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21 février 2023
Cour d’appel d’Angers
RG n°
20/00015
COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – COMMERCIALE
CC/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 20/00015 – N° Portalis DBVP-V-B7E-ETU4
Jugement du 15 Novembre 2019
Tribunal de Commerce du MANS
n° d’inscription au RG de première instance 17/05673
ARRET DU 21 FEVRIER 2023
APPELANT :
Monsieur [H] [V]
né le 11 Mai 1960 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Philippe LANGLOIS substitué par Me Audrey PAPIN de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71200005, et Me Alain Léopold STIBBE, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEE :
SA MMA IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège et en sa qualité d’assureur de la société AVENIR DEFI
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Bertrand BRECHETEAU de la SARL AVOCONSEIL, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 200040, et Me Arnaud PERICARD substitué par Me MATTEOLI, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 22 Novembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, Présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport, et M. BENMIMOUNE, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, Présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, Conseiller
M. BENMIMOUNE, Conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 21 février 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
FAITS ET PROCÉDURE
La société Avenir défi, dissoute et radiée du RCS depuis le 30 septembre 2015, exerçait notamment une activité de conseiller en gestion de patrimoine (CGP). Elle était alors assurée en responsabilité civile par la société (SA) MMA IARD.
M. [H] [V] s’est rapproché de la société Avenir défi en vue de réinvestir une partie de fonds issus de la vente d’un immeuble dont il était propriétaire. A cette fin, il a signé, le 21 avril 2010, une lettre de mission.
Après avoir dressé un bilan patrimonial, la société Avenir défi a proposé à M. [V] divers produits financiers.
Elle a notamment orienté M. [V] vers un produit d’investissement dans l’énergie photovoltaïque, proposé par la société (SA) Solabios, qu’elle commercialisait.
Ainsi, le 22 avril 2010, par l’intermédiaire de la société Avenir défi, M. [V] a signé un contrat ‘Solabios SEP’ comprenant une convention d’exploitation en commun, un mandat de recherche, un bulletin d’engagement d’apport et un contrat de location de matériel.
De par cette souscription, M. [V] devenait associé d’une société en participation (SEP) dont l’un des associés et unique gérant était la SA Solabios. La SEP acquérait une ou plusieurs centrales photovoltaïques d’un prix unitaire de 17.677 euros HT (frais d’installation compris) qui devaient être exploitées par la SA Solabios, laquelle revendait l’énergie produite à EDF. Pour ce faire, la société Solabios s’engageait à prendre le matériel en location pendant 120 mois commençant à courir à la date de livraison dudit matériel et à verser à la SEP en contrepartie de l’exploitation des centrales photovoltaïques dont elles étaient propriétaires, des loyers fixés à 8% de la valeur HT de l’investissement par an et pendant toute la durée de la location. Ce loyer était revalorisé annuellement de 1,5% payable comptant par trimestre échu, sans escompte d’avance et le premier jour de chaque trimestre. La SA Solabios s’engageait également à racheter le matériel de la SEP à l’issue de la période de location, au prix de 87% du prix d’acquisition HT.
M. [V] a versé une somme totale de 42.283,38 TTC (soit 35 354 euros HT) correspondant au tarif de deux centrales pour le contrat qu’il a souscrit.
Dès juillet 2012, la SA Solabios a connu des difficultés financières qui l’ont conduite à geler le versement des loyers dus aux SEP et ainsi, indirectement, aux investisseurs. Son mandataire ad hoc, désigné le 15 mai 2012, en a informé les investisseurs par lettre au mois de juillet 2012.
Dans une décision du 23 juillet 2013, la commission des sanctions de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a mis à jour, dans le cadre d’une enquête des activités de la SA Solabios, diverses lacunes dans la plaquette commerciale conçue par elle relativement aux investissements proposés.
Par jugements du tribunal de commerce de Nice du 17 octobre 2013 puis du 4 février 2015, la SA Solabios a été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, qui a donné lieu à un plan de cession et à une cessation d’activité de ladite société.
M. [V] a déclaré une créance au passif de la procédure collective de la SA Solabios pour un montant de 39.934,92 euros.
Entre-temps, le 16 février 2014, plusieurs centaines d’investisseurs, regroupés en association, ont déposé plainte entre les mains du procureur de la République de Nice, pour abus de confiance et escroquerie commis en bande organisée.
Par jugement du 29 juillet 2015, le tribunal de commerce de Nice a retenu et validé l’offre de reprise des actifs de la SA Solabios de la société Reaton.
Par actes d’huissier du 6 juin 2017, invoquant avoir pris conscience de l’ampleur d’importantes pertes et se prévalant ne pas avoir été informé par la société Avenir défi des risques encourus en accordant sa confiance à la SA Solabios, M. [V] a fait assigner la SA MMA IARD devant le tribunal de commerce du Mans.
