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7 février 2023
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
16/02684
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 07 Février 2023
N° RG 16/02684 – N° Portalis DBVY-V-B7A-FSQR
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE en date du 07 Novembre 2016
Appelante
Société BIG BOSS, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par Me Olivier GARDETTE, avocat plaidant au barreau de LYON
Intimée
S.C.I. LAEKEN, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SAS MERMET & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS
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Date de l’ordonnance de clôture : 24 Octobre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 novembre 2022
Date de mise à disposition : 07 février 2023
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,
– Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,
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Faits et Procédure :
Selon acte authentique en date du 20 décembre 1985, la société Big Boss (sarl) était titulaire d’un bail commercial consenti par la SCI Rose Mary, aux droits de laquelle se trouve désormais la SCI Laeken sur un local commercial situé [Adresse 6]. Ce bail était régulièrement renouvelé en 1994 avec un loyer fixé à 128 678,26 francs (19 616,87 euros). Lors du renouvellement suivant, la SCI Laeken sollicitait un loyer de 96 075 euros HT refusé par la société Big Boss. Sur la base d’une expertise judiciaire confiée à M. [D] [S], la valeur locative était fixée par le juge des loyers commerciaux de Bonneville, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Chambéry en date du 1er septembre 2009, à la somme annuelle de 47 760 euros HT à compter du 1er décembre 2004 pour une durée du bail courant jusqu’au 30 novembre 2013.
Selon signification faite par huissier en date du 4 juillet 2013, la société Big Boss adressait une demande de renouvellement du bail pour une durée de 9 ans à la SCI Laeken à compter du 1er décembre 2013. En l’absence de réponse dans le délai de trois mois, le bail commercial était reconduit pour une durée de 9 ans à compter du 1er décembre 2013 selon le loyer suivant indexation de 62 796 euros HT. La société Big Boss souhaitant voir le loyer révisé à la baisse adressait également à sa bailleresse un mémoire pour obtenir la fixation du loyer du bail renouvelé à hauteur de 44 300 euros hors taxes et hors charges et en l’absence de réponse, assignait cette dernière devant le juge des loyers de [Localité 2] en date du 12 octobre 2015.
Par arrêt en date du 26 juin 2018, réformant un jugement du 7 novembre 2016, la cour d’appel de Chambéry constatait que le bail était renouvelé à compter du 1er décembre 2013 et ordonnait une expertise pour déterminer le prix du loyer du bail renouvelé, fixant provisoirement le loyer à la somme de 62 796 euros hors taxes et hors charges.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 15 octobre 2020, un nouvel expert, M. [V], était désigné suite au décès du premier expert, Mme [K], qui n’avait pu déposer qu’un pré-rapport.
Par ordonnance du 20 mai 2021, le conseiller de la mise en état disait que l’expert devait réaliser sa mission fixée par la cour « sans avoir à rechercher les modifications notables des éléments mentionnés aux articles 1 à 4° de l’article L 145-33 intervenues depuis les précédentes fixations judiciaires du loyer ».
L’expert, M. [V], déposait son rapport le 27 décembre 2021.
Prétentions des parties
Par dernières écritures en date du 22 août 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Big Boss sollicitait de la cour de :
– juger que le montant du loyer du bail renouvelé au 1er décembre 2013 s’élève à 405,00 euros HT, hors charges le m2 SUP annuel, soit un loyer annuel de 35.235,00 euros HT, sur la base d’une surface utile pondérée de 87 m² ;
– condamner la SCI Laeken à lui payer une indemnité procédurale de 20 000 euros HT sur le fondement de 1’article 700 du code de procédure civile et les dépens qui comprendront les frais d’expertise avec pour les dépens d’appel, distraction au profit de Me Audrey Bollonjeon, avocate associée de la Selurl Bollonjeon, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société Big Boss faisait notamment valoir que :
‘ la recherche de l’évolution notable des facteurs locaux de commercialité et des autres critères n° 1 à 3 de l’article L 145-33 du code de commerce était étrangère à la cause, aucun déplafonnement n’ayant été sollicité par la bailleresse ;
‘ la dispense de solliciter par le preneur le consentement écrit du bailleur pour sous-louer ou pour céder figurant au bail était une erreur matérielle de rédaction et ne correspondait pas à la commune intention des parties et par conséquent, aucune majoration du loyer n’était due de ce chef ;
‘ la surface utile pondérée (SUP) devait être fixée à 87 m² ;
‘ les rapports [K] et [V] devaient être écartés s’agissant des valeurs au m² retenues.
