Dépendance économique : 19 janvier 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 17/11354

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Dépendance économique : 19 janvier 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 17/11354

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRÊT DU 19 JANVIER 2018

(n° , 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 17/11354

Décision déférée à la Cour :

Arrêt du 26 avril 2017 – Cour de cassation – 590 F-D

Arrêt du 11 décembre 2015 – Cour d’appel – RG 13/16734

Jugement du 03 Juin 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2009075192

APPELANTE

SAS DREAM OBJECTS

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 440 348 662 (Versailles)

représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P0241

assistée de Me Johann BIOCHE, avocate plaidante du barreau de PARIS, toque : C1520

INTIMEE

SCAC MANUFACTURE FRANÇAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 855 200 507 (Clermond Ferrand)

représentée par Me Sylvie CHARDIN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0079

assistée de Me Michel RASLE, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P0298

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Décembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Michèle LIS SCHAAL, présidente de la chambreMme Françoise BEL, présidente de chambre

M. Gérard PICQUE, magistrat honoraire en charge de fonctions juridictionnelles,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, des débats : Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Mme Michèle LIS SCHAAL, présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, greffier présent lors du prononcé.

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La société Dream Objects est une société spécialisée dans la fabrication d’objets publicitaires.

La société Michelin fait partie d’un groupe de renommée internationale dans le domaine des pneumatiques comprenant les marques telles que Michelin, BF GOODRICH, KLEBER, KORMORAN et TAURUS.

Les parties entretenaient un courant d’affaires pour la fourniture à la société Michelin, ses filiales et les sociétés apparentées, d’objets publicitaires ou promotionnels portant la marque Michelin ou l’une des marques appartenant au groupe Michelin.

Au mois de novembre 2008, la société Michelin a lancé une consultation sous forme d’appels d’offres pour un projet européen intitulé METI.

Par lettre recommandée du 19 décembre 2008, la société Michelin a ‘confirmé à la société Dream Objects la dénonciation des contrats actuellement en vigueur entre les deux sociétés,’ en précisant que ‘ces contrats devraient prendre fin dans les jours suivant la notification du résultat de l’appel d’offres et un nouveau contrat sera signé entre la société Michelin et le prestataire retenu à l’issue de l’appel d’offres. Nous savons pouvoir compter sur votre candidature à l’appel d’offres comme vous nous l’avez indiqué.’

Le 9 avril 2009, la société Dream Objects a été informée que son offre n’avait pas été retenue.

La société Dream Objects estimant que la société Michelin a brutalement rompu les relations commerciales établies et qu’elle l’a maintenue en état de dépendance économique a saisi le tribunal de commerce de Paris par assignation délivrée le 9 novembre 2009 aux fins d’indemnisation de son préjudice pour un montant de 2.788.477,56 €.

Par jugement du 3 juin 2013 le tribunal de commerce a débouté la société Dream Objects de ses demandes.

Concernant la rupture brutale des relations commerciales, le tribunal a retenu que puisque la société Michelin a, le 19 décembre 2008, informé la société Dream Objects de la rupture de leurs relations commerciales en raison de l’appel d’offres en cours, puis, le 9 avril 2009, que la proposition de la société Dream Objects n’a pas été retenue, cette dernière a bénéficié d’un préavis de trois mois et demi, suffisant pour des relations commerciales de six années d’ancienneté, d’autant qu’un courant d’affaires significatif avait perduré pendant plus d’un an, ce qui lui a laissé suffisamment de temps pour se réorganiser et chercher de nouveaux clients ou débouchés.

Les premiers juges ont également constaté que ce n’est qu’au mois de février 2010 que la société Michelin a informé les sociétés du groupe que la société BRAND ADDITION succédait à la société Dream Objects et ils en ont déduit que la société Michelin n’a pas rompu abusivement ses relations commerciales avec la société Dream Objects.

S’agissant de la dépendance économique alléguée par la société Dream Objects, le tribunal a retenu que la société Michelin n’imposait aucune exclusivité à Dream Objects pendant la durée de leur relation commerciale et qu’il appartenait à cette dernière de faire tous les efforts nécessaires pour ne pas se mettre, elle-même, en situation de dépendance.

Enfin le tribunal a estimé que l’appel d’offres constituait une simple consultation et qu’il n’était pas soumis aux dispositions du Code des marchés publics, de sorte que la société Michelin n’était pas tenue d’expliquer son choix. Le tribunal a alors rejeté incidemment le grief de « déloyauté » invoqué par la société Dream Objects.

La société Dream Objects a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 11 décembre 2015 la Cour d’appel a confirmé le jugement critiqué en toutes ses dispositions.

La Cour a jugé que la relation commerciale entre les sociétés Michelin et Dream Objects est née à la suite du contrat signé le 6 octobre 2004 et que si ce contrat vise de précédents contrats conclus en 1999 et 2001 et mentionne ‘annule et remplace’, la société Dream Objects ne rapporte pas la preuve qu’elle est venue aux droits de la SA Dakota, par les mentions du Kbis de la société, une mention d’apport d’actifs ou de cession de fonds de commerce, que la relation commerciale n’est établie entre les parties qu’à compter du 6 octobre 2004 et non de 1998; d’autre part, que la dépendance économique alléguée résultait en l’absence de contrat d’exclusivité d’un choix délibéré et ne saurait gouverner l’augmentation du délai de préavis.

La société Dream Objects a inscrit un pourvoi contre l’arrêt du 11 décembre 2015.

Par arrêt en date du 26 avril 2017, la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 11 décembre 2015 aux motifs que :

– «en se déterminant ainsi, sans rechercher s’il ne résultait pas de la mention figurant dans le contrat du 6 octobre 2004, selon laquelle ce contrat annulait et remplaçait les précédents contrats conclus les 23 septembre 1999 et 6 juillet 2001 entre les sociétés Dakota et Michelin, que la relation initialement nouée entre ces deux sociétés s’était poursuivie entre les sociétés Dream et Michelin, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision»

– «en statuant ainsi, alors que la société Michelin admettait que la relation commerciale nouée avec la société Dream avait débuté en 2002, la cour d’appel, qui a modifié les termes du litige, a violé le texte susvisé».

La société Dream Objects a saisi la cour de renvoi en application de l’article 1032 du Code de procédure civile par déclaration du 16 mai 2017.

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 13 novembre 2017 par la société Dream Objects aux fins de voir la Cour :

Vu l’article 1131 et 1134 du Code civil,

Vu les articles L. 442-6 I 5° du code de commerce ,

Vu les critères fixés par la jurisprudence constante,

Vu les pièces versées aux débats,

– dire et juger que le groupe Michelin a rompu brutalement sans respecter un préavis écrit et raisonnable respectant la durée minimale déterminée en référence aux usages du commerce les relations commerciales établies avec la société Dream Objects depuis dix ans;

– dire et juger que le groupe Michelin aurait dû ménager, en fonction de l’ancienneté des relations commerciales, de la spécificité du cycle de fabrication et de l’état de dépendance économique de la société Dream Objects, un préavis qui ne pouvait être inférieur à 20 mois ;

– infirmer le jugement déféré.

Et statuant à nouveau,

– condamner le groupe Michelin à payer à la société Dream Objects, à titre de dommages et intérêts, la somme de 845.369 €, au titre de son préjudice économique et financier avec intérêts de droit à compter de l’assignation du 9 novembre 2009 et anatocisme au visa de l’article 1154 du Code Civil ;

– condamner le groupe Michelin à payer à la société Dream Objects, à titre de dommages et intérêts, la somme de 600.000 €, au titre de son préjudice d’image et de la désorganisation de son activité avec intérêts de droit à compter de l’assignation du 9 novembre 2009 et anatocisme au visa de l’article 1154 du Code Civil ;

– condamner le groupe Michelin à payer à la société Dream Objects la somme de 40.000 Euros, conformément à l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’en tous les dépens y compris ceux de l’arrêt cassé, dont le recouvrement sera poursuivi par Maitre Laurence TAZE-BERNARD, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Sur le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale et l’absence de préavis suffisant, la société Dream Objects que compte tenu des rapports contractuels entre les parties , qui est de dix ans, du cycle de fabrication des produits concernés organisé selon un processus de collection, de l’importance du chiffre d’affaires réalisé avec Michelin, au regard de l’attitude de cette dernière dans la rupture, un préavis de 20 mois devait s’imposer.

La durée de la relation commerciale doit être prise en considération non pas en fonction des entités juridiques qui se succèdent, mais de l’objet du contrat poursuivi, depuis le début des relations commerciales et non depuis la signature d’un contrat et rappelle diverses jurisprudences.

Elle ajoute qu’il y a bien eu continuité des relations commerciales car dans la comparution, la société Dream Objects signataire du contrat, a pris le soin de rappeler le numéro de Registre du commerce et des sociétés de la société Dakota et de la société Dream Objects avec mention du Siret de cette dernière. De plus, les factures adressées en exécution du contrat du 6 octobre 2004 l’ont été sous en-tête « Dream Objects -Dakota ».

Elle souligne que la cassation résulte du défaut de recherche dans les dispositions contractuelles de la poursuite de la relation initialement nouée entre Dakota et Michelin, entre les société DREAM et Michelin et, qu’en l’espèce l’objet du contrat est le même, l’économie du contrat est la même, les entreprises sont identifiées, et l’article 1er du contrat énonce le lien unissant les différents contrats conclus.

Elle affirme donc que les relations contractuelles entre la société Dream Objects , opérant sous l’enseigne Dakota et la société Michelin ont bien duré plus de dix ans, entre 1998 et décembre 2008, sans aucune interruption des services dispensés à la société Michelin par la société Dream Objects, même en l’absence de formalisation contractuelle continue.

Ensuite, la société Dream Objects estime que le jugement déféré n’a tenu aucun compte de la spécificité de son cycle de commercialité. Elle prétend que le cycle de commercialité est organisé par collection, de sorte, qu’en mettant fin à la relation commerciale avant l’ouverture d’un nouveau cycle de production, la société Michelin ne lui a quasiment pas laissé de délai de préavis.

Invoquant que l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce introduit une obligation spéciale de préavis et que la jurisprudence a dégagé des critères permettant de déterminer la brutalité de la rupture, notamment au regard de la « durée du cycle de fabrication », la société Dream Objects expose qu’il a été jugé que dans certains secteurs, l’usage est de prendre en considération, dans le calcul du délai de rupture, le temps nécessaire à fabriquer la collection nouvelle. Or, elle démontre que compte tenu des stipulations de l’article 3 du contrat du 6 octobre 2004, la commande initiale de la quantité annuelle de la société Michelin devait être passée à la société Dream Objects , au plus tard, à une date définie d’un commun accord durant le mois d’octobre de l’année en cours.

En d’autres termes, les commandes passées en octobre de l’année « n » conditionnaient la fabrication des produits, et leur livraison dans le courant du premier semestre de l’année « n + 1 », occasionnant une perception de 80% du chiffres d’affaires. La société Dream Objects prétend alors que puisque la société Michelin a prononcé la résiliation du contrat le 19 décembre 2008, soit la veille de l’engagement d’un nouveau cycle de commercialité pour 2009-2010, elle n’a pas pu se retourner vers d’autres clients similaires puisque le même cycle aurait été appliqué, et il était d’ores et déjà trop tard pour le faire et a dû faire face à des coûts et charges qui ne s’imposaient pas, notamment, en termes de salariés dédiés à la confection des catalogues, et des collections, sans espérer percevoir le chiffre d’affaires en regard. Elle ajoute que la moyenne du chiffre d’affaires réalisé avec la société Michelin entre 2006 et 2008 était de 2.789.326 euros, alors qu’en 2010, il n’a été que de 571.388 euros.

Enfin, la société Dream Objects allègue qu’elle se trouvait en situation de dépendance économique vis-à-vis de la société Michelin et qu’il incombait à cette dernière de mettre en place des mesures d’accompagnement afin de lui permettre de se reconvertir. Se basant sur les dispositions de l’article L. 442-6 du Code de commerce et sur la jurisprudence, elle fait valoir que la dépendance économique, qui se distingue de l’abus, est appréciée comme un critère aggravant du caractère brutal ou non de la rupture, et de la durée du préavis, et précise que l’existence d’une situation de dépendance économique doit s’apprécier en fonction de la notoriété de la marque et/ou du produit, de l’importance du chiffre d’affaires, et de l’absence de solution équivalente.

La société Dream Objects explique que non seulement le comportement de la société Michelin a été déloyal et inapproprié en ce qu’elle n’a pas négocié des cycles de fabrication aménagés pour les années 2009 et 2010 avec notamment une diminution progressive mais significative du courant d’affaires, tout en l’invitant expressément à diversifier son activité ou à rechercher de nouveaux partenariats, mais cette dernière a brutalement imposé une rupture de la relation commerciale, tout en entretenant une attitude contradictoire, qui ne pouvait laisser à penser à la société Dream Objects qu’elle subirait à brève échéance une rupture commerciale.

Par ailleurs, la société Dream Objects démontre que depuis 1998, la société Michelin a non seulement été son premier client historique mais est toujours demeurée son client principal et prépondérant. Elle prétend qu’au cours des trois derniers exercices précédant la rupture brutale des relations commerciales en décembre 2008, son activité liée au contrat Michelin représentait en moyenne 96% de son volume d’affaires. Elle prétend de plus avoir monopolisé pendant près de 10 ans, l’ensemble de ses moyens techniques et humain au service de la seule marque Michelin.

La société Dream Objects considère que cette situation de dépendance économique et technique totale dans laquelle elle se trouvait vis-à-vis de la société Michelin était renforcée par son positionnement concurrentiel sur son marché puisqu’elle avait développé un savoir-faire spécifique à la société Michelin qui lui permettait de répondre à toute forme de demandes de produits «sur-mesure» et dû mettre en place et en ‘uvre des moyens humains et techniques spécifiques à cause de l’organisation décentralisée du groupe Michelin.

Elle soutient que sa trop forte dépendance vis-à-vis de la société Michelin l’avait privée par le passé de possibilité de se développer vers de nouveaux grands comptes, de sorte que cette dépendance ne résulte pas de son choix délibéré mais d’une incapacité pour les grands comptes auxquels son modèle économique se destinait à s’associer à elle comme partenaire, précisément en considération de sa trop forte dépendance économique à la société Michelin.

La société Dream Objects estime donc que la société Michelin a brutalement rompu leurs relations commerciales nouées depuis 10 ans, en ayant une attitude trompeuse, et que la durée de préavis ne pouvait raisonnablement être inférieure à 20 mois.

Sur l’évaluation de son préjudice, la société Dream Objects se base sur les dispositions de l’article 1149 du code civil selon lesquelles les dommages et intérêts dus à la victime, sont généralement la perte qu’il a faite et le gain dont il a été privé, étant précisé par la jurisprudence que le gain manqué est équivalent à la perte de marge brute, et la perte éprouvée correspond aux pertes d’exploitation liées aux affaires en cours ou aux investissements non amortis.

Ayant missionné le cabinet d’experts comptables et de commissaires aux comptes ABERGEL & Associés afin d’évaluer tant le principe que le quantum de son préjudice financier et sous couvert du rapport rendu par ce cabinet, la société Dream Objects sollicite la condamnation de la société Michelin à lui payer la somme de 845.369 € au titre de son préjudice économique et financier avec intérêts de droit à compter de l’assignation du 9 novembre 2009.

Estimant de plus avoir subi un préjudice d’atteinte à son image en ce que, en perdant son principal client, elle a perdu sa qualité de prestataire de premier plan, sans avoir de possibilité de pouvoir prétendre de nouveau au bénéfice d’un accès aux grands comptes pour lesquels son activité de «sur-mesure et de production spécifique» était formatée et qui lui imposaient alors de ne devoir répondre qu’à des petites commandes de produits standards, sans valeur ajoutée, la société Dream Objects évalue son préjudice à la somme de 600.000 euros.

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 29 novembre 2017 par la société MANUFACTURE FRANÇAISE DES PNEUMATIQUES Michelin tendant à voir la Cour,

confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 juin 2013 en ce qu’il a jugé que la société Dream Objects avait bénéficié d’un préavis raisonnable au regard de l’ancienneté des relations commerciales et que la société Michelin n’avait aucunement abusé de la prétendue dépendance économique dans laquelle se serait trouvée la société Dream Objects, et d’autre part infirmer ce jugement par la rectification de l’erreur qu’il contient quant à la durée effective du préavis, qui a été de quatorze mois et non de trois mois et demi, et en ce qu’il a écarté des débats, sur demande de la société Dream Objects, la pièce n°13 qu’elle a produite, récapitulant sous forme de tableau les offres des entreprises consultées.