En cours de procédure, le liquidateur judiciaire de la SA Solabios a adressé à M. [V] un certificat d’irrécouvrabilité.
En l’état de ses dernières écritures devant le tribunal de commerce du Mans, M. [V] lui a demandé, au visa des articles 1147 et 1315 anciens du code civil, L. 533-13 et L. 541-8-1 du code monétaire et financier, 325-3, 325-4 et 325-7 du règlement général de l’AMF et L. 124-3 du code des assurances, de :
– dire et juger que la société Avenir défi a qualité à défendre du fait de son intervention dans le cadre de la souscription de l’investissement litigieux,
– dire et juger que son action n’est pas prescrite,
– le recevoir dans sa demande,
– dire et juger que la société Avenir défi n’a pas rempli son obligation d’information et son obligation de conseil à son égard,
– dire et juger qu’il a subi un préjudice financier de 61.361,50 euros et un préjudice moral de 9.500 euros,
subsidiairement,
– dire et juger que son préjudice s’analyse en une perte de chance qu’il convient d’indemniser à hauteur de 100%,
– dire et juger qu’il existe un lien de causalité entre les fautes commises par la société Avenir défi qui a manqué à ses obligations et les préjudices qu’il a subis,
en conséquence,
– condamner MMA IARD à lui payer la somme de 61.361,50 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,
subsidiairement,
– condamner, au titre de la perte de chance, MMA IARD à lui payer la somme de 35.364 euros, correspondant au montant investi, actualisée à un taux moyen de 5% depuis la date de souscription de chaque contrat jusqu’à parfait paiement au titre de la perte de chance,
– condamner MMA IARD à lui payer la somme de 9.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
– condamner MMA IARD à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En défense, la SA MMA IARD a entendu voir, à titre principal, au vu des articles 30, 31, 32 et 122 du code de procédure civile, L. 228-54, L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce, 2224 du code civil, dire et juger que l’action du demandeur à son encontre est prescrite mais aussi irrecevable en raison du monopole d’action dévolu au liquidateur judiciaire de la SA Solabios et, le cas échéant, de celui du représentant de la masse des obligataires ; débouter le demandeur en conséquence de toutes ses demandes à son encontre. A titre subsidiaire, elle a sollicité du tribunal qu’il juge que le demandeur ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une faute, ni d’un préjudice indemnisable, ni du lien de causalité entre les préjudices invoqués et les fautes alléguées, qu’il le déboute en conséquence de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre.
Par jugement du 15 novembre 2019, le tribunal de commerce du Mans a :
– dit que l’action engagée par M. [V] à l’égard de MMA IARD, assureur de Avenir défi, est irrecevable comme prescrite,
– débouté en conséquence M. [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’égard de la société MMA IARD,
– dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [V] à payer les entiers dépens,
– débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.
Par déclaration du 3 janvier 2020, M. [V] a interjeté appel de ce jugement.
M. [V], d’une part, la SA MMA IARD, d’autre part, ont conclu.
Une ordonnance du 21 novembre 2022 a clôturé l’instruction de l’affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [V] demande à la cour de :
– infirmer le jugement,
statuant à nouveau,
– condamner la société MMA IARD à lui payer la somme de 35.364 euros,
– condamner la société MMA IARD à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
– débouter la société MMA IARD de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner MMA IARD à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société MMA IARD aux entiers dépens.
La SA MMA IARD prie la cour de :
à titre principal,
– confirmer le jugement,
à titre subsidiaire,
– dire et juger que M. [V] ne rapporte pas la preuve de l’existence ni d’une faute, ni d’un préjudice indemnisable, ni du lien de causalité entre les préjudices invoqués et les fautes alléguées,
– débouter en conséquence M. [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre,
en tout état de cause,
– condamner M. [V] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
– le 21 novembre 2022 pour M. [V],
– le 10 novembre 2022 pour la SA MMA IARD.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription :
M. [V] fonde sa demande d’indemnisation sur un manquement de la société Avenir défi à son devoir d’information et de conseil. L’indemnisation est réclamée au titre d’une perte de chance de ne pas s’être engagé.
Les premiers juges ont retenu pour point de départ du délai de prescription quinquennal de l’action, la date de souscription du contrat Solabios SEP, en application de l’article 2224 du code civil, soit le 23 avril 2010.
Ils sont approuvés par l’intimée qui fait valoir que le dommage invoqué s’est manifesté au jour de la conclusion du contrat. Partant de ce que M. [V] ne réclame pas l’indemnisation de la perte de son investissement ni de l’absence de paiement des loyers mais l’indemnisation de la perte de chance de mieux investir ses capitaux, conformément à la règle selon laquelle en matière d’investissement, le préjudice né d’un manquement d’un intermédiaire à son obligation d’information et/ou de conseil s’analyse en une perte de chance de ne pas souscrire à l’investissement litigieux ou une perte de chance de mieux investir des capitaux, elle fait valoir que, si le dommage résultant de la perte des investissements de M. [V], qui ne peut être imputé à Avenir défi, ne s’est révélé que postérieurement à la conclusion du contrat, la perte de chance de mieux investir ses capitaux était, quant à elle, constituée dès la conclusion du contrat, fixant ainsi le point de départ du délai de prescription de son action en responsabilité. Elle ajoute que le manquement invoqué correspond à un événement qui se rattache à la conclusion du contrat et non à son exécution.
Subsidiairement, la SA MMA IARD soutient que si le point de départ du délai de prescription devait se situer au jour où M. [V] a eu connaissance de son prétendu dommage, là encore, son action serait prescrite dès lors qu’il indique, dans ses propres écritures, n’avoir pu que ‘percevoir les six premiers trimestres de loyers versés par Solabios à la SEP’, de sorte que, dès le trimestre suivant, soit au plus tard à la fin du mois du janvier 2012, il avait pris conscience de l’absence de garantie de son investissement et des risques de perte, et était en mesure de connaître les faits qui lui permettaient d’exercer son action à l’encontre de MMA.
Elle souligne que M. [V] ne démontre pas avoir perçu les loyers prévus jusqu’au mois de juillet 2012, comme il le prétend sans aucune justification.
M. [V] répond que la prescription, en matière d’investissements financiers, ne peut commencer à courir que lorsque l’investisseur a eu connaissance de son dommage.
Il expose que, le 2 juillet 2012, il recevait une lettre de la société Solabios lui promettant des perspectives prometteuses pour le groupe et, le 11 juillet 2012, une lettre du mandataire ad-hoc de Solabios, invitant les investisseurs à patienter dans l’attente de solutions qui devaient être trouvées.
Il indique que lorsque le premier loyer ‘contractuellement prévu’ n’a pas été versé, il ne pouvait considérer qu’il ne percevrait aucun loyer et plus encore qu’il ne récupérerait pas une partie du montant investi comme le prévoyait son contrat. Il souligne que la société Solabios a fait l’objet le 17 octobre 2013 d’une simple procédure de sauvegarde, convertie le 20 décembre 2013 en procédure de redressement judiciaire, puis en procédure de liquidation judiciaire le 4 février 2015. Il fait valoir que ce n’est que la délivrance du certificat d’irrécouvrabilité, qui lui a été délivré le 16 septembre 2019, qui signe la perte définitive de la créance.
Il en déduit que le point de départ du délai de prescription ne peut se situer au jour du non paiement du premier loyer mais, au plus tôt, à la date de la lettre du mandataire ad hoc, soit le 11 juillet 2012, bien qu’à cette date les investisseurs ne pouvaient avoir encore pleinement conscience du dommage, seule la question des loyers étant évoquée, sans que soit envisagée la perte du capital investi.
Il prétend que les manquements de la société Avenir Defi se sont pleinement manifestés à lui le jour où l’Autorité des marchés financiers, dans le cadre de son enquête dirigée contre la société Solabios, dans sa décision rendue publiquement le 23 juillet 2013, a identifié de graves lacunes dans la plaquette commerciale conçue par cette société sur les risques encourus par les investisseurs et dont la société Avenir Defi aurait dû lui faire part.
Il conclut que la date à laquelle le dommage est révélé ne peut être antérieure à la date de publication de la décision de l’AMF ou, à tout le moins, à la lettre du mandataire ad hoc du 11 juillet 2012, et la date de la réalisation du dommage ne peut être antérieure à la date de la liquidation judiciaire de Solabios.
En tout état de cause, il affirme avoir perçu les loyers jusqu’au mois de juillet 2012.
Sur ce,
Aux termes de l’article L. 110-4- I du code de commerce, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Il résulte des dispositions de l’article 2224 du code civil que la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
Dans le cas présent, M. [V] recherche la responsabilité de la société Avenir défi pour ne pas l’avoir informé des risques encourus et lui avoir conseillé un produit d’investissement qui ne répondait pas à ses attentes telles qu’elles sont énoncées dans le bilan patrimonial.
Le dommage résultant d’un tel manquement consistant en la perte d’une chance de ne pas contracter s’est réalisé le jour de la souscription du contrat mais ne s’est révélé à M. [V] que le jour où les risques que présentait son investissement sur la rentabilité attendue se sont réalisés, soit en l’occurrence, lors du premier défaut de paiement du loyer, lequel n’a pu que lui faire apparaître, avant même que l’autorité des marchés ne relève des irrégularités sur la plaquette de présentation du produit par la société Solabios, que le rendement prévu n’était pas réellement garanti mais dépendait de la capacité de la société Solabios à respecter son engagement, une telle défaillance révélant par là-même le risque affectant l’ensemble du montage de l’opération financière à laquelle il avait souscrit y compris celui de perte du capital investi, de sorte que la prescription de son action n’a qu’un seul et même point de départ et n’a pas à être reporté au jour où la perte de ses capitaux a été constatée par le certificat d’irrecouvrabilité.
Reste que la date du premier impayé est contestée.
M. [V] a reconnu avoir reçu six loyers trimestriels. La question se porte donc sur la date à laquelle il a perçu le premier loyer.
Pour soutenir que le premier impayé n’est pas antérieur au 1er juillet 2012, M. [V] s’appuie sur une lettre que lui a adressée la société Solabios, le 14 mai 2010, lui confirmant avoir reçu ses fonds, les porter à l’encaissement à compter du 21 mai 2010, et l’informant que la date prévisionnelle de l’installation de [sa] centrale photovoltaïque était prévue au quatrième trimestre 2010, qu’une copie du constat d’huissier de justice attestant de la bonne fin des travaux lui sera adressée et que les premiers revenus trimestriels (soit 353,50 €/ trimestre/unité) lui seront versés au plus tard le 1er juillet 2011.
Force est de constater que M. [V] ne produit aucun élément justificatif de la date du premier loyer perçu ni de la date d’installation des centrales photovoltaïques. La date du 1er juillet 2011 indiquée seulement comme une date limite ne peut être retenue dans la mesure où, dès lors que M. [V] indique avoir perçu six loyers, cela ferait reporter le premier impayé au 1er janvier 2013, ce qui est contraire au dossier. Pour autant, aucun élément du dossier ne permet de contredire l’affirmation de M. [V] selon laquelle le premier loyer impayé est celui de juillet 2012, ce qui ferait remonter le premier loyer payé au 1er janvier 2011.
En conséquence, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action est rejetée et le jugement infirmé.
Sur la recevabilité de l’action au regard du monopole d’action dévolu au liquidateur judiciaire
La SA MMA IARD soutient que l’action de l’appelant est encore irrecevable dès lors qu’elle s’oppose au monopole d’action dévolu au liquidateur judiciaire de Solabios qui a seul qualité pour agir dans l’intérêt collectif des créanciers en application de l’article L. 622-20 du Code de commerce. Elle considère que M. [V] réclame, sous couvert d’un préjudice indemnitaire, le remboursement, par un tiers, d’une créance qu’il détient à l’encontre de la société Solabios quand seul le liquidateur judiciaire a qualité à agir contre les tiers pour reconstituer l’actif social aux lieu et place de M. [V].
M. [V] répond que son action n’a pas pour finalité de réparer le préjudice résultant de l’impossibilité de recouvrer sa créance contre la société Solabios mais l’indemnisation d’un préjudice propre résultant des fautes du conseil en gestion de patrimoine à l’origine d’une perte de chance de mieux investir ses capitaux, étranger à la reconstitution du gage commun des créanciers. Il en déduit qu’il a un intérêt distinct de l’intérêt collectif des créanciers de Solabios.
Sur ce,
Il résulte des dispositions des articles L 622-20 et L 641-4 du code de commerce que seul le représentant des créanciers a qualité pour agir pour demander réparation du préjudice collectivement subi par les créanciers du fait de la procédure collective, et ce préjudice collectif ne peut donner lieu à une action individuelle d’un créancier.
Un créancier ne peut agir que s’il justifie d’un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers.
Dans le cas présent, M. [V] invoque un manquement du conseil en gestion de patrimoine à ses obligations d’information et de conseil pour l’avoir incité à investir dans un montage financier inadapté à sa situation, en omettant de l’informer sur les caractéristiques exactes de son engagement et sans lui signaler l’existence de risques pour le capital investi comme pour le versement des revenus garantis.
Le préjudice de M. [V] résultant de la perte de chance de ne pas avoir investi dans les sociétés en participation au regard d’un engagement garanti par la société Solabios est un préjudice distinct de celui de la société Solabios, de la perte de valeur des actions de cette société et de celui des créanciers de cette société, et les fautes invoquées à l’encontre du conseil en gestion de patrimoine n’ont pas contribué à la procédure collective de la société Solabios.
Le préjudice de M. [V] est donc distinct du préjudice collectif des créanciers.
Sur les manquements reprochés au conseil en gestion de patrimoine :
M. [V] expose que les obligations d’information et de conseil, dégagées par la jurisprudence, sont désormais consacrées par la loi à travers le statut de conseiller en investissements financiers applicable aux conseils en gestion de patrimoine ayant pour activité le «conseil et l’assistance en matière de gestion de patrimoine» selon l’article L. 311-2, 4° du code monétaire et financier et l’article L. 321-2, 3° dudit code et ce, par renvoi des dispositions de l’article L.541-1 du même code.
