procédait au licenciement en raison exclusivement de prétendues fautes graves,

CONSTATER que ledit licenciement est fondé sur 3 griefs tendant à démontrer sa prétendue mauvaise gestion laquelle aurait eu des répercutions en engendrant de lourdes difficultés financières,

DIRE que les griefs allégués à son encontre ne peuvent relever que d’une insuffisance professionnelle laquelle se caractérise par l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification et se caractérisant par des erreurs, des échecs, une désorganisation,

DIRE que la volonté du salarié est le critère décisif de distinction entre les deux motifs de licenciement : l’insuffisance professionnelle est fautive lorsqu’elle est délibérée et demeure non fautive, si elle n’est que la conséquence de l’incompétence du salarié,

DIRE que la société STM n’apporte aucun élément, ni début de commencement de preuve de nature à établir que les faits reprochés auraient procédé d’une mauvaise volonté de sa part

En conséquence :

DIRE que le caractère volontaire des faits reprochés n’étant pas démontré, ceux ci ne caractérisent, s’ils sont fondés, qu’une insuffisance professionnelle et non une faute disciplinaire.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

DIRE que le licenciement prononcé pour faute est dépourvu de cause réelle et sérieuse

Par conséquent :

CONDAMNER la société STM à lui payer les sommes suivantes :

Indemnité conventionnelle de licenciement : 7.393,06 euros,

– Indemnité compensatrice de préavis : 23.485,38 euros,

– Congés payés sur préavis : 2.348,54 euros

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 93.941,52 euros,

DIRE que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

DIRE qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, l’exécution forcée pourra être réalisée par l’intermédiaire d’un Huissier de Justice. Le montant des sommes retenues par l’huissier chargé de l’exécution forcée en application de l’article 10 du décrêt du 8 mars 2001 sera supporté par tout succombant en sus des frais irrépétibles et des dépens,

ORDONNER à la société STM de remettre à Monsieur [R] un bulletin de salaire rectificatif et ses documents sociaux, rectifiés, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

CONDAMNER la société STM à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions du 2 juin 2022, déposées et soutenues oralement à l’audience du 23 juin 2022, la société STM demande à la cour de :

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 avril 2015 par le conseil de prud’hommes de Digne les Bains,

Et par conséquent :

DEBOUTER Monsieur [R] de l’ensemble de ses demandes,

Le CONDAMNER au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud’hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la prescription des griefs

Monsieur [R] soutient que les griefs allégués par l’employeur dans la lettre de licenciement du 25 janvier 2013 sont prescrits en application de l’article L1332-4 du code du travail, pour avoir été portés à sa connaissance plus de 2 mois avant la convocation à l’entretien préalable, notifiée le 8 janvier 2013.

La société STM fait valoir au contraire que les faits ayant révélé l’ampleur des manquements de Monsieur [R] datent du mois de décembre 2012, de sorte que les faits allégués à l’appui de la procédure de licenciement pour faute, suivant convocation à l’entretien préalable, notifiée le 8 janvier 2013, ne sont pas prescrits.

***

L’article L1332-4 du Code du travail énonce : ‘Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».

Le délai de 2 mois prévu par l’article L 1332-4 du Code du travail s’apprécie du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs reprochés au salarié.

Sur le premier grief concernant le chantier ‘stade de [Localité 3]’

Monsieur [R] estime que l’employeur l’a alerté dès le mois d’octobre 2012, sur les pertes importantes constatées sur ce marché, de sorte que même au 31 octobre 2012, plus de 2 mois s’étaient écoulés à la date de convocation à l’entretien préalable de licenciement le 8 janvier 2013.

La société STM reconnait avoir alerté Monsieur [R] sur la situation financière déficitaire du chantier dans le courant du mois d’octobre 2012, mais explique n’avoir pu avoir parfaite connaissance des manquements du salarié et de l’ampleur de la gravité de la situation qu’en décembre 2012, l’action disciplinaire étant alors engagée dans un délai inférieur à 2 mois.

