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28 octobre 2022
Cour d’appel de Rennes
RG n°
19/05812
2ème Chambre
ARRÊT N°550
N° RG 19/05812
N° Portalis DBVL-V-B7D-QCAW
(3)
EARL LES PETITS RUISSEAUX
C/
M. [B] [E]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me DERVILLERS
– Me GAUTIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 13 Septembre 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
EARL LES PETITS RUISSEAUX
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Julien DERVILLERS de la SELARL PROXIMA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
Monsieur [B] [E]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Sandrine GAUTIER de la SCP ELGHOZI-GEANTY-GAUTIER-PENNEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
EXPOSE DU LITIGE
M. [B] [E], exerce en nom propre une activité de vente de produits phytosanitaires, semences, engrais et prestations de services.
Se prévalant de factures impayées par L’EARL les petits ruisseaux, M. [E] a assigné cette dernière en paiement par acte du 11 décembre 2017.
Par jugement du 5 juillet 2019, le tribunal a :
– condamné l’EARL Les petits ruisseaux à payer à M. [B] [E] la somme de 24 232,08 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2017 ;
– rejeté tous autres moyens ou prétentions des parties ;
– condamné l’EARL Les petits ruisseaux à payer à M. [B] [E] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné l’EARL Les petits ruisseaux aux dépens en ce compris le coût de la sommation de payer du 31 août 2017 ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration du 26 août 2019, l’EARL Les petits ruisseaux a relevé appel de ce jugement et, par dernières conclusions notifiées le 26 novembre 2019, elle demande de :
– réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc sauf en ce qu’il a écarté les demandes en paiements accessoires présentées par M. [B] [E] ;
– Dire et juger M. [B] [E] irrecevable sur la base des articles 1193 et suivants et 1231-1 du code civil en ses demandes ;
– Dire et juger en toute hypothèse, M. [B] [E] infondé en ses demandes ;
– en conséquence, l’en débouter ;
– Condamner M. [B] [E] à régler à l’EARL Les petits ruisseaux une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 4 février 2020, M. [B] [E] demande à la cour de :
– débouter l’EARL Les petits ruisseaux de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– Confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable bien-fondé l’action de M. [E] ;
– Infirmer sur le quantum ;
– Condamner l’EARL Les petits ruisseaux à payer à M. [B] [E] la somme principale de 24 232,08 euros au titre des factures, outre la somme de 1 453,92 euros au titre des pénalités de retard contractuelles, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2017 ;
– Condamner l’EARL Les petits ruisseaux à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;
– Condamner l’EARL Les petits ruisseaux à payer à M. [B] [E] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel, en complément de la somme allouée en première instance ;
– Condamner l’EARL Des petits ruisseaux en tous les dépens qui comprendront le coût de la sommation de payer du 31 août 2017, ainsi que les frais d’exécution du jugement.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu’aux dernières conclusions déposées l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 9 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
M. [E] sollicite le paiement de livraisons d’engrais et produits phytosanitaires effectuées entre le mois d’août 2016 et le mois de juillet 2017 pour les besoins de l’exploitation agricole de l’EARL.
L’EARL les petits ruisseaux soulève l’irrecevabilité des demandes de M. [E] au visa des articles 1193 et 1231-1 du code civil qui ne sont applicables que depuis le 1er octobre 2016 et ne sauraient être invoqués pour des ventes et livraisons antérieures. Au terme de ses dernières écritures, M. [E] précise que s’agissant des commandes antérieures il fonde ses demandes sur les dispositions des articles 1134 et suivants anciens du code civil qui fixe le même principe de force obligatoire des contrats. L’EARL les petits ruisseaux ne précise pas quant à elle le fondement de son moyen d’irrecevabilité qui sera rejeté.
Pour s’opposer à la demande, l’EARL les petits ruisseaux fait valoir que M. [E] ne produit ni bon de commande ni bon de livraisons seuls à même de rapporter la preuve incombant à M. [E] de la convention et de son obligation à paiement.
Si l’article 1341 ancien du code civil et l’article 1359 nouveau du code civil fixent le principe, suivant lequel en matière civile l’acte juridique portant sur une somme supérieure à 1 500 euros doit être passé par écrit, cette règle reçoit exception non seulement en cas d’impossibilité morale ou matérielle de se procurer un écrit mais également suivant une jurisprudence consacrée par l’article 1360 nouveau du code civil lorsqu’il est d’usage de ne pas établir un écrit.
A l’appui de ses demandes, M. [E] expose qu’il a satisfait aux demandes formées par l’EARL les petits ruisseaux qui a passé commande de produits phytosanitaires et engrais par téléphone. Il explique que son livreur n’a pu faire signer de bon de livraison à la réception en l’absence de personne présente sur place au moment de la livraison sur l’exploitation.
S’agissant de répondre dans les meilleurs délais aux demandes de produits nécessaires à l’exploitation des cultures, M. [E] est fondé à invoquer l’usage en matière agricole non utilement démenti suivant lequel ce type de commande peut être passée par simple appel téléphonique.
Il sera par ailleurs relevé que l’EARL les petits ruisseaux n’a pas elle même contesté l’existence des livraisons objets des facturations litigieuses pour avoir saisi sa compagnie d’assurance Groupama aux fins d’expertise et qui par courrier du 4 juillet 2017 a adressé convocation aux Ets [E] en précisant intervenir au soutien des intérêts de L’EARL les petits ruisseaux qui a ‘fait appel à votre entreprise pour le suivi cultural de ses parcelles de céréales et de fourniture de produits phyto’ reconnaissant ainsi avoir passé commande à M. [E]. Il n’est par ailleurs pas discuté que L’EARL a adressé deux versements par chèque d’un montant de 2 500 euros chacun les 22 mars 2017 et 4 avril 2017 constituant un commencement de preuve par écrit au sens de l’article 1347 ancien du code civil et 1362 nouveau du code civil.
Il ressort du rapport établi le 8 août 2017 par Terrexpert, expert de l’assurance de M. [E], que litige porte sur la présence de folle avoine dans des parcelles d’orge de colza et de blé ; que lors de ces opérations d’expertise, il a été rappelé que L’EARL des petits ruisseaux travaille depuis de ‘nombreuses années’ avec l’entreprise [E] pour l’approvisionnement de semences, engrais et produits phytosanitaires établissant l’ancienneté des relations commerciales entre les parties.
Si l’EARL conteste les conditions d’établissement et la valeur de ce rapport d’expertise, il sera constaté que ce rapport précise que les parties ont été convoquées à une réunion le 25 juillet 2017, en présence de M. [K] représentant l’EARL ainsi que de Mme [W] inspectrice de Groupama. Or il ressort des convocations à la réunion datées du 4 juillet 2017 que la date du 25 juillet 2017 a été fixée à la diligence de Groupama, assureur de l’EARL. S’il ressort des convocations produites qu’une société tierce, la société Le Cam, avait également été convoquée à cette réunion et n’apparaît pas y avoir été présente, cette circonstance ne saurait être imputée à M. [E] et son expert qui n’ont fait que déférer à la convocation reçue.
L’EARL des petits ruisseaux produit par ailleurs aux débats, les fiches manuscrites de préconisation d’emploi des produits livrés par les Ets [E] suivant les facturations litigieuses ce qui en l’absence de toute contestation émise par l’EARL à réception de ces fiches tend à Confirmer la réception des produits concernés.
Il apparaît que c’est ainsi par des motifs pertinents adoptés par la cour que le tribunal a retenu que la preuve était ainsi suffisamment rapportée de la commande et de la réception par L’EARL les petits ruisseaux des produits objets des factures litigieuses.
Faute de contrat établissant avant facturation leur caractère conventionnel M. [E] ne peut prétendre au paiement de pénalités de retard qualifiées de ‘contractuelles’ et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa réclamation à ce titre.
Pour échapper au paiement, L’EARL les petits ruisseaux, se prévaut de manquements imputés à M. [E] qui avait la charge de préconiser le traitement des cultures mises en terre.
L’EARL fait valoir que ces préconisations et suivi des traitements des parcelles se sont révélés catastrophiques, à tel point qu’elle a fait dresser un procès verbal de constat le 8 juillet 2017 de l’envahissement des parcelles par des mauvaises herbes.
S’il ressort du constat que des parcelles de culture sont envahies de plantes parasites, cette seule circonstance ne saurait suffire à établir un manquement de M. [E] qui n’était pas en charge de la mise en oeuvre des produits livrés. Il ressort en effet du rapport d’expertise produit que pour la mise en oeuvre des traitements, l’EARL faisait appel à la société Le Cam.
Le rapport précise également que l’EARL se fournit à plusieurs endroits tant en semences qu’en produits sanitaires, qu’elle n’assure pas de suivi de culture parcelle par parcelle et qu’elle ne tient aucun cahier phytosanitaire malgré l’obligation qui lui en est faite. Le rapport relève également que les factures de pulvérisation établies par la société Le Cam indiquent uniquement ‘location de matériel avec chauffeur’ sans précision sur le matériel, les surfaces, dose par Hectare et nom du produit pulvérisé.
Si l’EARL les petits ruisseaux conteste les conclusions de Terrexpert, elle ne fournit aucun élément de nature à contredire l’absence de traçabilité ainsi relevée de l’utilisation des produits livrés par M. [E] nécessaire à l’établissement d’un lien avec les désordres affectant les cultures. Elle s’abstient notamment de produire aux débats le compte rendu établi par Groupama à l’issue de la réunion d’expertise et ne contredit ainsi pas les mentions du rapport suivant lequel l’assureur de l’EARL a lui-même conclu à l’impossibilité de mettre en cause les Ets [E] au regard des circonstances.
En considération de ces éléments, c’est par de justes motifs adoptés par la cour que le premier juge a retenu que l’EARL les petits ruisseaux n’établissait pas l’existence de manquements imputables à M. [E] à l’origine de désordres affectant les cultures lui permettant de faire échec à la demande en paiement.
La persistance d’un désaccord ne saurait suffire à caractériser un abus et M. [E] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions;
L’EARL les petits ruisseaux qui succombe le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamnée aux dépens et au paiement d’une indemnité de procédure. En cause d’appel, l’ EARL les petits ruisseaux sera condamnée aux dépens et à payer une indemnité complémentaire de procédure d’un montant de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc,
y ajoutant
Condamne L’EARL les petits ruisseaux à payer à M. [B] [E] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne L’EARL les petits ruisseaux aux entiers dépens d’appel.
Rejette toutes autres demandes.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT