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26 janvier 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/02759
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 26/01/2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/02759 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TT3Z
Jugement (N° 2019005974) rendu le 20 avril 2021 par le tribunal de commerce de Valenciennes
APPELANTES
SARL Unipersonnelle EURL PBM (Produits Béton Marensin), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
ayant son siège social, [Adresse 3]
SARL Unipersonnelle Campistron, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
ayant son siège social, [Adresse 3]
représentées par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assisté de Me Odile Oboeuf, avocat au barreau de Dax, avocat plaidant
INTIMÉE
SAS Outinord [Localité 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 1]
représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Hervé Tandonnet, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant, substitué par Me Mathieu Chauvel, avocat au barreau de Lille,
DÉBATS à l’audience publique du 15 novembre 2022 tenue par Nadia Cordier, magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 septembre 2022
****
La société Campistron exerce une activité de maçonnerie et de fabrication d’éléments en béton préfabriqué sur son site de Magesq.
Elle a créé la société PBM (Produits béton Marensin) pour gérer l’exploitation de la nouvelle unité de préfabriqués-béton.
Le 10 octobre 2014, la société Campistron a commandé à la société Outinord Saint-Amand un plancher à bétons composé d’un ensemble de tôles en acier soudées.
Le plancher réalisé a présenté des déformations et la société Outinord Saint-Amand est intervenue sur site à plusieurs reprises entre la date de finition des travaux, le 19 décembre 2014, et le 26 mai 2015, date de l’assignation en référé par la société Campistron.
Le juge des référés, saisi par la société Campistron, a, par ordonnance du 7 juillet 2015, ordonné une expertise judiciaire qui a fait l’objet de dires par les parties et d’un rapport final remis par l’expert le 20 mars 2018.
En l’absence de règlement amiable du différend, les sociétés Campistron et PBM (Produits béton Marensin) ont assigné la société Outinord devant le tribunal de commerce de Valenciennes.
Par jugement contradictoire en premier ressort en date du 20 avril 2021, le tribunal de commerce de Valenciennes a :
– rejeté l’exception de nullité du rapport d’expertise soulevée par la société Outinord Saint-Amand ;
– débouté les sociétés Campistron et PBM (Produits béton Marensin) de l’ensemble de leurs demandes;
– dit que la société Outinord Saint-Amand a rempli son obligation de délivrance;
– en conséquence,
– condamné la société Campistron à payer à la société Outinord Saint-Amand
– la somme de 66 000 euros en règlement de la facture 1412/132 du 29 décembre 2014, outre les intérêts de retard au taux de trois fois le taux légal à compter du 31 décembre 2014 ;
– la somme de 3 300 euros au titre de la clause pénale;
– la somme de 40 euros à titre d’indemnité forfaitaire de recouvrement;
– condamné in solidum les sociétés Campistron et PBM (Produits béton Marensin) à payer à la société Outinord Saint-Amand la somme de 2 400 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum les sociétés Campistron et PBM (Produits béton Marensin) aux entiers frais et dépens de l’instance, les frais de greffe étant liquidés à la somme de 95,62 euros.
Par acte en date du 14 mai 2021, la société PBM (Produits béton Marensin) et la société Campistron ont interjeté appel de l’ensemble des chefs de la décision précitée hormis celui qui a rejeté l’exception de nullité du rapport d’expertise.
MOYENS ET PRÉTENTIONS :
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 10 février 2022, la SARL Campistron et l’EURL PBM ( Produits béton Marensin) demandent à la cour, de :
– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes du 20 avril 2021, en ce qu’il a :
– débouté les Sociétés Campistron et PBM de l’ensemble de leurs demandes ;
– dit que la Société Outinord [Localité 2] a rempli son obligation de délivrance ;
– en conséquence :
– condamné la société Campistron à payer à la Société Outinord Saint-Amand :
– la somme de 66 000 euros en règlement de la facture 1412/132 du 29 décembre 2014, outre les intérêts de retard au taux de trois fois le taux légal à compter du 31 décembre 2014 ;
– la somme de 3 300 euros au titre de la clause pénale ;
– la somme de 40 euros à titre d’indemnité forfaitaire de recouvrement.
– condamné in solidum les Sociétés Campistron et PBM à payer à la société Outinord Saint-Amand la somme de 2 400 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum les Sociétés Campistron et PBM aux entiers frais et dépens de l’instance, les frais de greffe étant liquidés à la somme de 95,62 euros.
– statuant à nouveau,
– à titre principal,
– dire et juger que la société Outinord a manqué à son obligation de délivrance conforme pour avoir vendu et posé un plancher métallique ne permettant pas de couler des éléments béton de qualité de parement courant et soigné, du fait du défaut de planéité des tôles,
– en conséquence,
– sur le fondement des articles anc 1184, 1603 et 1604 du code civil, au titre de l’exécution forcée,
– condamner la société Ouitnord payer à la S.A.R.L. Campistron la somme de 85 000 euros HT, soit 102 000 euros TTC correspondant à la solution de mise en conformité préconisée par l’expert judiciaire,
– vu la consignation par la société Campistron sur le compte CARPA du conseil de la société Outinord de la somme 66 000 euros TTC correspondant au prix de vente d’un montant de 66 600 euros TTC ,
– ordonner la compensation entre que les sommes dues par la société Campistron et la société Outinord,
– dire et juger qu’après compensation entre le coût de la mise en conformité (102 000 euros TTC) et le prix de vente (66 600 euros TTC), la société Outinord reste devoir à la société Campistron la somme de 35 400 euros,
– en conséquence,
– condamner la société Outinord à payer à la SARL Campistron la somme de 35 400 euros,
– ordonner la remise des fonds consignés d’un montant de 66 000 euros sur le compte CARPA à la société Campistron,
– à titre subsidiaire
– dire et juger que la société Outinord est tenue de la garantie des vices cachés, que l’action a été introduite dans le délai de deux années de la découverte du vice (dépôt du rapport d’expertise judiciaire),
– en conséquence,
– ordonner sur le fondement de l’article 1644 du code civil, la restitution de la moitié du prix de vente, et ordonner que les fonds consignés à la CARPA doivent être restitués à la société Campistron à hauteur de 32 700 euros (66 000 euros consigné ‘moitié prix de vente de 33 300 euros),
– en tout état de cause,
– sur les demandes en omission de statuer, tant sur la capitalisation des intérêts que sur le versement des fonds séquestrés présentées par la société Outinord ;
– donner acte aux concluantes de ce qu’elles s’en rapportent à la sagesse de la cour
– en tout état de cause, statuant sur ces demandes :
– juger que le non-paiement entre les mains de la société d’Outinord étant due à une ordonnance du juge des référés autorisant le séquestre des fonds auprès de la CARPA de Valenciennes, les intérêts ne peuvent pas être dus, encore moins les intérêts capitalisés,
– juger que le déblocage des fonds au profit de la société Outinord ne pourra intervenir dans la mesure où la cour réformera la décision de première instance et reconnaîtra les manquements de la société Outinord à ses obligations
– dire et juger que la société Outinord est tenue d’indemniser les préjudices subis du fait du manquement à ses obligations contractuelles,
– déclarer recevables les sociétés Campistron et PBM en leurs demandes indemnitaires
– en conséquence,
– condamner la société Outinord à verser à la société Campistron la somme de 228 825 euros (somme arrêtée décembre 2018), correspondant au coût engendré par la reprise des pièces de béton coulées ne présentant pas la qualité requise,
– condamner la société Outinord à verser à la société PBM, à défaut à la société Campistron, la somme de 76 364,51 euros (somme arrêtée en août 2020 pour les travaux de ragréage et reprise, location de matériel et achat de produits),
– condamner la société Outinord à verser à la somme Campistron la somme de 11 600 euros TTC correspondant au coût de l’expertise judiciaire,
– débouter la société Outinord de sa demande de paiement de clause pénale à hauteur de 3 300 euros, de l’indemnité forfaitaire légale pour frais de recouvrement, d’intérêts depuis le 29 décembre 2014 et ce jusqu’à libération des fonds CARPA, dans la mesure où la société Campistron n’a pas libéré les fonds sur exécution d’une décision de justice non contestée par la société Outinord,
– déclarer irrecevable la société Outinord au titre de sa demande en nullité du rapport d’expertise, dans la mesure où elle a conclu au fond et soulevé des fins de non-recevoir avant de soulever l’exception de nullité, et ainsi confirmer la décision en ce qu’elle a rejeté l’exception de nullité du rapport d’expertise soulevé par la société Outinord
– débouter la société Outinord de toutes ses demandes, fins et conclusions, en ce compris la demande au titre des frais de procédure,
– sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile, condamner la société Outinord aux entiers dépens de référé, de première instance et d’appel ;
– sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamner la société Outinord à payer à la S.A.R.L. Campistron et PBM la somme de 10 000 euros.
Elles soutiennent que la société Outinord doit être déclarée irrecevable en sa demande de nullité du rapport, sollicitée à titre subsidiaire, et donc nécessairement après une défense au fond, puisque la société Outinord sollicite la confirmation du jugement, en ce compris le rejet de la demande de nullité du rapport, et ce quand bien même cette dernière avait soulevé en première instance l’exception de nullité, dans la mesure où elle y a expressément renoncé en sollicitant la confirmation pure et simple du jugement à titre principal. Enfin, la société Outinord soulève deux irrecevabilités avant même d’aborder la question de la nullité du rapport.
Le rejet de l’exception de nullité du rapport d’expertise ne saurait être critiqué, l’expert ayant conduit sa mission en convoquant les parties de manière contradictoire et en communiquant son pré-rapport et ses notes expertales. L’expert souligne bien que son avis est technique et qu’il appartient à la juridiction de prendre en considération les appréciations de l’expert et de faire abstraction des appréciations juridiques qu’il aurait pu porter.
Les appelantes font valoir qu’il appartenait à la société Outinord de livrer une table permettant la réalisation d’éléments de béton de qualité soignée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il n’a jamais été prétendu que la table ne pouvait en l’état être utilisée mais que la destination visant à obtenir le coulage de pièces de qualité soignée était connue de la société Outinord et que le produit vendu ne permettait pas de réaliser de telles pièces, ce qui constitue un manquement à l’obligation de délivrance conforme.
Le tribunal ne pouvait estimer que la commande de la société Campistron ne comportait aucune obligation ni référence relative à une tolérance de planéité après pose des tôles soudées, l’antériorité des relations permettant d’établir l’exigence de planéités convenue entre les deux sociétés. Deux propositions, auxquelles la société Campistron n’a pas donné suite, l’envisageaient expressément. Le plancher actuel devait offrir les mêmes tolérances de planéité que les tables de coffrage neuves ou d’occasion présentées initialement par la société Outinord.
La seule référence au DTU n’induit pas forcément qu’il n’y ait pas de références particulières. Il y avait bien une qualité prévue, non de béton, mais de tolérance de planéité, compte tenu de la finalité de l’installation et des échanges intervenus entre les parties sur les ventes de tables de coffrage. Cet article du DTU n’est au surplus pas applicable dans les relations entre la société Outinord et la société Campistron mais uniquement entre cette dernière et ses clients.
La société Outinord ne peut se retrancher derrière le défaut de planéité du support, qu’il lui appartenait de refuser si celui-ci ne permettait pas d’assurer la prestation attendue par le client.
Les appelantes rappellent que la non-conformité de la chose aux spécificités convenues par les parties est une inexécution de l’obligation de délivrance et non un vice caché.
Concernant la demande de garantie des vices cachés, elles plaident que le raisonnement du tribunal, qui reprend la même analyse que pour l’obligation de délivrance, n’est pas correct, l’article du DTU n’étant pas applicable.
En tout état de cause la connaissance du vice résulte du rapport d’expertise judiciaire, déposé en mars 2018, excluant toute forclusion de leur action sur ce fondement. Il ne saurait leur être opposé le délai ramené par les conditions générales de vente de deux ans à 6 mois, puisque la clause vise uniquement « tout défaut de fabrication ou vice de matière reconnus par la société », ce qui ne correspond pas au cas d’espèce, le problème se situant au niveau des déformations des tôles dues aux tensions engendrées par les soudures réalisées entre les tôles.
Il ne saurait être dénié à la société PBM une qualité à agir sur le fondement de la relativité des contrats, lequel a été conclu entre les sociétés Outinord et Campistron, alors même que tout manquement contractuel causant un dommage au tiers ouvre droit à réparation et que, dans le cadre d’une convention tripartite de transfert, les salariés de la société Campistron ont fait l’objet d’un transfert de cette société vers la société PBM qui exploite la table de coffrage.
La société PBM sollicite la prise en charge des travaux de réparations mais aussi l’indemnisation des préjudices complémentaires. Toutes les pièces ne peuvent être réalisées et certaines présentent des défauts, engendrant du temps passé aux travaux de réagréage, de reprise des pièces réalisées sur ce plancher métallique.
À titre subsidiaire, l’indemnisation se fera auprès de la société Campistron qui reversera les fonds à la société PBM, victime du manquement par la société Outinord à ses obligations.
Les critiques de la société Outinord, quant au temps passé, au process mis en ‘uvre et au taux horaire pratiqué sont infondées.
Au titre des demandes reconventionnelles de la société Outinord, notamment concernant le paiement de la facture et les intérêts, il n’a pas été tenu compte des conséquences de l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Dax, lequel avait autorisé la consignation des sommes. Le non-paiement direct est lié à la décision de justice et la consignation vaut paiement effectif, ce qui n’ouvre pas droit au paiement des intérêts de retard ni au paiement de la clause pénale, et encore moins à l’indemnité de frais de recouvrement.
Les appelantes s’en remettent à la sagesse de la cour sur les deux demandes en omission de statuer de la société Outinord.
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 12 septembre 2022, la SA Outinord Saint-Amand demande à la cour, au visa des articles 16, 32, 112 et suivants, 122 et suivants, 175, 237 et 238, 246, 276, 462, 463, 696 et suivants et 700 du code de procédure civile, des articles 1134 et 1315 du code civil dans leur rédaction applicable au litige, de l’article L441-6 du code de commerce, de :
« – sur la rectification des erreurs matérielles :
‘ rectifier le chef de dispositif du jugement du 20 avril 2021 selon lequel le tribunal : « Condamne la société Campistron à payer à la société Outinord [Localité 2] :
– la somme de 66 000 euros en règlement de la facture 1412/132 du 29 décembre 2014, outre les intérêts de retard au taux de trois fois le taux légal à compter du 31 décembre 2014 ;
– la somme de 3 300 euros au titre de la clause pénale ;
– la somme de 40 euros à titre d’indemnité forfaitaire de recouvrement ; »
De la manière suivante : « Condamne la société Campistron à payer à la société Outinord [Localité 2] :
– la somme de 66 000 euros en règlement de la facture 1412/132 du 29 décembre 2014, outre les intérêts de retard capitalisés au taux de trois fois le taux légal à compter du 31 décembre 2014 ;
– la somme de 3 300 euros au titre de la clause pénale ;
– la somme de 40 euros à titre d’indemnité forfaitaire de recouvrement ; »
‘ rectifier le jugement du 20 avril 2021 en rétablissant le chef de disposition suivant, omis du dispositif : «ordonne le versement à la société Outinord [Localité 2] de la somme de 66 000 € TTC séquestrée par la société Campistron auprès de Monsieur le Président de la CARPA de Valenciennes»
– à titre principal
‘ confirmer le jugement prononcé le 20 avril 2021, tel que rectifié, en toutes ses dispositions à savoir en ce qu’il :
o Déboute les sociétés CAMPISTRON et PBM (PRODUITS BETON MARENSIN) de l’ensemble de leurs demandes ;
o Dit que la société OUTINORD [Localité 2] a rempli son obligation de délivrance ;
o Condamne la société CAMPISTRON à payer à la société OUTINORD [Localité 2] :
– La somme de 66 000 euros en règlement de la facture 1412/132 du 29 décembre 2014, outre les intérêts de retard capitalisés au taux de trois fois le taux légal à compter du 31 décembre 2014 ;
– La somme de 3 300 euros au titre de la clause pénale ;
– La somme de 40 euros à titre d’indemnité forfaitaire de recouvrement ;
o Ordonne le versement à la société OUTINORD ST AMAND de la somme de 66 000 euros séquestrée par la société CAMPISTRON auprès de Monsieur le Président de la CARPA de VALENCIENNES ;
o Condamne in solidum les sociétés CAMPISTRON et PBM (PRODUITS BETON MARENSIN) à payer à la société OUTINORD ST AMAND la somme de 2 400 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
o Condamne in solidum les sociétés CAMPISTRON et PBM (PRODUITS BETON MARENSIN) aux entiers frais et dépens de l’instance, les frais de greffe étant liquidés à la somme de 95,62 euros.
‘ condamner in solidum les sociétés CAMPISTRON et PBM (PRODUITS BETON MARENSIN) à payer à la société OUTINORD ST AMAND la somme de 20 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
‘ condamner in solidum les sociétés CAMPISTRON et PBM (PRODUITS BETON MARENSIN) aux entiers dépens d’appel.
– à titre subsidiaire
‘ infirmer le jugement du tribunal de commerce du 21 avril 2021 en ce qu’il :
o rejette l’exception de nullité du rapport d’expertise soulevée par la société OUTINORD [Localité 2],
o Condamne in solidum les sociétés CAMPISTRON et PBM (PRODUITS BETON MARENSIN) à payer à la société OUTINORD ST AMAND la somme de 2 400 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– et statuant à nouveau
o prononcer la nullité du rapport d’expertise déposé par Monsieur [S] [L] le 20 mars 2018 ;
o condamner in solidum les sociétés CAMPISTRON et PBM (PRODUITS BETON MARENSIN) à payer à la société OUTINORD ST AMAND la somme de 20 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ réparer l’omission de statuer du jugement du 20 avril 2021 quant à l’irrecevabilité des demandes des sociétés CAMPISTRON et PBM (PRODUITS BETON MARENSIN) et :
o CONSTATER, DIRE ET JUGER IRRECEVABLE toute demande formulée au titre d’une prétendue garantie des vices cachés,
o CONSTATER, DIRE ET JUGER IRRECEVABLES l’ensemble des demandes formulées par la société PBM (PRODUITS BETON MARENSIN),
‘ En conséquence :
o REJETER l’ensemble des demandes formulées par les sociétés CAMPISTRON et PBM (PRODUITS BETON MARENSIN),
‘ confirmer pour le surplus le jugement du 21 avril 2021, tel que rectifié, à savoir en ce qu’il :
o Déboute les sociétés CAMPISTRON et PBM (PRODUITS BETON MARENSIN) de l’ensemble de leurs demandes ;
o Dit que la société OUTINORD [Localité 2] a rempli son obligation de délivrance ;
o Condamne la société CAMPISTRON à payer à la société OUTINORD [Localité 2] :
– La somme de 66 000 euros en règlement de la facture 1412/132 du 29 décembre 2014, outre les intérêts de retard capitalisés au taux de trois fois le taux légal à compter du 31 décembre 2014 ;
– La somme de 3 300 euros au titre de la clause pénale ;
– La somme de 40 euros à titre d’indemnité forfaitaire de recouvrement ;
o Ordonne le versement à la société OUTINORD ST AMAND de la somme de 66 000 euros séquestrée par la société CAMPISTRON auprès de Monsieur le Président de la CARPA de VALENCIENNES ;
o Condamne in solidum les sociétés CAMPISTRON et PBM (PRODUITS BETON MARENSIN) aux entiers frais et dépens de l’instance, les frais de greffe étant liquidés à la somme de 95,62 euros ».
Aux termes du rappel des faits, elle précise que ce sont bien les éventuels défauts de planéité relative aux éléments bétons qui permettent de déterminer l’existence, ou l’absence d’un désordre. Pour autant l’expert a effectué des relevés altimétriques du plancher métallique et a conclu à l’existence de « désordres et malfaçons », alors qu’aucun coulage n’avait été réalisé. Elle conteste les conclusions de l’expert sur les mesures de planéité réalisées sur les éléments coulés sur le plancher métallique litigieux.
Aucun second-pré-rapport n’a été communiqué aux parties et le rapport a été déposé sans apporter aucune réponse aux dires et aux demandes de la société Outinord, l’expert se contentant d’affirmations péremptoires et d’appréciations juridiques erronées.
À titre liminaire, l’intimée sollicite la rectification des erreurs et omissions matérielles du jugement, relatives à la capitalisation des intérêts et l’ordre de versement des sommes consignées en CARPA.
Elle ajoute que la confirmation du jugement doit intervenir, les sociétés Campistron et PBM, sur qui pèse la charge de la preuve du non-respect de son obligation de délivrance, n’ont jamais été en capacité de démontrer l’accord quant à une exigence de planéité. Au stade des devis, accords et factures, il n’existait aucun engagement sur une quelconque planéité des tôles fournies. Les opérations d’expertise ont démontré que les tôles respectaient parfaitement les dispositions du DTU applicables au cas d’espèce.
La société Campistron ne peut extrapoler des caractéristiques des tables de coffrage les exigences attendues des tôles puisque les tables de coffrage constituent un ouvrage radicalement différent des tôles et leur prix (115 092 euros HT) est bien supérieur à celui des tôles (49 290 euros HT).
La société Outinord souligne que le tribunal a justement considéré que les relations passées, et refusées par la société Campistron, ne pouvaient pas déterminer la relation litigieuse et qu’en outre, la société Campistron s’était comportée comme un véritable maître d”uvre, concevant et réalisant le dallage béton sur lequel elle avait imaginé placer les tôles, selon un plan de calepinage qu’elle avait elle-même réalisé.
La société Outinord conclut au bien-fondé de ses demandes reconventionnelles, notamment le paiement de la facture et les conséquences du non-paiement au titre de la clause pénale, des intérêts et des indemnités de recouvrement.
L’injonction faite de consigner les 66 000 euros ne libère pas la société Campistron du paiement des accessoires. La décision du juge des référés n’a pas autorité de la chose jugée devant le juge du fond, de sorte que le tribunal n’avait pas à en tenir compte. La société Campistron a décidé à ses risques et périls de solliciter et d’exécuter cette ordonnance.
À titre subsidiaire, la société Outinord sollicite la confirmation partielle du jugement.
Elle soulève l’irrecevabilité des demandes de la société PBM pour défaut d’intérêt à agir, cette dernière n’étant pas partie au contrat litigieux. Aucun élément n’est produit pour justifier du fait que depuis 2019, le groupe Sagardia dont fait partie la société Campistron s’est restructuré et que l’exploitation de la table de coffrage relève dorénavant de la société PBM. À supposer des éléments apportés, ils seraient insusceptibles de justifier les demandes de cette société, tiers au contrat et au litige.
Les conditions de la responsabilité délictuelle, s’agissant du dommage causé par un manquement contractuel à un tiers, font défaut en l’espèce.
La demande de la société Campistron au titre de la garantie des vices cachés est irrecevable, le délai pour agir ayant été en l’espèce réduit, étant en outre observé que la garantie des vices cachés est exclue dès lors que l’acquéreur n’a pas informé le vendeur par écrit de l’existence des vices dans un délai maximum de 8 jours à compter de leur découverte.
Même en tenant compte du délai de droit commun, l’action menée en 2019, alors que le vice a été découvert le 16 avril 2015, est forclose.
Les conditions nécessaires à la mise en ‘uvre de la garantie des vices cachés font défaut également.
Aucun manquement à son obligation de délivrance n’est établi, aucune spécificité contractuelle n’ayant été convenue quant aux tolérances de planéité.
La nullité du rapport d’expertise n’est pas une exception de procédure, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de la soulever in limine litis . La demande de nullité, bien que formée au stade de l’appel à titre subsidiaire, est parfaitement recevable. L’expert, tout en refusant de répondre aux demandes de justifications techniques formulées par la société Outinord, a déposé son rapport sans préavis et sans adresser préalablement aux parties le second pré-rapport qu’il s’était engagé à notifier quelques semaines auparavant ce qui constitue une atteinte manifeste au principe de la contradiction et à sa mission.
L’expert judiciaire s’est permis, à plusieurs reprises, de procéder à des appréciations juridiques erronées, notamment en prétendant définir les engagements contractuels de la société Outinord et a conclu à sa responsabilité, une telle appréciation juridique étant strictement interdite par l’article 238, alinéa 2, du code de procédure civile.
La société Outirnord estime que ceci met en évidence l’absence manifeste d’impartialité et d’objectivité de l’expert judiciaire qui, dès l’origine du dossier, a présupposé l’existence d’un désordre et une faute de sa part, mettant ensuite tout en ‘uvre pour justifier de cette position et offrir à la société Campistron le moyen de solliciter une indemnisation indue.
L’expert judiciaire a déposé son rapport définitif daté du 20 mars 2018, en réalité adressé le 21 mars, c’est-à-dire après réception de son dire n°9, ainsi que l’expert judiciaire l’a lui-même confirmé dans son courriel du 21 mars.