Par dernières écritures en date du 15 septembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI Laeken sollicitait de la cour de :
– constater que le bail consenti par elle à la société Big Boss pour des locaux situés à [Localité 4] avait été renouvelé à compter du 1er décembre 2013 ;
– fixer la valeur locative du bail renouvelé à la somme de 62 796 euros HT et hors charges plus TVA à compter du 1er décembre 2013 ;
– débouter la société Big Boss de toutes ses demandes ;
– condamner la société Big Boss à lui payer une indemnité de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SCI Laeken faisait valoir notamment que :
‘ la valeur locative du local donné à bail renouvelé devait être fixée en tenant compte des 5 critères de l’article L.145-33 du code de commerce (les caractéristiques du local considéré ; la destination des lieux; les obligations respectives des parties ; les facteurs locaux de commercialité ; les prix couramment pratiqués dans le voisinage) et la Cour de Cassation imposait au juge du fond de rechercher, même d’office, la valeur locative du loyer des baux renouvelés, en tenant compte des 5 critères de l’article L.145-33 du code de commerce ;
‘ les facteurs locaux de commercialité avaient évolué de façon positive ces dernières années ;
‘ le fait que le preneur pût céder son droit au présent bail et sous-louer totalement ou partiellement sans le consentement écrit du bailleur les locaux ci-dessus désignés était extrêmement favorable au locataire ;
Une ordonnance en date du 24 octobre 2022 clôturait l’instruction de la procédure et l’affaire était appelée à l’audience du 29 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
MOTIFS ET DÉCISION
I – Sur la fixation du loyer du bail renouvelé à partir du 1er décembre 2013
Lorsque la modification du loyer est sollicitée par le bailleur à la hausse, dans le cas d’un bail initial à renouveler d’une durée de neuf ans ou lorsque, par l’effet d’une tacite prolongation, la durée du bail n’excède pas douze ans, pour écarter les règles du plafonnement prévues à l’article L145-14 du code de commerce, il est nécessaire que le bailleur démontre, conformément à l’article L 145-14 précité, l’évolution notable des caractéristiques du local considéré, et/ou la destination des lieux et/ou des obligations respectives des parties et /ou des facteurs locaux de commercialité, éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 du code de commerce. En revanche, lorsque la modification du loyer est sollicitée par le preneur à la baisse, ce dernier n’a pas à démontrer l’existence d’une modification notable de ces mêmes éléments, mais le juge doit fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la valeur locative, et à défaut d’accord des parties, comme c’est le cas en l’espèce, fixer cette valeur locative d’après les cinq éléments définis à l’article L 145-33.
En effet, l’article L 145-33 du code de commerce prévoit que : ‘Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :
1 Les caractéristiques du local considéré ;
2 La destination des lieux ;
3 Les obligations respectives des parties ;
4 Les facteurs locaux de commercialité ;
5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage’;
1 – les caractéristiques du local considéré
Aux termes de l’article R145-3 du code de commerce ‘Les caractéristiques propres au local s’apprécient en considération :
1° De sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ;
4° De l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire’.
S’agissant de la consistance des lieux loués, Les locaux sont constitués de deux espaces en rez de chaussée, dépourvus de sanitaire et de point d’eau, réunis par une porte et en sous-sol des réserves de 39 m², accessibles depuis l’intérieur par un escalier. La réserve du premier étage divisée en trois pièces d’une superficie d’environ 50 m², mentionnée dans le bail, ne fait plus partie des locaux loués. L’accès au magasin se fait par une entrée unique, sous arcade, située [Adresse 6]. Ce magasin est doté de deux vitrines encadrant la porte d’entrée qui n’est pas automatique, vitrines d’un linéaire total de 6,50 m côté [Adresse 6] et quatre vitrines de 1,90 m de largeur sur environ 1,40 m de hauteur donnant sur l’entrée de la galerie [Adresse 3]. L’expert [V] a noté que l’ensemble était sain et bien entretenu et il a précisé que le magasin était plutôt distribué dans la profondeur (largeur moyenne proche de 6 m pour une profondeur de 16,60 m) et que la luminosité naturelle était limitée à la devanture. Enfin, il n’était pas doté des normes d’accessibilité aux personnes handicapées.
