Objectifs du VRP irréalisables : la responsabilité de l’employeur

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Objectifs du VRP irréalisables : la responsabilité de l’employeur

En l’espèce, le contrat de travail conclu entre les parties comportait une clause d’objectif avec un chiffre d’affaires hors taxes minimal de 75 000 euros mensuel sur l’agence. Il n’est, en outre, nullement contesté que l’ensemble des agences de la société PARIVILLES situées sur le territoire français (3 agences lyonnaises, 1 agence lilloise, 1 agence parisienne, 1 agence nantaise et l’agence de montpellier) disposaient du même objectif chiffré, peu important le nombre de salariés et de commerciaux employés dont l’effectif moyen se trouvait situé entre 6,08 (agence de [Localité 9]) et 15,75 (agences de [Localité 7]), l’agence de [Localité 8] disposant pour sa part d’un effectif moyen de 7,83.

M. [O] [A] ne remet pas en cause le fait que son agence n’atteignait pas ce chiffre d’affaires de 75 000 euros HT au jour de la notification de son avertissement.

Cela étant, il résulte des pièces produites par l’employeur qu’aucune des agences de l’enseigne prise individuellement ne disposait sur la période du 1er janvier au 31 juillet 2019 d’un chiffre d’affaires mensuel moyen de 75 000 euros HT, cet objectif pourtant fixé par la société PARIVILLES n’étant jamais atteint quel que soit le nombre d’employés de l’agence.

L’employeur ne démontre pas non plus que les résultats de l’agence étaient en chute libre, se contentant de produire un document synthétique global sur 7 mois sans aucune distinction.

Par ailleurs, il résulte d’une publication faite par la société PARIVILLES quelques jours avant la notification de la sanction à M. [O] [A] que son agence de [Localité 8] a été distinguée dans le ‘classement et facturation Juin 2019’ comme la deuxième meilleure agence en terme de chiffre d’affaires, ce qui est, en totale contradiction, avec les reproches formulés à son encontre peu après.

Ainsi, compte tenu de ces éléments, la cour relève que les objectifs fixés à 75 000 euros HT n’étaient pas réalisables et que la sanction notifiée au directeur d’une agence préalablement mise en valeur pour ses bons résultats en terme de chiffre d’affaires est infondée à cet égard.


 

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 932/23

N° RG 21/01395 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TZJA

VCL/AA

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LANNOY

en date du

21 Juillet 2021

(RG F 20/00012 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT E :

S.A.R.L. PARIVILLES

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI

assistée de Me Dominique GUERIN, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Judith OZUCH, avocat au barreau de LILLE,

INTIMÉ :

M. [O] [A]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Elif ERDOGAN, avocat au barreau de TOURS

DÉBATS : à l’audience publique du 11 Mai 2023

Tenue par Virginie CLAVERT

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20/04/2023

EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :

La société SARL PARIVILLES, dont l’objet social est de commercialiser des sites internet aux professionnels, a engagé M. [O] [A] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 9 juillet 2012 en qualité de VRP exclusif, animateur des ventes.

Ce contrat de travail était soumis à la convention collective nationale des VRP.

Suivant avenant au contrat de travail du 1er septembre 2014, M. [O] [A] a été nommé directeur de l’agence de [Localité 8], nouvellement créée.

Par courrier du 8 juillet 2019, la société PARIVILLES a notifié à M. [O] [A] un avertissement.

Suivant courrier du 25 juillet 2019, M. [O] [A] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement prévu le 7 août 2019 et mis à pied à titre conservatoire.

Par lettre datée du 29 août 2019, M. [O] [A] s’est vu notifier son licenciement pour faute grave de la façon suivante :

« Voici les principaux faits qui vous sont reprochés ‘.

– De nombreux dossiers clients émanant de votre agence pour lesquels la source du litige est liée à des discours commerciaux déviants et d’une absence de prise en considération de votre part,

– Discours mensongers lors de nos échanges,

– Mise en porte à faux de certains de vos collègues du service suivi clients, production et juridique,

– Prise de congés non validée et non justifiée

– Comportement dans votre vie personnelle engendrant des problématiques professionnelles ayant des incidences sur le réseau commercial.

– Résultats commerciaux pas à la hauteur de ce que l’on attend d’une agence comme la vôtre et des objectifs prévus à votre contrat de travail.

Tout d’abord concernant les dossiers clients litigieux, ces derniers sont de plus en plus nombreux. Pour chacun d’entre eux vous avez été averti des problématiques relevées et du discours commercial déviant. Cependant, vous avez toujours contesté cet état de fait en affirmant que la genèse de cette situation provenait de mensonges des clients. Cependant au regard du nombre de dossiers et des points de contestations similaires, cela ne peut être du fait des clients.

À ce titre, voici ce qu’il ressort des contestations clients qui sont en opposition avec ce que prévoit le contrat :

‘ Pas de durée d’engagement ferme de 48 mois, on annonce aux clients qu’ils peuvent résilier quand ils veulent alors que notre contrat prévoit une durée ferme et indivisible de 48 mois.

‘ La propriété du site pour le client au terme de son contrat dans son ensemble, code source, architecture, console administration alors que notre contrat est un contrat de location longue durée (nommé « licence d’exploitation »), que nous restons propriétaire du dit site. Le client n’étant propriétaire que du contenu textes et photos remis pour l’élaboration du site.

‘ Des développements spécifiques voir e-commerce proposés aux clients afin de les signer mais non prévus en nos contrats ‘

‘ Des dossiers pour lesquels des rendez-vous n’ont pas été honorés’

‘ Des engagements de démarche de validation auprès de la chambre des notaires par nos équipes techniques alors même que cette démarche est à la charge du client du fait des exigences internes à la chambre des notaires.