Il invoque différents textes dont, notamment, l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, en vigueur au moment des faits, imposant aux conseillers en investissements financiers de s’enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation et l’article 325-7 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers, en vigueur au moment des faits prévoyant, notamment, que «le conseil au client est formalisé dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu’elles comportent. Ces propositions se fondent sur 1° L’appréciation de la situation financière du client et de son expérience en matière financière – 2° Les objectifs du client en matière d’investissements. Ces deux éléments sont exposés, dans le rapport, de façon détaillée et adaptée à la qualité de personne physique ou morale du client». Il fait valoir qu’un tel contenu ne lui a pas été communiqué.
Il reproche à la société Avenir défi, non pas le produit d’investissement qu’elle lui a proposé, ni la déconfiture de la société Solabios, ni même les faits allégués de détournement mais de ne pas avoir rempli son obligation d’information et de conseil, et plus précisément :
– de ne pas avoir établi, préalablement à la souscription du contrat d’investissement, une étude pour permettre d’adapter l’opération proposée à la situation financière et patrimoniale de son client et de mesurer si le risque éventuel est proportionnel à ses capacités financières ;
– de ne pas avoir porté à sa connaissance les aléas que comportait l’investissement proposé par Solabios pour lui permettre de mesurer, avant la souscription du contrat, l’étendue des risques financiers encourus, notamment les risques de non perception des loyers auxquels il s’exposait en cas de déconfiture de Solabios, risques dont les stipulations du contrat signé avec Solabios ne permettaient pas de mesurer l’impact sur la fiabilité annoncée du placement.
Il ajoute que la société Avenir défi s’est elle-même obligée à une obligation de résultat, indiquant dans le bilan patrimonial qu’elle lui a adressé «vous êtes à la recherche de placements en ré-emploi de la vente d’un bien immobilier pour dégager des revenus réguliers totalement sécurisés».
– de s’être limitée à lui remettre une plaquette commerciale éditée par la société Solabios, laquelle indiquait : «Un investissement sans contraintes – Des revenus garantis et revalorisés (‘) Solabios s’engage contractuellement à verser à tout investisseur 8% HT pendant 20 ans».
M. [V] fait observer qu’il n’était donc fait état d’aucun risque lié à l’investissement, et notamment la baisse du prix de rachat de l’électricité par EDF, ou à la déconfiture de Solabios ni de l’existence d’un risque réel dans la constitution de société en participation, amenant à créer un actif indivis et un passif commun dont chaque associé devenait indéfiniment et solidairement responsable. Il ne lui a pas été précisé que la garantie de revenus n’était pas absolue et supposait le succès économique de la société Solabios. En effet, la plaquette fournie intitulée «Faites-vous une place au soleil !» se contentait au contraire d’une information imprécise, en laissant penser que l’investissement consistait en une acquisition de matériel photovoltaïque, au lieu d’insister sur l’acquisition de parts de société en participation. Le contenu de l’information de la plaquette était particulièrement imprécis et s’est d’ailleurs révélé inexact. En particulier, cette plaquette présentait un pourcentage certain de rentabilité de 8%, revalorisé chaque année de 1,5 % alors que la décision du 23 juillet 2013 de la commission des sanctions de l’AMF indique que le rendement final était en réalité de 5.80 %. Il souligne que la rentabilité présentée de l’investissement comme étant garantie était une caractéristique essentielle de l’engagement. Au moyen invoqué par l’intimée selon lequel il ne prouve pas que la remise de cette plaquette aurait été effectuée par son conseil en gestion de patrimoine, M. [V] répond que celui-ci ne le conteste pas, n’étant pas partie à la procédure, et que si tel n’était pas le cas, il faudrait dès lors en conclure qu’il ne lui aurait remis aucun document d’information relatif à cet investissement.
– de ne pas avoir vérifié si les conditions de rentabilité étaient réalisables au moment de la souscription, en avril 2010, et de ne pas lui avoir présenté d’autres produits d’investissements.
– de ne pas lui avoir conseillé d’exercer le choix de maintenir son investissement ou de devenir actionnaire de la société Solabios ou encore lorsque les difficultés financières de cette société était parfaitement connues, ni même en 2013, lorsque l’AMF s’est positionnée sur la question.
M. [V] souligne qu’il était musicien indépendant, n’avait aucune expérience, ni aucune connaissance au regard de l’investissement qu’il a fait et que le fait qu’il ait effectué plusieurs investissements à cette période par l’intermédiaire d’Avenir défi ne prouve rien, sinon qu’il cherchait à sécuriser son patrimoine, comme il l’avait d’ailleurs indiqué à son conseil en gestion de patrimoine qui avait bien noté que son objectif était de «dégager des revenus réguliers».