Vu l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce,

Vu l’article 1147 du Code civil,

Vu l’article 31 du Code de procédure civile,

– déclarer la société Dream Objects tant irrecevable, faute d’intérêt légitime, que mal fondée en son appel ; l’en débouter ;

– dire et juger que les relations commerciales entre la société Dream Objects et la société MANUFACTURE FRANÇAISE DES PNEUMATIQUES Michelin n’ont débuté qu’en 2002 et qu’elles ont duré six années ;

– dire et juger que les relations contractuelles entre la société MANUFACTURE FRANÇAISE DES PNEUMATIQUES Michelin et la société Dream Objects se sont normalement poursuivies jusqu’au 31 décembre 2009 et même au-delà ;

– dire et juger que la société Dream Objects a bénéficié de ce fait d’un délai de préavis de quatorze mois, ayant été informée dès le mois d’octobre 2008, et au plus tard au début du mois de novembre 2008, du lancement de l’appel d’offres « METI » auquel elle avait été invitée, l’information faite au cocontractant du recours à la modalité de l’appel d’offres pour le choix des fournisseurs faisant courir le délai de préavis ;

– dire et juger que la cessation des relations commerciales ne peut être qualifiée de « brutale » au sens des dispositions de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, la société Dream Objects ayant bénéficié d’un préavis de quatorze mois pour des relations de six ans d’ancienneté ;

– dire et juger que la société Dream Objects ne peut prétendre avoir été placée dans une situation de dépendance économique, ayant toujours été libre de diversifier ses activités, la société MANUFACTURE FRANÇAISE DES PNEUMATIQUES Michelin n’ayant jamais imposé une quelconque exclusivité dans ses relations avec la société Dream Objects

– dire et juger que la cessation des relations commerciales et le recours à l’appel d’offres METI sont intervenus dans des conditions exemptes de déloyauté vis-à-vis de la société Dream Objects ,

– dire et juger que la société Dream Objects ne justifie en tout état de cause d’aucun préjudice réparable ;

Ce faisant,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Dream Objects de toutes ses demandes et en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a fixé le point de départ du préavis au 19 décembre 2008, date à laquelle la société MANUFACTURE FRANÇAISE DES PNEUMATIQUES Michelin a dénoncé les relations commerciales en raison de l’appel d’offres en cours, alors que le point de départ du préavis remonte au mois d’octobre 2008, et, en tout état de cause, au lancement de l’appel d’offres au début du mois de novembre 2008 ;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu par erreur que la société Dream Objects avait bénéficié d’un préavis de trois mois et demi, qui se serait achevé le 9 avril 2009, date de la transmission à la société Dream Objects de l’information selon laquelle son offre n’avait pas été retenue, dès lors que les relations commerciales se sont poursuivies jusqu’au 31 décembre 2009 et même au-delà, le successeur de Dream Objects n’ayant débuté son activité qu’au 1er janvier 2010 ;

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a écarté des débats la pièce Michelin n°13 intitulé « Réponse à l’appel d’offres METI ‘ Trademark Items RFI SYNTHESIS 18 novembre 2008 » ;

– condamner la société Dream Objects au paiement de la somme de 30.000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– la condamner en outre à tous les dépens.

Sur l’ancienneté des relations commerciales, la société Michelin considère que c’est à juste titre que le jugement du tribunal de commerce de Paris a considéré que les relations commerciales avaient débuté en 2002 et qu’elles s’étaient poursuivies pendant six ans.

Concernant la prétendue continuité des relations commerciales entre les sociétés Dakota et Michelin et Dream Objects et Michelin, la société Michelin soutient que la mention «annule et remplace » de l’article 1 du contrat du 6 octobre 2004 ne permet en aucun cas de déduire que la société se serait substituée aux droits de la société Dakota. Faisant une interprétation de la notion d’ «annulation» selon laquelle les deux parties ont consenti à la nullité des précédents contrats entre les sociétés Dakota et Michelin, la société Michelin prétend que les parties ont, par un accord de volonté, établi que la relation nouvellement nouée entre les sociétés et Michelin par le contrat du 6 octobre 2004 n’était pas un substitut de la relation commerciale précédente entre les sociétés Michelin et Dakota mais bien une relation nouvelle basée sur une convention distincte du contrat du 23 septembre 1999.

Elle ajoute que le terme « remplace » ne peut ni ne doit être considéré comme un synonyme de « se substitue à », mais tend précisément à mettre en évidence l’existence d’une reconfiguration, d’un changement vis-à-vis d’une situation ultérieure différente et ne désigne donc pas une continuité de la relation précédente nouée entre les sociétés Dakota et Michelin mais un point de rupture, de sorte que de la mention « qui annule et remplace », l’on ne peut que déduire que les parties ont, par ce contrat du 6 octobre 2004, exprimé leur claire volonté de bâtir une relation commerciale nouvelle sur un socle contractuel neuf.

Concernant l’évaluation de la durée du préavis, la société Michelin fait valoir qu’il est de principe que la durée à prendre en considération ne concerne que la relation rompue elle-même et non les relations antérieures nouées avec d’autres personnes morales, et que ce n’est que sur justification de circonstances tout à fait exceptionnelles qu’il peut être tenu compte, dans le calcul du préavis accordé à une personne morale, de la durée des relations commerciales nouées entre l’auteur de la rupture et une autre personne morale.

Ainsi, considérant que les sociétés Dakota et sont deux personnes morales différentes, non confondues, la société intimée soutient que les contrats conclus avec la société Michelin n’ont jamais été cédés à la société , que le dernier contrat conclu avec la société Dakota avait un objet différent de celui conclu avec la société , et que comme l’a retenu la Cour, le contrat du 6 octobre 2004 était bien un nouveau « contrat »,conclu avec une personne morale différente.

