Location de matériel : 16 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/01344

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Location de matériel : 16 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/01344
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16 mars 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
21/01344

N° RG 21/01344 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IXJD

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 16 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 15 Février 2021

APPELANTE :

S.A.S. LOXAM POWER

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Rose-Marie CAPITAINE, avocat au barreau de DIEPPE

INTIME :

Monsieur [J] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

présent

représenté par Me Thierry LEVESQUES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 07 Février 2023 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 07 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 16 Mars 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 16 Mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [J] [F] a été engagé par la SAS Loxam Power en qualité de responsable de parc par contrat de travail à durée indéterminée du 25 novembre 2002.

Par avenant du 4 juin 2008 à effet au 1er juillet 2008, le salarié a été nommé aux fonctions de mécanicien.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective de la Distribution et location de matériel agricole.

Le licenciement pour faute grave a été notifié au salarié le 5 février 2018.

Par requête du 24 septembre 2018, M. [J] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen en contestation de son licenciement, ainsi qu’en paiement de rappels de salaire et d’indemnités.

Par jugement du 15 février 2021, le conseil de prud’hommes a dit le licenciement de M. [J] [F] sans cause réelle et sérieuse, condamné la SAS Loxam Power à verser à M. [J] [F] les sommes suivantes :

indemnité de licenciement : 12 060,63 euros,

indemnité de préavis : 5 640,20 euros,

congés payés sur préavis : 564,02 euros,

salaire de mise a pied : 378,30 euros,

congés payés sur mise a pied : 37,83 euros,

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 19 000 euros,

indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros,

débouté la SAS Loxam Power de l’ensemble de ses demandes, laissé les dépens de l’instance à la charge de la SAS Loxam Power.

La SAS Loxam Power a interjeté appel le 30 mars 2021.

Par conclusions remises le 13 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SAS Loxam Power demande à la cour de :

– réformer le jugement en ce qu’il a considéré que le licenciement de M. [J] [F] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et l’a condamnée à verser à M. [J] [F] les sommes suivantes :

indemnité de licenciement : 12 060,63 euros,

indemnité de préavis : 5 640,20 euros,

conges payés sur préavis : 564,02 euros,

salaire de mise a pied : 378,30 euros,

congés payes sur mise a pied : 37,83 euros,

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 19 000 euros,

indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros,

en conséquence,

– rejeter l’ensemble des demandes de M. [J] [F],

– condamner M. [J] [F] au paiement de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 16 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [J] [F] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ses dispositions, sauf à voir majorer le montant des dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 36 000 euros,

– à titre subsidiaire, juger à tout le moins que son licenciement ne peut reposer sur une faute grave et en conséquence, confirmer les condamnations prononcées en première instance,

– en toute hypothèse, condamner la SAS Loxam Power au paiement des entiers dépens, en ce compris les frais et indemnités pouvant s’attacher à l’exécution de l’arrêt.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 19 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur le licenciement

La SAS Loxam Power fait valoir qu’il a été notifié au salarié une mise à pied à titre conservatoire, que chacun des griefs est avéré et justifié, que le salarié a multiplié les manquements alors qu’il avait été sanctionné quelques mois plus tôt pour avoir occasionné un accident avec un véhicule de la gendarmerie en état d’ébriété, ce qui justifie son licenciement pour faute grave.

M. [J] [F] soutient avoir été sanctionné deux fois pour les mêmes faits et conteste les griefs qui lui sont imputés, considérant que l’employeur n’en rapporte pas la preuve, la totalité du dossier reposant sur les appréciations de Mme [T] [K] dont le passage au sein de l’agence Loxam a été aussi éphémère que désastreux puisque trois des quatre salariés de l’agence ont été licenciés en quelques semaines pour des motifs fallacieux.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement du 5 février 2018 qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

‘….

– Non respect des règles élémentaires de sécurité et ce malgré plusieurs rappels à l’ordre de votre hiérarchie, tels que :

– refus du port de la ceinture de sécurité lors des manoeuvres au volant du chariot du parc,

– vitesse excessive au volant du chariot du parc

– refus de stationnement en marche arrière

– non respect du code de la route : vous vous engagez systématiquement en contre-sens du rond-point à la sortie de l’agence et ce malgré la présence d’un panneau indiquant le sens à respecter.

Vous avez soutenu qu’il ne s’agit pas de refus mais d’oubli.

– le 3 janvier 2018, vous avez eu à l’égard de Madame [T], votre responsable d’agence, un comportement menaçant et insultant, lorsque cette dernière a ouvert -par erreur- un colis personnel que vous avez choisi de faire livrer à l’agence.

– le 4 janvier 2018, une nouvelle fois vous avez fait preuve de violence verbale et physique toujours à l’égard de votre supérieur hiérarchique, cette fois-ci en cassant une tablette en bois du comptoir en tapant dessus.

Au cours de l’entretien vous avez expliqué la casse par le fait que vous vous étiez appuyé dessous.

– le 8 janvier 2018, vous avez impliqué dans un accident de la route et après étude des circonstances, votre responsabilité est engagée à 100%.

– vous avez fait l’objet d’une contravention pour excès de vitesse de 121 km au lieu de 90km.

Nous sommes forcés de constater que malgré la rétrogradation dont vous avez fait l’objet en janvier 2017, vous persistez à ne pas respecter les règles élémentaires de sécurité.

Ces comportements à risque nous font craindre des dangers pour votre sécurité, celles de vos collègues et autres automobilistes ou piétons se trouvant sur la route/cour.

L’entreprise fait de la sécurité un axe prioritaire et il est donc de notre responsabilité de faire respecter les règles en vigueur dans l’entreprise.

Loxam Power est certifié MASE, à ce titre nous attendons un comportement de sécurité irréprochable.

Ainsi, et compte tenu des faits, de leur gravité et de leur répétitivité, nous avons pris la décsion de vous licencier pour faute grave……’

C’est sans aucune ambiguïté quant à sa nature, que le 26 janvier 2018, la SAS Loxam Power a notifié par remise en mains propres à M. [J] [F] sa mise à pied à titre conservatoire à effet immédiat, dans l’attente de la décision à intervenir, de sorte qu’il convient de rejeter le moyen tenant à l’existence d’une double sanction.

Concernant le non-respect des règles de sécurité, l’employeur verse au débat le courriel adressé par Mme [T] [K], responsable d’agence à [R] [S] le 8 décembre 2017 lui demandant de traiter avec M. [J] [F] de la question des consignes de sécurité, elle-même lui ayant fait la remarque concernant le respect de la vitesse sur le site et constatant qu’il ne porte toujours pas la ceinture de sécurité sur le chariot et ne se gare pas en marche arrière, précisant que la prochaine fois, il aura un avertissement écrit.

Le salarié communique l’attestation de M. [R] [S], responsable d’atelier, qui contredit cette situation, précisant que le salarié a toujours respecté les règles de sécurité au sein de l’agence, ceinture et vitesse avec le chariot élévateur, véhicule garé en marche arrière.

Aussi, à défaut d’autres éléments, ce fait n’est pas établi.

Conformément aux dispositions de l’article L.1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Néanmoins, si un fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à une sanction au-delà du délai de deux mois, l’employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif est constaté, à condition toutefois que les deux fautes procèdent d’un comportement identique et l’employeur peut prendre en compte un fait antérieur à deux mois, dans la mesure où le comportement du salarié a persisté dans ce délai.

En l’espèce, dès lors que la vitesse excessive est rattachée au non respect des règles élémentaires de sécurité et qu’à ce titre il est également reproché au salarié sa responsabilité dans un accident de la circulation du 8 janvier 2018, la prescription n’est pas acquise.

Aussi, alors que le salarié ne remet pas en cause qu’il était conducteur du véhicule contrôlé, l’avis de contravention du 28 octobre 2017 adressé à la SAS Loxam Power pour un excès de vitesse commis le 12 septembre 2017 à 16h05 suffit à établir le manquement du salarié.

Il est également justifié de la responsabilité du salarié dans la survenance d’un accident de la circulation le 8 janvier 2018 alors qu’il conduisait un véhicule professionnel, puisqu’il résulte du constat amiable alors établi que le salarié a percuté un véhicule se trouvant sur la voie de droite en faisant une manoeuvre de changement de file.

Concernant la circulation sur le rond-point que le salarié prend par la gauche, l’employeur communique l’attestation de M. [A], responsable d’agence, qui indique qu’à la sortie de l’agence du [Localité 5], au niveau du portail, il y a un panneau clairement positionné indiquant qu’il faut prendre le rond-point à droite, que d’ailleurs tous les véhicules le prennent ainsi sans aucun problème, y compris des camions de type semi-remorque plateau, ce que confirme M. [V] [D], chauffeur et se trouve corroboré par le procès-verbal dressé le 8 septembre 2020, par M. [I], huissier de justice, qui a photographié les lieux. Il en ressort en effet qu’au niveau du portail à la sortie de l’agence, sont implantés deux panneaux de signalisation, à savoir un Stop et une flèche imposant de prendre à droite.

Il est également constaté qu’un camion plateau avec grue et un camion plateau et son attelage peuvent prendre cette sortie sans difficulté en respectant le sens de circulation imposé.

Ainsi, alors que le salarié ne conteste pas la matérialité des faits, mais invoque ne jamais avoir fait de remarques à ce sujet car en réalité la sortie ne dessert que l’agence de sorte que la manoeuvre de contournement par la gauche ne pose pas difficulté, sauf qu’alors il ne prend pas en compte l’arrivée de véhicule se rendant sur le site de l’employeur qui serait nécessairement gênée par sa manoeuvre formellement interdite, le grief est établi.