La SA MMA IARD fait valoir que le conseil en gestion de patrimoine sur lequel ne pèse qu’une obligation de moyen ne peut être garant de la rentabilité du produit ni de la stratégie patrimoniale adoptée et que les éventuels manquements à ses obligations professionnelles ne peuvent s’apprécier qu’au regard de l’état des connaissances au jour où il intervient, sauf à prouver qu’il aurait dû en avoir connaissance au titre de son obligation de renseignement, et en fonction des compétences particulières de son client, de sorte que l’obligation d’information et de conseil s’efface lorsque le client est averti ou dispose déjà d’une information adéquate, en rappelant que la jurisprudence considère que le devoir d’information ne s’applique pas à ce qui est nécessairement de la connaissance de tous. Elle ajoute que, sauf preuve contraire, les obligations du conseil en gestion de patrimoine dont l’intervention consiste à aider à la souscription de l’opération ne peuvent être étendues au-delà de ses obligations d’information ou de conseil, et notamment aux difficultés auxquelles le client peut être exposé à l’occasion de la réalisation de l’opération proposée.
Elle soutient que, dans le cas présent, le conseil en gestion de patrimoine n’avait pas à signaler la possible défaillance de la société locataire à payer régulièrement les loyers, information connue de tous.
Après avoir relevé que, dans ses conclusions, l’appelant considère que ce qui est reproché au conseil en gestion de patrimoine ‘n’est ni le produit d’investissement vendu (‘), ni la déconfiture de la société Solabios, ni même les faits allégués de détournements, mais bien le manquement à son obligation d’information et de conseil en sa qualité de conseil en investissement financier’, ce qui devrait conduire, selon elle, à exclure la responsabilité du conseil en gestion de patrimoine pour absence de lien de causalité entre les manquements allégués et le préjudice dont les causes ne sont pas identifiables, elle conteste tous les manquements invoqués par l’appelant en répondant que :
– les griefs tenant à ne pas avoir délivré les documents énumérés aux articles 325-4 et 325-7 du règlement général de l’AMF, à savoir la lettre de mission et le rapport écrit, outre qu’elle estime que rien n’indique qu’à l’époque de l’investissement, il était possible aux différents acteurs de la relation de considérer que l’investissement litigieux était régi par ces dispositions et que le premier grief n’est pas fondé puisqu’une lettre de mission a bien été établie ne sont pas de nature à engager à eux-seuls la responsabilité civile du conseil en gestion de patrimoine en l’absence de préjudice directement causé par le non-respect de ces règles professionnelles ;
– l’appelant omet d’indiquer que son investissement dans le produit Solabios s’inscrivait dans une stratégie patrimoniale d’ensemble, dans laquelle l’investissement litigieux ne représentait qu’une part infime de la totalité des investissements par lui réalisés, composés essentiellement d’investissements immobiliers. Ainsi, le caractère potentiellement plus risqué de cet investissement, par rapport par exemple à un investissement sur un contrat d’assurance vie en fonds euros, avait été pris en compte par M. [V] et Avenir défi, puisque l’investissement Solabios avait été volontairement limité à 11% des sommes investies en 2010. Elle souligne ainsi que les sommes investies dans le produit Solabios étaient peu importantes au regard de son patrimoine total qui s’élevait à 680.000 euros à cette date ;
– les critiques tenant au contenu mensonger de la seule plaquette d’information éditée par Solabios sont inopérantes dès lors qu’aucun élément de preuve ne permet d’établir que cette plaquette a été remise par le conseil en gestion de patrimoine à l’investisseur, de sorte que la décision de l’AMF du 23 juillet 2013 est sans effet sur la présente affaire, d’autant plus que cette décision se rapporte à un document qui est postérieur à l’investissement en cause et qui est un simple ‘flyer’ sans valeur contractuel ;
– la société Avenir défi n’a jamais laissé croire à M. [V] que le produit était infaillible et ‘totalement sécurisé’ ;
– il ne peut être reproché au conseil en gestion de patrimoine de n’avoir pas identifié des irrégularités que ni l’introducteur en bourse, ni l’autorité de tutelle, n’ont détectées et signalées, d’autant que les risques qui se sont réalisés, et qui ont conduit aux préjudices réclamés par l’appelant, ne résultent pas du produit Solabios lui-même qui, au contraire, au regard des éléments dont disposaient à l’époque les conseils en gestion de patrimoine, en particulier du rapport d’introduction en bourse, apparaissait être un produit viable et sérieux, reposant sur un montage économique viable et réel, porté par l’essor d’un secteur, qui, en 2010, pouvait légitimement apparaître comme extrêmement prometteur, ce que relayait la presse spécialisée, mais relève bien plutôt de faits qui présentent tous les aspects de la force majeure, et particulièrement celui de l’imprévisibilité, dès lors que l’échec de l’investissement, et plus généralement les déboires de la société Solabios, résulteraient à la fois d’un système pyramidal type «Ponzi» et de faits de détournements commis par les dirigeants de la société, contre lesquels des investisseurs, regroupés, ont déposé plainte ;