La société Michelin estime donc qu’aucun élément ne saurait mettre en avant l’existence effective d’une substitution réelle de la société à Dakota, de sorte que la Cour devrait confirmer que les relations commerciales entre les sociétés Michelin et ont duré six ans, de 2002 à 2008.

Sur la durée du préavis dont a bénéficié la société , la société Michelin estime qu’elle a été raisonnable et suffisante. Faisant valoir qu’il est de jurisprudence que l’information faite au cocontractant du recours à la modalité de l’appel d’offres pour le choix des fournisseurs fait courir le délai de préavis dans le cas où le cocontractant ne serait effectivement pas retenu dans le cadre de cet appel d’offres (affaire Charpentier Armen), la société intimée affirme que la société a bénéficié d’un préavis d’une durée exceptionnelle de quatorze mois si l’on se réfère aux bilans annuels publiés par la CEPC concernant les relations commerciales établies d’une durée comprise entre 5 et 10 ans, car un délai de deux à trois mois constitue, pour des relations commerciales de six ans, un préavis raisonnable au sens de l’article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce.

Sur la prétendue rupture du cycle de commercialité, la société Michelin explique que chaque année, les différentes sociétés du Groupe ou affiliées commandent une partie des objets publi-promotionnels avant le début de l’année civile, à la suite de la validation de leurs budgets prévisionnels, et les commandes initiales à la fin de l’année N -1 sont suivies d’un réassort plus que significatifs en cours d’année N.

S’opposant à l’allégation de la société selon laquelle 80% du chiffre d’affaires réalisé en année N résulterait de commandes passées en année N-1, la société Michelin fait valoir qu’après avoir isolé les factures émises par la société Dream Objects en 2008 relatives à des commandes passées au cours de l’année 2007 (comme pour les deux années précédentes), il appert que ces commandes de 2007 constituent seulement 30% du chiffre d’affaires 2008, les 70% restant correspondant aux factures des commandes passées au cours de l’année 2008.

Reprochant à la société de ne pas avoir produit les factures de l’année 2009 qui auraient montré une répartition équivalente entre l’année N-1(2008) et l’année N (2009), la société Michelin soutient que le chiffre d’affaires réalisé par la société avec la société Michelin en 2009 est comparable à ceux réalisés les trois années précédentes, et pendant les 14 mois de préavis, la société a eu tout le temps nécessaire pour rechercher de nouveaux clients ou débouchés, son échec ne pouvant en aucun cas être imputé à la société Michelin.

Sur la prétendue situation de dépendance économique alléguée par la société , la société Michelin réplique que cette allégation est dénuée d’un quelconque fondement, et que cette prétendue situation n’a résulté que de la propre volonté de la société . Rappelant que le tribunal a relevé que « Michelin n’imposait aucune exclusivité à Dream Objects , ce qui n’est pas contesté » et que le conseil de la concurrence a posé comme principe que l’état de dépendance économique implique «l’impossibilité dans laquelle se trouve une entreprise de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées », la société Michelin soutient que la société a toujours disposé de la faculté de trouver de nombreux autres partenaires en étendant ou en diversifiant son offre.

Elle ajoute que de telles allégations sont d’autant plus infondées que la société publie sur son site la liste de ses clients dont la plupart sont de grandes marques à renommée internationales La société Michelin reproche à la société de n’avoir pas cherché à se diversifier qu’en 2006 et 2007 mais pas en 2008 et encore moins en 2009, alors qu’elle était en pleine exécution de son préavis, et estime que les trois refus émanant des sociétés SOCIETE GENERALE, VEOLIA et AIRBUS en 2006, 2007et 2008 ne sauraient constituer une poursuite constante d’efforts de prospection.

La société Michelin considère donc que la société n’a jamais été dans un état de dépendance économique vis-à-vis d’elle car elle disposait de toute la latitude pour décrocher de nouveaux contrats avec d’autres clients, que cette dernière a volontairement choisi de se placer dans cette prétendue situation et expose que s’il est vrai que la jurisprudence peut prendre en compte, dans des situations exceptionnelles, l’état de dépendance économique du distributeur ou du sous-traitant, pour déterminer la durée du « préavis raisonnable », tel n’est pas le cas lorsque la situation de dépendance résulte de la seule volonté du cocontractant qui subit la rupture. La société intimée estime donc que la rupture n’a pas été brutale, que le préavis de 14 mois qui a été accordé à la société était largement suffisant pour lui permettre de retrouver une activité, ce qu’elle a choisi de ne pas faire, de sorte qu’elle ne saurait se prévaloir d’un préavis raisonnable plus long tenant compte de son prétendu état de dépendance.

Sur son prétendu comportement contradictoire et déloyal qui aurait aggravé le caractère brutal de la rupture, la société Michelin oppose tout d’abord que la seule évocation d’une sollicitation prochaine ne pourrait être raisonnablement interprétée comme la désignation d’office de la société dans l’élaboration du catalogue européen. Ensuite, elle fait remarquer qu’elle n’avait aucune obligation de rompre les relations commerciales préalablement au lancement de l’appel d’offres METI puisqu’en application de la jurisprudence précitée, c’est précisément l’annonce du lancement de l’appel d’offres qui fait courir le délai de préavis. La société , lorsqu’elle a eu connaissance du lancement de l’appel d’offres METI, ne pouvait donc qu’avoir conscience que ses relations commerciales avec la société Michelin étaient devenues précaires.