S’agissant de son comportement à l’égard de sa supérieure hiérarchique, la SAS Loxam Power verse au débat :

– le mail du 3 janvier 2018 adressé par Mme [T]-[K], responsable d’agence, exposant que le matin même, M. [J] [F] lui avait extrêmement mal parlé à son arrivée à l’agence, en raison de ce que par erreur, elle avait ouvert un colis personnel qui lui était destiné, lui disant : ‘ Tu es qui toi pour ouvrir les colis ‘ Tu n’est pas Loxam, tu es [E] [T] [K]’ ; lui demandant ensuite qui elle était pour donner des directives à M. [U], intérimaire, en son absence, alors qu’il lui avait confié des tâches, lui disant qu’elle n’avait pas à donner de directives à M. [U], qu’elle faisait ‘chier’, propos répété à plusieurs reprises ; elle le décrit comme étant en état de forte colère et que lorsqu’elle lui a expliqué que son comportement n’était pas acceptable, elle a cru qu’il allait en venir aux mains et a donc laissé tomber.

Elle ajoute que le salarié remet constamment en cause son autorité devant l’équipe ;

– l’attestation de cette même responsable d’agence, qui relate que le 3 janvier 2018, M. [J] [F] l’avait menacée en lui disant que cela n’allait pas le faire, si elle continuait à donner des directives à l’atelier et qu’elle faisait ‘chier’, qu’au quotidien, lorsqu’elle lui rappelle qu’il doit respecter les consignes de sécurité, il lui répond d’arrêter de le faire chier ou d’aller se faire foutre. Concernant le 4 janvier, lors d’une explication avec M. [J] [F], il s’est énervé et depuis son bureau, elle l’a entendu frappé très violemment sur le comptoir de l’agence.

Si pour les faits du 4 janvier 2018, il existe un doute sur les circonstances dans lesquelles la tablette de comptoir a pu céder, le salarié expliquant que c’est en s’appuyant dessus et Mme [T] [K] se trouvant dans son bureau au moment où cet élément a cédé, comme elle le relate, de sorte qu’elle n’a pu décrire avec précision les circonstances dans lesquelles les faits sont survenus, en revanche l’attitude impertinente et irrespectueuse du salarié le 3 janvier 2018 se trouve corroborée par les termes du courriel que le salarié a adressé à l’employeur le 31 janvier 2018 puisqu’il vient présenter ses excuses au sujet des faits qui lui sont reprochés, prenant conscience qu’il n’avait pas eu le bon comportement, exprimant également des regrets et assurant son employeur qu’il peut travailler sur son comportement car avant tout il doit respecter les règles au sein de l’entreprise.

Aussi, si certains griefs reposent notamment sur les déclarations de Mme [T]-[K], responsable d’agence pour une durée relativement courte puisqu’il n’est pas discuté qu’elle a été engagée à compter 11 septembre 2017 avant d’être licenciée et de quitter l’entreprise le 20 avril 2018, et que le salarié allègue dès lors que les prétextes sont fallacieux comme reposant sur ses appréciations subjectives, parfois totalement mensongères, néanmoins, la cour observe que le précédent disciplinaire reposait sur un fait bien objectif avant l’arrivée de cette responsable d’agence, néanmoins, l’employeur apporte des éléments autres que les seules attestation et mail de Mme [T] [K] et le salarié ne conteste pas vraiment l’ensemble des griefs invoqués, voire même les reconnaît au moins partiellement dans son mail du 31 janvier 2018.

Dès lors, les manquements relatifs au non-respect de certaines règles de sécurité et au comportement irrespectueux à l’égard de sa responsable hiérarchique, alors qu’il a été sanctionné le 26 janvier 2017 d’une rétrogradation au poste de responsable de parc à compter du 1er février suivant pour avoir causé un accident de la circulation alors qu’il conduisait le véhicule d’intervention de la société en percutant un véhicule de gendarmerie en ne respectant pas un feu tricolore et alors qu’il présentait un état d’alcoolémie, constitue une faute grave, leur nature étant d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Par conséquent, la cour infirme le jugement entrepris et déboute M. [J] [F] de l’ensemble de ses demandes.

II – Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie principalement succombante, M. [J] [F] est condamné aux entiers dépens y compris de première instance, débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à la SAS Loxam Power la somme de 100 euros pour les frais générés par l’instance et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement pour faute grave est fondé ;

Déboute M. [J] [F] de l’ensemble de ses demandes ;

Condamne M. [J] [F] aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Condamne M. [J] [F] à payer à la SAS Loxam Power la somme de 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. [J] [F] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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