‘ Des engagements de positions de référencement en première page, première position sur GOOGLE pour l’ensemble des mots clés alors que notre contrat prévoit une optimisation du référencement sur une liste restreinte et localisée de mots clés mais en aucun cas des positions garanties.

Vous trouverez les codes de quelques exemples de dossiers clients ‘

Cette liste n’est bien entendu pas exhaustive’

Nous vous avons très largement alerté à de nombreuses reprises, vous avez préféré contester et nier cet état de fait.

Ce qui est d’autant plus intrigant, c’est que vous n’ayez jamais vraiment démontré une envie féroce de vérifier la teneur de nos nombreuses alertes, protégeant coûte que coûte les commerciaux de votre agence sans pour autant vous en assurer personnellement auprès des clients.

Il aurait été opportun de mettre en place des moyens de contrôle ou de vérification ‘

Nous pensons sincèrement que vous y trouviez un intérêt financier du fait de votre plan de rémunération, que de ce fait vous avez cautionné cette situation et ce d’autant plus que pour la grande majorité, les litiges émanent des dossiers de votre épouse [R] [X].

De plus j’ai été informé d’une relation ambigüe que vous entreteniez avec notre collaboratrice de l’agence de [Localité 5] ‘à la suite de vos agissements, votre épouse et collaboratrice, [R] [X] a décidé par vengeance de relater à la conjointe du directeur d’agence de [Localité 5] d’une relation entretenue avec l’une de ses collaboratrices.

Vos agissements et votre comportement se retranscrivent d’ailleurs dans vos résultats commerciaux qui ne sont plus à la hauteur. »

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant divers rappels de salaire et indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [O] [A] a saisi le 27 janvier 2020 le conseil de prud’hommes de Lannoy qui, par jugement du 21 juillet 2021, a rendu la décision suivante :

– dit que l’avertissement notifié à M. [O] [A] le 8 juillet 2019 est fondé,

En conséquence,

– déboute M. [O] [A] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,

– requalifie le licenciement pour faute grave de M. [A] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Et en conséquence,

– Condamne la société PARIVILLES à verser à M. [O] [A] les sommes suivantes :

-9 352,06 euros nets à titre d’indemnité de licenciement

– 15 995,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 1 599,55 euros au titre des congés payés y afférents

– 3 408,53 euros à titre de rappel de salaires sur la mise à pied

– 38 128,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

– 2 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– Dit que les sommes seront majorées de l’intérêt au taux légal à compter de la date de réception de la convocation par la partie défenderesse, pour les créances de nature salariale à compter du jugement pour toute autre somme ;

– Dit que les intérêts courus sur les sommes dues seront capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du Code Civil ;

– Rappelle que la décision est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois

– Ordonne à l’employeur de rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage versées à M. [O] [A] depuis le licenciement dans la limite de six mois d’indemnités ;

– Déboute la société PARIVILLES de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– Déboute les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif, ;

– Condamne la société PARIVILLES aux éventuels dépens de l’instance.

La société PARIVILLES a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 6 août 2021.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 avril 2023 au terme desquelles la société PARIVILLES demande à la cour de :

-la décision rendue par le Conseil de Prud’hommes de LANNOY en ce qu’elle a jugé l’avertissement en date du 8 juillet 2019 justifié ;

– la décision rendue par le Conseil de Prud’hommes de LANNOY en ce qu’elle a :

– Requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [A] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Et en conséquence a :

– Condamné la société PARIVILLES à verser à Monsieur [O] [A] les sommes suivantes :

-9 352,06 euros nets à titre d’indemnité de licenciement

– 15 995,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 1 599,54 euros au titre des congés payés y afférents

– 3 408,53 euros à titre de rappel de salaires sur la mise à pied

– 38 128,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

– 2 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– Dit que les sommes seront majorées de l’intérêt au taux légal à compter de la date de réception de la convocation par la partie défenderesse, pour les créances de nature salariale à compter du jugement pour toute autre somme ;

– Dit que les intérêts courus sur les sommes dues seraient capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du Code Civil ;

– Rappelle que la décision est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois

– Ordonné à l’employeur de rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage versées à Monsieur [O] [A] depuis le licenciement dans la limite de six mois d’indemnités ;

– Débouté la société PARIVILLES de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– Débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif, ;

– Condamné la société PARIVILLES aux éventuels dépens de l’instance.

STATUANT A NOUVEAU

A titre principal

-Juger que le licenciement repose sur une faute grave.

-Débouter Monsieur [A] de toutes ses demandes, fins et conclusions

À titre subsidiaire,

-Requalifier le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse

À titre très infiniment subsidiaire

-Réduire les demandes de Monsieur [A] à de plus justes proportions ;

En tout état de cause,

-Condamner Monsieur [A] au paiement d’une somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel.

Au soutien de ses prétentions, la société PARIVILLES expose que :

– L’avertissement notifié au salarié est justifié, compte tenu de l’absence d’atteinte par le salarié de ses objectifs de 75 000 euros HT de chiffre d’affaires mensuel, et de l’absence de fidélisation de ses commerciaux employés dans l’agence, cette insuffisance de résultat trouvant son origine dans le désengagement délibéré du salarié.

– M. [A] n’a jamais remis en cause le caractère réaliste, sérieux et réalisable des objectifs y compris dans sa lettre de contestation de l’avertissement, alors qu’il disposait des moyens de les atteindre ainsi que du pouvoir de recruter des commerciaux ce qu’il n’a pas fait en nombre suffisant.

-Par ailleurs, le chiffre d’affaires annoncé par M. [A] ne correspondait pas au chiffre d’affaires définitif compte tenu du nombre important de dossiers en litige, caractérisant, ainsi, une exécution non consciencieuse par le salarié de ses obligations contractuelles.

– Concernant le licenciement, l’employeur n’avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire, dès lors que sont apparus après la lettre d’avertissement au cours des mois de juillet et août , l’ampleur des manquements du salarié, les discours identiques et les nombreux litiges de clients provenant de l’agence de [Localité 8], la mise en porte à faux de collègues, l’absence de mise en place de moyens de contrôle et de vérification par M. [A].

– Et le courrier du 25 juillet 2019 ne constitue nullement une nouvelle sanction mais une réponse à la lettre de contestation du salarié relative à son avertissement.

– Le licenciement pour faute grave de M. [A] présente une cause réelle et sérieuse en lien avec la réception par l’employeur de nombreuses plaintes dont certaines ont donné lieu à une assignation liés aux discours commerciaux mensongers de l’agence, à l’absence de démarche de vérification auprès des clients et à l’absence de contrôle quant au discours tenu par les commerciaux, les plaintes ayant continué à parvenir à l’employeur jusque bien après le licenciement.

– L’entreprise n’est nullement à l’origine d’un argumentaire discutable en lien avec ses plaquettes publicitaires, les reproches des clients concernant essentiellement le discours des commerciaux de l’agence.

– Le comportement négligent de M. [A] lié aux déclarations mensongères de ses commerciaux et notamment de son épouse a provoqué une baisse du chiffre d’affaires, ce d’autant que les chiffres annoncés par le salarié ne correspondaient pas au chiffre d’affaires réel.

– M. [O] [A] n’a pas non plus respecté la procédure de demande de congés le 12 juillet 2019 en ne sollicitant pas l’autorisation préalable de son supérieur hiérarchique.

– Le comportement de M. [A] a également créé un trouble dans l’entreprise en lien avec la relation de celui-ci avec une collaboratrice d’une autre agence, dénoncée par son épouse.

– M. [A] doit, par suite, être débouté de ses demandes financières.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 avril 2023, dans lesquelles M. [O] [A], intimé et appelant incident demande à la cour de :

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

-REQUALIFIE licenciement pour faute grave de Monsieur [O] [A] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

-CONDAMNE SARL PARIVILLES à verser à Monsieur [O] [A] les sommes suivantes :

– 9352,06 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement

– 15.995,54 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

– 1599,55 euros au titre des congés payés sur préavis

– 3408,53 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied

– 38.128 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

-DIT ces sommes seront majorées de l’intérêt au taux légal :

– A compter de la date de réception de la convocation par la partie défenderesse devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 28 janvier 2020, pour les créances de nature salariales

– A compter du présent jugement pour tout autre somme

-DIT les intérêts courus sur les sommes dues seront capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du Code Civil

-RAPPELLE qu’en vertu de l’article R1454-28 du Code du Travail, la présente décision

ordonnant le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R1454-14 dudit Code est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois

-ORDONNE, conformément à l’article L1235-4 du Code du Travail, à l’employeur de

-rembourser à POLE EMPLOI les allocations de chômage versées à Monsieur [O]

[A] depuis le licenciement dans la limite de six mois d’indemnités

-CONDAMNE SARL PARIVILLES aux éventuels dépens de la présente instance

-INFIRMER jugement dont appel en ce qu’il a :

-DIT l’avertissement notifié à Monsieur [O] [A] le 8 juillet 2019 est fondé

En conséquence,

-DEBOUTE [O] [A] de sa demande de dommages et intérêts à

ce titre

Statuant de nouveau,

-JUGER l’avertissement notifié le 8 juillet 2019 est injustifié

En conséquence,

-CONDAMNER société PARIVILLES à Monsieur [A] la somme de 5000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié

-CONDAMNER la société PARIVILLES à payer à Monsieur [A] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

A l’appui de ses prétentions, M. [O] [A] soutient que :

– L’avertissement qui lui a été notifié le 8 juillet 2019 est infondé, en ce que l’objectif de 75000 euros de chiffre d’affaires HT par mois n’était ni réaliste ni raisonnable et ne pouvait être appliqué à l’ensemble des agences de l’entreprise de façon indifférenciée, ce d’autant que l’agence de [Localité 8] était nouvellement créée et l’une des plus petites du réseau et un incident grave survenu le 5 mars 2018 (attaque par un individu armé) a conduit à des difficultés de recrutement et au départ de personnels.

– Il ne disposait pas non plus des mêmes avantages et moyens que ses confrères.

– La société PARIVILLES n’avait, en outre, jamais mis en cause auparavant son travail et avait même mis en avant ses compétences et son implication, l’agence de [Localité 8] étant, en outre, la deuxième meilleure agence 15 jours avant l’avertissement.

– L’insuffisance de résultats est injustifiée et le seul constat d’une non-atteinte des objectifs est insuffisant pour valider la sanction prononcée par l’employeur.

– Le recrutement ne relevait pas des missions du salarié, aucun objectif de recrutement ne lui avait, en outre , été assigné et il n’a jamais menti concernant son chiffre d’affaires, l’ensemble des contrats et factures étant adressés au siège et la différence avancée pouvant résulter d’une rétractation des clients.

– L’avertissement doit, par suite, être annulé et ouvre droit au paiement par l’employeur de dommages et intérêts.

– Concernant le licenciement, la société PARIVILLES avait épuisé son pouvoir disciplinaire en ce que la non-réalisation des objectifs avait déjà donné lieu à une sanction disciplinaire, et en ce que lors de la lettre d’avertissement, l’employeur avait déjà connaissance des fautes reprochées au salarié finalement retenues dans la lettre de rupture du contrat de travail.

– La société PARIVILLES ne pouvait, dès lors, pas prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner des faits antérieurs à la première sanction et qu’elle avait choisi de ne pas sanctionner, de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

– Par ailleurs, les faits sanctionnés dans la lettre de licenciement sont les mêmes que ceux repris dans l’avertissement du 25 juillet 2019 et la société PARIVILLES ne rapporte pas la preuve d’une poursuite d’un comportement fautif, ce d’autant que les pièces produites sont soit antérieures à l’avertissement du 25 juillet soit postérieures au licenciement.

– Seuls 5 dossiers litigieux sont avérés entre la date de l’embauche de M. [A] et son licenciement.

– La chronologie des faits démontre, par ailleurs, une volonté de la société non pas de sanctionner des fautes mais d’agir en représailles à la contestation de son salarié.

– Au-delà des résultats commerciaux insuffisants dont la réalité n’est pas établie, il ne peut pas être sanctionné pour des motifs relatifs à sa vie privée et qui sont, en tout état de cause, infondés.

– Le jour de congé pris le 12 juillet 2019 a bien été accordé oralement par son supérieur hiérarchique, ce d’autant que M. [A] remplissait lui-même en qualité de directeur d’agence les feuilles de congés le concernant ainsi que ses collaborateurs.

– Concernant les procédures en vigueur et le discours faussé tenu aux clients, il était rarement en charge du suivi clients lequel relevait de la compétence de ses commerciaux et de son manager des ventes. Il ne peut pas non plus être tenu responsable de la lenteur des process et de l’incompétence de ses collègues chargés de la conception des sites, ni tenu compte des plaintes postérieures à son licenciement.

– Le licenciement est, par conséquent, sans cause réelle et sérieuse, avec toutes conséquences financières liées aux dommages et intérêts pour licenciement abusif (avec mise à l’écart du barème compte tenu de son inconventionnalité), à l’indemnité de licenciement, à l’indemnité compensatrice de préavis, au rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ainsi qu’aux congés payés y afférents.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 20 avril 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l’avertissement du 8 juillet 2019 :

Il résulte des dispositions de l’article L1333-1 du code du travail qu’en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, la juridiction saisie apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l’employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction et qu’au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de l’article L1333-2 du même code, la juridiction peut annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l’espèce, M. [O] [A] s’est vu notifier un avertissement par courrier du 8 juillet 2019.

Cette sanction reposait sur les éléments suivants :

« Selon l’article 9 de votre contrat de travail signé en date du premier septembre 2014, « vous vous engagez par votre action à la réalisation d’un objectif défini par la direction, qui ne pourra être inférieur à un chiffre d’affaires hors taxe minimal de 75 000 ,00 euros HT mensuel sur l’agence. La non-réalisation de l’objectif constitue une faute susceptible de provoquer la rupture du contrat de travail aux torts et griefs du salarié ».

Or, depuis plusieurs mois cet objectif n’est pas atteint et vos chiffres sont en chute libre.

A ce jour la faiblesse de vos résultats commerciaux ne permet pas de remplir à bien les objectifs principaux de votre poste et d’assurer la rentabilité nécessaire à l’entreprise concernant votre agence.

Il est bien entendu qu’une telle situation ne peut perdurer et c’est dans ce cadre que nous vous envoyons le présent avertissement.

En effet à ce jour, vous disposez de moyens similaires à vos collègues (agence commerciale, outils de recrutement, véhicule de service, carte carburant, téléphone, rendez-vous de notre cellule de télé prospection’) qui exercent le même poste, cependant vos résultats sont bien en deçà de ces derniers.

Pour rappel voici vos chiffres d’affaires nets réalisés sur ces 5 derniers mois :

– 27 307,34 euros

– 96884,76 euros

– 39 487,80 euros

– 51865,83 euros

– 31888,49 euros

De plus, pour vous atteindre ces chiffres, nous vous avons recruté bon nombre de commerciaux que vous n’arrivez pas à fidéliser. Pour preuve à ce jour, votre effectif est composé d’un seul commercial pour trois managers commerciaux… Votre implication dans votre activité n’est pas satisfaisante et vos dossiers installés relèvent de nombreux litiges , nous comptons sur une vive réaction de votre part afin que cette situation ne perdure ».

M.[O] [A] soutient que cette sanction serait injustifiée et que les objectifs fixés ne seraient ni réalistes ni raisonnables.

En premier lieu, concernant le défaut d’atteinte des objectifs, l’insuffisance de résultats ne saurait constituer en soi une cause de sanction disciplinaire ; elle doit procéder d’une insuffisance professionnelle ou d’une faute du salarié, sous réserve que les objectifs fixés soient réalistes et que le salarié soit responsable de ne pas les avoir atteints.

En l’espèce, le contrat de travail conclu entre les parties comportait une clause d’objectif avec un chiffre d’affaires hors taxes minimal de 75 000 euros mensuel sur l’agence. Il n’est, en outre, nullement contesté que l’ensemble des agences de la société PARIVILLES situées sur le territoire français (3 agences lyonnaises, 1 agence lilloise, 1 agence parisienne, 1 agence nantaise et l’agence de montpellier) disposaient du même objectif chiffré, peu important le nombre de salariés et de commerciaux employés dont l’effectif moyen se trouvait situé entre 6,08 (agence de [Localité 9]) et 15,75 (agences de [Localité 7]), l’agence de [Localité 8] disposant pour sa part d’un effectif moyen de 7,83.

M. [O] [A] ne remet pas en cause le fait que son agence n’atteignait pas ce chiffre d’affaires de 75 000 euros HT au jour de la notification de son avertissement.

Cela étant, il résulte des pièces produites par l’employeur qu’aucune des agences de l’enseigne prise individuellement ne disposait sur la période du 1er janvier au 31 juillet 2019 d’un chiffre d’affaires mensuel moyen de 75 000 euros HT, cet objectif pourtant fixé par la société PARIVILLES n’étant jamais atteint quel que soit le nombre d’employés de l’agence.