Déplorant que la synthèse des réponses à l’appel d’offres METI versée aux débats par la société Michelin ait été écartée des débats en première instance, cette dernière démontre de plus que les termes de la réponse de la société Dream Objects à l’appel d’offres ont suffi à la déterminer dans sa sélection, et que la société ne saurait alléguer avoir été disqualifiée d’office car elle a été retenue parmi les derniers candidats. La société Michelin estime donc que son comportement n’a en aucun cas été déloyal ni contradictoire, qu’aucune obligation légale n’impose à l’auteur de la rupture de veiller à la reconversion de son cocontractant, et que la rupture ne saurait être qualifiée de brutale compte tenu du préavis d’une durée exceptionnelle accordé.

Enfin, sur le préjudice allégué par la société , la société Michelin oppose que les demandes de la société ne correspondent pas à un préjudice réparable.

Rappelant tout d’abord que les dispositions de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce et la jurisprudence cantonnent le préjudice à la seule réparation du dommage effectivement lié à la brutalité de la rupture et non celui engendré par la rupture elle-même, et soulignant que la société sollicite un préavis raisonnable de 20 mois pour une relation de 6 ans, la société Michelin expose que la société Dream Objects réclame en réalité près de trois années de marge brute, dès lors qu’elle fait abstraction du chiffre d’affaires et de la marge brute qu’elle a réalisés entre le mois de novembre 2008 et le 31 décembre 2009, lesquelles s’ajouteraient à la demande dont elle a saisi le Tribunal et saisit la Cour.

La société Michelin estime que le cabinet ABERGEL a de manière erronée évalué le préjudice de la société et prétend que l’objectif de cette dernière est de compenser la perte de son contrat en cumulant sa prétendue perte de marge brute avec celle de la valeur de son fonds de commerce et son prétendu préjudice de « désorganisation de l’activité, alors qu’il est de jurisprudence que la perte d’un contrat n’est pas réparable.

La société Michelin ajoute qu’après avoir bénéficié d’une durée de préavis exceptionnelle, au regard de la jurisprudence en la matière, de 14 mois et compte tenu des chiffres qu’elle a réalisés jusqu’au 31 décembre 2009 et des perspectives annoncées par son Président d’un nouvel exercice 2010 bénéficiaire, la société Dream Objects n’a subi aucun préjudice quelconque du fait de la cessation de ses relations avec Michelin puisque cette cessation est intervenue dans des circonstances exemptes de « brutalité », et ne justifie donc d’aucun préjudice réparable.

L’ ordonnance de clôture a été révoquée d’accord des parties avant ouverture des débats et une nouvelle clôture fixée par mention au dossier, avis étant verbalement donné aux conseils des parties.

MOTIFS

La Cour renvoie, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

1. Sur la fin de non-recevoir tenant à l’absence d’intérêt légitime :

Aucun moyen n’est soutenu de ce chef de sorte que la demande est rejetée.

2 . Sur l’ancienneté des relations commerciales :

Par arrêt du 26 avril 2017 la Cour de Cassation a cassé en toutes ses dispositions l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 décembre 2015 en ces termes :

‘Vu l’article L. 442-6, I, 5 du code de commerce ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Dream, l’arrêt relève que le contrat rompu a été signé le 6 octobre 2004 et que, si ce contrat vise, en son article 1er, de précédents contrats conclus les 23 septembre 1999 et 6 juillet 2001 entre les sociétés Dakota et Michelin

qu’il « annule et remplace », la société Dream, immatriculée en novembre 2001, ne rapporte pas la preuve qu’elle est venue aux droits de la société Dakota ; qu’il relève encore que l’historique publié au greffe du tribunal de commerce de Marseille des inscriptions modificatives survenues, entre le 6 novembre 1995 et le 22 novembre 2006, relatives à la société Dakota ne comporte aucune mention relative à un apport d’actif ou à une cession de fonds de commerce entre la société Dakota et la société Dream et que le contrat du 6 octobre 2004 ne fait état d’aucune cession de contrat conclu par la société Dakota ; qu’il retient que ce contrat est, par conséquent, un nouveau contrat, conclu avec une personne morale nouvellement créée et distincte de la société Dakota, et en déduit que le préavis de trois mois et demi dont a bénéficié la société Dream de la part de la société Michelin est suffisant, la relation commerciale entre les parties n’étant établie qu’à compter du 6 octobre 2004 ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher s’il ne résultait pas de la mention figurant dans le contrat du 6 octobre 2004, selon laquelle ce contrat annulait et remplaçait les précédents contrats conclus les 23 septembre 1999 et 6 juillet 2001 entre les sociétés Dakota et Michelin,

que la relation initialement nouée entre ces deux sociétés s’était poursuivie entre les sociétés Dream et Michelin, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;’

Pour apporter une réponse au défaut de recherche sanctionné, la société Dream soutient que la relation initiale a été initiée en 1998 avec [Y] [L] et s’est poursuivie entre le Groupe Dakota et Michelin selon contrat du 23 septembre 1999, puis avec la société créée en 2001 et Michelin selon contrat du 6 octobre 2004, les deux contrats ayant le même objet.

La société Michelin maintient que la société Dream ne vient pas aux droits de la société Dakota et que le contrat conclu le 6 octobre 2004 est un nouveau contrat conclu avec une personne nouvellement créée et distincte et que dès lors le préavis délivré à compter du mois d’ octobre 2008 pour 2010 soit d’une durée de 14 mois est suffisant.

Aux termes de l’arrêt de cassation, c’est la relation initialement nouée entre les sociétés Dakota et Michelin qui doit retenir l’attention de la cour pour qu’il soit jugé si cette relation s’est poursuivie entre les sociétés parties à l’instance.

En effet, si l’intimée fait référence à une jurisprudence de la Cour de Cassation ( Com. 7 octobre 2014 n° 13-20.390) aux termes de laquelle ‘ une relation commerciale établie s’entend d’échanges commerciaux conclus directement entre les parties’ la recherche préconisée par l’arrêt du 26 avril 2017 est celle d’une recherche sur la poursuite entre Dream et Michelin de la relation initialement nouée entre Dakota et Michelin, intéressant l’objet de la relation commerciale établie, conformément aux dispositions textuelles de l’article L. 442-6 I. 5° du Code de commerce.