– qu’il ne peut être reproché au conseil en gestion de patrimoine de ne pas avoir alerté son client sur des risques théoriques qui ne se sont pas réalisés, à savoir, le risque lié à la baisse du prix de rachat de l’électricité par EDF, décidée par arrêté du 12 janvier 2010, soit avant la souscription de son investissement, d’autant moins qu’il n’est pas démontré que la modification des tarifs aurait eu un impact sur l’efficience du modèle économique de Solabios telle qu’elle aurait mis en péril la société, et le risque de responsabilité indéfinie et solidaire lié au statut d’associé de société en participation ;
– qu’en outre, l’affirmation selon laquelle M. [V] aurait reçu des informations inexactes quant à la nature de son investissement, qui lui auraient laisser croire que «son investissement consistait en une acquisition de matériel photovoltaïque, au lieu d’insister sur l’acquisition de parts de société en participation est inopérante dès lors, notamment, que la perte de son investissement n’est nullement la conséquence du montage juridique mis en place et que, contrairement à ce qu’il affirme pour les besoins de la cause, le contrat qu’il a signé ainsi que les documents qu’il verse au débat ne laissent aucune ambiguïté quant à la nature de son investissement, qui ne lui a jamais été présenté autrement que comme un investissement dans une SEP ;
– s’agissant du reproche fait par M. [V] au conseil en gestion de patrimoine de ne pas l’avoir informé du prétendu taux réel de rentabilité de l’investissement, lequel aurait été de 5,80% et non de 8%, elle fait valoir que M. [V] ne démontre pas, d’une part, qu’à la date de la réalisation de l’investissement, le taux de rendement annoncé était faux et que son caractère éventuellement erroné était connu à l’époque, ni, d’autre part, qu’avec un taux de rendement de 5,80 % par an, il n’aurait pas investi.
Sur ce,
Le conseiller en investissement, qui propose un placement financier à son client, est tenu de l’informer sur les caractéristiques des produits proposés, l’intensité de cette obligation étant dépendante des connaissances que peut avoir le client de la nature de l’investissement.
Dans le cas présent, le mécanisme de l’investissement est décrit dans le contrat que M. [V] a signé avec la société Solabios. Il y est précisément indiqué qu’il devient associé d’une SEP et quels étaient le rôle et l’engagement de la société Solabios.
Il importe peu de relever l’existence d’un risque d’un engagement illimité qui résulterait du statut d’associé d’une société en participation, dès lors qu’il ne s’est pas réalisé.
Il n’est pas établi qu’au moment où le conseil en gestion de patrimoine a proposé l’investissement en cause, auraient pu être obtenues des informations mettant en doute la fiabilité du modèle économique de la société Solabios. Au contraire, le rapport d’introduction en bourse faisait apparaître des perspectives très favorables, ce que la presse de l’époque confirmait.
A la lecture du contrat conclu avec la société Solabios, l’investisseur avait connaissance de ce que le rendement de son investissement provenait des loyers que versait la société Solabios, lesquels correspondaient à 8 % du montant de l’investissement, sur la base d’un engagement que cette société prenait sur cent vingt mois. Il n’est pas démontré que ce montant serait inexact, ce qui ne ressort pas de la décision de l’AMF qui se rapporte au rendement de l’investissement et non au montant du loyer, et sur la base d’éléments postérieurs à la date de l’investissement en cause.
Le risque de défaillance d’une société commerciale est connu de tous. Le conseil en gestion de patrimoine n’avait donc pas à le signaler à son client. Il n’avait pas davantage à signaler les risques anormaux tel le risque de fraude pouvant être commis par l’opérateur du projet.
Contrairement aux allégations de M. [V], il n’est pas démontré que la société Avenir défi lui aurait affirmé sans réserves que le rendement de son investissement lui était garanti.
Il n’est pas non plus établi qu’elle lui aurait remis la plaquette commerciale de la société Solabios.
Par suite, la décision de l’Autorité des Marchés Financiers, intervenue au mois de juillet 2013, qui a sanctionné la SA Solabios pour n’avoir pas respecté les obligations relatives à l’intermédiation en biens divers en ne soumettant pas sa documentation à l’AMF préalablement à sa diffusion, et dont elle a relevé les insuffisances, ne permet pas d’étayer une faute du conseil en gestion de patrimoine.
Le non-respect des règles résultant des textes du code monétaire et financier et du règlement général de l’Autorité des marchés financiers qui sont visés par l’appelant dans ses conclusions, autres que celle relative à l’établissement d’une lettre de mission, qui a été remplie, et celle qui sera examinée plus loin tenant à l’établissement d’un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu’elles comportent, n’est pas en lui-même à l’origine du préjudice invoqué, ne s’agissant que de prescriptions formelles.
