Dépendance économique : 11 juillet 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 15-24.601

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Dépendance économique : 11 juillet 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 15-24.601

SOC.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 juillet 2018

Rejet

Mme GOASGUEN , conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1133 F-D

Pourvoi n° A 15-24.601

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ M. Emmanuel Y…, domicilié […] ,

2°/ Mme Caroline Z…, domiciliée […] ,

contre l’arrêt rendu le 30 juin 2015 par la cour d’appel d’Angers (chambre sociale), dans le litige les opposant à la société B and B hôtels, dont le siège est […] , venant aux droits de la société Galaxie,

défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 13 juin 2018, où étaient présents : Mme Goasguen , conseiller doyen faisant fonction de président, M. Schamber, conseiller rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Schamber, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. Y… et de Mme Z…, de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société B and B hôtels, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Angers, 30 juin 2015) que la société Galaxie, aux droits de laquelle vient la société B & B hôtels, a conclu avec la société EPCL, constituée à cette fin entre M. Y… et Mme Z…, un « contrat de gérance-mandat », à laquelle a ainsi été confiée l’exploitation d’un hôtel situé à Quimper ; que les consorts Y… Z… ont saisi la juridiction prud’homale pour voir constater l’existence de contrats de travail ; qu’après avoir fait droit à cette demande par décision devenue irrévocable, la cour d’appel a fixé, par arrêt également devenu irrévocable de ces chefs, les principes de détermination des créances salariales des intéressés, dit qu’il y aura lieu d’en déduire le montant des commissions versées à la société EPCL, après déduction des charges d’exploitation, et ordonné une expertise pour rechercher les éléments nécessaires à l’établissement des comptes entre les parties ; qu’après dépôt du rapport d’expertise, les salariés ont été déboutés de leur demande de rappel de salaire et de leurs demandes liées à la rupture des contrats de travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les salariés font grief à l’arrêt de rejeter leur demande d’annulation du rapport d’expertise et de les débouter de leurs demandes de rappel de salaire, de dommages-intérêts pour défaut de paiement de salaire pour heures de travail de jour, de dommages-intérêts pour repos compensateur non pris et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial ; que le droit à un procès équitable exige que l’expert judiciaire soit indépendant des parties et impartial ; que l’exigence d’impartialité à laquelle l’expert est tenu, doit être appréciée objectivement, c’est à dire en recherchant si les apparences sont ou non de nature à susciter un soupçon légitime de partialité ; que l’arrêt a constaté que le cabinet H… F… I… , dont M. B… est un membre associé, est l’un des commissaires aux comptes titulaires de la société Paris Orléans, que M. Didier B… a été désigné commissaire aux comptes suppléant de cette même société en septembre 2009 et commissaire aux comptes de la société Foncière Euris dont le directeur général, M. C…, est, avec M. D…, un des gérants du groupe Carlyle, un fonds d’investissement américain propriétaire de B&B et actionnaire de Paris Orléans, membre par ailleurs du conseil d’administration du groupe Mercialys et de la société Finatis dont le PDG est membre du conseil d’administration de la société Foncière Euris et que l’un des fonds d’investissement conseillé par Carlyle est actionnaire dans le capital de la société Altice ; qu’en s’abstenant de rechercher si, eu égard à leur nature, à leur intensité, à leur date et à leur durée, les relations directes ou indirectes entre M. B… et la société B & B ne sont pas de nature à susciter un doute sur son impartialité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu’ayant constaté que les relations indirectes avec un actionnaire de la société B & B hôtels, nées du seul exercice par l’expert de son activité institutionnelle de commissaire aux comptes, étaient lointaines et ténues, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel a décidé que les salariés ne démontraient pas l’existence d’éléments permettant de douter de l’impartialité de l’expert ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les salariés font grief à l’arrêt de les débouter de leurs demandes de rappel de salaire , de dommages-intérêts pour défaut de paiement de salaire pour heures de travail de jour et de dommages-intérêts pour repos compensateur non pris alors, selon le moyen :

1°/ que la preuve des heures de travail effectuées par le salarié n’incombe spécialement à aucune des parties de sorte que le juge ne peut, pour rejeter une demande reposant sur l’accomplissement d’heures supplémentaires, se fonder exclusivement sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu’en appréciant l’existence d’heures supplémentaires au regard des seuls éléments de preuve communiqués par les salariés à l’expert judiciaire, lesquels étayaient leurs demandes, sans procéder à un quelconque examen des éléments relatifs aux horaires effectivement réalisés qu’il incombait à l’employeur de lui fournir, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur les seuls salariés, a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ qu’il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail que le salarié ayant pour seule obligation d’étayer sa demande par des éléments suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre, la charge de la preuve de la réalité des heures de travail qu’il invoque ne lui incombe pas ; que dans leurs conclusions, M. Y… et Mme Z…, critiquant les conclusions du rapport d’expertise, ont soutenu qu’au vu de l’organisation imposée par la société Galaxie aux gérants, qui précise que les horaires applicables en semaine sont de 6h30 à 11h et de 17h à 21h30, et le week-end de 7h00 à 21h30 heures durant lesquelles leur présence est indispensable, ils effectuaient respectivement 15,5 heures et 14,50 heures de travail par jour, soit 106,50 heures par semaine ; qu’il y a lieu d’ajouter à cette durée hebdomadaire 1h30 de travail pour la mise en place du petit déjeuner chaque matin et 2 heures de travail pour effectuer les tâches que les employées de l’entretien n’avaient pas le temps d’effectuer (nettoyage des moquettes des chambres, des rideaux, des brûlures de moquette, du mobilier, des vitres, des différentes traces sur les murs, changement des ampoules, des piles de télécommandes, etc.), ce travail ne pouvant se faire qu’en l’absence des clients, soit entre 11 heures et 17 heures ; qu’ils en ont déduit qu’ils effectuaient 131 heures de travail par semaine au sein de l’hôtel ; que l’expert a conclu qu’ils n’effectuaient aucune heure supplémentaire, sans apporter aucun élément sinon de considérer qu’ils avaient recours à du personnel salarié et à de la sous-traitance ; que cependant, compte tenu des nombreuses obligations qui leur étaient imposées, il leur était impossible de ne pas avoir recours à des salariés pour effectuer certaines prestations tout en accomplissant de nombreuses heures supplémentaires ; qu’en s’abstenant de rechercher si, comme il leur était demandé, le personnel qui avait été engagé était suffisant pour permettre à M. Y… et Mme Z… d’accomplir l’ensemble des obligations mises à leur charge sans être tenus d’effectuer des heures supplémentaires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3171-4 du code du travail ;

3°/ qu’il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail que le salarié ayant pour seule obligation d’étayer sa demande par des éléments suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre, la charge de la preuve de la réalité des heures de travail qu’il invoque ne lui incombe pas ; que M. Y… et Mme Z… avaient produit le contrat de gérance mandat dont l’article 2.3 énonce les principales missions du mandataire-gérant parmi lesquelles l’ouverture de l’hôtel à la clientèle 365 (ou 366) jours par an ; qu’en retenant qu’ils ne produisent pas d’élément de nature à étayer le fait qu’ils auraient effectivement travaillé tous les 1er mai et pendant les jours fériés tandis qu’il incombait à l’employeur d’établir qu’ils n’ont pas travaillé ces jours, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;

 


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