Cette précipitation traduit également une violation du principe du contradictoire, puisqu’elle n’a ainsi pas pu répondre au dernier dire de la société Campistron du 13 mars 2018 et que son dire n’a pas été pris en compte par l’expert.
Sur le fond, elle fait valoir que :
– seuls les éléments bétons de qualité de parement ‘soignée’, de grande taille et coulés sur la zone litigieuse spécifique, ne peuvent être obtenus, mais qu’il est parfaitement possible de couler des éléments bétons de qualité de parement ‘soignée’ de grande taille sur le reste du plancher, en évitant simplement les points 53 et 56 ;
– il convient désormais de définir le seuil de tolérance exigible pour déterminer s’il existe un désordre, s’agissant d’une appréciation purement juridique ;
– les investigations de l’expert judiciaire ont mis en évidence qu’aucun défaut de planéité relative ne dépasse 7 mm et donc qu’il n’y a pas de désordre au regard des dispositions du DTU 21 applicables, en l’absence de précision contractuelle y dérogeant ;
– la société Campistron ne peut se référer aux échanges sur l’ouvrage prédalle, qui n’a jamais été commandé et dont les conditions contractuelles n’ont pas à s’appliquer en l’espèce ;
– il ne saurait être appliqué à un contrat les dispositions provenant d’un autre, surtout si ce dernier n’a jamais été conclu.
Subsidiairement, et si la cour considérait que le niveau de parement exigible serait le niveau « soigné », il n’y a que deux points de mesure qui excèdent la tolérance « soignée » et que ces deux points de mesure sont situés à moins de deux mètres l’un de l’autre, et ce alors que le plancher métallique représente environ 272 m² (rapport, p. 14), de sorte que des éléments de qualité « soignée » peuvent être coulés sur toutes les autres zones du plancher métallique.
Ainsi, le vice, à le retenir, ne serait pas de nature à porter gravement atteinte à l’usage auquel le plancher métallique est destiné, de sorte que la garantie des vices cachés ne peut en aucun cas être mise en ‘uvre.
Elle rappelle n’avoir nullement été réglée de la commande depuis 2015 et souligne que les montants sollicités par les appelantes au titre des prétendus travaux ‘réparatoires’ et des prétendus préjudices complémentaires sont déraisonnables et injustifiés. La société Campistron n’envisage pas la restitution de la chose et poursuit désormais le paiement d’une installation pour un principe et un montant différents, hors dépose des tôles en place, ce qui constitue une amélioration de l’ouvrage prévu.
La prétendue solution ‘réparatoire’ sollicitée par la société Campistron consiste en l’achat d’une table de coffrage (plateaux de prédalles), et ne consiste en aucun cas à réparer les tôles objets du contrat litigieux, ni même à les remplacer, ce qui constitue une modification substantielle de la prestation pour un coût nettement plus élevé et un enrichissement sans cause.
Quant aux travaux de ragréage et de reprise des pièces coulées, aucun élément justificatif n’est produit, le tableau communiqué constituant une preuve faite à soi-même.
En ce qui concerne les prétendus frais de location de matériels et d’achats de produits, rien ne permet de rattacher ces produits et matériels aux prétendus désordres. Aucune pièce ne mentionne le nom de la société Campistron.
Si les appelantes parvenaient à justifier d’un préjudice réparable, il conviendrait alors de tenir compte de l’avantage qu’elles retirent de l’utilisation des tôles litigieuses, cet avantage venant en réduction de l’éventuel préjudice.
La société Campistron, assujettie à la TVA (pièce n° 27), récupère cette TVA et il lui appartient donc de démontrer qu’elle n’a pas pu récupérer la TVA payée en amont si elle souhaite en obtenir indemnisation.
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L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2022
À l’audience du 15 novembre 2022, le dossier a été mis en délibéré au 26 janvier 2023.
MOTIVATION
Au préalable, il doit être noté que la société Outinord ne forme appel incident, notamment du chef ayant rejeté l’exception de nullité de l’expertise, qu’à titre subsidiaire, sollicitant à titre principal la confirmation du jugement déféré sur appel principal de la société Campistron, lequel n’entraîne pas la dévolution à la cour du chef relatif à la nullité de l’expertise.
La société Outinord ayant expressément hiérarchisé ses demandes, la cour ne peut en modifier l’ordre et examinera donc l’appel principal de la société Campistron au vu des défenses au fond soulevées par l’intimée, avant d’envisager son appel incident formé à titre subsidiaire.
Par ailleurs, la société Outinord, en exergue de son dispositif, sollicite la rectification d’erreurs ou omissions affectant le jugement entrepris, lesquelles seront examinées, au vu de la dévolution de ces chefs par l’appel principal, une fois qu’il aura été statué sur ceux-ci en cas de confirmation de la décision déférée.
– Sur l’appel principal de la société Campistron
Aux termes des dispositions des articles 1603 et 1604 ancien du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend.
Conformément à l’obligation de délivrance définie à l’article 1604 ancien du code civil, il appartient au vendeur d’apporter la preuve qu’il a mis la chose vendue à la disposition de l’acheteur dans le délai convenu.
La chose livrée doit être conforme à ce qui a été commandée. La preuve de la non-conformité à la commande du matériel livré incombe à l’acquéreur qui soulève cette exception.
Lors de la livraison, la réception sans réserve de la chose vendue couvre ses défauts apparents de conformité.
La délivrance de la chose ne se limite pas à la remise de la chose vendue, tant quantitativement que qualitativement, mais également à celle de ces accessoires.
Dire que le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme signifie non seulement que le bien délivré doit être celui-là même qui a été désigné par le contrat mais doit en outre présenter les qualités et caractéristiques que l’acquéreur est en droit d’en attendre, celles-ci s’appréciant au regard des qualités convenues entre les parties.
Par un devis en date du 1er octobre 2014, la société Outinord a proposé la « fourniture de 24 tôles inox, de dimension finie 7,550 × 1,500, épaisseur : 4 mm » pour un montant de 38 880 euros et « 1 intervention monteur pour mise en place des feuilles intervention de 2 techniciens (Outinord) » pour 13 000 euros, soit un prix global de 49 286 euros, après remise de 5 %.
Une offre modifiée, adressée le 10 octobre 2014 et ainsi rédigée :« matériel de coffrage 51 880 euros, remise 5 % soit total général HT 49 000 euros », a été acceptée le jour même par la société Campistron, laquelle sollicitait une intervention impérative le 15 novembre 2014.
À la suite de la pose de ce premier plancher et de sa non-réception par la société Campistron, la société Outinord a fait parvenir un avoir d’annulation de facture pour le montant précité et une nouvelle facture pour « 1 coffrage métallique pour dalle ; Tôle épaisseur 8 mm », moyennant un prix de 55 000 euros HT. Ces travaux ont été menés.
Au vu des caractéristiques de ce contrat de vente qui porte à la fois sur la fourniture d’un bien mais également sur l’installation de ce bien, la délivrance ne peut se limiter à la seule chose vendue mais également à la prestation accessoire, mise à la charge de la société Outinord par le contrat, d’une installation des tôles se devant d’être conforme aux règles de l’art et devant rendre apte la chose à l’usage pour lequel il en a été fait l’acquisition.
Comme le souligne justement la société Outinord, il n’existe aucune stipulation contractuelle concernant une quelconque planéité de l’ensemble et aucune référence à un texte (DTU ou autre) qui contiendrait une obligation de planéité, dans les pièces contractuelles liant les parties.
Au vu des échanges antérieurs entre les parties, portant sur des propositions techniques distinctes, se référant dans la notice Outinord à des tolérances spécifiques en terme de planéité, à savoir la pose de tables de coffrage neuves ou encore la table de prédalle d’occasion, en 2012 et 2013, qui n’ont pas été acceptées par la société Campistron et n’ont certes pas de valeur contractuelle entre les parties, la société Outinord avait cependant connaissance de la finalité de la commande, évoquant d’ailleurs dans un mail « le détail des tôles inox pour votre usine de préfa ».
Or, l’expert judiciaire constate que le plancher métallique, mis en ‘uvre sur un dallage béton chauffé, dont le seul but est de maintenir une température minimale de 15 °C lors des opérations de coulage des éléments bétons, a été fixé par la société Outinord en périphérie par des rails inclinés dans le dallage béton, qui peuvent bloquer la dilatation thermique du plancher, constitué de tôles soudées entre elles, ces variations dimensionnelles étant de nature à modifier la planéité de l’ensemble.
Aux termes de son rapport, l’expert conclut principalement que :
– les précisions contractuelles, tant pour le premier plancher que pour le second plancher sont nettement insuffisantes ;
– les tolérances indiquées dans le DTU portent sur les éléments béton après fabrication et pas sur les dispositifs permettant de les réaliser ;
– les déformations du plancher métallique sont principalement dues aux tensions internes engendrées par les opérations de soudage et les soudures réalisées entre les tôles, suite aux écarts de température ;
– « les mesures effectuées par le sapiteur montrent également que les déformations sont quasiment généralisées et sont également plus importantes au niveau des soudures des tôles » ;
– « les déformations constatées sur le plancher métallique sont supérieures aux tolérances permettant la réalisation d’élément en béton de qualité soignée ».
En sa qualité de professionnelle, spécialisée dans ce type de réalisation, il appartenait à la société Outinord d’attirer l’attention de sa cliente sur les possibles déformations de la solution technique proposée et de réaliser des soudures conformes aux règles de l’art et de nature à réduire les tensions pour éviter les déformations liées aux écarts de température, ce qui n’est pas le cas au vu des constatations de l’expert.
Par ailleurs, la solution technique finalement proposée par la société Outinord et acceptée par la société Campistron devait permettre à cette dernière, s’agissant d’une usine de préfabrication d’éléments de béton, d’obtenir un plancher lui permettant de fournir toute la palette de qualité de béton susceptible d’être commandée par ses clients, sans qu’elle soit, à raison des contingences liées au plancher posé, restreinte dans son offre en termes de taille et volume des pièces, ou encore en termes de qualité de parement, ou contrainte par des sujétions techniques dans l’organisation de son travail.
Or, comme le note justement l’expert, si la finalité de l’entreprise Campistron, société de gros-oeuvre, implique « implicitement que toutes les qualités de bétons doivent pouvoir être fabriquées, la qualité ”soignée” ne peut au vu des constatations techniques être obtenue et il serait particulièrement contraignant de choisir l’emplacement pour chaque pièce en fonction des déformations ».
Le fait qu’un plan de calepinage des tôles ait été adressé par la société Campistron et que le sol béton chauffant ait été réalisé par cette dernière ne constitue pas pour autant la société Campistron en véritable maître d’oeuvre de l’opération, aucune immixtion n’étant véritablement caractérisée par la société Outinord dans la réalisation du plancher de tôles et ne saurait dédouaner cette dernière, puisqu’il lui appartenait de refuser son intervention dans ces conditions ou d’émettre des réserves.
Enfin, alors même que des déformations du premier plancher avaient été constatées, loin de mettre en cause alors la nature du support, elle a modifié uniquement l’épaisseur des tôles, lesquelles, en lien avec les tensions engendrées par les soudures, se sont également déformées.
Dès lors, au vu de ces éléments et des constatations de l’expert, les manquements par la société Outinord à son obligation de délivrance conforme sont établis, ce qui justifie l’infirmation du jugement entrepris.
En vertu des dispositions de l’article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Le préjudice doit être direct, certain et présent. La réparation du préjudice doit être intégrale. Elle peut être en nature.
Il appartient dès lors à celui qui s’en prévaut d’apporter la preuve d’un préjudice, d’une faute et d’un lien de causalité.
– sur la reprise des désordres
Trois solutions sont listées par l’expert judiciaire pour remédier aux désordres, à savoir la réalisation d’un nouveau plancher métallique, en prenant toutes précautions utiles, la réalisation d’un plancher, type table de coffrage, sur support métallique rigidifiant la structure, et des opérations de reprise à chaud ou à froid par martelage.
Il écarte cette dernière solution, certes proposée par la société Outinord dans le cadre de l’expertise, mais qui ne l’a jamais mise en ‘uvre et lui apparaît « peu adaptée à ce genre de déformations, particulièrement sur de grandes surfaces ».
Devant les difficultés présentées par le second plancher en tôles plus épaisses, il préconise en définitive la réalisation d’un plancher métallique de type table de coffrage, suivant le devis de la société Housset métal, dont les prix « sont conformes à ceux du marché » et qui « permet d’obtenir un ensemble donnant satisfaction, avec des techniques éprouvés », même s’il note l’inconvénient de cette méthode, qui réside « dans le fait que le plancher chauffant incorporé dans le dallage béton ne serait que partiellement efficace et pourrait réduire les possibilités d’utilisation de l’ensemble, lors de la préfabrication d’éléments de béton par temps froid ».