Il ne ressort pas de la lettre de mission signée par M. [V] que la société Avenir défi se serait vue confier le suivi de l’investissement. Elle ne peut donc être tenue à ce titre.
En revanche, il appartenait à la société Avenir défi, en vertu de son obligation de conseil, de proposer à son client un investissement en adéquation avec ses attentes et sa situation financière et patrimoniale.
Il sera rappelé que le devoir de conseil s’apprécie en fonction, d’une part de la situation financière du client et de son expérience en matière financière et, d’autre part, des objectifs du client en matière d’investissements.
Le bilan patrimonial établi le 21 avril 2010 par la société Avenir défi indique expressément que M. [V] est ‘à la recherche de placements en ré-emploi de la vente d’un bien immobilier pour dégager des revenus réguliers totalement sécurisés’. Ce bilan, taisant sur les revenus de M. [V], fait seulement apparaître qu’il était propriétaire de deux biens immobiliers d’une valeur totale de 480 000 euros et avait des liquidités en banque d’un montant de 200 000 euros. La seule recommandation générale mentionnée sur ce bilan était de ‘diversifier vos actifs sur de nouveaux supports financiers’.
La SA MMA IARD avance que l’investissement en cause s’inscrit dans un projet de diversification. Elle justifie, en effet, que M. [V] a souscrit à la même période d’autres produits d’investissement pouvant présenter plus de sécurité.
Pour autant, il n’est pas justifié de l’élaboration d’un rapport écrit tel que prévu à l’article 325-7 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers, en vigueur au moment des faits prévoyant que le conseiller formalise son conseil en justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu’elles comportent.
Cette exigence s’appliquait, en vertu de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier, à la société Avenir défi en sa qualité de conseil en gestion de patrimoine ayant pour activité le conseil sur la réalisation d’opérations sur biens divers définis à l’article L. 550-1 du même code.
Quoiqu’il en soit, la société Avenir défi se devait, en exécution de son obligation de conseil que lui imposait son rôle de conseil en gestion de patrimoine, d’éclairer M. [V], au vu de ses faibles revenus, sur l’intérêt pour lui de souscrire, contrairement à ses objectifs déclarés, un investissement qui ne lui garantissait pas des revenus réguliers de façon sécurisée, puisque les revenus provenant des loyers étaient soumis à l’aléa portant sur les capacités financières de la société Solabios de tenir ses engagements, que pouvait rendre encore plus incertains la baisse du tarif d’achat de l’électricité par EDF, ce que la société Avenir défi ne devait pas ignorer. Par suite, en conseillant à son client, profane en la matière d’investissements de ce type, un tel produit qui ne correspondait pas à ses besoins tels qu’ils avaient été clairement identifiés, sans lui avoir particulièrement signalé les risques encourus quant à la perte non seulement de rentabilité des fonds investis mais également de capital, la société Avenir défi a manqué à son obligation de conseil.
Sur l’indemnisation :
Le dommage résultant d’un manquement à l’obligation d’information et de conseil consiste en une perte de chance de ne pas contracter.
La réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. M. [V] n’est donc pas fondé à demander un montant d’indemnisation correspondant à l’intégralité des fonds investis.
Le manquement du conseil en gestion de patrimoine à son obligation de conseil a fait perdre à M. [V] une chance de placer ses fonds dans un investissement sécurisé lui donnant la garantie de revenus réguliers sans risques et de conservation du capital.
Il est à l’origine du préjudice invoqué, et ce, indépendamment de la qualité intrinsèque du produit ou des détournements qui ont pu conduire à la déconfiture de la société Solabios.
L’appréciation de la perte de chance de ne pas choisir l’investissement litigieux dépend des avantages que présentait le placement proposé, mais aussi des attentes de l’investisseur.
Au cas présent, tenant compte à la fois de ce que l’investissement litigieux pouvait entrer dans une logique de diversification, mais aussi du besoin impératif de M. [V] de revenus sécurisés, cette perte de chance de renoncer à l’investissement et d’effectuer un placement répondant à son objectif de sécurité, doit être évaluée à un peu moins de 80%. Il lui sera donc alloué la somme de 28 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Il n’est nullement démontré que M. [V] a subi un préjudice moral occasionné par les manquements imputables à la société Avenir défi.
Sur les demandes accessoires :
La SA MMA IARD, qui succombe, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à M. [V] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris.
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l’action de M. [V].
Dit que la société Avenir défi a engagé sa responsabilité par un manquement à son obligation de conseil.
Condamne la SA MMA IARD à payer à M. [V] la somme de 28 000 euros en réparation de son préjudice économique.
Déboute M. [V] de sa demande d’indemnisation d’un préjudice moral.
Condamne la SA MMA IARD à payer à M. [V] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SA MMA IARD aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL