Location de matériel : 16 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01143

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Location de matériel : 16 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01143
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16 novembre 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/01143

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 NOVEMBRE 2022

N° RG 22/01143

N° Portalis DBV3-V-B7G-VD2K

AFFAIRE :

[P] [F]

C/

S.A.S. HERTZ FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Octobre 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : F15/00638

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG

Me Géric CLOMES

l’ASSOCIATION BL & ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [P] [F]

né le 10 Mars 1967 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0069

Représentant : Me Françoise DE SAINT SERNIN de la SCP SAINT SERNIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0525 substituée par Me Julia FABIANI, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A.S. HERTZ FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Géric CLOMES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. LOXAM

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Sophie BOURGUIGNON de l’ASSOCIATION BL & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J095

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

Appelée à l’audience collégiale, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Septembre 2022, devant la cour composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE

M. [P] [F] a été embauché à compter du 1er septembre 2010, avec reprise d’ancienneté au 27 août 1988, en qualité de ‘directeur développement et stratégie’ (statut de cadre) par la SAS Hertz Equipement France, spécialisée dans la location de matériel pour les entreprises du bâtiment et de l’industrie et dont l’actionnaire majoritaire était la société Hertz France.

Le contrat de travail a prévu le paiement d’une rémunération fixe et d’une rémunération variable sur objectifs.

Le 1er septembre 2010 également, M. [F] a été désigné comme mandataire social de la société Hertz Equipement France en tant que directeur général.

Le 11 février 2015, la société Hertz Equipement France et M. [F] ont conclu une convention relative au paiement d’une ‘indemnité spécifique’ de départ au salarié.

Le 11 mai 2015, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles pour demander la condamnation de la société Hertz Equipement France et de la société Hertz France à lui payer des dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Le 29 octobre 2015, M. [F] a été révoqué de son mandat de directeur général.

À compter du 31 octobre 2015, la société Hertz Equipement France a été cédée à la société Loxam.

Le 31 décembre 2015, à la suite d’une opération de fusion-absorption de la société Hertz Equipement France par la société Loxam, le contrat de travail de M. [F] a été transféré à cette dernière par l’effet des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail.

Par lettre du 8 mars 2016, la société Loxam a adressé à M. [F] une convocation à un entretien en vue de la conclusion d’une rupture conventionnelle.

Par lettre du 7 mai 2016, M. [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Loxam.

Dans le courant du même mois, M. [F] a été embauché par la société Avis en tant que ‘directeur des opérations Europe de l’Ouest’.

En cours d’instance prud’homale, M. [F] a demandé au conseil de prud’hommes la requalification de sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse aux torts de la société Loxam et la condamnation de cette dernière à lui payer notamment des indemnités de rupture, une indemnité spécifique de départ et des rappels de rémunération variable pour les années 2015 et 2016.

M. [F] a également demandé la condamnation ‘solidaire’ des sociétés Loxam et Hertz France à lui payer des dommages-intérêts pour harcèlement moral ou subsidiairement la condamnation de ‘l’une à défaut de l’autre’.

Par un jugement du 22 octobre 2018, le conseil de prud’hommes (section encadrement) a :

– débouté M. [F] de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté la société Loxam et la société Hertz France de leurs demandes reconventionnelles ;

– condamné M. [F] aux dépens.

Le 13 novembre 2018, M. [F] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 4 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, M. [F] demande à la cour d’infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

– requalifier sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Loxam en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société Loxam à lui payer les sommes suivantes :

* 41 407,08 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 4 140,70 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 109 268,68 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 262 245 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 193 228 euros à titre d’indemnité spécifique de rupture en exécution de l’accord du 11 février 2015 ;

* 49 688 euros brut à titre de rappel de rémunération variable au titre de l’exercice 2015 ;

* 20 703,54 euros brut à titre de rappel de rémunération variable, au prorata temporis, au titre de l’exercice 2016 ;

– condamner la société Loxam et la société Hertz France, ‘solidairement ou l’une à défaut de l’autre’, à lui payer une somme de 165 630 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d’un harcèlement moral ;

– condamner la société Loxam et la société Hertz France, ‘solidairement ou l’une à défaut de l’autre’, à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

– assortir les condamnations des intérêts au taux légal, avec capitalisation.

Aux termes de ses conclusions du 28 septembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société Loxam demande à la cour de :

– confirmer le jugement sur le débouté des demandes de M. [F] ;

– débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes ;

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes et en conséquence requalifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail formée par M. [F] en une démission et condamner ce dernier à lui payer une somme de 41 407,08 euros à titre de dommages-intérêts pour le préavis non effectué.

Aux termes de ses conclusions du 1er octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société Hertz France demande à la cour de :

– déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral formée par M. [F] à son encontre ;

– subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral à son encontre et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [F] à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 13 septembre 2022.

SUR CE :

Sur les rappels de rémunération variable :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 1224-2 du code du travail : ‘Le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :

1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

2° Substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux’ ;

Considérant en l’espèce que le contrat de travail de M. [F] a prévu le paiement d’une rémunération variable, sous forme d’un bonus annuel de 30 % de la rémunération fixe annuelle, au prorata du temps de présence, en fonction d’objectifs également annuels ;

Que s’agissant du rappel de rémunération variable au titre de l’exercice 2015, contrairement à ce qu’elle soutient, la société Loxam en est débitrice, le transfert légal du contrat de travail de M. [F] étant intervenu au 31 décembre 2015 dans le cadre d’une convention de fusion absorption avec la société Hertz Equipement France ; qu’ensuite, la société Loxam se borne à produire des pièces non rédigées en langue française qui ne permettent ainsi pas de démontrer à la cour que M. [F] n’a pas atteint ses objectifs pour l’année 2015, ni que ces objectifs étaient calculés pour partie sur les résultats des sociétés ‘Hertz Equipement France et Hertz Corporation’ ; qu’il s’ensuit que M. [F] est fondé à réclamer la condamnation de la société Loxam à lui payer une somme de 49 688 euros brut à ce titre en application des stipulations contractuelles ;

Que s’agissant du rappel de rémunération variable au titre de l’exercice 2016, la société Loxam ne justifie pas avoir fixé des objectifs à M. [F] au début de cet exercice ; qu’elle n’est pas fondée à soutenir que cette fixation d’objectifs était impossible à raison des refus des propositions de poste faites à M. [F] a la suite du transfert de son contrat de travail, puisqu’il ressort des débats que, ainsi qu’il est dit ci-dessous, elle a fourni du travail à son salarié conformément à ses obligations contractuelles ; que M. [F] est donc fondé à réclamer la somme de 20 703,54 euros brut à titre de rappel de rémunération variable, au prorata temporis, au titre de l’exercice 2016 ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail et ses conséquences :

Considérant qu’au soutien de sa demande de requalification de sa prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’allocation d’indemnités de rupture, M. [F] reproche à la société Loxam un comportement déloyal constitué par :

1°) une absence d’offre sérieuse et précise de repositionnement en son sein après le transfert du contrat de travail ;

2°) une absence de fourniture du travail convenu pour n’avoir plus aucune équipe à diriger, plus aucune activité, plus aucun pouvoir de décision dans aucun domaine et pour avoir été mis ostensiblement à l’écart ;

3°) une proposition de rupture conventionnelle adressée le 9 mars 2016 intégrant insidieusement et illicitement une clause de renonciation à l’action en dommages et intérêts pour harcèlement moral intentée contre la société Hertz Equipement France en mars 2015 ;

4°) une proposition de poste de directeur d’exploitation faite le 11 mars 2016 dans le seul but de pouvoir s’exonérer du paiement de l’indemnité spécifique de rupture ;

5°) le non-paiement de la rémunération variable au titre de l’exercice 2015 et l’absence de fixation d’objectifs pour le paiement de cette rémunération variable pour l’exercice 2016 ;

Considérant que la société Loxam conclut au débouté de ces demandes et demande la requalification de la prise d’acte en une démission ainsi que le paiement par le salarié de dommages-intérêts pour le préavis non effectué ;

Considérant que lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d’une démission ; que la charge de la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur à l’appui de sa prise d’acte pèse sur le salarié ;

Qu’en l’espèce, s’agissant du premier manquement invoqué, il ressort des débats et des pièces versées et notamment de courriels échangés entre M. [F] et la société Loxam ainsi que de la lettre de prise d’acte de la rupture du contrat de travail, que trois postes de direction ont été proposés à M. [F] dans le courant des mois de janvier et février 2016 avec toutes les précisions requises, dont aucun élément ne vient démontrer le caractère fictif de deux d’entre eux puisque l’appelant les a refusés en réalité au seul motif que ces postes n’étaient pas assortis d’une participation au comité de direction de la société Loxam ; que M. [F] n’allègue pas que cette absence de participation constituait une modification unilatérale du contrat de travail résultant d’une perte de responsabilité, ce d’autant qu’il ne conteste pas que la société Loxam est une société beaucoup plus importante que la société Hertz Equipement France, notamment en terme de chiffre d’affaires et de nombre de salariés, rendant la participation à ce comité constitutive d’un accroissement de responsabilités ; que de plus et en tout état de cause, la société Loxam lui a proposé en dernier lieu le 10 mars 2016 à nouveau et par écrit le poste de directeur d’exploitation avec participation au comité de direction, remplissant ainsi toutes les exigences de l’appelant et qu’il n’y a pas donné de suite ; qu’aucun manquement n’est donc établi à ce titre;

Qu’ensuite, s’agissant du deuxième manquement invoqué, il ressort des pièces versées aux débats, et notamment de courriels échangés entre les parties, qu’à la suite de l’opération de fusion -absorption de la société Hertz Equipement France par la société Loxam, une réorganisation interne a été mise en place au sein de la société Loxam à compter du 1er févier 2016 et que le poste de M. [F] a été supprimé ; qu’il s’est vu confier de nombreuses tâches de haute responsabilité, conformes à sa qualification, afférentes à la fusion et à la réorganisation de l’entreprise dans l’attente de ses réponses sur les propositions de postes de direction qui lui ont été faites ; qu’il a en outre demandé à être dispensé d’activité ce qui lui a été refusé par son employeur ; que la société Loxam a ainsi rempli son obligation contractuelle de fournir le travail contractuellement prévu à son salarié ;

Que s’agissant du troisième grief, il ressort seulement des débats que la proposition de rupture conventionnelle du contrat de travail adressée au salarié contenait une clause relative à la renonciation à l’action en dommages et intérêts entamée contre la société Hertz Equipement France en mars 2015, sans qu’aucun élément ne démontre que cette clause a été glissée dans l’acte ‘insidieusement’ ou par stratagème ; que si cette clause est illicite car emportant renonciation à un droit dans le cadre d’une convention de rupture, M. [F] n’allègue pas pour autant avoir entamé des discussions pour la suppression de cette clause, qui n’affectait d’ailleurs pas la validité de la convention elle-même, ni l’existence d’un refus de l’employeur d’entamer de telles discussion ; qu’aucune déloyauté à raison de l’insertion de cette clause n’est donc établie ;

Que s’agissant du quatrième grief, aucun élément ne démontre que la proposition de poste de directeur d’exploitation faite par la société Loxam le 10 mars 2016 n’était destinée qu’à s’exonérer du paiement de l’indemnité spécifique de rupture, l’appelant se bornant à des allégations sur ce point ;

Que s’agissant du cinquième grief, l’absence de paiement de la rémunération variable au titre de l’exercice 2015 est établie ainsi qu’il est dit ci-dessous ; que toutefois, la rémunération fixe effectivement perçue par M. [F] s’élevait à la somme significative de 165 630,06 euros brut pour l’année 2015 et la rémunération variable non versée à l’issue de cet exercice ne représentait que 30 % de cette somme, soit une part minoritaire ; que M. [F] n’a élevé aucune protestation lors de l’annonce du non versement de cette somme ni avant la rupture, ni dans la lettre de prise d’acte, ce qui démontre le caractère non déterminant de ce manquement dans la décision de prise d’acte de la rupture du contrat de travail ; que M. [F] n’a non plus élevé aucune protestation quant à l’absence de fixation de ses objectifs pour l’exercice 2016 ni avant la rupture, ni dans la lettre de prise d’acte ;

Qu’il résulte de ce qui précède que M. [F] n’établit pas de manquements suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail ;

Que dans ces conditions, il y a lieu d’une part de débouter M. [F] de sa demande de requalification de sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes subséquentes d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ces points ;

Que d’autre part, il y a lieu de requalifier sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail en démission et de condamner M. [F] à payer à la société Loxam une somme de 41 407,08 euros à titre de dommages-intérêts pour le préavis de trois mois non effectué ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur l’indemnité spécifique de rupture prévue par la convention du 11 février 2015 conclue entre la société Hertz Equipement France et M. [F] :

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige : ‘Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites’ ; qu’aux termes de l’article 1174 du même code, dans sa version applicable au litige : ‘ Toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige’ ;

Considérant en l’espèce que la convention du 11 février 2015 relative au paiement d’une indemnité spécifique de départ à M. [F] en cas de cession des titres de la société Hertz Equipement France à un tiers et de transfert du contrat de travail est ainsi rédigée : ‘1. si la rupture du contrat de travail vous est notifiée dans les six mois suivant la réalisation [c’est-à-dire la cession des titres], vous aurez droit, sauf faute grave ou lourde de votre part, à une indemnité spécifique équivalente à 14 mois de salaire calculée sur la base de votre dernier salaire au 31 janvier 2015 ; […]

4. pendant une période de un mois suivant la période de six mois visés au 1 ci-dessus, si vous décidez de rompre votre contrat de travail, vous obtiendrez une indemnité de rupture équivalente à l’indemnité spécifique augmentée de l’indemnité légale ou conventionnelle visée au 2 ci-dessus, selon les dispositions en vigueur à la date où vous motivez votre décision de quitter la société.’ ;

Qu’en premier lieu, contrairement à ce que soutient la société Loxam, les stipulations contractuelles du point 4, mentionnées ci-dessus, relatives au paiement par l’employeur de l’indemnité spécifique de rupture en cas de rupture à l’initiative du salarié ne sont pas potestatives puisque la réalisation de la condition en cause dépend du salarié qui est créancier de cette indemnité spécifique ;

Qu’en second lieu, contrairement à ce que soutient encore la société Loxam, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail constitue un mode de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié légalement admis à la date de la rupture, quand bien même il n’est pas expressément prévu dans le code du travail ou la convention collective ; que cette prise d’acte est en outre requalifiée en démission par le présent arrêt, comme le demande au demeurant la société Loxam ;

Que dans ces conditions, M. [F] est fondé à réclamer le paiement de l’indemnité spécifique de rupture prévue au contrat de travail à la suite de la rupture à son initiative du contrat de travail;

Qu’il y a donc lieu de condamner la société Loxam à payer à M. [F] une somme de 193 228 euros à titre d’indemnité spécifique de rupture, étant précisé que le montant n’est pas discuté par l’employeur ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral à l’encontre de la société Loxam et de la société Hertz France et la recevabilité de cette demande à l’égard de la société Hertz France :

Considérant, sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Hertz France tirée d’un défaut de sa qualité d’employeur de M. [F], cette question nécessite un examen au fond ; qu’il y a donc lieu de la rejeter par application de l’article 122 du code de procédure civile ;

Considérant sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral contre la société Hertz France, qu’il est constant que cette société est la société-mère de la société Hertz Equipement France et qu’aucun contrat de travail n’a été conclu entre la société Hertz France et M. [F] pour la période en cause ; que M. [F] invoque tout d’abord au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral à l’encontre de la société Hertz France de manière inopérante une ‘autorité de fait ou de droit en raison de sa qualité d’actionnaire majoritaire’ de la société Hertz Equipement France, sans toutefois établir ni même alléguer qu’il a exécuté une prestation de travail en contrepartie d’une rémunération sous la subordination juridique de la société Hertz France ;

Qu’ensuite M. [F] invoque une immixtion permanente de la société Hertz France dans la gestion économique et sociale de la société Hertz Equipement France, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière et la rendant co-employeur, en procédant par de simples allégations et en produisant seulement quelques pièces éparses relatives à une question posée par une organisation syndicale d’un comité d’entreprise de la société Hertz France sur la réorganisation de sa filiale, à des échanges de courriels abscons relatifs au départ d’un salarié de la société Hertz Equipement France, à un accord d’entreprise conclu au sein de la société Hertz Equipement France ne faisant en rien ressortir que la négociation a été menée par la société Hertz France ; qu’une immixtion permanente de la société Hertz France conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de sa filiale n’est donc pas établie ;

Qu’en conséquence, faute de démonstration par l’appelant de la qualité d’employeur ou de coemployeur de la société Hertz France, il y a lieu de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral à son encontre ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Considérant, sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral à l’encontre de la société Loxam, M. [F] soutient qu’il a subi un ‘harcèlement moral démissionnaire’ en ce que :

1°) la société Hertz Equipement France et la société Hertz France lui ont donné le sentiment d’être trahi en lui demandant de redresser les comptes de la société Hertz Equipement France en lui cachant l’objectif final de vente de la société ;

2°) les projets de ventes de la société Hertz Equipement France qui se sont succédés ont été une source d’épuisement pour lui mais surtout il a fait le constat que son investissement et tout ce pourquoi il devait se battre quotidiennement n’était pas reconnu ni parfois pris en considération;

3°) il a reçu des pressions de la part de la direction juridique et des ressources humaines pour valider l’acte de vente de la société Hertz Equipement France et il a été exclu de certaines discussions susceptibles pourtant d’engager sa responsabilité de dirigeant ;

4°) la société Loxam ne lui a pas fait d’offre sérieuse et précise de repositionnement en son sein après le transfert du contrat de travail et ne lui a pas fourni le travail contractuellement prévu ;

5°) la société Loxam lui a demandé de se désister de son action prud’homale en dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

6°) la société Loxam n’a pas renouvelé sa voiture de fonction et a fait disparaître soudainement ses ‘archives mails’ ;

Qu’il demande en conséquence l’allocation d’une somme de 165 630 euros à titre de dommages-intérêts pour ‘sanctionner’ ces agissements de harcèlement moral ;

Que la société Loxam conclut au débouté de cette demande ;

Qu’aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu’en application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié établit des faits précis et concordants qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu’en l’espèce, s’agissant des agissements 1°) à 3°), M. [F] se borne à invoquer des faits qui se rattachent à son mandat social de directeur général de la société Hertz Equipement France et non à son emploi salarié de ‘directeur développement et stratégie’ ;

Que les agissements mentionnés au 4°) ne sont pas établis ainsi qu’il a été dit ci-dessus ;

Que s’agissant de l’agissement mentionné au 5°), une simple demande de désistement d’une action prud’homale n’est pas susceptible d’entraîner pour l’appelant une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Que s’agissant des agissements mentionnés au 6°), M. [F] n’allègue pas que la voiture de fonction en cause constituait un élément contractuel et ne produit par ailleurs aucun élément démontrant une destruction de ses ‘archives mails’ par la société Loxam ;

Que dans ces conditions, M. [F] n’établit pas des faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ;

Qu’en outre et en toute hypothèse, M. [F] demande l’allocation de dommages-intérêts pour ‘sanctionner’ le harcèlement moral invoqué, sans établir ni même allèguer l’existence d’un préjudice à ce titre ;

Qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de confirmer le débouté de la demande de dommages-intérêts à l’encontre de la société Loxam ;

Sur les intérêts légaux et la capitalisation :

Considérant qu’il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts légaux sur les sommes allouées à M. [F] dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1343-2 du code civil ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il statue sur ces deux points ;

Que M. [F] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel engagés par la société Hertz France et à payer à cette dernière une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ;

Que par ailleurs, la société Loxam et M. [F] garderont chacun la charge de leurs dépens et frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il déboute la société Loxam de sa demande de requalification de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en démission et de sa demande de dommages-intérêts pour le préavis non effectué, statue sur les rappels de rémunération variable pour les exercices 2015 et 2016, sur l’indemnité spécifique de rupture, sur la capitalisation des intérêts légaux,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Hertz France,

Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail formée par M. [P] [F] s’analyse en une démission,

Condamne M. [P] [F] à payer à la société Loxam une somme de 41 407,08 euros à titre de dommages-intérêts pour le préavis non effectué,

Condamne la société Loxam à payer à M. [P] [F] les sommes suivantes :

– 49 688 euros brut à titre de rappel de rémunération variable au titre de l’exercice 2015,

– 20 703,54 euros brut à titre de rappel de rémunération variable au titre de l’exercice 2016,

– 193 228 euros à titre d’indemnité spécifique de rupture en exécution de l’accord du 11 février 2015,

Ordonne la capitalisation des intérêts légaux sur les sommes allouées à M. [P] [F] dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

Condamne M. [P] [F] aux dépens de première instance et d’appel engagés par la société Hertz France,

Condamne M. [P] [F] à payer à la société Hertz France une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Dit que M. [P] [F] et la société Hertz Equipement France conservent la charge de leurs propres dépens exposés en première instance et en appel,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile entre M. [P] [F] et la société Hertz Equipement France,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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