Le fait que cette solution ait un coût supérieur à celui résultant du matériel litigieux et ait été initialement proposée et non retenue par la société Campistron n’est pas de nature à l’écarter.
Il s’agit en effet de la seule solution technique qui permet de réparer le manquement de la société Outinord à son obligation de délivrance conforme et à son obligation de conseil, sans d’ailleurs parvenir à bénéficier complètement des avantages d’un sol chauffant, cette solution ne constituant dès lors aucunement une amélioration non justifiée et notable du bien commandé.
S’agissant d’une indemnité visant à réparer un préjudice, à juste titre la société Campistron est en droit de solliciter une condamnation TVA comprise, étant en outre observé qu’aucun élément n’est apporté par la société Outinord pour fonder son allégation selon laquelle la société Campistron récupérerait la TVA.
En conséquence, il convient de condamner la société Outinord à payer à la société Campistron la somme de 102 000 euros TTC, correspondant à la solution de mise en conformité préconisée par l’expert.
– sur la demande de condamnation à hauteur de 228 825 euros au profit de la société Campistron au titre des coûts engendrés par la reprise des pièces de béton coulées ne présentant pas la qualité requise
En vertu des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
La société Campistron prétend aux termes de développements confus qu’aurait été créée la société APM, devenue PBM, pour exploiter l’usine en 2014 mais qui n’aurait exploité le matériel qu’à compter de 2019. La société Campistron qui aurait usé du matériel litigieux jusqu’à cette date sollicite dès lors l’indemnisation de son préjudice subi au titre de la reprise des pièces de béton coulées par ses soins et ne présentant pas la qualité requise sur la période 2015 à 2019.
La société Campistron est particulièrement taisante sur son activité, les conditions d’exercice de cette dernière, et son chiffre d’affaires, alors même qu’elle invoque des coûts supplémentaires.
Aucun élément de preuve quant à l’existence de pièces de béton coulées ne présentant pas la qualité requise et nécessitant une reprise, et surtout quant à leur nombre, n’est produit.
Pour toutes pièces, sont versées aux débats :
– des tableaux de chiffrage de préjudice (pièce 15 ; 18 ; 25) qui portent pour seules références les sigles APM PBM et ne mentionnent aucunement la société Campistron, alors même que sont détaillés les postes de préjudices pour les années 2015/2016, 2017/ 2018/2019, et 2020 ;
– le cumul répertorié d’heures passées en moyenne par mois n’est prouvé par aucun élément précis et objectif, l’expert n’ayant pu se prononcer sur ces tableaux faute d’avoir obtenu, malgré ses sollicitations, d’éléments sur les préjudices ;
– les factures jointes en pièce 19 concernant la location de matériels sont toutes au nom de la société APM, devenue PBM, même sur la période de 2015 à 2019, alors même que la société Campistron prétend que lesdits matériels auraient été loués et utilisés par ses soins ;
– il en est de même pour les factures de produits sur la période 2015-2019, lesdites factures étant toutes au nom de la société APM devenue PBM.
Il n’est pas plus communiqué d’éléments quant aux relations commerciales et juridiques existant entre les sociétés Campistron et PBM pouvant expliquer que des factures aient été établies au nom de la société-fille pour des prestations qui auraient été perçues par la société-mère.
Ainsi, la société Campistron n’établit-elle pas la réalité de son préjudice et ne peut donc qu’être déboutée de ses demandes.
– sur la demande de condamnation de la somme de 76 364,51 euros à la société PBM et à défaut à la société Campistron au titre de la reprise des pièces, de la location de matériels et de l’achat de produit pour la période 2019-2020
Les pièces précitées fondent cette demande au profit de la société PBM, et à titre subsidiaire au profit de la société Campistron pour la période 2019-2020.
Si un tiers peut solliciter la réparation de la faute contractuelle commise lui causant un préjudice, cela ne le dispense pas de démontrer l’existence même de son préjudice et le lien de causalité.
Or, la mise à disposition invoquée du matériel litigieux, source du préjudice revendiqué, au profit de la société PBM, n’est prouvée par aucune pièce.
La convention de transfert d’un personnel de la société Campistron à la société PBM et les 3 bulletins de salaire de ce dernier sont manifestement insuffisants pour ce faire, en ce qu’ils illustrent seulement les liens pouvant exister entre une société-mère et une société-fille, mais ne permettent pas de rattacher ces opérations avec les désordres constatés et la nécessité, en lien avec le matériel défectueux, d’y porter remède.
Par ailleurs, les pièces précitées (notamment les pièces 15, 18, 19 et 25 : tableaux de chiffrage de préjudice, factures de matériels et de location) sont insuffisantes pour apporter la preuve d’un préjudice de la société PBM.
Concernant le chiffrage sur la période 2019/2020, au titre des personnes assurant le process de ragréage, aucun élément objectif n’établit l’existence même de pièces de qualité défectueuse nécessitant des reprises et ne permet de vérifier la réalité des durées annoncées dans ledit tableau, comme étant nécessaire pour effectuer ladite tâche.
Si des factures de location de matériels et d’achats de produits pour la période 2019/2020 à l’adresse de la société PBM sont versées aux débats, aucune preuve ne permet de les rattacher avec la nécessité de reprendre des pièces défectueuses à raison du matériel litigieux, dont le nombre et la réalité ne sont même pas quantifiés et démontrés.
Il s’ensuit que pour la période 2019-2020, l’existence et la réalité d’un préjudice subi par la société PBM, tiers au contrat, ne sont pas établies.
Les pièces précitées ne permettent pas plus de fonder une demande subsidiaire au titre du préjudice subi par la société Campistron pour la période 2019-2020.
Le débouté au titre de cette demande s’impose.
– sur la demande relative au coût de l’expertise
Les frais d’expertise dépendant des dépens, la demande spécifique formée par la société Campistron à l’encontre de la société Outinord sera examinée lorsqu’il sera statué sur la charge de ces derniers.
– Sur la demande en paiement
En vertu des dispositions de l’article 1315 ancien du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Aux termes des dispositions d’ordre public de l’article L 441-6 du code de commerce, les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt de pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes due sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l’année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l’année en question. Pour le second semestre de l’année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l’année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l’égard du créancier, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due.
L’article D 441-5 du même code prévoit que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue au 12ème alinéa du I de l’article L 441-6 est fixé à 40 euros.