***

En l’espèce, si l’employeur a écrit dans la lettre de licenciement ‘dès le mois d’octobre 2012, nous vous avons alertés sur les pertes importantes que nous constations sur ce marché et nous avons sollicité de votre part des explications’, il n’est pas contesté que, suite à l’intervention de son employeur, Monsieur [R] a pris rendez vous avec le maitre de l’ouvrage du chantier, la société [F] et ASSOCIES, et obtenu la facturation de travaux supplémentaires afin de réduire les pertes. Ainsi, la société STM poursuit la lettre de licenciement dans ces termes : ‘Toutefois, après avoir opéré un arrêté des compte de ce chantier au 31 novembre 2012, nous constatons que les facturations complémentaires du mois d’octobre et du mois de novembre 2012 restent insuffisantes à combler les pertes financières générées par ce chantier’ (cf facture n°26316 du 31 octobre 2012 d’un montant HT de 15.000 euros et facture n°26334 du 30 novembre 2012 d’un montant HT de 10.000 euros).

Il en résulte que c’est à compter du 30 novembre 2012 que l’employeur a eu connaissance de l’ampleur des pertes du marché ‘stade de [Localité 3]’, de sorte que les faits à l’origine de ce grief ne sont pas prescrits.

Sur le deuxième grief concernant le chantier ‘[4]’

La société STM reproche à Monsieur [R] un déséquilibre de trésorerie dans la gestion du chantier [4], la société étant contrainte de procéder au paiement d’un sous-traitant, la société [J] et FILS à 30 jours, sans avoir encore encaissé le prix des prestations dû par la société maitre d’ouvrage, société SOL PROVENCE, payable à 45jours. L’appelant soutient que les incohérences de gestion qui lui sont reprochées étaient connues de l’employeur depuis le mois de mai 2012, soit plus de 7 mois avant l’engagement de la procédure de licenciement et se trouvent donc prescrites.

La société STM affirme au contraire que ce n’est qu’au mois de décembre 2012 qu’elle a reçu un courrier émanant de l’avocat de la société BERTHON ET FILS sollicitant paiement des factures impayées et qu’elle a découvert, au terme de la réponse donnée par Monsieur [R] à ses interrogations, qu’il avait validé toute la facturation sans procéder au pointage nécessaire.

***

Si Monsieur [R] justifie que son employeur savait que le devis n° 12 02 012 qu’il avait signé avec la société SOL PROVENCE pour un montant de 150.000 euros HT prévoyait un paiement à 45 jours et qu’il a eu connaissance, dès le 30 mai 2012, du montant des situations numéro 1 à 4 payable à 45 jours, il n’établit pas que la société STM avait connaissance du devis émis par la société [J] et FILS le 20 février 2012 avec un paiment à seulement 30 jours, l’employeur justifiant avoir été mis en demeure par courrier du 17 décembre 2012 de payer les factures liées à ce devis pour les mois de juillet, août, octobre et novembre 2012 et avoir appris, par courriel du 20 décembre 2012, que Monsieur [R] n’avait pas effectué le pointage de la présence de l’entreprise [J] sur le chantier.

Dès lors, ce n’est qu’en décembre 2012 que l’employeur a eu entière connaissance des faits reprochés à Monsieur [R] concernant le chantier [4] et ce grief n’est donc pas prescrit.

Sur le troisième grief concernant les relations commerciales avec la société RDE et le chantier CMR La Brillane

Monsieur [R] soutient que l’employeur avait connaissance des faits qu’il lui reproche, à savoir ‘l’important compte débiteur de la société RDE dans les livres comptables de la STM’, puisqu’il l’a alerté dès le mois de juillet 2012, de sorte que ce grief était prescrit lors de l’engagement de la procédure de licenciement le 8 janvier 2013.

La société STM rétorque que le grief porte sur l’existence d’une facture en date du 15 décembre 2012 émanant de la société RDE portant sur la location de deux engins de chantier pour 15.000 euros HT alors qu’au 30 novembre 2012, le montant des prestations facturés au maitre d’oeuvre sur le même chantier CMR La Brillane, s’élevait à 8.000 euros HT ; qu’elle n’a donc découvert que Monsieur [R] n’avait pas pris soin d’établir un bon de commande à cette occasion, et que les faits n’étaient donc pas prescrits.

***

Il ressort des pièces du dossier que si, dès le mois de juillet 2012, la société a bien alerté Monsieur [R] sur l’importance du compte débiteur de la société RDE dans les livres comptables de STM, et suscité une compensation de créances ramenant sa dette au 24 juillet 2012 à la somme de 69.088,08 euros, l’appelant a persisté à entretenir des relations commerciales avec cette société, l’employeur découvrant la facture adressée par RDE le 15 décembre 2012 en règlement d’une somme de 15.500 euros HT pour la location de deux engins chargeur et concasseur sur le chantier CMR La Brillane, alors que le ‘concassage de matériaux’ n’avait été facturé que 8.000 euros HT au client RGS suivant facture du 30 novembre 2012. Monsieur [R] a alors reconnu qu’aucun bon de commande n’avait été signé.

Il résulte de ces éléments que les faits reprochés à Monsieur [R] concernant sa mauvaise gestion des relations commerciales avec la société RDE,n’ont été connus de l’employeur qu’en décembre 2012 et ne sont pas prescrits.

Sur la faute grave

La société STM reproche à Monsieur [R], directeur du développement, d’avoir commis de graves erreurs de gestion dans la négociation et le suivi de chantiers dont il était chargé, ayant mis en péril l’équilibre financier de la société.

En premier lieu, la société lui fait grief d’avoir sous-évalué lors de la négociation du chantier du stade de [Localité 3], le coût de la prestation de terrassement à 8.000 m3, alors que le total des déblais a été de 15.626,12 m3, se passant des services du cabinet de géomètre GEOLABO qui aurait pu réaliser une ‘cubature’ et mal apprécié le ‘coût de décharge’ de ce chantier, entraînant un déséquilibre financier du chantier, livré avec 7 mois de retard et un déficit de 420.103,33 euros, malgré les deux factures de travaux complémentaires réglées par le maitre d’ouvrage [F] et ASSOCIES en octobre et novembre 2012.

En second lieu, la société STM reproche à Monsieur [R] un laxisme répréhensible lors du traitement du chantier ‘[4]’ pour avoir fixé auprès de la société SOL PROPRE le prix des prestations à 150.000 euros HT avec un règlement à 45 jours, alors qu’il a accepté de sous-traiter à la société [J] et FILS plusieurs prestations, sans le déclarer au maitre d’ouvrage, avec un réglement à 30 jours, qu’il n’a pas été en mesure d’honorer, ce dernier reconnaissant s’être affranchi des règles de pointage permettant de vérifier l’exactitude des factures.

En dernier lieu, la société STM reproche à Monsieur [R] d’avoir poursuivi ses relations commerciales avec la société RDE, sans lui faire souscrire de bon de commande et malgré ses alertes sur l’important compte débiteur de cette société dans ses livres. Plus précisément, elle lui fait grief d’avoir loué deux engins de chantier avec chauffeur, sans bon de commande, qui lui ont été facturés par RDE pour 15.500 euros HT, alors qu’il avait chiffré le montant de sa prestation dans le marché CMR La Brillane pour un montant de 8.000 HT, ce qui a généré une perte importante mettant en péril l’équilibre financier de la société.

Monsieur [R] estime que les griefs sont infondés et qu’en tout état de cause, s’agissant le cas échéant ‘d’erreurs non intentionnelles’, auxquelles il a essayé de remédier, ils ne sont pas constitutifs d’une faute mais d’une insuffisance professionnelle, de sorte que le licenciement disciplinaire est sans cause réelle et sérieuse. Il estime également ne pas avoir reçu la formation nécessaire de la part de son employeur pour assurer ses missions, qui dépassaient celles d’un cadre C1, de sorte que la société STM ne pouvait le licencier pour de simples erreurs.

S’agissant du chantier du stade de [Localité 3], Monsieur [I] [R] soutient qu’il n’était ni obligatoire, ni automatique de faire appel à un géomètre pour évaluer ‘la cubature’ dans ce type de chantier ; que l’employeur ne démontre pas que la sous-évaluation du cubage de ce chantier relèverait d’une mauvaise volonté intentionnelle ; qu’en tout état de cause, l’élaboration des devis était supervisée par Mme [K], dirigeante de la société STM, et qu’il a tenté de trouver des solutions pour réduire la perte financière.

Concernant le chantier ‘[4]’, l’appelant conteste avoir conclu un contrat de sous-traitance avec la société [J] et ASSOCIES, mais uniquement un contrat de prestation de services à la journée consistant en la location de matériel avec chauffeur ; que la prestation de la STM était payée par la société SOL PROVENCAL au moyen de plusieurs situations (tranches), permettant le réglement de la société [J] et FILS avec un décalage de 15 jours plus tard ; que les difficultés de règlements se sont produites en raison du retard pris par la société HABITAT [Localité 5] PROVENCE, maitre d’oeuvre, qui ne respectait pas le règlement à 45 jours mais payait à + 90 jours et enfin, que l’employeur n’établit pas l’existence d’un ‘process’ sur la vérification des factures (pointage).

S’agissant des relations commerciales avec la société RDE, Monsieur [R] fait valoir que la société STM ne verse aucun élément de nature à démontrer qu’elle lui aurait demandé de cesser toute relation avec la société RDE ; qu’au contraire, elle lui a demandé de négocier une compensation de créances pour réduire la dette de cette dernière ; que s’il existe une erreur d’appréciation, elle n’est pas intentionnelle mais relèverait le cas échant, de l’insuffisance professionnelle.

***

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis. Elle doit être prouvée par l’employeur.

En l’espèce la fiche de fonction annexée au contrat de travail signé par Monsieur [R] en sa qualité de directeur du développement de la société STM, précise : ‘En lien avec le Président et le Président du conseil de surveillance, vous assurerez la gestion administrative, financière et commerciale de l’entreprise, et serez garant de sa croissance. Vous organiserez l’activité de l’entreprise pour atteindre vos objectifs, en mettant en cohérence les moyens techniques, humains et financiers’.

Principales activités :

‘-assurer la relation de la DG avec l’exploitation

-assurer le suivi des chantiers de la prise d’affaire en passant par l’établissement du devis, jusqu’au prix de revient du chantier,

-assurer et valider les relations clients,

-Manager le developpement commercial,

-manager le personnel et les chantiers,

-contrôler la prévention Qualité, Sécurité, Environnement’.

Il était en outre titulaire d’une délégation de pouvoir de Monsieur [N] [K], Président agissant au nom et pour le compte de la société STM, l’autorisant, en sa qualité de directeur de la SAS STM à signer en ses lieu et place l’ensemble des documents juridiques, fiscaux et commerciaux à compter du 01/01/2010.

Il ressort de ces documents contractuels que Monsieur [R] avait une pleine autonomie dans la négociation, le suivi et le contrôle des chantiers conclus par la société STM.

Le salarié soutient, sans le démontrer, que ses missions dépassaient en réalité celles d’un cadre C1 et que l’employeur ne lui a pas donné la formation suffisante pour les exercer.

S’agissant du premier grief, la société STM reproche à Monsieur [R] la sous-évaluation du cubage de terrassement dans l’établissement du devis du chantier du stade de [Localité 3] et de l’erreur d’appréciation du ‘coût de la décharge’ entrainant un déséquilibre financier important pour la société. Elle verse aux débats :

-le devis n°1202007 du 7 février 2012 pour le chantier de [Localité 3] mentionnant une quantité de terrassement de 8.000 m3 pour 184.000 euros HT,

-les factures des frais de décharge payés par la société STM pour le chantier de [Localité 3],

-plusieurs exemplaires de facture du géomètre GEOLABO,

-les factures complémentaires de la société STM à l’entreprise [F] et ASSOCIES pour les mois d’octobre (+1500 m3) et novembre (+1000 m3),

-le courrier de Monsieur [F] du 13 décembre 2012 sollicitant le paiement de factures impayées,

-le tableau de situation détaillé du chantier de [Localité 3] (mars 2012 à mars 2013) montrant qu’au mois de décembre 2012, les recettes hors taxes du chantier de [Localité 3] s’élevaient à 214.000 euros tandis que les dépenses générées s’élevaient à 405.183 euros.

L’employeur établit en l’espèce que Monsieur [R], qui avait toute latitude pour négocier le montant du devis, compte tenu de sa délégation de pouvoir en matière juridique et commerciale, a mal apprécié le cubage du terrassement à réaliser ainsi que les frais de décharges que la société STM a dû supporter, ce qui a entrainé une perte financière conséquente, malgré la facturation de travaux complémentaires. Ce grief est établi.

Sur le deuxième grief, reprochant à Monsieur [R] une gestion financière imprudente du chantier ‘[4]’, la société STM verse aux débats :

-le devis de la société STM pour Terrassement et évacuation adressé à SOL PROVENCE pour 150.000 euros HT le 14 février 2012 avec modalité de règlement à 45 jours,

-le devis de la société [J] et FILS en date du 20 février 2012 pour terrassement avec engin mécanique pour fondation avec modalité de règlement à 30 jours accepté par Monsieur [R],

-les factures de la société STM à la société SOL PROVENCE et les avis de paiement de cette dernière de mars 2012 à novembre 2012,

-les factures de la société [J] et FILS à la société STM et les avis de paiement de cette dernière de mars à octobre 2012,

-une attestation de Mme [W] [B] qui ‘reconnait avoir signé, à la demande expresse de Monsieur [R], l’acceptation du devis établi par la société BERTHON’,

-un courrier de la société SOL PROVENCAL adressé à la société STM le 15 janvier 2013 qui indique :

‘Nous vous rappelons que, si vous avez sous-traité cette prestation à l’entreprise [J] et FILS, vous aviez l’obligation de déclarer cette entreprise auprès du maître de l’ouvrage’,

-un courrier de l’avocat de la société BERTHON et FILS du 17 décembre 2012 mettant la société STM en demeure de s’acquitter des factures impayées des mois de juillet, août, septembre et octobre 2012,

-un échange de mail entre Monsieur [R] et Mme [K], dirigeante de la société STM, en date du 20 décembre 2012, intitulé ‘projet de lettre en réponse au conseil d'[J]’ par lequel l’appelant indique ‘concernant cette opération de terrassement sur [Localité 5], nous vous confirmons avoir sous-traité une partie des travaux à la société [J] et FILS suivant devis n°2966″, par lequel il rappelle le retard pris par la société HABITAT [Localité 5] PROVENCE pour règler ses situations et par lequel il indique : ‘Nous tenons tout de même à attirer votre attention sur le fait que nous n’avons aucun rapport de chantier ni aucun pointage justifiant la présence ou non de M. [J] et son fils, toute la facturation a été validée sur la confiance et l’avancement du chantier suite aux visites de chantier de M [R]’.

Il ressort de l’examen des différentes situations provisionnelles émises et payées par les sociétés en cause, qu’il existait un décalage de 15 jours permettant à la société STM de recevoir le paiement de SOL PROVENCAL et plus précisément du maitre d’oeuvre HABITAT [Localité 5] PROVENCE, avant d’avoir à régler [J] ET FILS.

En outre, Monsieur [R] justifie que le retard dans le paiement des factures de la société [J] ET FILS provenait principalement du retard pris par la société HABITAT [Localité 5] PROVENCE, qui dépassait largement le terme du règlement contractuellement prévu.

Toutefois, il résulte également de ces éléments, que Monsieur [R] qui engage la société RTM en sa qualité de directeur, en concluant seul des contrats de chantier et en assurant le suivi, reconnait par mail, contrairement à ce qu’il soutient devant la cour, avoir bien sous-traité le terrassement à la société BERTHON ET FILS. Or aucune déclaration de sous-traitance au maitre de l’ouvrage n’a été régularisée par ses soins, contrairement aux règles applicables.

De même, il reconnait dans ses écritures avoir laissé sa secrétaire signer et valider le devis, étant absent de son bureau, alors qu’il a seul la délégation de signature pour ce faire.

Enfin, il reconnait n’avoir effectué aucun pointage du temps de présence sur le chantier et s’être fondé uniquement sur la confiance.

La cour constate que le salarié a ainsi agi avec une légèreté blâmable. Ce grief est établi.

S’agissant du troisième grief portant sur les relations commerciales avec la société RDE ,l’appelant ne conteste pas avoir été averti de l’important compte débiteur de la société RDE dans les livres comptables de la société dès juillet 2012, comme l’allègue l’employeur dans la lettre de licenciement.

En ce sens, il est constant qu’une convention de compensation a été conclue le 24 juillet 2012 afin de réduire la dette de la société RDE à la somme de 69.088,08 euros.

S’il n’a pas été formellement interdit à Monsieur [R] de poursuivre ses relations commerciales avec la société RDE, la convention du 24 juillet 2012 faisant même référence aux compensations avec de ‘futures prestations’, le responsable du développement a été appelé à une certaine vigilance pour les relations commerciales à venir.

Or il résulte des pièces du dossier que Monsieur [R], qui a facturé au maitre de l’ouvrage, la société R.G.S LA BRILLANNE, une prestation de concassage de matériaux pour 8.000 euros HT (cf facture n°26 329 du 30 novembre 2012) a fait appel à la société RDE pour exécuter cette prestation pour la location d’un chargeur LIEHBERR 544 et la location d’un concasseur EXTEC C12, sans lui faire signer de bon de commande (cf mail de Monsieur [R] du 10 janvier 2013).

Or la société RDE a adressé à la société STM une facture pour la location des deux engins sur 10 jours moyennant un prix de 15.500 euros HT, soit près du double du montant de la prestation initialement facturé au maitre d’ouvrage(cf facture n°4121201 du 15 décembre 2012), ce qui rendait le chantier déficitaire.

Madame [K], dirigeante de la société, a ensuite été contrainte d’intervenir pour négocier un avoir de 7.750 euros afin de réduire cette facture jugée excessive.

Monsieur [R] reconnait une simple erreur d’appréciation pouvant éventuellement relever d’une insuffisance professionnelle.

La cour constate pourtant, qu’au vu de ses responsabilités en sa qualité de directeur du développement, bénéficiant d’une grande autonomie dans la négociation et le suivi des chantiers, Monsieur [R] a pris délibérément des risques financiers engageant la société et ce, malgré les alertes de l’employeur sur les pertes financières existantes, ce qui constitue une attitude fautive.

En conséquence, il résulte de l’examen de ces trois griefs que le comportement fautif de Monsieur [R] dans l’exercice de ses fonctions, est établi par la société STM.

Toutefois, si les fautes de gestion du responsable du développement ont entraîné des pertes fincancières, telles qu’elles ressortent de l’examen des comptes de résultat et de bilan de la société STM sur l’exercice 2012, l’employeur ne justifie pas qu’elles soient d’une gravité telle qu’elles soient seules responsables du déficit de la société, l’expert comptable de la société STM SECOVAL relevant également à titre d’explication de ce déficit deux autres motifs : l’existence de clients défaillants et un investissement en renouvellement de matériel significatif.

Dès lors, la cour dit que la faute commise par Monsieur [R] ne justifie pas la rupture immédiate du contrat de travail, privative des indemnités de rupture.

En conséquence, il y a lieu de réformer le jugement et de dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, non constitutive d’une faute grave.

Sur les indemnités de rupture

Monsieur [R] effectue le calcul des indemnités de rupture en prenant pour salaire de référence un salaire moyen brut de 7.828,46 euros, ce qui est contesté par l’employeur qui estime que le salaire brut s’élève à 5.500 euros.

La cour constate à l’examen des bulletins de paie communiqués par les parties que le salaire moyen brut s’élève à 5.000 euros sur 13 mois, de sorte qu’il est égal à 5.500 euros par mois (soit 5.000 x 13 mois/12).

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

Pour une ancienneté dans l’entreprise de 3 ans et 54 jours (soit du 1er décembre 2009 au 25 janvier 2013), la cour dit que l’employeur est redevable au salarié d’une indemnité conventionnelle de licenciement calculée comme suit :

5.500 x 3/10 x 5=8.250 euros pour 3 ans

5.500 x 3/10/12 = 137,50 euros pour 30 jours

137,50/30/24 =110 euros pour 24 jours.

soit la somme totale de 8.497,50 euros.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents

Monsieur [R] sollicite une indemnité de préavis égale à 3 mois de salaire, en application de l’article 7.1 de la convention collective applicable, soit une somme de 23.485,35 euros et 2.348,54 euros au titre des congés payés afférents (10%).

La société STM conteste le montant du salaire retenu par le salarié (soit 7.828,46 euros) et soutient que celui-ci a bénéficié d’indemnités journalières du 11 janvier 2013 au 13 février 2013 et ne peut percevoir d’indemnité compensatrice de préavis sur cette période.

Il résulte de la convention collective applicable et des bulletins de salaire de Monsieur [R] que le montant du salaire de réféfence est de 5.500 euros et que l’employeur doit verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis égale à 3 mois de salaire, soit 3x 5.500 euros =16.500 euros.

Contrairement aux affirmations de l’employeur, l’indemnité compensatrice de préavis se cumule, le cas échéant, avec les indemnités journalières de maladie perçues par le salarié, de sorte que le montant des indemnités journalières perçues du 11 janvier au 13 février 2013, n’ont pas à être déduites du montant de l’idemnité compensatrice de préavis.

En conséquence, la société STM sera condamnée à payer à Monsieur [R] la somme de 16.500 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1.650 euros au titre des congés payés sur préavis.

Sur les dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse

Le licenciement du salarié étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, la Cour déboute Monsieur [R] de sa demande en paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les documents sociaux

La cour enjoint à la société STM de remettre à Monsieur [R] un bulletin de paie rectificatif et les documents sociaux rectifiés, conformes au présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte ne soit nécessaire.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La société appelante ayant été reçue partiellement en son appel, les dépens d’appel seront partagés entre les parties.

L’équité n’impose pas qu’il soit fait application, au cas d’espèce, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. En conséquence, il y a lieu d’infirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a condamné Monsieur [I] [R] à payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter les demandes de frais irrépétibles formées par les parties en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau :

Dit que les griefs invoqués à l’encontre de Monsieur [R] ne sont pas prescrits,

Dit que le licenciement de Monsieur [I] [R] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, non constitutive d’une faute grave,

Condamne la société STM à payer à Monsieur [I] [R] les sommes suivantes :

-8.497,50 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

-16.500 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

-1650 euros au titre des congés payés sur préavis

Y ajoutant :

Enjoint à la société STM de remettre à Monsieur [R] un bulletin de paie rectificatif et les documents sociaux rectifiés, conformes au présent arrêt et rejette la demande d’astreinte,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens et rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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