Location de matériel : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/05081

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Location de matériel : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/05081
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17 novembre 2022
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/05081

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 17/11/2022

N° de MINUTE : 22/977

N° RG 21/05081 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T3SN

Jugement (N° 51-20-0000) rendu le 09 Septembre 2021 par le Tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras

APPELANTS

Monsieur [F] [V]

né le 05 Février 1956 à Duisans (62161) – de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 9]

Madame [S] [G] épouse [V]

née le 01 Mai 1958 à Saint Omer – de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentés par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d’Arras

INTIMÉS

Madame [H] [I] veuve [V]

née le 05 Août 1955 à Lille (59000) – de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 19]

Monsieur [W] [V]

né le 12 Novembre 1988 à Arras (62000) – de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 10]

Madame [A] [V]

née le 04 Avril 1993 à Arras – de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 19]

Monsieur [C] [V]

né le 26 Mars 1985 à Arras (62000) – de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 19]

Représentés par Me Laetitia Ricbourg, avocat au barreau d’Amiens

DÉBATS à l’audience publique du 22 septembre 2022 tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié magistrates chargées d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

M. [F] [V] et Mme [S] [G] épouse [V] étaient titulaires d’un bail rural sur diverses parcelles de terres à usage agricole sises sur les terroirs des communes de [Localité 9], [Localité 19] et [Localité 18] représentant une surface globale de 50 ha 56 a 58 ca. en vertu d’un acte reçu par Maitre [O] [K], notaire associé à [Localité 13], en date des 1er et 7 avril 1995. Ce bail a été consenti par M. [E] [V], M. [D] [V], Mme [M] [V] épouse Tybou, et Mme [J] [V] épouse [N].

Ce bail à long terme consenti pour une durée de 18 années a commencé à courir à compter du 1er octobre 1994 pour se terminer au 30 septembre 2012. A défaut de congé, il s’est renouvelé tacitement à cette date, la prochaine échéance étant ainsi au 30 septembre 2021.

Le partage des biens indivis entre M. [D] [V], M. [F] [V], Mme [M] [FO] et Mme [J] [N]-[V] a été réalisé suivant acte reçu par Maître [K] le 10 juillet 1998.

A la suite de ce partage, [D] [V] s’est vu attribuer la pleine propriété des parcelles suivantes :

-Terroir de [Localité 9] :

ZD 2 de 26 a 92 ca

-Terroir de [Localité 19] ;

ZH 3 de 13 ha 60 a 60 ca

-Terroir de [Localité 18] :

ZC [Cadastre 11] de 3 ha 44 a 40 ca ZC [Cadastre 12] de 1 ha 03 a 60 ca ZC [Cadastre 3] de 80 a 60 ca

Soit au total 19 ha 16 a 12 ca

outre le quart indivis en pleine propriété de diverses parcelles sises sur le terroir de [Localité 19].

[D] [V] étant aujourd’hui décédé, les parcelles dont l’intéressé a acquis la pleine propriété par l’effet du partage, sont la propriété de M .[C] [V], Mme [A] [V] et de M. [W] [V] sous l’usufruit de Mme [H] [I] veuve [V], leur mère.

*****

Par acte extrajudiciaire en date du 22 mars 2020, de Maître [Z] [LJ], huissier de justice associée à [Localité 13], Mme [H] [I] veuve [V] à laquelle se sont associés M. [C] [V], M. [W] [V] et Mme [A] [V] ont délivré congé à M. [F] [V] et Mme [S] [G] épouse [V].

Ce congé était délivré à titre principal pour refus de renouvellement aux motifs que Mme [G] épouse [V], copreneur, ne participerait pas à l’exploitation des biens pris à bail.

A titre subsidiaire, le congé était délivré au fin de reprise pour exploitation personnelle par M. [C] [V], fils de l’usufruitière et par ailleurs copropriétaire en nue-propriété avec ses frères et sa s’ur des biens litigieux.

A titre infiniment subsidiaire, le congé était délivré en raison de l’âge sur le fondement des dispositions de l’article L 416-1 du Code rural et de la pêche maritime, les preneurs ayant atteints l’âge légal pour faire valoir leurs droits à la retraite.

Suivant requête en date du 4 juin 2020 reçue au greffe de la juridiction le 18 juin 2020, M. [F] [V] et Mme [S] [V] épouse [G] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras afin de voir annuler le congé délivré le 24 mars 2020, autoriser les requérants à céder les droits qu’ils tiennent au titre du bail rural à leur fille Mme [P] [V] épouse [R].

A la suite de l’échec de la tentative de conciliation lors de l’audience du 5 octobre 2020, l’affaire a été renvoyée en audience de jugement puis plaidée après renvoi lors de l’audience du 28 juin 2021.

Les bailleurs ont reconventionnellement sollicité la résiliation du bail notamment pour désolidarisation irrégulière de Mme [V] née [G] , et la condamnation des concluants à des dommages et intérêts sur le fondement de l’article L 411- 72 du code rural et de la pêche maritime.

Par jugement en date du 9 septembre 2021, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure au jugement et des demandes et moyens des parties le tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras a :

-prononcé la résiliation du bail authentique des 1er et 7 avril 1995 consenti à M. [F] [V] et Mme [S] [V] née [G] portant sur les parcelles

sises :

-Terroir de [Localité 9] :

ZD 2 de 26 a 92 ca

-Terroir de [Localité 19] ;

ZH 3 de 13 ha 60 a 60 ca

-Terroir de [Localité 18] :

ZC [Cadastre 11] de 3 ha 44 a 40 ca ZC [Cadastre 12] de 1 ha 03 a 60 ca ZC [Cadastre 3] de 80 a 60 ca ;

En conséquence,

-ordonné l’expulsion de M. [F] [V] et de Mme [S] [V] née [G] ainsi que celle de tous occupants de leur chef y compris avec le concours de la force publique, desdites parcelles au 1er octobre 2021 ;

-rejeté la demande d’astreinte

-condamné M. [F] [V] et Mme [S] [V] née [G] à payer à Mme [H] [I], M. [C] [V], M. [W] [V] et Mme [A] [V] la somme de 678 euros TTC au titre de la remise en état des bornes ;

-débouté Monsieur et Madame [V]-[G] de l’ensemble de leurs

demandes ;

-les a condamnés à payer à Mme [H] [I], M. [C] [V], M. [W] [V] et Mme [A] [V] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;

-rappelé que l’exécution provisoire était de droit.

Mme [G] épouse [V] et M. [C] [V] ont interjeté appel de ce jugement par courrier électronique de leur conseil adressé au secrétariat-greffe de la cour le 30 septembre 2021, la déclaration d’appel critiquant le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail rural liant les parties, ordonné l’expulsion des époux [V]-[G], condamné ces derniers au paiement de la somme de 678 euros TTC au titre des travaux de remise en état des bornes.

Il sera précisé que la reprise des biens a été effectuée le 11 octobre 2021, ce qui a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de constat de Maître [U] [B] huissier de justice associée à [Localité 13].

********

Les débats devant la cour ont eu lieu lors de l’audience du 22 septembre 2022.

Mme [G] épouse [V] et M. [C] [V], représentés par leur conseil, soutiennent les conclusions déposées lors de l’audience et dûment visées par le greffe par lesquelles ils demandent à cette cour de :

Vu les dispositions des articles L. 411-35, L. 411-37, L411-31, L.411-58, L. 511-59 du code rural et de la pêche maritime,

– déclarer M. [F] [V] et en tant que de besoin Mme [S] [G] épouse [V] recevables en leur appel.

En conséquence,

– infirmer le jugement du tribunal paritaires des baux ruraux d’Arras en date du 09 septembre 2021 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

– annuler le congé délivré par ministère de Maître [LJ], huissier de justice à [Localité 13], le 24 mars 2020 à la requête de Mme [H] [I] veuve [V] et de M. [C] [V], M. [W] [V] et Mme [A] [V] ;

– autoriser M. et Mme [V]-[G] à céder les droits qu’ils détiennent du bail à eux consenti par ministère de Maître [O] [K] les 1er et 7 avril 1995 et tacitement renouvelé depuis lors à leur fille Mme [P] [AD] [A] [V] épouse [R], née le 16 décembre 1995 à [Localité 13], de nationalité française, conjointe collaboratrice, demeurant [Adresse 1] ;

-dire que Mme [P] [V] épouse [R], en application des articles L. 411-35 et L. 411-64 du code rural bénéficiera du droit au renouvellement de son bail ;

– ordonner la réintégration du preneur dans les parcelles et en conséquence leur libération par M. [C] [V] dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant un an.

Avant dire droit,

– désigner tel expert qu’il plaira à la Cour avec mission de, les parties et leurs conseils préalablement convoqués :

– visiter les parcelles,

– les décrire,

– se faire remettre tous documents utiles,

– entendre les parties,

– chiffrer le préjudice subi par le preneur évincé en raison de la libération des parcelles louées en octobre 2021

– établir un pré-rapport,

– recevoir les dires des parties et y répondre

– du tout dresser rapport qui sera déposé au greffe de la Cour pour qu’il soit statué.

A titre subsidiaire en cas de validation du congé avec refus de cession de bail ou en cas de résiliation,

– condamner solidairement Mme [H] [I] veuve [V] et de M .[C] [V], M. [W] [V] et Mme [A] [V] à payer à M. [F] [V] la somme de 14 596,99 euros avec intérêts au taux légal majoré de trois points depuis le Ier juin 2016 ;

– ordonner la capitalisation des intérêts ;

– condamner solidairement Mme [H] [I] veuve [V] et de M. [C] [V], M. [W] [V] et Mme [A] [V] à payer à M. [F] [V] la somme de 2.107,30 euros au titre des améliorations culturales ;

A titre encore plus subsidiaire et si la juridiction s’estimée insuffisamment informée,

Avant dire droit : désigner tel expert qu’il lui plaira afin de :

– les parties et leurs conseils préalablement convoquées

– visiter les parcelles objet du congé,

– les décrire

– effectuer tous prélèvements utiles,

– se faire communiquer tous documents qu’il jugera bon,

– dire si les parcelles louées ont bénéficier d’améliorations culturales,

– dans l’affirmative les chiffrer,

– du tout dresser un pré rapport,

– répondre aux dires des parties,

– du tout dresser rapport pour qu’il soit statué.

– dire que M. [F] [V] ne pourra être tenu de libérer les parcelles tant que l’indemnité ne lui aura pas été versée et ce conformément à l’article L 411- 76 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime ;

– condamner solidairement Mme [H] [I] veuve [V], M .[C] [V], M. [W] [V] et Mme [A] [V] à payer à M. [F] [V] et Mme [S] [V] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure Civile ainsi qu’aux dépens.

Lors de l’audience, Mme [H] [I] veuve [V], M. [C] [V], M. [W] [V], et Mme [A] [V], représentés par leur conseil, soutiennent les conclusions déposées lors de l’audience et visées par le greffe par lesquelles ils demandent à cette cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

-prononcé la résiliation du bail des 1er et 7 avril 1993 consenti à M. [F] [V] et Mme [S] [V] née [G] portant sur les parcelles :

-Terroir de [Localité 9] :

ZD 2 de 26 a 92 ca

-Terroir de [Localité 19] ;

ZH 3 de 13 ha 60 a 60 ca

-Terroir de [Localité 18] :

ZC [Cadastre 11] de 3 ha 44 a 40 ca ZC [Cadastre 12] de 1 ha 03 a 60 ca ZC [Cadastre 3] de 80 a 60 ca

En conséquence :

-ordonné l’expulsion de M. [F] [V] et de Mme [S] [V] née [G] ainsi que celle de tous occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours de la force publique ;-débouté M. [F] [V] et Mme [S] [V] née [G] de l’ensemble de leurs demandes ;

– condamné M. [F] [V] et Mme [S] [V] née [G] à payer aux bailleurs la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [F] [V] et Mme [S] [V] aux dépens ;

– rappelé que la décision était de plein droit assortie de l’exécution provisoire.

Et l’infirmant pour le surplus et statuant donc à nouveau,

a) dans l’hypothèse de l’absence de prononcé de la résiliation du bail des 1er et 7 avril 1995,

A titre principal,

– valider le congé délivré le 24 mars 2020 pour le 30 septembre 2021 minuit portant sur les parcelles suivantes :

-terroir de [Localité 9] : parcelle ZD [Cadastre 4] lieudit ‘[Localité 16]’d’une superficie de 26 a 92 ca

étant précisé que cette parcelle est issue du remembrement sur les communes de [Localité 14] et [Localité 9] dont le procès-verbal en date du 21 mai 2001 a été publié au bureau des hypothèques

– terroir de [Localité 19] : parcelle ZH [Cadastre 6] lieudit ‘[Adresse 17]’ d’une superficie de 13 ha 60 a 60 ca ;

– terroir de [Localité 18] :

– parcelle ZC [Cadastre 11] lieudit ‘[Adresse 15]’ d’une superficie de 3 ha 44 a 40 ca ;

– parcelle ZC 74lieudit ‘[Adresse 15]’ d’une superficie de 1 ha 63 a 60 ca ;

– parcelle ZC [Cadastre 3] lieudit ‘[Adresse 15]’ d’une superficie de 80 a 60 ca ;

– et par conséquent ordonner l’expulsion de M. [F] [V] et de Mme [S] [V] née [G] ainsi que tous occupants de leur chef , y compris le cas échéant avec le concours de la force publique, desdites parcelles au 1er octobre 2021 ;

A titre subsidiaire,

– valider le congé délivré le 24 mars 2020 pour le 30 septembre 2021 minuit, pour reprise au profit de M. [C] [V] et portant sur les parcelles évoquées plus haut et par conséquent ordonner l’expulsion de M. [F] [V] et de Mme [S] [V] née [G] et celle de tous occupants de leur chef ;

A titre infiniment subsidiaire,

– valider le congé délivré le 24 mars 2020 en raison de l’âge des preneurs et portant sur les parcelles évoquées plus haut et par conséquent toujours ordonner l’expulsion de M. [F] [V] et celle de tous occupants de leur chef ;

-débouter les appelants de la demande tendant à être autorisés à céder le bail en date des 1er et 7 avril 1995 au profit de Mme [P] [V] épouse [R] ;

b) pour le surplus :

– déclarer M. et Mme [V]-[G] tant irrecevables que mal fondés en leurs demandes et les en débouter ;

– condamner M. [F] [V] et Mme [S] [G] née [V] à payer à Mme [H] [I], veuve [X] [V], M. [C] [V], M. [W] [V] et Mme [A] [V] la somme de 7823,60 euros au titre de la remise en état des bornes ;

– subsidiairement, condamner M. [F] [V] et Mme [S] [G] née [V] à payer aux mêmes la somme de 1732,40 euros au titre de la remise en état des bornes ;

-condamner M. [F] [V] et Mme [S] [G] née [V] au paiement de la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande en résiliation du bail rural :

Pour s’opposer au renouvellement du bail dans le cadre de leur congé, les propriétaires bailleurs faisaient valoir qu’en violation de l’article L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime, Mme [S] [V] née [G], copreneur, ne participait pas à la mise en exploitation des biens ce qui correspondait à un manquement leur permettant de s’opposer au renouvellement du bail.

Le congé ayant été contesté, les bailleurs ont repris le moyen, à l’appui d’une demande de résiliation de bail fondée sur l’ article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi du 13 octobre 2014.

Les premiers juges ont fait droit à cette demande, ce qui a rendu la contestation de la validité du congé sans objet.

Pour s’opposer à la demande, les parties appelantes font valoir que les bailleurs ont constamment été avisés du fait que Mme [S] [G] épouse [V] ne participait pas à l’exploitation des terres affermées, et que dès lors lesdits bailleurs ne pouvaient solliciter la résiliation du bail sur ce fondement.

Elles se fondent par ailleurs sur les dispositions de l’article L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime, exposant que M. [F] [V] a bénéficié de plein droit du renouvellement du bail à son seul nom en 2012, à l’expiration du bail à long terme de 18 années, suite au départ de son épouse.

S’agissant de la connaissance par les bailleurs du défaut d’exploitation par Mme [S] [G] épouse [V], les premiers juges ont retenu à juste titre que l’absence de mention de Mme [S] [G] épouse [V] en qualité de copreneuse dans la déclaration de succession de [E] [V], c’est-à-dire dans un document ayant pour objet de chiffrer la consistance active et passive de la succession, ne peut valoir preuve de ce que les bailleurs ont été dûment avisés d’un défaut d’exploitation par l’épouse. De la même façon, les mentions de l’acte de partage du 10 juillet 1998 n’excluent pas la qualité de copreneuse de l’épouse.

Par ailleurs et surtout, les bailleurs ne peuvent être présumés avoir renoncé à se prévaloir des dispositions d’ordre public du statut des baux ruraux, et notamment des articles L. 411-35 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

Cependant , il y a lieu de considérer l’articulation entre les dispositions de l’article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime et celles de l’article L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime dont se prévalent les parties appelantes.

L’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, dispose à cet égard que :

« Sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l’article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l’agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité du preneur participant à l’exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l’âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d’agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.

De même, le preneur peut avec l’agrément du bailleur ou, à défaut, l’autorisation du tribunal paritaire, associer à son bail en qualité de copreneur son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité participant à l’exploitation ou un descendant ayant atteint l’âge de la majorité.

Lorsqu’un des copreneurs du bail cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom. Le propriétaire ne peut s’y opposer qu’en saisissant dans un délai fixé par décret le tribunal paritaire, qui statue alors sur la demande. Le présent alinéa est applicable aux baux conclus depuis plus de trois ans, sauf si la cessation d’activité du copreneur est due à un cas de force majeure.

A peine de nullité, la lettre recommandée doit, d’une part, reproduire intégralement les dispositions du troisième alinéa du présent article et, d’autre part, mentionner expressément les motifs allégués pour cette demande ainsi que la date de cessation de l’activité du copreneur.

(….)

Les dispositions du présent article sont d’ordre public’.

L’article 4 V B de la loi du 13 octobre 2014 a prévu, s’agissant des nouveaux alinéas 3 et 4, que :

« Ces dispositions s’appliquent aux baux en cours. Si l’un des copreneurs a cessé de participer à l’exploitation avant la date de publication de ladite loi, le délai de trois mois mentionné au troisième alinéa du présent article commence à courir à compter de cette date. »

Il est constant que le défaut de respect des dispositions de l’article L. 411-35 alinéa 3 précitées peut être sanctionné par la résiliation du bail rural, en application des dispositions de l’article L. 431-1 du code rural et de la pêche maritime.

Cependant, les dispositions de l’article L. 411-35 doivent s’articuler avec celles de l’article L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime lesquelles n’ont pas été abrogées par la loi du 13 octobre 2014 non plus que par aucun autre texte et énoncent que le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l’un des motifs graves et légitimes mentionnés à l’article L. 411-31 ou n’invoque le droit de reprise dans les conditions prévues aux articles L. 411-57 à L. 411-63, L. 411-66 et L. 411-67.

En cas de départ de l’un des conjoints ou partenaires d’un pacte civil de solidarité copreneurs du bail, le conjoint ou le partenaire qui poursuit l’exploitation a droit au renouvellement du bail.

Le preneur et le copreneur visé à l’alinéa précédent doivent réunir les mêmes conditions d’exploitation et d’habitation que celles exigées du bénéficiaire du droit de reprise en fin de bail à l’article L. 411-59.

Force est de constater qu’il est constant que le bail s’est, en l’espèce, renouvelé en 2012 et qu’à cette date, l’épouse de M. [C] [V] n’exploitait pas. Il s’ensuit que le bail s’est renouvelé au seul nom de [C] [V] en 2012.

Dès lors, il n’y avait plus de cotitularité à la date à laquelle la loi du 13 octobre 2014 est entrée en vigueur et M. [C] [V] n’avait pas à procéder aux formalités de désolidarisation en envoyant une lettre à ses bailleurs dans la forme et le délai prévu par le texte en cause et ne saurait être considéré comme un cessionnaire illicite des droits de son conjoint.

Il ne saurait être soutenu à cet égard comme le font les parties intimées que les dispositions de l’article L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime ne seraient pas applicables dès lors que l’épouse n’a jamais exploité. Il ne saurait en effet être fait une distinction en application de ce texte entre l’époux copreneur qui n’aurait dans les faits jamais véritablement exploité et celui qui n’aurait exploité qu’un instant de raison.

Par ailleurs, la condition prévue par l’article L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime à savoir de satisfaire au moment de l’expiration du bail aux obligations prévues par l’article L. 411-59 du même code , ne s’applique qu’au preneur demeuré en place, étant précisé qu’il n’est ni contesté ni sérieusement contestable que M. [F] [V] satisfaisait auxdites obligations à la date de renouvellement du bail.

Enfin, s’il est effectif que d’une manière générale, la mise à disposition du bail au profit d’une société dans laquelle un des copreneurs n’est pas associé est analysée comme une cession prohibée susceptible de justifier la résiliation du contrat de bail, il y a lieu d’observer que la mise à disposition effectuée par M. [F] [V] a été faite en 2019 alors que M. [F] [V] était devenu seul preneur et que donc aucune cession prohibée n’est caractérisée de ce chef.

Pour le surplus, s’agissant de la mise à disposition au profit de l’EARL des Granges, société d’exploitation agricole, il ressort des pièces produites que M. [F] [V] a satisfait en mai 2019 à l’obligation qui était la sienne d’informer ses bailleurs de la mise à disposition des terres au profit de cette EARL toute récemment créée.

Enfin, il ne saurait être reproché à Mme [G] épouse [V] d’avoir une attitude contradictoire en prétendant qu’elle n’était pas associée au bail rural tout en formulant aux côtés de son mari une demande d’autorisation de cession au profit de leur fille, et ce dès lors qu’elle était également destinataire du congé délivré et avait évidemment intérêt à intervenir dans la procédure.

Dès lors, et alors que la demande en résiliation présentée par les bailleurs ne se fonde sur aucun autre grief, il convient de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail liant les parties de rejeter cette demande de résiliation et d’examiner par voie de conséquence la validité du congé délivré par les parties intimées.

Sur la demande d’annulation du congé délivré par les preneurs :

Il convient de relever à titre liminaire que le congé délivré le 24 mars 2020 n’a été argué d’aucune irrégularité en la forme.

Sur le congé fondé sur un refus de renouvellement pour faute commise par le locataire :

En l’espèce, et pour les mêmes motifs que ceux qui ont présidé au rejet de la demande de résiliation du bail, il convient d’indiquer que le refus de renouvellement fondée sur le défaut d’exploitation des terres affermées par Mme [S] [V] née [G] n’est pas opérant.

Le congé délivré ne peut être validé de ce chef.

Sur le congé pour reprise :

Le congé a été délivré à titre subsidiaire pour reprise pour exploitation personnelle par M. [C] [V].

L’article L. 411-59 du code rural dispose que :

Le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l’exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d’une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d’une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l’exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.

Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l’exploitation directe.

Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu’il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu’il répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu’il a bénéficié d’une autorisation d’exploiter en application de ces dispositions.

Il sera précisé à titre liminaire que M. [C] [V] entend développer sur les parcelles objet de la reprise un élevage de brebis laitières bio.

Il résulte en premier lieu des pièces produites que M. [C] [V] a obtenu un brevet de technicien supérieur agricole Analyse et Conduite des Systèmes d’Exploitation en 2007, un certificat individuel professionnel d’utilisation à titre professionnel des produits phytopharmaceutiques -décideur exploitation agricole début 2015, un certificat de spécialisation production, transformation et commercialisation des produits fermiers obtenu le 5 juillet 2018. Les parties intimées produisent également une attestation de présence en formation de M. [C] [V] au titre d’un stage obligatoire de 21 heures dans le cadre de son plan personnel de professionnalisation ‘maîtriser durablement son projet d’installation ainsi qu’une attestation de validation de son plan de professionnalisation personnalisé.

M. [C] [V] dispose ainsi de la compétence professionnelle et des diplômes nécessaires à la date d’effet du congé de nature à justifier le projet de reprise des terres à son profit, point qui n’est d’ailleurs pas discuté par les parties appelantes. Au delà de ce simple constat, il y a lieu de relever que l’intéressé montre grâce à son parcours de formation ancien et constamment enrichi que son insertion dans le monde professionnel agricole est certaine et ancienne, étant précisé qu’il travaille dans le cadre de contrats à durée déterminée et que son projet d’installation est réel et médité.

S’agissant de l’habitation du bénéficiaire de la reprise, force est de constater qu’il est justifié de ce que M. [C] [V] habite au [Adresse 8], adresse qui est effectivement reprise dans le congé délivré et étant précisé que la plus importante des parcelles reprises se situe effectivement sur le terroir de la commune de Warlus. Les parties intimées ont par ailleurs produit un plan des parcelles sur lesquelles ils ont indiqué que les parcelles se situent au maximum à 2,5 kilomètres des parcelles sises à [Localité 18] et à 2 kilomètres de la parcelle sise à [Localité 9], sans que ledit plan fasse l’objet de critiques particulières. Il s’ensuit que M. [C] [V] vit bien à proximité des parcelles reprises.

S’agissant de la conformité du projet au contrôle des structures, les parties intimées ont produit la réponse du Préfet du Pas de Calais à la demande faite par M. [C] [V] tendant à se voir autorisé à exploiter les parcelles objet du présent litige, réponse en date du 28 septembre 2020, dans laquelle l’autorité administrative précise que compte tenu des informations communiquées la demande de l’intéressé n’est pas soumise à autorisation préalable au titre de la réglementation du contrôle des structures.

Indépendamment de cette réponse administrative, la cour précisera qu’il résulte des éléments de la cause que les seuils de contrôle tels que prévus par l’article L. 331-2 du code rural et le schéma directeur départemental ne sont pas franchis dans le cadre de l’opération considérée.

Ainsi, la reprise n’a notamment pas en l’espèce pour effet de supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède le seuil de 60 hectares ou de ramener la superficie d’une exploitation en deçà de ce seuil, n’a pas pour objet de priver une exploitation agricole d’un bâtiment essentiel à son fonctionnement sauf s’il est reconstruit ou remplacé et n’est pas réalisée au bénéfice d’une exploitation agricole dont l’un des membres ne remplit pas les conditions de capacité professionnelle ou dont l’exploitant serait pluriactif dont les revenus extra-agricoles excèdent 320 fois le montant du SMIC. A cet égard, il y a lieu d’observer que les revenus de M. [C] [V] ont été justifiés et il ressort des éléments de la cause que dans le cadre des contrats à durée déterminée qui le lient aux exploitations agricoles pour lesquelles il est salarié, il est rémunéré à raison de 10,45 euros puis de 10,50 euros de l’heure et ce notamment à la date des effets du congé, ne bénéficiant ainsi que d’une rémunération modeste.

La contestation porte en réalité sur les moyens dont dispose M. [C] [V] pour assurer la fiabilité de son projet.

Il résulte à cet égard des éléments de la cause que le CER qui est effectivement un organisme sérieux et reconnu a validé le projet de M. [C] [V] concernant la reprise de 19,20 hectares de terres familiales pour la mise en place d’un troupeau de 60 brebis avec transformation laitière en fromages et yaourts en biologique avec un objectif de ventes directes. Ce rapport tient compte des investissements en bâtiment, en matériel et en cheptel nécessaires pour assurer le fonctionnement de l’exploitation sur la base des ressources prévues soit un capital de 204 500 euros permettant d’assurer les investissements à hauteur de 183 000 euros et le besoin en fonds de roulement estimé à 21 500 euros. Ce rapport tient compte d’un prêt familial pour un montant de 120 500 euros et de subventions pour 84 000 euros.

La chambre d’agriculture du Nord Pas de Calais a expressément validé le projet en soulignant effectivement son caractère très bien préparé, très clair et très prometteur.

M. [F] [V] a obtenu de la mairie de [Localité 18] un certificat d’urbanisme réalisable concernant son projet de construction d’une exploitation agricole brebis laitières bio

S’agissant du financement de l’installation, il est justifié de ce que M. [C] [V] peut obtenir un prêt familial pour un montant de 120 000 euros. Sa mère, Mme [H] [I], a attesté le 2 novembre 2020 de ce que elle s’engageait à première demande à consentir un prêt familial pour un montant de 120 500 euros remboursable sur 10 années. Il résulte à cet égard d’une synthèse des comptes de Mme [I] à la date du 3 novembre 2020 que cette dernière dispose d’une épargne de 184 073 euros dans les livres du Crédit Mutuel du Nord. Il est d’ailleurs justifié de ce que M. [C] [V] dispose d’une épargne à la même date dans ce même établissement pour un montant de 45090,14 euros.

Il a encore été établi que M. [C] [V] avait déposé une demande de subvention au titre du programme développement rural du Nord Pas de Calais dont il lui a été accusé réception à la date du 23 septembre 2021. Il a enfin été produit une attestation bancaire émanant du Crédit Agricole selon laquelle M. [C] [V] a bénéficié d’un avis de principe favorable concernant son installation d’élevage ovins.

Il est justifié que M. [C] [V] dispose de deux véhicules professionnels dont un tracteur certes ancien, l’interessé indiquant qu’au regard de la relativement faible surface reprise, il peut procéder à la location de matériel notamment auprès d’une CUMA et a d’ailleurs versé aux débats ses premières factures de location suite à la reprise des terres et au début de sa propre exploitation.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour estime qu’il est suffisamment établi que M. [C] [V] dispose des moyens nécessaires propres à justifier du caractère réel et sérieux de son installation.

Il convient d’observer d’ailleurs que l’entreprise de M. [C] [V] est inscrite au répertoire des entreprises sous le nom la Ferme de [C] et ce à compter du 18 octobre 2021 et il a été versé les premières factures liées au fonctionnement de cette entreprise ainsi créée.

Le simple fait que l’exploitation des terres par M. [C] [V] soit très différente de celle de M. [F] [V] , s’agissant d’élevage dans les conditions de l’agriculture biologique, ce qui demande un certain temps d’adaptation pour que les terres correspondent aux requis de cette forme d’agriculture. A cet égard, le constat produit par les appelants pour tenter de démontrer que les terres ne seraient plus convenablement exploitées n’est nullement significatif.

Dès lors, il convient de valider le congé délivré par les bailleurs le 24 mars 2020 en ce qu’il a été délivré pour reprise pour exploitation par M. [C] [V].

En conséquence, la cour n’a pas à examiner si le congé a été valablement délivré en ce qu’il est fondé sur l’âge du preneur non plus qu’à examiner dans ce cadre la demande d’autorisation de cession de bail formulée par le preneur, et notamment à déterminer si ce dernier doit être ou non considéré comme un preneur de bonne foi, nonobstant les griefs des bailleurs et ceux notamment d’échange de parcelles et d’enlèvement des bornes et si la fille des époux [V]-[G] présente les qualités requises pour exploiter les parcelles.

Sur la demande reconventionnelle de M. [F] [V] en répétition de l’indu :

L’article L. 471-74 du code rural et de la pêche maritime dispose que :

Sera puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 € ou de l’une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l’occasion d’un changement d’exploitant, soit obtenu ou tenté d’obtenir une remise d’argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d’imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci.

Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d’un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l’intérêt légal mentionné à l’article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points.

En cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l’action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 %.

L’action en répétition exercée à l’encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d’exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d’effet du congé.

Au soutien de sa demande, M. [F] [V] expose qu’il a payé à feu [E] [V] lors de la reprise de l’exploitation de ce dernier et en contrepartie du bail la somme de 383 000 francs soit 58.387, 97 euros au titre d’améliorations de fonds indues et que les sommes ainsi versées sont sujettes à répétition comme n’ayant pas de cause et donc une cause illicite.

Il précise que [E] [V] est décédé laissant pour héritiers ses quatre enfants dont [D] [V] et [F] [V] et que [D] [V] est lui-même décédé laissant pour héritiers son conjoint survivant et ses trois enfants qui sont actuellement les parties intimées dans le cadre de la présente procédure.

Il ajoute que le partage de la succession de [E] [V] étant intervenu, chacun des héritiers répond des dettes de la succession à hauteur de ses parts et portions.

Il précise également que c’est à tort que le tribunal l’a débouté de sa demandes en estimant qu’il n’avait pas fait la preuve du paiement ; qu’en effet l’acte de partage de la succession de [E] [V] reçu par Maître [K] le 10 juillet 1998, acte signé de M. [D] [V] et son épouse Mme [I] précise qu’a été attribué à M. [F] [V] par confusion sur lui-même la somme de 698 441, 27 francs au titre du solde restant dû sur la cession de l’exploitation agricole de [E] [V] ; que la preuve du paiement est donc clairement rapportée pour un montant de 698 441,27 francs soit une somme de 106. 476,68 euros dont une somme de 58 387,97 euros indus car correspondant à des sommes au titre des améliorations de fonds soit au titre des fumures et arrières-fumures.

Il en conclut que les héritiers d'[D] [V] sont ainsi redevables du quart de la somme payée indument à [E] [V] par M. [F] [V], soit 58 397,97 euros/4=14 596,99 euros avec intérêts au taux légal majoré de 3 points depuis le 1er juin 2016, c’est-à-dire dans la limite de la prescription quinquennale.

De leur côté, les parties intimées font valoir qu’aucune créance d’indû n’a jamais été déclarée dans la succession de feu [E] [V] et que toute demande de ce chef est prescrite et que par ailleurs aucune preuve du paiement d’un indû n’est caractérisée.

Il résulte des pièces produites aux débats que suivant acte sous seing privé daté du 12 novembre 1987, [E] [V] en qualité de cédant et [F] [V] en qualité de cessionnaire ont signé ensemble un acte intitulé promesse de cession de terres aux termes duquel [E] transmettait à [F] les éléments de son exploitation dans les conditions suivantes :

-amélioration du fonds à raison de 6500 francs l’hectare soit une somme totale de 383 000 francs pour une superficie de 59 hectares ;

-matériel agricole : 119500 francs ;

-cheptel vif : 202 500 francs

Soit un total de 705 000 francs.

Est joint à cet acte un relevé des terres correspondant à cette cession d’exploitation.

Il y a lieu de déduire de cet acte que M. [F] [V] fonde son action en répétition au titre du versement de la somme de 383 000 francs et donc de 58 397,97 euros qu’il estime correspondre à des sommes indues.

Il résulte par ailleurs de l’acte reçu par Maître [K] le 10 juillet 1998, acte emportant partage des successions confondues de [E] [V] et de son épouse [AD] [T], que M. [F] [V] dans le cadre de ce partage s’est vu attribuer sa propre dette par confusion sur lui-même à savoir le montant de la créance par lui due à la succession de [E] [V] pour solde de son rachat de l’exploitation agricole soit la somme de 698 441,22 euros. Ce rapport en moins prenant de sa dette par [F] [V] vaut effectivement paiement de ce chef.

Toutefois, quel que pourrait être l’éventuel bien-fondé de la position de M. [F] [V] selon lequel il a versé des sommes indues, il y a lieu d’observer que les parties intimées ont soulevé, à tout le moins en cause d’appel, la prescription, laquelle prescription est une fin de non-recevoir pouvant être soulevée en tout état de cause.

Il y a lieu d’observer qu’il n’existe pas de similitude entre les terres objet de la cession d’exploitation sus-évoquée et celles objet du bail litigieux et qu’ainsi les parties intimées n’ont pas la qualité de bailleresses des terres pour lesquelles il aurait été versé un indû. Dès lors, l’action en répétition de l’indû n’est pas une action dirigée contre un bailleur et comme telle recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d’exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d’effet du congé.

La prescription quinquennale est ainsi applicable en ce compris le point de départ d’une telle prescription tel que prévu par l’article 2224 du code civil lequel dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, le point de départ de la prescription de l’action en répétition de l’indû et d’ailleurs également de l’action en contestation du partage est nécessairement en l’espèce l’acte de partage de juillet 1998 qui emporte paiement par M. [F] [V] des sommes dues au titre de la cession d’exploitation de [E] [V].

Dès lors que ce n’est que par l’effet de la loi du 17 juin 2018 que la prescription de droit commun soit ramenée de 30 à 5 ans, il y a lieu de relever que l’action en répétition de l’indû contre les héritiers de [E] [V] est en tout état de cause prescrite depuis le 17 juin 2013.

Il s’ensuit que l’action en répétition de l’indû diligentée par M. [F] [V] est prescrite.

Sur la demande de M. [F] [V] au titre des améliorations culturales :

En application des dispositions de l’article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime, le preneur a droit quelle que soit la cause qui met fin au bail, à l’indemnisation des améliorations qu’il a apportées au fonds.

Il est constant qu’aucun état des lieux qui aurait eu à vocation à constater avec précision l’état des bâtiments et des terres ainsi que leur degré d’entretien et leurs rendements moyens au cours des cinq dernières années n’a été effectué lors de l’entrée dans les lieux du preneur conformément aux dispositions de l’article L. 411-4 du code rural et de la pêche maritime. Ce défaut d’état des lieux n’interdit évidemment pas au preneur de solliciter une indemnisation au titre des améliorations culturales.

Il appartient à cet égard à M. [F] [V] de faire la preuve des améliorations culturales apportées, l’intéressé ne pouvant se contenter de solliciter l’indemnisation forfaitaire allouée dans le cadre des procédures d’expropriation.

Pour justifier du bien-fondé de sa demande, M. [F] [V] s’est borné à produire des analyses de terre effectuées par la SADEF à [Localité 9] et [Localité 19] pour lesquelles il indique qu’elles correspondent aux parcelles louées et font apparaître que le taux de matière organique est supérieur au taux optimum ce qui démontrerait non pas un excellent état d’amendement mais un amendement allant bien au-delà de ce que l’on peut attendre d’un agriculteur se comportant en bon père de famille remplissant les obligations de preneur.

Cependant, force est de constater que si plusieurs analyses de terre correspondent effectivement à des parcelles de terre sises sur le terroir de la commune de Warlus, aucune d’elles ne correspond à la parcelle ZH 3 sise à [Localité 19] incluse dans les parcelles objet du présent litige, étant précisé que les parties intimées ont de surcroît produit aux débats des plans concernant le lieu des prélèvements lesquels différent de la parcelles ZH 3.

S’agissant des analyses de terre concernant [Localité 9], il ne ressort pas clairement desdites analyses qu’elles correspondent effectivement à la parcelle objet du litige, étant précisé que la superficie de la parcelle de Duisans soit 26 ares démontre son caractère marginal dans la surface totale objet du litige.

Il convient dès lors pour la cour d’en conclure comme les premiers juges qu’aucun commencement de preuve n’est rapportée qui pourrait justifier l’instauration d’une mesure d’expertise, étant ici rappelé que l’article 146 du code de procédure civile énonce que la mesure d’instruction ne peut avoir pour objet de pallier la carence des parties dans l’administration de la preuve.

Il y a lieu dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de ce chef

Sur le préjudice allégué par les bailleurs au titre d’un enlèvement des bornes :

Les parties appelantes font valoir sur ce point qu’il n’est aucunement démontré que les bornes ont été à un quelconque moment apposées ou enlevées. M. [F] [V] conteste à cet égard la constatation de l’huissier de justice maître [Y] [L] en date du 17 novembre 2020 dans lequel il est relevé que M. [F] [V] a reconnu avoir arraché plusieurs bornes délimitant les parcelles dont il est l’exploitant alors qu’aucune sommation interpellative ne lui a été faite de ce chef.

Les parties intimées soutiennent toutefois comme en première instance que les bornes ont été enlevées sans l’accord des preneurs. Des devis et factures sont produites pour justifier de la réalité de la pose des bornes. Ils indiquent que certaines opérations de remembrement ont eu lieu postérieurement à la conclusion du contrat de bail et qu’il est ainsi manifeste que le preneur a enlevé les bornes ce que confirment au demeurant ses déclarations devant l’huissier de justice.

La cour fait siens cependant les motifs des premiers juges selon lesquels rien ne permet d’établir le nombre de bornes qui étaient effectivement posées en 1995, la cour y ajoutant qu’il n’est pas établi non plus que des bornes auraient été effectivement posées suite aux remembrements postérieurs. Par ailleurs comme l’a justement relevé le jugement entrepris, si rien ne permet de remettre en cause le constat d’huissier des 17,18 et 19 novembre 2020 en ce qu’il énonce que M. [F] [V] a indiqué qu’il avait enlevé des bornes, ce constat est particulièrement vague et ne permet pas de connaître combien et quelles bornes le preneur aurait enlevées.

Dès lors, c’est à bon droit et par une juste motivation que le jugement entrepris a limité l’indemnisation allouée au remplacement de deux bornes soit la somme de 678 euros TTC, étant précisé que les parties intimées n’expliquent pas suffisamment quel calcul permet d’aboutir à la somme de 1732,40 euros qu’elles sollicitent à titre subsidiaire au cas où la cour ne retiendrait que l’indemnisation de deux bornes.

Il convient de confirmer le jugement de ce chef.

Sur les dépens et sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

Le sort des dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ont été exactement réglés par le jugement entrepris.

Il y a lieu de confirmer la décision de ces chefs.

Succombant pour l’essentiel dans leur recours, M. [F] [V] et Mme [S] [G] épouse [V] en supporteront les dépens.

Il sera fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel comme indiqué au présent dispositif.

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de bail rural liant les parties et statuant à nouveau,

Déboute M. [W] [V], Mme [A] [V], M. [C] [V] et Mme [H] [I] veuve [V] de leur demande en résiliation judiciaire du bail rural,

Statuant toutefois sur le subsidiaire lié à la validation du congé délivré le 24 mars 2020 par M. [W] [V], Mme [A] [V], M. [C] [V] et Mme [H] [I] veuve [V],

Valide partiellement ledit congé en ce qu’il a été délivré pour reprise pour exploitation personnelle par M. [C] [V] des parcelles suivantes :

– Terroir de [Localité 9] :

ZD 2 de 26 a 92 ca

– Terroir de [Localité 19] ;

ZH 3 de 13 ha 60 a 60 ca

– Terroir de [Localité 18] :

ZC [Cadastre 11] de 3 ha 44 a 40 ca ZC [Cadastre 12] de 1 ha 03 a 60 ca ZC [Cadastre 3] de 80 a 60 ca ;

Confirme dès lors le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné l’expulsion de M. [F] [V] et de Mme [S] [V] née [G] ainsi que tous occupants de leur chef , y compris le cas échéant avec le concours de la force publique, desdites parcelles au 1er octobre 2021 ;

Confirme également le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [F] [V] de sa demande tendant à être indemnisé au titre d’améliorations culturales et en ce qu’il a condamné ce dernier et Mme [S] [V] née [G] à payer à M. [W] [V], Mme [A] [V], M. [C] [V] et Mme [H] [I] veuve [V] la somme de 678 euros TTC au titre des opérations de remise en état des bornes ;

Réformant le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [F] [V] de son action en répétition de l’indû et statuant à nouveau,

Le dit irrecevable en une telle demande ;

Confirme enfin le jugement entrepris sur le sort des dépens et sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

Condamne M. [F] [V] et Mme [S] [V] née [G] aux dépens d’appel ;

Les condamne à payer à M. [W] [V], Mme [A] [V], M. [C] [V] et Mme [H] [I] veuve [V] une indemnité globale de 2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Le greffier

Ismérie CAPIEZ

Le président

Véronique DELLELIS

 


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