L’objet du contrat du 23 septembre 1999 est ‘la fourniture par Dakota pour les marques Michelin, BF GOODRICH, RIKEN d’une part, de tous les articles définis en Annexe 1, dont les caractéristiques figurent dans le catalogue visé dans le préambule, d’autre part, d’articles spécifiques qui seront à fournir pour des opérations ponctuelles.

La liste des articles définis en annexe 1 est susceptible d’être modifiée par Michelin.

Les Parties conviennent que Dakota devra fournir tous ces articles en respectant les conditions ci-après définies. La fourniture des articles contractuels (dans et hors catalogue) implique de la part de Dakota, un certain nombre de prestations :

1.1 – Pour la fourniture des articles listés en Annexe 1:…

1.2- Pour la fourniture des articles spécifiques

Les Parties conviennent que les commandes relatives à ces articles feront l’objet, d’une négociation spécifique et, de la fourniture d’un prototype qui devra être accepté par Michelin. Les livraisons seront effectuées directement chez le client.’

L’objet du contrat du 6 octobre 2004 est ‘la fourniture par pour les marques Michelin BF GOODRICH KORMORAN, TAURUS KLEBER d’une part, de tous les articles définis en Annexe 1, dont les caractéristiques figurent dans le catalogue visé dans le préambule, d’autre part, d’articles spécifiques qui seront à fournir pour des opérations ponctuelles ainsi que la vente en ligne desdits articles aux sociétés du Groupe Michelin qui lui passeront commande.

La liste des articles définie en annexe 1 est susceptible d’être modifiée par Michelin.

Les Parties conviennent que devra fournir tous les articles du catalogue en ligne en respectant les conditions ci-après définies. La fourniture des articles contractuels (dans et hors catalogue) implique de la part de , un certain nombre de prestations:

1.1 – Pour la fourniture des articles contractuels :

1.2- Pour la fourniture des articles spécifiques

Les Parties conviennent que les commandes relatives à ces articles feront l’objet, d’une négociation spécifique et, de la fourniture d’un prototype qui devra être accepté par Michelin. Les livraisons seront effectuées directement chez le client.’

L’appelante établit que l’objet des contrats conclus en 1999 avec Dakota et en 2004 avec Dream, consistant en la fourniture aux sociétés Michelin et apparentées d’objets publi-promotionnels est identique, contrairement à ce que conclut Michelin qui n’administre pas la preuve contraire.

Dès lors cette identité d’objet conduit à juger que la relation initialement nouée entre Dakota et Michelin s’est poursuivie au moyen du contrat signé le 6 octobre 2004 entre Dream et Michelin.

Il s’ensuit que le moyen soutenu par l’intimée que le contrat conclu le 6 octobre 2004 est un nouveau contrat, que la mention « annule et remplace » traduit une volonté des parties d’exprimer une claire volonté de bâtir une relation commerciale nouvelle sur un socle contractuel neuf pour fonder le rejet de la poursuite d’une relation est rejeté.

De même est écarté le moyen tenant à ce que le contrat a été conclu avec une personne nouvellement créée et distincte, que la mention « annule et remplace » ne peut avoir effet qu’entre les mêmes parties à l’acte, que la société Dream n’est jamais venue aux droits de la société Dakota.

La société Dream n’établissant pas par la production d’un contrat d’agent commercial entre Dream et la société ITC représentée par Monsieur [Y] [L], insuffisante elle-même à caractériser des relations entre Michelin et Dakota, que la relation s’est nouée avant le contrat du 23 septembre 1999, la date de commencement des relations commerciales établies doit être fixée à la date de conclusion de ce contrat.

La durée du préavis :

Pour faire valoir un préavis suffisant dont a bénéficié Dream, Michelin soutient que Dream Objects, informée dès le mois d’octobre 2008 du lancement de l’appel d’offres a bénéficié d’un préavis de plus de quatorze mois, les relations s’étant poursuivies jusqu’à la fin du mois de décembre 2009, et même au-delà, ce qui est attesté dit elle, par le fait que son chiffre d’affaires 2009 est équivalent à ceux des années précédentes et que la société n’a pas été remplacée avant 2010.

En communicant à Dream courant novembre 2008, et non octobre 2008 à défaut d’en justifier, sa décision de recourir à un appel d’offres, Michelin a manifesté son intention de ne pas poursuivre les relations commerciales aux conditions antérieures et a fait courir le délai de préavis.

En l’absence de préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, cette rupture encourt la sanction d’une brutalité.

De la lettre recommandée du 19 décembre 2008 qui confirme la fin du contrat avec Dream dans les jours suivant la notification du résultat de l’appel d’offres , en l’espèce le mois d’avril 2009 il peut être déduit que le préavis accordé par Michelin a couru à compter de novembre 2008 jusqu’au mois d’avril suivant.

Cette lettre mentionnant expressément la signature d’un nouveau contrat entre la société Michelin et le prestataire retenu à l’issue de l’appel d’offres, rend vaine la prétention de Michelin d’un préavis d’une durée de quatorze mois jusqu’au 31 décembre 2009 aux motifs que, au cours de cette période Michelin a continué de se fournir auprès de Dream.

Il est en effet amplement établi par Dream que les prestations publicitaires sont réalisées dans le cadre d’une collection et que le report d’une année pour des commandes passées en 2008 pour des livraisons à intervenir tout au long de l’année 2009, ainsi qu’il résulte du mail de rappel de Dream le 16 octobre 2008 pour des commandes groupées, annuelles, passées au plus tard le 21 octobre 2008, n’est pas contraire à une fin des relations contractuelles, décidée par Michelin par la mise en oeuvre d’une procédure d’appel d’offre initiée en novembre 2008.

La signature du contrat avec le fournisseur retenu en avril 2009 a ouvert un nouveau cycle de fabrication et mis fin au préavis.

Le commencement d’activité du nouveau fournisseur pour Michelin, est établie par divers documents émanant de l’intimée ainsi une télécopie du 4 mai 2009 informant que le nouveau fournisseur procurera ‘une prestation complète et interactive à compter du juillet 2009″, un courriel du nouveau fournisseur dès le 1ER octobre 2009 au client Groupe Michelin sur le mode d’emploi de la plate-forme pour passer les commandes, une circulaire interne à Michelin du 9 novembre 2009 mentionnant que le nouveau fournisseur intervient pour le service auparavant fourni par Dream Objects.

La contestation de l’attestation [Y] dont il n’est pas pour autant sollicité le rejet, pour soutenir que Dream a bénéficié d’un préavis de quatorze mois, décrivant les sollicitations du nouveau fournisseur Brand Addition au printemps 2009 pour voir fabriquer des objets publicitaires Michelin à partir des moules fabriqués pour la société Dream et la réception de la circulaire du 9 novembre 2009 ensuite communiquée par ses soins à Dream, est tout aussi vaine.

L’ensemble de ces éléments conduit au contraire à confirmer que dès la signature du contrat en avril 2009 le nouveau fournisseur a entrepris la réalisation d’un nouveau cycle de production pour opérer des livraisons à compter de 2010.

Il s’ensuit que le préavis effectivement donné à Dream est d’une durée de cinq mois à compter de novembre 2008 jusqu’au mois d’avril 2009.

Compte tenu de la spécificité de l’activité exercée consistant en la fourniture d’objets publi-promotionnels pour la société Michelin et les sociétés apparentées par cycle de production, le préavis de cinq mois pour une relation commerciale établie de près de dix ans est insuffisant.

Le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.

3. Sur le montant des dommages intérêts :

L’appelant ne peut valablement soutenir une dépendance économique imputable à Michelin à raison du montant du chiffre d’affaires réalisé avec cette entreprise alors d’une part qu’aucune clause d’exclusivité n’est stipulée entre les parties, d’autre part qu’il appartient au prestataire de maintenir une clientèle autre que Michelin pour ne pas compromettre l’équilibre de l’entreprise, les productions de Dream en particulier la réponse à l’appel d’offre, mentionnant un certain nombre d’autres clients pour lesquels elle fournit ses prestations, cette société n’établissant pas dès lors une impossibilité de fournir ses prestations à d’autres sociétés.

La circonstance que Dream a pu sauvegarder partie de son chiffre d’affaires ou opérer une distribution de dividendes n’entraîne pas une limitation de la responsabilité de Michelin dans la brutalité de la rupture.

En effet, seule l’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou le cas de force majeure autorisent la faculté de résiliation sans préavis exonératoire de dommages intérêts , que Michelin ne soutient pas.

La durée des relations commerciales établies de près de dix années , la spécificité de l’activité et le chiffre d’affaires réalisés, conduisent à retenir un préavis d’une durée de douze mois que Michelin devait accorder à la société Dream soit l’indemnisation de sept mois compte-tenu des cinq mois laissés à Dream à compter de novembre 2008.

Au vu des éléments produits , le chiffre d’affaires avec Michelin s’établit à :

– 2.608 K€ en 2006,

– 2.478 K€ en 2007,

– 2.815 K€ en 2009,

soit une moyenne de 2.634 K€ annuel.

La perte de marge brute est exprimée par l’appelante en économies de charges diminuée des autres charges variables économisées, et fait apparaître un taux de marge brute avoisinant 70 % valablement retenu.

La perte de marge brute est calculée par Dream à 1.290.814 euros pour 16, 4 mois d’insuffisance de préavis réclamé, arrondi à 16 mois, les autres charges à déduire de 445.445 euros soit une perte de marge variable de 845.369 euros sur 16 mois arrondis à 845.370 euros.

Dès lors le préjudice indemnisable s’élève pour sept mois de préavis à la somme de 369.849,37 euros au montant duquel la société Michelin est condamnée.

Par application de l’article 1153-1du Code civil ancien l’intérêt au taux légal court à compter de la présente décision.

Conformément à la demande il est fait application des dispositions de l’article 1154 du Code civil ancien aux termes duquel les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts pourvu que il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière.

4. Autres demandes :

L’appelante soutient avoir subi un préjudice d’image qui l’ont privée de tout accès aux grands comptes, lui imposant de ne voir répondre qu’à des petites commandes de produits standards, sans valeur ajoutée, dont elle demande l’indemnisation à hauteur de 600.000 euros.

Pour autant elle ne justifie d’aucun élément comptable ou commercial au soutien d’une telle demande de sorte que celle-ci encourt le rejet.

PAR CES MOTIFS ;

La Cour,

REJETTE la fin de non-recevoir tenant à l’absence d’intérêt légitime de la société Dream Object pour agir ;

INFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société MANUFACTURE FRANÇAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN à payer à la société Dream Objects la somme de 369.849,37 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision;

DIT que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts pourvu que il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière;

DÉBOUTE la société Dream Objects de la demande en dommages intérêts au titre d’un préjudice d’image ;

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la société MANUFACTURE FRANÇAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN à payer à la société Dream Objects la somme de 20.000 euros ;

Rejette toute demande autre ou plus ample ;

CONDAMNE la société MANUFACTURE FRANÇAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN aux entiers dépens recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le Président

 


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