S’agissant de l’emplacement
La société Big Boss faisait valoir que depuis des années, la chalandise s’était détournée de la galerie marchande ; que la vitrine et l’entrée de son magasin était en retrait de près d’1 m 50 de la chaussée et que la majoration pour zone d’angle devait être écartée, tandis que la SCI Laeken invoquait le rapport [S] de 2007 retenant une majoration pour l’effet vitrine.
Les vitrines côté galerie marchande s’apparentant plus selon l’experte [K] dans son pré-rapport à des châssis vitrés ne permettaient pas, selon elle, de retenir l’effet vitrine pour appliquer une majoration. M. [V] n’a pas non plus retenu la notion de vitrine d’angle s’agissant de ces vitrines en raison de la présence d’un large mur maçonné entre la façade et la galerie marchande d’où l’absence de notion d’angle. Aucune majoration ne sera donc retenue à ce titre.
La devanture du magasin ouvre sur des arcades qui peuvent réduire sa visibilité depuis la rue, mais en même temps permettent en cas d’intempéries aux personnes de regarder les vitrines à l’abri.
Sur l’implantation proprement dite du magasin, la SCI Laeken fait valoir que le magasin est implanté [Adresse 6] en zone piétonne du centre ville en prolongement de la rue piétonne [Adresse 5], après la place de l’Eglise, près de l’office du tourisme et de son parking, et du lieu de stationnement des calèches et en face d’une impasse qui donne accès aux télécabines et que l’expert [S] en 2007 avait qualifié cette rue de ‘la plus commerçante’.
Mme [K] avait noté dans son pré-rapport que la situation du local était excellente ‘dans la rue la plus commerçante et haut de gamme de [Localité 4], … dans la partie la plus huppée et la plus recherchée, de nombreux commerces de luxe y étant implantés’.
Toutefois, le cabinet Boulez qui avait rédigé un rapport d’expertise à titre privé en juin 2014, à la demande de la société Big Boss et versé aux débats avait un avis un peu plus modéré en indiquant ‘qu’il s’agissait d’un emplacement de qualité, dans une rue particulièrement fréquentée’ ce qui lui permettait d’affirmer que ‘l’emplacement devait être considéré comme bon pour l’activité considérée’. Dans le même sens, l’expert [V] avait qualifié ‘l’emplacement de zone N°1 bis par rapport à la rue [Adresse 5]’.
S’il ne peut être contesté que l’emplacement de la boutique de la société Big Boss est bien situé, dans un endroit favorable, un emplacement [Adresse 6] est légèrement moins favorable que dans la [Adresse 5] encore plus fréquentée d’où la qualification par l’expert [V] de Zone 1 bis qui, au vu de ces considérations, est parfaitement adaptée.
S’agissant de la surface utile pondérée
La société Big Boss sollicite qu’elle soit retenue pour 87 m², tandis que la SCI Laeken soutient qu’elle doit être retenue comme étant de 102,44m², surface retenue par l’expert [D] [S] en 2007, lequel avait déterminé une surface utile de 137,11m².
Le cabinet Boulez, dans son rapport privé de juin 2014, lequel, après avoir mesuré la surface utile (141,33m²) et après application des recommandations de la compagnie des experts en estimation de fonds de commerce et d’industrie et de valeurs locatives près la cour d’appel de Paris (1999) confirmée par la charte de l’expertise en évaluation immobilière (octobre 2012), a retenu une surface pondérée arrondie de 89,50 m².
L’experte judiciaire, Mme [K], avait déterminé une surface utile d’environ 102,70m² et par application de coefficients de pondération, après avoir aussi scindé la partie magasin en trois zones, avait déterminé une surface utile pondérée de 87,50 m².
L’expert judiciaire [V], après avoir déterminé une surface utile de 141,70 m², a déterminé la surface utile en conformité avec la charte de l’expertise applicable en 2012. Il a obtenu une surface pondérée utile de 87 m² en retenant les chiffres maximum, la différence essentielle avec le rapport Boulez, représentant 2.26m² sur la partie magasin en raison d’une affectation des m² aux trois zones du magasin différente pour la troisième zone, moindre pour le rapport Boulez, plus importante pour le rapport [V], plus proche du pré-rapport [K].
Ainsi, au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour retiendra une surface utile pondérée de 87 m2.
2 – la destination des lieux
Aux termes de l’article R145-5 du code commerce, ‘la destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L. 145-47 à L. 145-55 et L. 642-7″.
La société Big Boss commercialise des vêtements, chaussures et accessoires.
Le bail contient sur la destination des lieux la clause suivante :
‘les biens loués pourront être utilisés pour l’exploitation de toutes activités à l’exception de celles suivantes :
la vente et la location de matériel de skis et de montagne, skis, bâtons, crampons, fixation de skis, chaussures de skis, de tennis, de montagne, lunettes solaires, et de skis, bagages à ski, crème solaire, fart, lacets de chaussures, sacs de tennis, raquettes de tennis et de ping pong, chaussures de tennis, jogging, trekking-marche, porte-bébés, sacs à dos et tous commerces pouvant dégager des nuisances olfactives et auditives’.
Compte tenu des restrictions majeures apportées à l’utilisation des locaux, cette clause ne peut être considérée comme un bail tous commerces, comme le soutient la SCI Laeken qui se réfère à nouveau au rapport [S] de 2007 qui avait retenu un correctif de 8 %. En effet, cette clause interdit le commerce lié à la pratique du ski, à la pratique du tennis, voire du sport, mais aussi des restaurants ou commerces de restauration rapide ou salons de thé ou encore de bars de nuit, et réduirait par exemple une activité d’opticien. Ces restrictions doivent aussi être envisagées en fonction des lieux, à savoir en l’espèce, une station de ski, où nombreux sont les commerces ayant pour activités la vente des produits ou de services, ici interdite.
Le rapport privé Boulez avait pu précisé ‘…sa portée (de la clause) doit toutefois être atténuée en ce que les activités prohibées sont particulièrement usitées dans des stations de sportd’hiver’
Mme [K] dans son pré-rapport avait indiqué qu’en cas de clause tous commerces, une majoration de 10 % pouvait s’appliquer, en cas d’une clause tous commerces, mais avec des restrictions, une majoration de 5 % pouvait être retenue.
L’expert judiciaire, M. [V], a pris connaissance de cette clause, mais ne lui a appliqué aucune majoration.
Compte tenu de l’ensemble des éléments ainsi évoqués, eu égard à une limitation qui doit être qualifiée très importante de la clause tous commerces en raison des activités interdites et du lieu de l’implantation du commerce (station de ski), la majoration retenue sera fixée à 2 %.
3 – les obligations des parties
Aux termes de l’article R145-8 du code de commerce, ‘du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l’une ou l’autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé’.
Le bail contient les paragraphes suivants dans la clause sur les obligations du preneur : ‘le preneur pourra céder son droit au présent bail et sous-louer totalement ou partiellement sans le consentement écrit du bailleur, les locaux ci-dessus désignés.
Dans tous les cas, le preneur restera garant solidairement avec tous cessionnaires ou sous-locataires, immédiats ou successifs du paiement des loyers et de l’exécution du bail.
Toute cession ou sous-location devra être réalisée par acte authentique auquel le bailleur sera appelé et dont une grosse lui sera délivrée sans frais’.
La société Big Boss estime que la première phrase contient une erreur matérielle par oubli de la négation, dans la mesure où les prescriptions légales obligent pour la sous-location le consentement écrit du bailleur et interdisent au bailleur de s’opposer à la cession. La SCI Laeken soutient au contraire qu’il n’existe aucune erreur matérielle et que les majorations retenues par M. [V] soit 10 % pour une cession libre du droit au bail, et 3.5% pour la sous-location doivent s’appliquer.
L’article L145-16 alinéa 1 du code de commerce énonce ‘Sont également réputées non écrites, quelle qu’en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu’il tient du présent chapitre à l’acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise ou au bénéficiaire du transfert universel de son patrimoine professionnel’.
L’article L145-31 alinéas 1 et 2 du même code prévoit que ‘Sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite. En cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l’acte’.
Le rapport [S] n’avait pas évoqué l’existence de cette clause et n’avait donc pas retenu de majoration.
Le rapport privé Boulez estimait en ce qui concerne la clause litigieuse en cas de rédaction estimée ‘non erronée’, une majoration du loyer devait être prévue de 0.25 % en y associant la clause ‘tous commerces’.
Mme [K] avait retenu dans cette hypothèse une majoration de 15 % soit 10 % au titre de la cession libre du droit au bail et 5 % au titre de la sous-location sans autorisation.
L’expert judiciaire, M. [V], a adopté la même position pour la cession libre du droit au bail et une majoration de 3.5 % pour la sous-location.
Compte tenu de la précision de la clause, il ne peut être envisagé une erreur matérielle dans sa rédaction avec l’oubli de la négation. S’agissant de la cession du droit au bail, la cession intervient en majorité dans la cadre de la cession du fonds de commerce dont le droit au bail est un élément incorporel, cession que le bailleur ne peut pas interdire, même s’il peut y mettre des conditions ce qui n’est pas le cas en l’espèce mais la clause prévoit, comme très classiquement, qu’un acte authentique devra être rédigé, avec remise d’une copie exécutoire, le bailleur dûment appelé. La clause a tout son intérêt en revanche en cas de cession du droit au bail sans cession du fonds de commerce, hypothèse peut-être moins fréquente toutefois. Un bailleur a toute possibilité pour s’y opposer ce qui n’est pas le cas prévu dans le bail en cause. S’agissant en revanche de la sous-location, elle est par principe interdite légalement sans autorisation du bailleur, mais en l’espèce tel n’est pas le cas, le bailleur devant uniquement être appelé à l’acte qui doit être authentique.
En conséquence, compte tenu de cette clause dont la clarté doit conduire à écarter toute interprétation, clause favorable au preneur, il sera retenu une majoration de 8 % pour la cession libre du droit au bail et une majoration de 3.5% pour la liberté de la sous-location.
4 – Les facteurs locaux de commercialité
L’article R145-6 du code de commerce prévoit : ‘Les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire’.
La station de [Localité 4] est prisée par une clientèle très fortunée. Actuellement, elle possède 29 hôtels dont sept qui possèdent 5 étoiles, le nombre de lits est de 876. Elle est dotée notamment d’un spa, d’un golf avec green chauffant l’hiver, d’un casino, d’une médiathèque. Il existe une navette gratuite l’hiver. Elle recourt encore à l’enneigement artificiel grâce à la création d’un plan d’eau. Les commerces de luxe sont donc favorisés. S’agissant plus particulièrement de l’emplacement du commerce au sein de la localité, cet élément a déjà été évoqué ci-avant.
5 – les prix de comparaison
la SCI Laeken fait valoir que par arrêt de septembre 2016, la cour d’appel de Chambéry avait fixé à 850 euros HT le m² la valeur locative d’un magasin de vêtements de luxe Nika situé [Adresse 5] et que le second magasin Big Boss, en tenant compte d’un droit au bail de 820 000 euros, règle un prix au m² de 1 538,46 euros. Selon elle, que le commerce soit situé [Adresse 5] ou [Adresse 6], est indifférent. Elle estime être très en deça des prix pratiqués à [Localité 4] en acceptant le renouvellement du bail au montant du loyer plafonné soit 62 796 euros par an.
La société Big Boss estime que l’expert judiciaire [V] n’a pas effectué le travail d’investigations nécessaires pour recueillir des prix de comparaison et que celles qu’il a pu faire sont imprécises notamment sur les coordonnées des contacts qui lui ont fourni des prix de comparaison. Elle fait valoir que M. [V] a retenu 13 références alors que l’agent immobilier, M. [B], implanté à [Localité 4], qu’elle a elle-même consulté, en a retenu 21 et que parmi les 13 références retenues, celle du loyer de la société Nika (indemnité d’occupation, problème d’indemnité d’éviction) et les trois références [Adresse 6] dont les numéros n’ont pas été donnés, doivent être écartées. Enfin, elle soutient que l’expert n’a pas vérifié les références qu’elle lui avait communiquées dès le 20 octobre 2020. Par ailleurs, elle conteste également la méthode de Mme [K] laquelle avait pris deux ensembles de valeurs locatives. En conséquence et après avoir indiqué que la valeur locative était en novembre 2021 avec 41 références à 462 euros HT, la société Big Boss sollicite un prix du m² de Sup fixé à 405 euros HT et hors charges au 1er décembre 2013.
L’article R145-7 du code de commerce prévoit que ‘les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l’ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6.
A défaut d’équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les références proposées de part et d’autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation’.
Le rapport privé Boulez proposait un prix de base sans majoration au m² de 450 euros HT en ayant pris cinq références [Adresse 5] et une [Adresse 6] et indiquant que plus généralement, au sein du secteur immédiat, le loyer dit de marché pouvait être estimé entre 400 et 500 euros HT et hors charges le mètre carré pondéré par an.
Mme [K], dans son prérapport d’expertise, avait examiné notamment les 30 références données par le cabinet Mouchiroud contacté par la société Big Boss mais n’avait pu retenir que six références en raison des dates, précisant aussi que ces références ne contenaient pas de description sommaire (article R145-7 susvisé) et n’avaient indiqué ces dernières qu’à titre indicatif, n’ayant pas pu faire de vérifications par défaut d’obtention de leurs coordonnées. Elle a retenu les données du cabinet Boulez, celle du magasin Nika et une donnée fournie par la SCI Laeken. Enfin, elle a elle-même procédé à une enquête sectorielle, recueillant plusieurs données. Après avoir effectivement établi deux ensembles de valeurs locatives (basses et hautes), elle a établi une moyenne pondérée qu’elle a expliquée et obtenu une valeur de base de 555 euros le mètre carré pondéré mais tenu compte d’une majoration pour la clause tous commerces restrictive.
L’expert judiciaire M. [V] après avoir expliqué les difficultés auxquelles il s’est heurté notamment la discrétion des bailleurs et des preneurs sur les modalités des conventions, le fait de devoir se positionner en décembre 2013 avec de nouveaux baux, une fourchette de valeurs vénales et/ou locative très large, voire irrationnelle, a indiqué avoir pu retenir quelques données fournies par la société Big Boss mais pas l’ensemble compte tenu de l’absence d’indications suffisantes, et s’est basé in fine sur un échantillon de 13 établissements situés au centre de la commune ce qui lui a permis de retenir une valeur de base de 565 euros le m² pondéré.
En résumé, la valeur définitive après majoration du prix du m² pondéré est pour :
– le cabinet Boulez de 562 euros, sur une SUP de 89,5 m² soit un montant total de 50 299 euros ;
– Mme [K] de 668 euros sur une SUP de 87,5 m² soit un montant total de 55 840 euros ;
– M. [V] de 641 euros sur une SUP de 87 m², soit un montant total de 55 790 euros,
étant rappelé les demandes des parties :
– la société Big Boss, un loyer de 35 235 euros pour une sup de 87 m² ce qui représente un prix au m² pondéré de 405 euros ;
– la SCI Laeken, un loyer de 62 796 euros ce qui représente pour une Sup de 102.44m², 613 euros le m² pondéré mais 721 euros pour une sup de 87 m².
Au vu de l’ensemble des éléments sus-décrits, des données fournies par les différentes pièces versées aux débats dont le rapport d’expertise [V], la valeur locative sera fixée à la valeur de 54 000 euros pour une surface utile pondérée retenue de 87 m², avec un prix de base au m² pondéré de 547 euros, et avec une majoration de 13.5% (2% clause tous commerces restrictive ; 3.5% sous-location libre ; 8 % cession droit au bail sans accord du bailleur ; 0 % pour l’effet vitrine) soit 620,84 euros le m² pondéré selon le calcul suivant :
547 euros x1.135 x 87 = 54 013,51 euros arrondis à 54 000 euros.
II – sur les demandes accessoires
Succombant, la SCI Laeken sera condamnée aux dépens de l’instance dont les frais d’expertise et sa demande d’indemnité procédurale sera rejetée.
L’équité commande de faire droit à la demande d’indemnité procédurale de la société Big Boss, laquelle sera fixée à la somme de 5 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Fixe la valeur locative du bail renouvelé à la somme annuelle de 54 000 euros HT et hors charges à compter du 1er décembre 2013, due par la société Big Boss à la SCI Laeken,
Déboute la SCI Laeken de sa demande d’indemnité procédurale,
Condamne la SCI Laeken aux dépens de première instance et d’appel, qui comprendront les frais d’expertise, les dépens d’appel étant distraits au profit de Me Bollonjeon, avocate associée de la Selurl Bollonjeon, sur son affirmation de droit,
Condamne la SCI Laeken à payer à la société Big Boss une indemnité procédurale de 5 000 euros,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 07/02/2023
à
la SELARL BOLLONJEON
Me Christian FORQUIN
Copie exécutoire délivrée le 07/02/2023
à
la SELARL BOLLONJEON