Dépendance économique : 11 octobre 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 16-25.259

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Dépendance économique : 11 octobre 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 16-25.259

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 octobre 2017

Renvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne

Mme X…, président

Arrêt n° 1065 FS-P+B

Pourvoi n° M 16-25.259

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Apple Sales International, dont le siège est […],

2°/ la société Apple Inc., dont le siège est […] ),

3°/ la société Apple retail France, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est […],

contre l’arrêt rendu le 25 octobre 2016 par la cour d’appel de Versailles (12e chambre), dans le litige les opposant à la société MJA, société d’exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est […], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société eBizcuss.com,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 12 septembre 2017, où étaient présents : Mme X…, président, M. Y…, conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, MM. Hascher, Reynis, Mmes Reygner, Bozzi, Auroy, conseillers, MM. Mansion, Roth, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, conseillers référendaires, M. Z…, avocat général, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Y…, conseiller, les observations et plaidoiries de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Apple Sales International, Apple Inc. et Apple retail France, de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de la société MJA, ès qualités, l’avis de M. Z…, avocat général, auquel les avocats ont été invités à répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 25 octobre 2016), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 7 octobre 2015, pourvoi n° 14-16.898), que la société eBizcuss.com (eBizcuss) s’est vue reconnaître la qualité de revendeur agréé pour les produits de la marque Apple par contrat conclu le 10 octobre 2002 avec la société Apple Sales International, contenant une clause attributive de compétence au profit des juridictions irlandaises ; qu’invoquant des pratiques anticoncurrentielles et des actes de concurrence déloyale commis à partir de l’année 2009 par les sociétés irlandaise Apple Sales International, américaine Apple Inc. et française Apple retail France, la société eBizcuss, désormais représentée par la société MJA, en qualité de mandataire liquidateur, les a assignées en réparation de son préjudice devant le tribunal de commerce, sur le fondement des articles 1382, devenu 1240 du code civil, L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; que l’arrêt ayant accueilli l’exception d’incompétence soulevée par la société Apple Sales International a été cassé, au visa de l’article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne, une clause attributive de juridiction pouvant être prise en compte à la condition qu’elle se réfère aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d’une infraction au droit de la concurrence, alors que la clause litigieuse ne se référait pas à des pratiques anticoncurrentielles ;

Attendu que les sociétés Apple Sales International, Apple Inc. et Apple retail France font grief à l’arrêt de déclarer la juridiction française compétente, alors, selon le moyen :

1°/ qu’une clause attributive de juridiction ne peut concerner que des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce qui limite la portée d’une convention attributive de juridiction aux seuls différends qui trouvent leur origine dans le rapport de droit à l’occasion duquel cette clause a été convenue ; qu’il s’en déduit qu’une clause attributive de juridiction se référant de manière abstraite aux différends surgissant dans les rapports contractuels a vocation à s’appliquer à tous les litiges qui trouvent leur origine dans la relation contractuelle, que la responsabilité encourue soit de nature contractuelle ou délictuelle ; qu’en revanche, les différends étrangers à la relation contractuelle ne peuvent bénéficier de la prorogation conventionnelle de compétence que s’ils sont expressément mentionnés dans la clause attributive de juridiction ; qu’en énonçant, pour refuser de donner effet à la clause d’élection de for stipulée dans les contrats liant la société Apple Sales International à la société eBizcuss, que les demandes de la société eBizcuss fondées sur la violation des règles de concurrence en matière d’abus de position dominante avaient un fondement délictuel et que la clause attributive de juridiction ne prévoyait pas expressément son application en matière d’abus de position dominante, bien que les faits d’abus de position dominante invoqués par la société eBizcuss trouvent leur origine dans les rapports contractuels avec la société Apple Sales International, la cour d’appel a violé l’article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

2°/ qu’une clause attributive de juridiction ne peut concerner que des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce qui limite la portée d’une convention attributive de juridiction aux seuls différends qui trouvent leur origine dans le rapport de droit à l’occasion duquel cette clause a été convenue ; qu’il s’en déduit qu’une clause attributive de juridiction se référant de manière abstraite aux différends surgissant dans les rapports contractuels a vocation à s’appliquer à tous les litiges qui trouvent leur origine dans la relation contractuelle, que la responsabilité encourue soit de nature contractuelle ou délictuelle ; qu’en revanche, les différends étrangers à la relation contractuelle ne peuvent bénéficier de la prorogation conventionnelle de compétence que s’ils sont expressément mentionnés dans la clause attributive de juridiction ; qu’en énonçant, pour refuser de donner effet à la clause d’élection de for stipulée dans les contrats liant la société Apple Sales International à la société eBizcuss, que les demandes de la société eBizcuss fondées sur la concurrence déloyale avaient un fondement délictuel et que la clause attributive de juridiction ne prévoyait pas expressément son application en matière de concurrence déloyale, bien que les faits de concurrence déloyale invoqués par la société eBizcuss trouvent leur origine dans le rapport contractuel avec la société Apple Sales International, la cour d’appel a de nouveau violé l’article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

3°/ qu’une clause attributive de juridiction ne peut concerner que des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce qui limite la portée d’une convention attributive de juridiction aux seuls différends qui trouvent leur origine dans le rapport de droit à l’occasion duquel cette clause a été convenue ; qu’il s’en déduit qu’une clause attributive de juridiction se référant de manière abstraite aux différends surgissant dans les rapports contractuels a vocation à s’appliquer à tous les litiges qui trouvent leur origine dans la relation contractuelle, que la responsabilité encourue soit de nature contractuelle ou délictuelle ; qu’en revanche, les différends étrangers à la relation contractuelle ne peuvent bénéficier de la prorogation conventionnelle de compétence que s’ils sont expressément mentionnés dans la clause attributive de juridiction ; qu’en énonçant, pour refuser de donner effet à la clause d’élection de for stipulée dans les contrats liant la société Apple Sales International à la société eBizcuss, que les demandes de la société eBizcuss avaient un fondement délictuel et que la clause attributive de juridiction n’énumérait pas précisément les litiges de nature délictuelle pouvant surgir entre les parties, bien que les fautes invoquées par la société eBizcuss trouvent leur origine dans le rapport contractuel avec la société Apple Sales International, la cour d’appel a de nouveau violé l’article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

4°/ qu’une clause attributive de juridiction a vocation à s’appliquer à tous les différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé ; que la formation et l’exécution du contrat peuvent donner naissance à des litiges de nature délictuelle, qui sont prévisibles pour les cocontractants et doivent bénéficier de la prorogation conventionnelle de compétence ; qu’en affirmant, pour refuser de donner effet à la clause d’élection de for stipulée dans les contrats liant la société Apple Sales International à la société eBizcuss, que, dans un souci de prévisibilité, une clause se réfèrant de manière abstraite aux différends surgissant dans les rapports contractuels ne pouvait s’appliquer aux litiges de nature délictuelle trouvant leur source dans le rapport contractuel qu’à la condition d’y être expressément énumérés, la cour d’appel a violé l’article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

5°/ qu’en énonçant, pour affirmer que le litige résultant d’un abus de position dominante du cocontractant ne saurait être rattaché à l’exécution du contrat, qu’il ne peut résulter d’une exécution loyale du rapport de droit, la cour d’appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

6°/ qu’une clause attributive de juridiction ne peut concerner que des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce qui limite la portée d’une convention attributive de juridiction aux seuls différends qui trouvent leur origine dans le rapport de droit à l’occasion duquel cette clause a été convenue ; qu’il s’en déduit qu’une clause attributive de juridiction se référant de manière abstraite aux différends surgissant dans les rapports contractuels a vocation à s’appliquer à tous les litiges qui trouvent leur origine dans la relation contractuelle, que la responsabilité encourue soit de nature contractuelle ou délictuelle ; qu’en revanche, les différends étrangers à la relation contractuelle ne peuvent bénéficier de la prorogation conventionnelle de compétence que s’ils sont expressément mentionnés dans la clause attributive de juridiction ; qu’il s’en déduit que l’action en responsabilité délictuelle fondée sur une violation des règles de concurrence trouvant sa source dans la relation contractuelle a vocation à bénéficier de la prorogation conventionnelle de compétence, à l’inverse de l’action tendant à la réparation du préjudice résultant d’une infraction au droit de la concurrence constatée par l’autorité de concurrence, européenne ou nationale (action dite de « follow-on ») ; qu’en refusant de donner effet à la clause d’élection de for stipulée dans les contrats liant la société Apple Sales International à la société eBizcuss, bien qu’aucune infraction au droit de la concurrence n’ait été constatée par une autorité de concurrence, européenne ou nationale, la cour d’appel a violé l’article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

7°/ que la société eBizcuss invoquait, au soutien de son action, des faits de concurrence déloyale, d’abus de position dominante et d’abus de dépendance économique ; qu’en se bornant à énoncer, pour refuser de donner effet à la clause d’élection de for stipulée dans les contrats liant la société Apple Sales International à la société eBizcuss, qu’elle ne prévoyait pas expressément son application en matière d’abus de position dominante et de concurrence déloyale, sans rechercher si elle ne devait pas s’appliquer aux faits allégués d’abus de dépendance économique, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

 


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