Les pénalités de retard ainsi que les intérêts de retard pour non-paiement des factures prévus par l’article L 441-6 du code de commerce sont dus de plein droit et ne peuvent être minorés.
Des conditions générales de ventes de la société Outinord il s’extrait, notamment en leur article 3, que :
– en cas de retard de paiement, le client sera automatiquement redevable envers la société, et sans qu’une mise en demeure soit nécessaire, de pénalités de retard dont le montant sera égal à trois fois le taux d’intérêt légal ;
– le client sera également redevable d’une pénalité d’un montant de 5 % au total des sommes dues à titre de clause pénale, sans préjudice de toute autre action.
La prestation de reprise a fait l’objet d’une facture n° 1412-132 du 29 décembre 2014 se substituant au montant initialement dû, selon l’accord des parties, pour une somme de 66 000 euros TTC, qui est demeurée impayée, la prestation ayant toutefois été réalisée.
Cette somme a été consignée sur le compte CARPA en exécution d’une décision du juge des référés du tribunal de commerce de Dax en date du 7 juillet 2015.
Au vu du manquement à l’obligation de délivrance conforme pesant sur la société Outinord, la société Campistron peut valablement opposer une exception d’inexécution et a rempli sa propre obligation en sollicitant la suspension des paiements et la consignation de la facture en attendant la réalisation de l’expertise et la solution du litige.
Ainsi, la société Campistron, qui n’oppose à titre principal aucun moyen et sollicite la compensation avec les sommes allouées à titre de dommages et intérêts, est recevable de cette somme.
Cependant, l’exception d’inexécution ayant été valablement mise en ‘uvre, aucune somme ne saurait être due au titre de la clause pénale et des intérêts moratoires à compter de la date d’échéance de la facture. La société Outinord ne peut pas plus obtenir le paiement de la somme forfaitaire de 40 euros.
En conséquence, l’infirmation de la décision s’impose en ce qu’elle a prévu une condamnation avec intérêts de retard au taux de trois fois le taux légal à compter du 31 décembre 2014, outre la condamnation à une somme 3 000 euros au titre de la clause pénale, et à l’indemnité forfaitaire de recouvrement..
La demande visant à obtenir, par réparation de l’omission de statuer, la capitalisation des intérêts, est rejetée.
– Sur la compensation des sommes :
En vertu des dispositions de l’article 1347 du code civil, la compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. Elle s’opère, sous réserve d’être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.
En l’espèce, la société Outinord est redevable de la somme de 102 000 euros TTC, correspondant à la solution de mise en conformité préconisée par l’expert, alors que la société Campistron demeure redevable de la somme de 66 000 euros TTC au titre de la facture.
Les conditions de la compensation étant réunies, un montant de 36 000 euros reste dû par la la société Outinord, laquelle sera condamnée à payer ledit montant à la société Campistron, les fonds consignés sur le compte Carpa par la société Cmapistron à hauteur de 66 000 euros devant lui être restitués.
– Sur l’appel incident formé à titre subsidiaire par la société Outinord
La cour ayant statué sur les demandes respectives des parties présentées à titre principal et ayant tranché la question de la responsabilité, il s’ensuit que la demande de nullité des opérations d’expertise est dépourvue de tout intérêt pour la solution du litige, étant d’ailleurs souligné qu’elle a été présentée après des défenses au fond ce qui aurait pu justifier son irrecevabilité.
Il en est de même de toutes les demandes relatives au titre d’une prétendue garantie des vices cachés et de la demande subsidiaire visant à voir déclarer comme remplie son obligation de délivrance.
En conséquence, la société Outinord ne peut qu’être déboutée de son appel incident.
La fin de non-recevoir opposée à la demande subsidiaire de nullité du rapport d’expertise ne peut donc qu’être rejetée, étant dépourvue d’objet.
– Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société Outinord succombant principalement en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire.
Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont infirmés.
Le sens de la présente décision commande de condamner la société Outinord à payer à la société Campistron et à la société PBM la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La demande d’indemnité procédurale de la société Outinord est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes en date du 20 avril 2021 en ce qu’il a condamné la société Campistron à payer à la société Outinord Saint-Amand la somme de 66 000 euros en règlement de la facture 1412/132 du 29 décembre 2014 ;
L’INFIRME pour le surplus ;
DIT que la société Outinord Saint-Amand a manqué à son obligation de délivrance conforme ;
CONDAMNE la société Outinord Saint-Amand à payer à la société Campistron la somme de 102 000 euros TTC au titre des réparations ;
DEBOUTE la société Campistron de sa demande de condamnation de la société Outinord Saint-Amand à lui payer la somme de 228 825 euros (somme arrêtée en décembre 2018), au titre du coût engendré par la reprise des pièces ;
DEBOUTE la société PBM, et à titre subsidiaire la société Campistron, de leurs demandes respectives de condamnation de la société Outinord à leur payer la somme de 76 364,51 euros (somme arrêtée en août 2020 pour les travaux de ragréage et reprise, location de matériel et achat de produits) ;
DEBOUTE la société Outinord Saint-Amand de sa demande visant à voir assortir la condamnation au paiement au titre de la facture des intérêts de retard au taux de trois fois le taux légal à compter du 31 décembre 2014 ;
DEBOUTE la société Outinord Saint-Amand de sa demande de condamnation au titre de la clause pénale ;
DEBOUTE la société Outinord Saint-Amand de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement ;
DEBOUTE la société Outinord de sa demande de capitalisation des intérêts ;
Vu les créances réciproques, ORDONNE la compensation des sommes à due concurrence ;
en conséquence, CONDAMNE la société Outinord Saint-Amand à payer à la société Campistron la somme de 36 000 euros avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;
ORDONNE la restitution des fonds consignés sur le compte CARPA à la société Campistron ;
DEBOUTE la société Outinord Saint-Amand de son appel incident formé à titre subsidiaire et de l’ensemble des demandes présentées de ce chef ;
DIT la fin de non-recevoir opposée par la société Campistron et la société PBM à la demande subsidiaire de nullité du rapport d’expertise sans objet ;
CONDAMNE la société Outinord Saint-Amand à payer à la société Campistron et à la société PBM la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la société Outinord Saint-Amand de sa demande d’indemnité procédurale ;
CONDAMNE la société Outinord Saint-Amand aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire.
Le greffier
Marlène Tocco
Le président
Samuel Vitse