L’employeur ne démontre pas non plus que les résultats de l’agence étaient en chute libre, se contentant de produire un document synthétique global sur 7 mois sans aucune distinction.

Par ailleurs, il résulte d’une publication faite par la société PARIVILLES quelques jours avant la notification de la sanction à M. [O] [A] que son agence de [Localité 8] a été distinguée dans le ‘classement et facturation Juin 2019′ comme la deuxième meilleure agence en terme de chiffre d’affaires, ce qui est, en totale contradiction, avec les reproches formulés à son encontre peu après.

Ainsi, compte tenu de ces éléments, la cour relève que les objectifs fixés à 75 000 euros HT n’étaient pas réalisables et que la sanction notifiée au directeur d’une agence préalablement mise en valeur pour ses bons résultats en terme de chiffre d’affaires est infondée à cet égard.

Concernant les effectifs de l’agence de [Localité 8] et le reproché tiré d’un recrutement insuffisant, l’examen du contrat de travail de M. [O] [A] conduit à constater que l’embauche de salariés ne se trouvait pas incluse dans ses missions.

Les pièces produites démontrent, toutefois, que l’intéressé assumait en partie cette tâche, ce qu’il ne conteste pas, un recrutement parallèle pouvant également être effectué par la direction comme avec l’arrivée de Mme [J] au sein de l’agence de [Localité 8].

Au 30 juin 2019, l’agence de M. [A] comportait 7 salariés conformément au tableau remis par l’employeur intitulé effectif moyen par agence commerciale.

Et si cet effectif est moindre que celui d’autres agences (ex : 11 à [Localité 6], 10 à [Localité 10]), la société PARIVILLES ne démontre pas avoir alerté M. [O] [A] de l’insuffisance de ses effectifs avant le 8 juillet 2019.

Surtout, l’intimé démontre qu’au printemps 2018, un incident grave est survenu au sein de l’agence de [Localité 8] dans le cadre de laquelle un individu armé a fait irruption parmi les salariés les menaçant d’une arme et tirant à deux reprises. Suite à cet incident, plusieurs salariés attestent, et en particulier M. [N] [D] de la démission successive de 5 employés et des difficultés importantes rencontrées depuis lors, par M. [O] [A] pour recruter de nouveaux salariés, l’incident ayant connu un écho important dans la presse locale. Il est également démontré que l’agence a alors été contrainte de fermer ses portes pour être transférée dans un autre lieu.

Dans ces conditions, il ne peut être reproché à M. [O] [A] l’embauche insuffisante de salariés ou le manque de fidélisation. Ce grief n’est pas justifié.

Enfin, concernant le manque d’implication et les nombreux litiges afférents aux dossiers installés de l’agence, la société PARIVILLES démontre que plusieurs clients ayant contracté avec la société COMETIK par le biais de l’agence de [Localité 8], se sont plaints auprès du service réclamation de promesses et déclarations contraires aux pratiques et procédures de l’entreprise tenues par les commerciaux sous la responsabilité de M. [A] et parfois directement avec ce dernier.

Tel est le cas de Mme [B] qui, par courrier du 5 juin 2019, a sollicité, dans le cadre de la résiliation de son contrat, la restitution de son site et des codes d’accès, conformément à l’engagement pris par M. [A] à son égard, alors que la société COMETIK ne vend pas de sites lesquels n’appartiennent pas au client à la fin du contrat.

Il en va, de même de M. [M] [E] qui a fait état le 8 mars 2019 du non-respect des promesses orales de Mme [R] [X] épouse [A] concernant le référencement en première page sur Google, alors que ledit référencement n’est pas garanti en première page.

De la même façon, la société PARIVILLES a été informée le 1er juillet 2019 de difficultés concernant la durée d’engagement non communiquée à un client par [R] [X] épouse [A] (société MIKMAC).

L’employeur justifie, par suite, de litiges suite à des contrats conclus avec l’agence de [Localité 8] et pour lesquels les informations portées à la connaissance des clients notamment par une commerciale, Mme [R] [X] épouse [A], ne correspondaient pas aux engagements réels de la société PARIVILLES.

Ces faits sont constitutifs d’une faute, M. [O] [A] étant chargé, au regard des missions définies à son contrat de travail, notamment de commercialiser des produits et services de l’employeur, de prendre et suivre les commandes et de gérer son équipe commerciale.

Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments, la sanction infligée à M. [O] [A] se trouve fondée exclusivement sur ce dernier point.

L’intéressé est, ainsi, débouté de sa demande d’annulation de l’avertissement du 8 juillet 2019 et de sa demande subséquente de dommages et intérêts.

Sur le licenciement pour faute grave :

Il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est, par ailleurs, entendue comme la faute résultant d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent, ainsi, caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l’entreprise. Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre des parties, il revient en revanche à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il reproche au salarié ; en cas de doute il profite au salarié.

Et si un même fait ne peut être sanctionné deux fois, l’existence de précédentes sanctions disciplinaires n’interdit pas, en cas de faits nouveaux ou de réitération du même comportement fautif, le prononcé d’une nouvelle sanction et notamment d’un licenciement.

En l’espèce, il résulte de la lettre de licenciement du 29 août 2019 que M. [O] [A] a été licencié pour :

-des litiges de plus en plus nombreux et l’absence de prise en considération de discours commerciaux déviants au sein de l’agence ainsi que l’absence de mise en place de moyens de contrôle et de vérification,

– le caractère mensonger de ses déclarations à l’égard de l’employeur,

– la prise de congé non validée et non justifiée,

– la mise en porte à faux de collègues du service suivi clients, production et juridique,

– son comportement concernant sa vie privée ayant un retentissement sur sa vie professionnelle.

– des résultats commerciaux insuffisants par rapport aux objectifs fixés

En premier lieu, concernant les résultats commerciaux insuffisants, il résulte des développements repris ci-dessus concernant l’avertissement que M. [O] [A] s’est vu, d’ores et déjà, sanctionner le 8 juillet 2019 soit 17 jours seulement avant sa convocation à un entretien préalable, pour un chiffre d’affaires insuffisant non conforme aux objectifs contractuels fixés.

Or, il ressort des développements précités que ce chiffre d’affaires n’était pas réalisable au regard du nombre de salariés de l’agence de [Localité 8], des difficultés de recrutement suite à une intrusion violente quelques mois auparavant ayant conduit à la démission de 5 salariés et à la nécessité de déménager les locaux. Ce chiffre d’affaires n’était, en outre, atteint par aucune des autres agences, alors même que celle de [Localité 8] avait été classée deuxième en terme de chiffre d’affaires.

Par ailleurs et dans le même sens, ce reproche se trouve en contradiction avec la publication de l’employeur du 22 février 2019, dans le cadre de laquelle M. [O] [A] était présenté comme un « collaborateur emblématique de l’histoire de l’agence qui accompagne sa croissance sur le terrain », un « pilier indispensable à la réussite de COMETIK », ayant prouvé « sa détermination et son talent de manager depuis l’ouverture de [Localité 8] » en ayant fait « les effectifs et le chiffre d’affaires sans jamais oublier le feeling du départ et le bonheur de travailler ensemble au quotidien ».

Enfin et surtout, il ne pouvait être reproché à M. [O] [A] une insuffisance de son chiffre d’affaires pour laquelle il avait déjà été sanctionné, quelques jours seulement avant sa convocation à un entretien préalable, l’intéressé n’étant pas en mesure en seulement 17 jours, pendant l’été 2019, d’augmenter ses résultats de façon considérable.

Ce grief est, par conséquent, écarté.

Concernant le comportement relatif à sa vie privée ayant un retentissement sur sa vie professionnelle, la société PARIVILLES fonde son grief sur le fait que M. [A] aurait entretenu une relation ambiguë avec une collaboratrice de l’agence de [Localité 5], ayant conduit son épouse à se venger de cette situation en informant la conjointe du directeur de ladite agence.

Néanmoins, aucune pièce ne vient démontrer l’existence d’une telle relation et ses répercussions sur l’activité professionnelle du salarié, lequel ne peut pas non plus être tenu responsable du comportement en privé de son épouse, par ailleurs non justifié.

Ce grief est là encore écarté.

Concernant le grief tiré des déclarations mensongères à l’égard de l’employeur, la société PARIVILLES ne démontre nullement l’existence de quelconques mensonges tenus par M. [O] [A].

A cet égard, si les deux protagonistes évoquent des interprétations différentes des chiffres d’affaires

de l’agence de [Localité 8], en fonction de savoir s’ils incluent ou non tous les contrats signés ou les contrats signés et non rétractés, ce qui induit nécessairement une différence de chiffres, ces divergences n’en caractérisent pas pour autant les mensonges allégués. Il est, en outre, relevé que les résultats de chaque agence faisaient l’objet de remontées informatiques automatiques et directes sans intervention du chef d’agence.

De la même façon, il n’est pas non plus démontré par la société PARIVILLES que M. [A] se serait prévalu, de façon mensongère, à l’égard de son employeur d’un entretien avec un des membres du service suivi clients au cours duquel il aurait été avancé le faible nombre de dossiers litigieux en provenance de l’agence de [Localité 8].

Ce manquement n’est pas non plus établi.

En ce qui concerne le grief lié à la mise en porte à faux de collègues du service suivi clients, production et juridique, celui-ci se trouve lié au grief allégué de mensonges à l’employeur.

Néanmoins, si la société PARIVILLES prétend que M. [O] [A] lui aurait menti en prétextant avoir eu une conversation téléphonique avec un membre du service client lequel lui aurait affirmé que l’agence de [Localité 8] ne générait que peu de litiges, elle n’en rapporte pas la preuve.

Et le seul fait pour celle-ci de produire les attestations de plusieurs membres du service clients témoignant de l’inexistence de cet échange téléphonique et de nombreuses difficultés rencontrées par l’agence de [Localité 8] notamment au regard d’un discours commercial déviant ne démontre pas le bien-fondé de ce grief, faute de preuve du mensonge allégué à l’origine.

Ce grief est également écarté.

S’agissant de la prise de congé non validée et non justifiée, la société PARIVILLES produit deux mails datés du 12 juillet 2019 au terme desquels Mme [R] [X] épouse [A] répond à une demande effectuée par M. [V] [Z] et adressée à M. [O] [A] indiquant ,par ailleurs que ce dernier a posé une journée de congé. Le dirigeant s’étonne alors de n’avoir pas réceptionné une quelconque feuille de demande de congé.

L’appelante justifie, ainsi, ne pas avoir été informée de ce congé. Cela étant, le seul fait pour un salarié d’avoir, de façon isolée, omis de remplir une feuille de congé, alors même que le jour posé se trouvait mentionné sur le logiciel informatique, ne constitue pas un manquement suffisamment sérieux pour fonder un licenciement pour faute grave.

Concernant le manquement invoqué lié aux litiges de plus en plus nombreux, à l’absence de prise en considération de discours commerciaux déviants au sein de l’agence ainsi qu’à l’absence de mise en place de moyens de contrôle et de vérification, il est constant que, parmi les missions dévolues à M. [O] [A] dans son contrat de travail, celui-ci se voyait notamment confier, en sa qualité de directeur d’agence, la commercialisation des produits et services de l’employeur, la prise et le suivi des commandes, la gestion de son équipe commerciale, l’établissement de fiches d’accompagnement terrain et la réalisation de trainings « argu » avec les commerciaux.

Néanmoins, le grief tiré de discours commerciaux déviants au sein de l’agence de [Localité 8] ayant été également invoqué et retenu dans le cadre de l’avertissement notifié le 8 juillet 2019, seules les difficultés apparues après ledit avertissement peuvent être retenues, M. [O] [A] ne pouvant être sanctionné deux fois pour la même faute. Il ne peut pas non plus être tenu compte de difficultés apparues postérieurement au licenciement.

Ainsi, hors période antérieure à l’avertissement et postérieure au licenciement, la société PARIVILLES fonde son argumentaire sur des contrats conclus avec l’EURL DE CERCLE EN CERCLE, avec M. [U], Mme [H] et M. [F].

S’agissant des courriers des 25 et 29 juillet 2019 de l’EURL DE CERCLE EN CERCLE (Le Petit Agenda), celle-ci évoque la signature d’un bon de commande le 22 mai 2019 avec Mme [R] [X] épouse [A] et reproche à la société l’absence de prise en compte des modifications demandées concernant le site internet et le débit de deux chèques, alors même que le site ne se trouve pas terminé, que les modifications n’ont pas été opérées et que le référencement sur google n’a pas pu être réalisé, la commerciale ayant admis un mauvais suivi du dossier. Il déplore également l’impossibilité de résilier le contrat.

Cela étant, les griefs invoqués concernent essentiellement, non pas l’aspect commercial, mais le volet technique de conception du site et de référencement, lequel ne relevait pas de la compétence de Mme [X]. Dans le même sens, M. [ZZ] [W], gérant de CERCLE EN CERCLE, atteste en faveur de M. [A] en indiquant que la commerciale lui a répété ce que le contrat prévoyait notamment concernant la résiliation et a envoyé devant lui un mail à la société NOVASEO avec l’ensemble des modifications envisagées, modifications que ladite entreprise n’a jamais prises en compte. Aucune faute n’est, dès lors, établie concernant le volet purement commercial. M. [A] ne peut, dès lors, se voir reprocher de manquement dans la gestion par son équipe de ce contrat.

Concernant la lettre du 25 juillet 2019 émanant de M. [U], celui-ci ne fait nullement état de dysfonctionnement ou de discours commercial déviant ou mensonger tenu par un commercial de l’agence de [Localité 8], évoquant uniquement d’importants problèmes de santé de son frère [G] [U] ayant nécessité son hospitalisation et l’obligation de réduire ses frais fixes pour pouvoir payer un établissement spécialisé, celui-ci n’ayant jamais pu exercer son activité de manière pérenne bien que disposant d’un numéro siret depuis plusieurs années. Là encore, il n’est pas démontré ni même fait état d’un abus de faiblesse d’un commercial, ce d’autant que la date de souscription du contrat est inconnue. M. [A] ne peut, dès lors, se voir reprocher de quelconque manquement à cet égard.

Concernant la plainte de Mme [S] [H] reçue dans le cadre d’un échange téléphonique du 29 juillet 2019, il résulte des pièces produites que celle-ci a fait l’objet d’un prélèvement sur le même mois de 210 et 300 euros et remettait en cause la gestion comptable de la société. Aucun grief ne se trouve en lien avec un discours déviant tenu par un commercial de l’équipe de M. [A]. Aucune preuve ne se trouve, par ailleurs, rapportée de l’existence d’une faute à cet égard imputable à un commercial de l’agence de [Localité 8] ou encore au directeur d’agence lui-même.

Concernant la demande de résiliation émanant de M. [Y] [F] en date du 2 août 2019, celui-ci fait état dans son courrier d’engagements de la commerciale (Mme [X]) non tenus en lien avec l’affirmation de l’absence d’engagement fixe (alors que le contrat a été conclu pour 48 mois), et de ce que le site internet resterait sa propriété et non celle de la société, outre des rendez vous annulés et un projet technique « plein de fautes d’orthographe ». Ce client a, par la suite, exercé une action en justice. L’existence d’un discours commercial déviant tenu par un commercial de l’agence est, par conséquent, établie.

Néanmoins, cet unique fait caractérisé porté à la connaissance de l’employeur entre l’avertissement du 8 juillet 2019 et le licenciement de M. [A] du 29 août suivant ne peut à lui seul justifier du licenciement de l’intéressé, dès lors que cet agissement ne lui est pas directement imputable, qu’il n’est pas établi qu’il en ait eu connaissance et que, surtout, celui-ci est intervenu quelques jours seulement après un avertissement pour des faits similaires, le très court délai entre l’avertissement et la rupture ne permettant pas, en tout état de cause, au directeur d’agence de revenir sur les pratiques antérieures audit avertissement d’une de ses commerciales, par ailleurs contraires aux directives données.

En effet et à cet égard, il est relevé que , lors de son arrivée en qualité de directeur d’agence, M. [O] [A] a mis en place un process complet de suivi de livraison mais surtout d’argumentaire, par ailleurs, repris dans d’autres agences. Dans le cadre de cet argumentaire, les commerciaux devaient impérativement parler des conditions générales du contrat, de la durée d’engagement de 48 mois fermes et irrévocables mais aussi de la réalité de la prestation c’est-à-dire la livraison d’un site qui sera référencé sans garantir la première page de Google. De la même façon, les commerciaux devaient lire l’article concernant la « propriété » du site afin d’éviter tout malentendu, [O] [A] mettant un point d’honneur au respect des procédures de suivi, étant extrêmement rigoureux sur le discours commercial à tenir afin d’éviter tout litige (attestations de Mmes [L], [I] et [T], MM. [K] et [D]).

A cet égard, M. [D] témoigne de la façon suivante: « En effet, concernant le discours commercial et l’argumentaire, il prônait la transparence et le respect, dans l’intérêt du client, comme dans celui de la société’..En premier lieu, la durée du contrat, soit 48 mois, était précisée au prospect pendant l’argumentaire, à l’annonce des prix, lors de la signature du contrat ainsi qu’à la livraison du site. Argumentaire dit « montpelliéraine » qui fut une découverte pour

[C] [P], fraichement arrivée comme commerciale en provenance de l’agence de [Localité 6] qui lors de sa première réunion commerciale nous a déclaré, je cite « ah bon vous parlez des 48 mois ‘ mois pas »., concernant le discours commercial vis-à-vis du référencement, le verbe garantir était proscrit pour tout échange avec un prospect ou avec un client’ A propos du contrat et de la location, la société nous dissuadait d’employer ce terme était trop péjoratif, nous parlions donc de licence d’exploitation. Enfin, pour ce qui est de la propriété du site, afin d’éviter le moindre litige, le client savait qu’il pouvait récupérer uniquement le nom de domaine du site ainsi que le contenu et non pas l’architecture de ce dernier au terme du contrat. De plus, nous leur indiquions qu’ils pouvaient racheter leur nom de domaine au bout des 48 mois si ils souhaitaient continuer à utiliser un site internet. Au niveau du suivi client, [O] [A] avait mis en place un processus de livraisonqui a été repris par la suite par la direction en la personne de [V] [Z], PDG, le trouvant pertinent’.. ».

Enfin et de manière générale, si plusieurs membres du service suivi clients attestent de nombreux litiges générés par l’agence de [Localité 8], il n’est fourni aucune précision à cet égard, à l’exception des clients sus-mentionnés. Surtout, il résulte des pièces produites et du contenu des autres courriers de clients produits correspondant à la période postérieure au licenciement que la plupart des réclamations portées concernaient un défaut de qualité du service technique qui ne procédait pas aux modifications sollicitées par le client, commettait de nombreuses fautes d’orthographe, ne procédait pas au référencement en temps utiles, tâches qui n’incombaient nullement aux commerciaux de l’agence…

Il résulte, par suite, de l’ensemble de ces éléments que la société PARIVILLES ne rapporte pas la preuve d’une violation grave par M. [O] [A] des obligations découlant du contrat de travail et qui n’aurait pas déjà été sanctionnée, d’une importance telle qu’elle a rendu impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, y compris pendant la durée du préavis.

Le licenciement pour faute grave de M. [A] est, par conséquent, sans cause réelle et sérieuse et le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Au regard de son ancienneté supérieure à deux années, M. [O] [A] est fondé à obtenir le paiement d’une d’une indemnité compensatrice de préavis de trois mois conformément à l’article 12 de la convention collective applicable.

La société PARIVILLES est condamnée à lui verser la somme de 15 195,54 euros dont le montant n’est pas contesté par l’employeur, outre 1519,55 euros au titre des congés payés y afférents.

Il est également dû à l’intimé le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire d’un montant de 3408,53 euros, tel que retenu sur son salaire à cet égard.

M. [O] [A] est également fondé à obtenir une indemnité de licenciement fixée à 9352,06 euros nets, dont le montant et les modalités de calcul ne sont pas remis en cause par la société PARIVILLES.

Enfin, en application de l’article L1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l’employeur, une indemnité dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés, dans le cadre des tableaux repris auxdits articles.

M. [O] [A] se prévaut de l’inconventionnalité du barème fixé audit article au regard de la convention n°158 de l’organisation internationale du travail et de l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996.

Concernant la convention précitée, les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l’encontre d’autres particuliers et qui, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale de la convention, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire, sont d’effet direct en droit interne.

Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur, sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.

En outre, concernant la charte sociale européenne, sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour déterminer s’il est d’effet direct, les stipulations d’un traité international, régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution, sont d’effet direct dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elles n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers.

Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L’invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Il convient, par suite, de faire application dudit article L1235-3 du code du travail et d’examiner la situation particulière de M. [O] [A].

Ainsi, compte tenu de l’effectif supérieur à 11 salariés de la société PARIVILLES, de l’ancienneté de M. [A] (pour être entré au service de l’entreprise à compter du 9 juillet 2012 ), de son âge (pour être né le 20 août 1985) ainsi que du montant de son salaire brut mensuel (5065,18 euros) , des périodes de chômage subséquentes justifiées et de la signature d’un CDI en 2022, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixé à 38 128 euros.

Le jugement entrepris est confirmé, sauf en ce qu’il a fixé à 15 995,54 euros le montant de l’indemnité compensatrice de préavis et à 1599,55 euros le montant des congés payés y afférents.

Sur les intérêts et la capitalisation :

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître à l’audience de conciliation.

Les créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur l’application de l’article L1235-4 du code du travail :

Le licenciement de M. [O] [A] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L1235-4 du code du travail.

En conséquence, la cour ordonne le remboursement par la société PARIVILLES aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [O] [A], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Le jugement entrepris est également confirmé à cet égard.

Sur les autres demandes :

Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens ainsi qu’aux frais irrépétibles exposés en première instance sont confirmées.

Succombant à l’instance,la société PARIVILLES est condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à M. [O] [A] 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lannoy le 21 juillet 2021, sauf en ce qu’il a fixé à 15 995,54 euros le montant de l’indemnité compensatrice de préavis et à 1599,55 euros le montant des congés payés y afférents ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SARL PARIVILLES à payer à M. [O] [A] 15 195,54 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 1519,55 euros au titre des congés payés y afférents ;

CONDAMNE la SARL PARIVILLES aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à M. [O] [A] 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL

 


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